Aux origines de la Spiritualité : la notion de transcendance au Paléolithique

Aux origines de la Spiritualité : la notion de transcendance au Paléolithique

L’anthropologie 109 (2005) 723–741 http://france.elsevier.com/direct/ANTHRO/ Article original Aux origines de la Spiritualité : la notion de transce...

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L’anthropologie 109 (2005) 723–741 http://france.elsevier.com/direct/ANTHRO/

Article original

Aux origines de la Spiritualité : la notion de transcendance au Paléolithique At the source of the spirituality and the transcendence notion Anne-Catherine Welté a,*, Georges-Noël Lambert b a

8, rue de l’Echarpe, 31000 Toulouse, France b 12, rue Haute, 39570 Conliège, France Disponible sur internet le 23 novembre 2005

Résumé Dans une première étude nous avons présenté les manifestations de la spiritualité dans l’art du Paléolithique supérieur (Welté et Lambert, 2004). Nous avons proposé une grille d’analyse utilisée comme fil conducteur d’une démarche intellectuelle. Nous avons distingué rationalité et métaphysique, notions dont le rapport dialectique permet d’exposer le plus rationnellement possible la dynamique entre nécessité (quotidien), pensée, action et évolution des Paléolithiques. Maintenant, nous proposons l’idée que les capacités d’abstraction révélées par les activités à but non immédiatement matériels — sépultures, dépôts d’outils et d’animaux qui leur sont associés, manifestations artistiques — existent avant le début du Paléolithique supérieur. Nous en déduisons qu’un jeu d’interactions privilégiées entre l’homme et l’animal est apparu précocement dans la pensée de l’homme, avant le paléolithique supérieur. Un univers métaphysique s’est imposé comme un « anti-monde » inséparable et symétrique du monde réel et palpable. Dans un tel contexte, les complexes sociaux ne pouvaient pas faire abstraction de cette dualité. © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés. * Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (A.-C. Welté).

0003-5521/$ - see front matter © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.anthro.2005.09.008

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Abstract In a previous note we presented the expression of the late paleolithic spirituality (Welté and Lambert, 2004). A special analytic grid was used as a possible tool for a demonstration. We separeted rationality from metaphysic; notions which are linked with dialectic relations between necessity (daily constraints), thought, action and evolution in the paleolithic period. Starting from the no direct material activities like burials, funeral materials and art, we purpose now that such notions existed before the upper Paleolithic. We infer that a privilegious set of interactions between the animal and the human appeared early in the thought of the people, before the upper Paleolithic. A metaphysic univers forced itself upon them as an evident “anti-world” which is the symmetric shape of the real and tangible world. In such a context, the social system(s) could not discard these duality. © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Croyance ; Animal ; Sépulture ; Art paléolithique ; Outil ; Société Keywords: Belief; Animal; Burial; Paleolithic art; Tool; Society

1. Introduction Le phénomène religieux est reconnu par les ethnologues et les philosophes comme une des composantes universelles de l’esprit humain (Jung, 1977 ; Vallet, 2003). Il suppose l’existence d’un monde non matériel, et sacré. Si nous pouvons « espérer mettre au jour des témoins de la structuration fondamentale du comportement…, le dogme, le culte, le rituel, les techniques de la magie restent inaccessibles » (Leroi-Gourhan, 1972). La spiritualité au sens large recouvre trois composantes complémentaires : le savoir, les croyances et les exercices qui concernent leur mise en œuvre. Dans un travail récent (Welté et Lambert, 2004), nous avons abordé la question de la Spiritualité au Paléolithique supérieur et nous avons proposé une grille d’analyse (Fig. 1). En effet, l’individu et la société (le groupe) ont été amenés à se forger une conception des mystères de la vie plus ou moins élaborée, car ils se trouvent confrontés à de nombreuses énigmes : ● l’apparition de la vie et sa disparition, en particulier par la mort (l’arrêt des mouvements, de la parole et de la conscience, etc.) ; ● les forces de la nature, l’alternance des saisons, l’alternance du jour et de la nuit, le déchaînement des éléments, le feu… ; ● la variété des formes de vie végétale et animale ; ● les anomalies physiques ou psychiques des congénères humains : le nanisme, le regard étrange, l’hydrocéphalie, le tempérament névrotique ou psychotique et, aussi, les maladies à symptômes spectaculaires ; ● ainsi que l’intuition chez des individus jouissant d’un pouvoir de prédiction, ou de chance extraordinaire et la pulsion de création, qualités participant à ce que nous appelons le don.

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Fig. 1. Rationalité et métaphysique : un jeu social et dynamique entre pensée, action et évolution. Fig. 1. Rationality and metaphysic: a social and dynamic match between thought, action and evolution.

Devant cette irruption du désordre dans la vie quotidienne, l’homme est tenté par compensation et/ou désir de maîtriser son destin d’instaurer un ordre. Cet ordre le transcende, et doit être réalisé, entretenu, actualisé au travers de règles. Certaines pratiques deviennent donc indispensables au groupe comme à l’individu. Elles permettent à chacun d’exister dans et hors du groupe, dont elles renforcent la cohésion et la sécurité existentielle. Ces règles reposent sur une construction de représentations (idoles, naturelles et/ou fabriquées),

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de raisonnements (métaphysiques et théogonies), et d’élaboration de stratégies (rituels individuels et collectifs). Ces derniers impliquent un comportement social collectif, à caractère répétitif, dont l’efficacité est extra-empirique, et engagent les sociétés dans des coutumes stéréotypées reliant l’homme et le surnaturel. Ceci nous a amenés à réaliser l’image élémentaire d’un processus logique qui conduit de la perception de besoins biologiques et psychiques aux actions idoines via d’abord une formulation différenciée puis une organisation supposée du monde et, enfin, une vérification plus ou moins empirique. Nous aboutissons à une liste de 65 thèmes fondamentaux qui apparaissent, d’une façon ou d’une autre dans toutes les sociétés dont nous connaissons la métaphysique, qu’elles soient itinérantes ou sédentaires. Et chacun de ces thèmes a été illustré par ce que nous connaissons des vestiges artistiques du Paléolithique supérieur. Toutefois, les capacités d’abstraction sous-tendues par ces activités à but non immédiatement matériel peuvent être décelées à des périodes bien plus anciennes. Car l’infinie diversité des formes et des perceptions frappe l’esprit humain. L’homme regarde, s’interroge, veut

Fig. 2. Rationalité et métaphysique : schéma de recherche. Fig. 2. Rationality and metaphysic: global researching diagram.

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comprendre les raisons du mouvement, la logique de la vie et de la mort (Fig. 2). En même temps, il a dû prendre conscience à la fois de son impuissance relative par rapport aux forces environnantes qui le dépassent, mais aussi de ses capacités à intervenir sur son environnement. Comme le souligne Coppens (2003 : p. 8), une des manières de se rendre compte de l’accession de la matière vivante à la matière pensante est « la découverte d’objets dont la forme a été artificiellement changée : c’est la première fois qu’un être vivant capable d’appréhender la forme d’un objet a l’audace de taper dessus avec un autre pour le transformer à son profit » et il en conclut : « le dessin, (en deux ou trois dimensions) est aussi vieux que la conscience ». Dans ce travail, nous allons tenter d’explorer d’autres pistes à la recherche de quelques indices, en partant des rituels funéraires très anciens et en développant la relation homme–animal. 2. Sépultures et dépôts funéraires Chaque situation nouvelle, chaque difficulté non résolue peuvent avoir une action stimulante pour l’esprit. C’est le cas de la mort, accident majeur de l’existence, car chacun est concerné par la fin de la vie, pour lui-même ou pour ses proches. En quoi consiste la mort, et donc la vie ? Pourquoi subitement le silence, l’absence de réaction chez son semblable ? Que devient celui/celle qui étaient éveillés il y a quelques instants ? Et donc, de manière plus générale, que devient-on après l’arrêt de la vie ? Les manifestations funéraires sont révélatrices de cette prise de conscience de l’homme qui se préoccupe de sa mort et de son devenir, et répondent à des nécessités conceptuelles. En l’état actuel de nos connaissances et en ce qui concerne notre zone géographique (l’Europe et le Proche-Orient), des indices probants d’une certaine spiritualité liée à la mort peuvent être retrouvés dans les premières tombes et les dépôts qui les accompagnent. Les premières sépultures assurées sont moustériennes et concernent les deux types humains qui coexistaient au Levant, autour de 100 000 ans : une population de morphologie moderne et une population de type néandertalienne. Leurs restes en connexion anatomique ainsi que leur position particulière qui révélaient l’inhumation en fosse, mettent en évidence la prise de conscience de soi, l’interrogation métaphysique de son devenir personnel ou de celui d’un proche. Au Mont Carmel, la grotte de Mougharet et Tabun (âge moyen 94 500 ± 13 500 BP, Defleur, 1993 : p. 123) a livré un squelette néandertalien, « dont la position du crâne reposant sur la base et la situation de la mandibule enfoncée dans la poitrine semble montrer que [la fosse] devait exister » (Defleur, 1993 : p. 121). Toujours au Mont Carmel la grotte de Skhul (datations entre 81 000 ± 15 000 BP et 101 000 ± 18 000 BP, ou 119 000 ± 818 000 BP, Defleur, 1993 : p. 136), et au Djebel Qafzeh la grotte de Wadi el Hadj (âge moyen 92 000 ± 5000 BP, Defleur, 1993 : p. 151), d’une ancienneté comparable (Defleur, 1993), ont livré des squelettes d’hommes anatomiquement modernes. Cette inhumation intentionnelle peut d’abord être considérée comme la réparation d’un désordre subit, infligé au groupe. Le fait de déposer le mort dans une fosse peut également indiquer une mise à l’abri, la recherche de la protection du cadavre, ainsi qu’une certaine volonté d’isolement (respect, crainte…). En tout cas, la fosse dénote la volonté de protection et de durée : les cadavres qu’elle reçoit ne peuvent (ne doivent ?) pas être considérés ni comme de la « viande » ni comme une « chose » ni comme un squelette objectivé (Bataille, 1973) : le cadavre n’est pas une chose et il doit être « protégé de tout contact ». Le cannibalisme,

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potentiel au Paléolithique (Vialou, 2004), doit être considéré, comme le suggère Bachelard, non pas comme une consommation ordinaire, mais comme un acte rituel, accès à « une des patries de la mort ». Au Paléolithique supérieur, la présence de la fosse, souvent difficile à démontrer est plus fréquente en Europe orientale (Soungir II, Predmost, Dolni Vestonice) qu’en Europe occidentale ; mais elle peut s’accompagner d’aménagements plus ou moins élaborés (ainsi qu’à Saint-Germain-la-Rivière). Si ces pratiques attestent bien que l’homme se soucie de sa mort et de son devenir après celle-ci, les dépôts qui l’accompagnent : outils, fragments animaux, ne laissent pas que de nous interroger. Quel peut être le sens de ces dépôts qui relèvent du rituel, en raison de leur répétition ? L’existence d’outils près du défunt paraît inutile après la cessation de la vie : toutefois leur présence est fréquente dans les tombes. Le sujet anatomiquement moderne Skhul 5 avait entre ses mains un racloir de silex « qui, bien que n’étant pas d’un travail particulièrement soigné était le seul objet qui aurait pu être déposé intentionnellement » (Defleur, 1993 : 258). Cette pratique est attestée dans les tombes néandertaliennes plus récentes : à la Ferrassie, plusieurs outils de très belle facture furent recueillis en surface des fosses abritant les squelettes 3, 4 et 4bis, sur les ossements de la Ferrassie 6 (Defleur, 1993 : 256) ; ce fût également le cas au Régourdou., et à la Quina. Ce phénomène se rencontre pareillement dans les tombes du Paléolithique supérieur, les outils étant placés sur ou sous ou à côté des cadavres, en particulier et de manière assez assurée dans les sépultures moraves (Dolni Vestonice, Brno, Predmost), liguriennes (Grimaldi, Barma Grande, Cavillon) ou françaises (Le Figuier, Saint-Germain-la-Rivière, Les Hôteaux). Enfin, il est fort probable que cela a pu exister à des périodes bien plus anciennes. Ainsi à la Sima de los Huesos, il n’est pas impossible que l’unique biface de quartzite veiné d’un brun-rouge clair, associé aux nombreux ossements humains provenant des corps déposés dans la cavité sans être atteints par la rigidité cadavérique (renseignement oral H. de Lumley), et dépourvus de traces d’attaques de carnivores puisse être considérée comme une offrande funéraire (et ceci aux environs de 350 000 ans) (Carbonell et al., 2003 ; Maureille, 2004). D’après leur denture et l’étude des stries de mastication, les primates sont en général végétariens, c’est-à-dire folivores, frugivores, herbivores. À l’occasion, certains primates supérieurs consomment de la viande. Le régime omnivore s’est répandu chez les hominidés, ce qui a permis à ces derniers de survivre lors des périodes de sécheresse puisque la viande est une ressource permanente toujours disponible. On en veut pour preuve les restes de faune, obtenus soit par charognage (chasse passive) ou une véritable chasse, retrouvés dans les gisements. Ils sont fracturés intentionnellement et parfois associés aux outils de pierre. Les stigmates d’utilisation du matériel lithique, révèlent le travail de boucherie, ainsi que les marques d’origine anthropique sur les ossements (stries de découpe, percussion…). Le consommateur ou le chasseur morts n’ont plus l’utilité de l’outil, sauf si l’on suppose la croyance de la continuité de la vie terrestre sous une autre forme, puisque la fonction de l’outil est, entre autres, de permettre l’obtention de nourriture, surtout animale. L’homme vit grâce à la mort de l’animal. Une relation existentielle particulière a dû s’établir plus ou moins consciemment entre ces deux protagonistes. « L’animal chassé était identifié à la survie » (Anati, 2003 : p. 282), la mort de l’un donnant la vie à l’autre. Par sa présence dans la tombe, les hommes cherchent à aider les morts qui sont au-delà du monde terrestre, et les offrandes de nourriture sont autant de viatique. L’animal chassé, l’animal déposé, n’est pas un totem, il est un vecteur de continuité de la vie. Ce processus du devoir

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de nourrir les morts subsiste dans toutes les religions postérieures et perdure encore dans les sociétés agraires (Vallet, 2003). Le fait de trouver des fragments animaux (sous la forme de vestiges bruts ou travaillés) dans les plus anciennes sépultures et en relation avec les cadavres d’hommes anatomiquement modernes nous autorise-t-il à en déduire l’idée que la mort n’est qu’un état d’inactivité apparent, que l’individu continue à vivre et que pour cela il lui est nécessaire d’être accompagné par les éléments nécessaires à la vie qu’il avait auparavant et qu’on connaît. En effet, dans deux de ces sépultures moustériennes les plus anciennes, des dépôts animaux ont été retrouvés, accompagnant les restes d’hommes anatomiquement modernes (Fig. 3) : une mandibule de « très gros sanglier… se trouvait dans l’angle formé par l’avant-bras gauche et l’humérus droit… dans une inclusion délibérée » (Mac Cown in Defleur, 1993 : p. 131) ; un bois de massacre de grand cervidé sur le thorax de l’enfant Qafzeh 11 ainsi qu’une diaphyse de tibia de cervidé. D’autres sépultures, plus tardives, ont livré aussi des fragments animaux accompagnant des dépouilles néandertaliennes : dans la grotte d’Amud, un maxillaire de cerf était placé sur la région pelvienne d’un nourrisson (Maureille, 2004), au Moustier 1 où environ 45 fragments osseux animaux ont été retrouvés autour du crâne et dans l’environnement immédiat ; au Régourdou, où le lien a été établi entre la sépulture humaine 4B et les structures 4C (inhumation d’un ours brun) et le mur Nord (Defleur, 1993 : p. 101) ; au Roc de Marsal où la tête de l’enfant « reposait… sur un coussin d’os de mammifères », tandis que « deux molaires de cheval avaient été placées au voisinage du bassin » (Piveteau in Defleur, 1993 : p. 104), éventuellement à la Chapelle-auxSaints, où, si le croquis des inventeurs est exact, la main du mort semble avoir été en contact direct avec l’hémimandibule gauche, « la patte du boviné devait donc être très proche de la tête et les fragments d’os plats en contact direct » (Defleur, 1993 : 67–68). Au Paléolithique supérieur, les ossements animaux dont la corrélation avec les squelettes d’Homo sapiens sapiens est assurée, ne sont pas fréquents mais ils existent : en République Tchèque, ce sont les sites de Dolni Vestonice II et de Brno II, en Italie de la Barma Grande II, en France de Saint-Germain-la-Rivière. En effet, à Dolni Vestonice II (Pavlovien, soit 27 000–25 000 BP), les restes d’un renard arctique sont localisés « dans les mains de l’enterrée » (Binant, 1991 : 113) ; à Brno II (phase du Gravettien-récent : 23 680 ± 200 BP), on rencontre un large choix d’ossements isolés de grands herbivores (rhinocéros, mammouth, cheval, bovidé) en connexité directe avec le squelette (Oliva, 2000–2001). À la Barma Grande II, le squelette du personnage central de la triple sépulture repose en partie sur un fémur de bovidé. À Saint-Germain-la-Rivière, le squelette est en relation avec le frontal du bovidé, et les ossements de renne ou de cheval (May, 1998). Quelle peut être la raison d’être de ces vestiges d’animaux bruts ? S’agit-il du viatique déjà évoqué qui suppose en plus que le mort conserve sa force vitale ? D’autres éléments d’animaux terrestres peuvent être présents : il s’agit des dents travaillées (percées, voire gravées) ou non. Plus fréquentes dans les tombes du Paléolithique supérieur que dans celles de la période précédente, on peut s’interroger sur leur présence : outre leur valeur ornementale ou honorifique, leur fonction d’identificateur ethnique, que les exemplaires perforés confèrent à l’individu qui les porte, ces objets matérialisent probablement un transfert symbolique de la présence animale ? Un argument en faveur de cette éventualité réside dans le fait que, le plus souvent, les espèces d’où proviennent les dents ne sont pas les mêmes que celles qui ont livré les vestiges animaux (à l’exception des incisives de

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Fig. 3. Plans des sépultures Skhul V, en vue supérieure (Defleur, 1993 : Fig. 34) et de l’enfant Qafzeh 11 (Defleur, 1993 : Fig. 41). Skhul V : 1 : bras droit ; 2 : mandibule de sanglier ; 3 : vertèbres dorsales ; 4 : scapula et humérus gauches ; 5 : clavicule gauche ; 6 : radius gauche ; 7 : iliaque droit ; 8 : fémur gauche ; 9 : tibia et fibula gauches. Fig. 3. Burials Skhul V and child Qafzeh 11 (Defleur, 1993: Figs. 34 and 41). 1: right arm; 2: wild boar mandible; 3: dorsal vertebrae; 4: left scapula and humerus; 5: left clavicle; 6: left radius; 7: right hip-bone; 8: left femur; 9: left tibia and fibula.

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cerf trouvées à Barma Grande I en Italie, et les canines de renard arctique de Dolni Vestonice II en République Tchèque (Binant, 1991 : 116). La vie animale nourrit la vie humaine. Condition indispensable à la vie de l’homme, l’animal ne peut être séparé de ce dernier, l’homme vit en symbiose avec lui. C’est pourquoi la présence animale intervient partout, dans tous les aspects de la vie humaine sur terre et dans la tombe, en tant que nourriture des vivants et des morts, en tant que matière première dans l’habitat, l’outillage et le vêtement, ainsi que comme sujet mental représenté dans l’art mobilier jusque dans la tombe, comme à Sungir (Bader, 1978) et dans l’art pariétal. Car le souci de la mort n’est guère éloigné des mystères de la vie. 3. L’art Dans ses manifestations artistiques, l’homme dialogue avec l’animal et organise, ou tente d’organiser cette cohabitation, dont les expressions sont extrêmement diversifiées selon les lieux, les groupes, les cultures, et les « correspondances » ressenties par les individus. Un des premiers aspects de cette symbiose dans les arts plastiques est l’existence d’une véritable tératologie : de même que le repas réalise la symbiose des corps, la tératologie réalise l’amalgame, la fusion entre l’homme et l’animal. Parmi les monstres se rangent les humains qui possèdent des attributs animaux. Ce peut être des têtes humaines déformées, bestialisées, parfois prognathes comme à l’abri Murat, à la Madeleine, à Massat, ou à Fontanet. Il peut également s’agir d’humains composites, unissant des caractères morphologiques humains (le plus souvent le corps, ou la posture) et animaux (attributs céphalique ou caudal) : ce sont les êtres du Gabillou (Fig. 4), des Trois-Frères (Fig. 5), de Lascaux (Fig. 6), de Cussac, de Carriot, et la statuette de Hohlenstein-Städel (Fig. 7), et les figures composites du Castillo. Par ailleurs, l’homme organise cette symbiose en la structurant par ses choix dans ses représentations. La prédominance a été donnée aux animaux terrestres à sang rouge, aux animaux « sanguins » d’Aristote, aux animaux quadrupèdes « qui ont de la chair et du sang » de Buffon, aux animaux « vrais » (Poplin, 1989), en particulier aux mammifères herbivores. Les espèces animales figurées varient cependant selon les sites, à la fois dans une même région et dans une période chronologique relativement courte. Ainsi dans la vallée de l’Aveyron, les équidés constituent la famille la plus fréquemment représentée à Fontalès (Magdalénien supérieur), Courbet (Magdalénien supérieur) et Montastruc (Magdalénien moyen et supérieur). Les bestiaires de ces trois sites se structurent quantitativement à partir des trois herbivores majoritairement représentés et toujours dans cet ordre d’importance décroissante : équidés/cervidés/capridés. Ils différent en cela de celui de Limeuil où dominent deux espèces seulement (cervidés/équidés) et de l’abri Morin où règnent les équidés/cervidés/bovinés (Welté, 2001). Dans la même perspective, Clottes (1995) fait remarquer qu’à l’Aurignacien, les animaux dangereux comme les rhinocéros, félins, mammouths, ours sont en proportion élevée : Chauvet, les Bernous, (et sans doute la Grande Grotte d’Arcy sur Cure), pour les grottes, les sites du Jura souabe, et Chanlat pour l’art mobilier. Ces animaux dangereux persistent dans certains sites gravettiens d’Europe centrale et orientale (Pavlov, Kostienki), et magdaléniens (Rouffignac, et la Colombière entre autres). Une autre interrogation est posée par l’existence, en plus ou moins grand nombre selon le site, des animaux intentionnellement indéterminés (Welté et Lambert, 2004).

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● Un autre aspect de cette structuration réside dans la disposition des figures, en rien aléatoire. Ce peut être le cas des félins entre la grande salle et le Sanctuaire, ou la lionne de la Chapelle de la Lionne de la grotte des Trois-Frères ; et c’est aussi le cas des animaux « composites » mi-félins, mi-taureaux gravés à hauteur d’homme dans la galerie supérieure du Tuc d’Audoubert, face à la chatière conduisant à la galerie se terminant par la salle des Bisons d’argile. S’agit-il d’êtres intermédiaires « gardiens » du lieu ? Dans le même ordre d’idée, nombreuses sont les œuvres en relation avec les fissures, les failles les gouffres, les puits : la mise en scène est parfois théâtrale comme on peut l’observer pour l’ensemble gravé de Roucadour (renseignement M. Lorblanchet), les bouquetins du Travers de Janoye, le cheval bistre renversé du fond du diverticule axial de Lascaux ou le protomée de cheval noir qui parait dominer l’évènement au même endroit, les Mammouths de la « grande Fosse » de Rouffignac… Sommes-nous alors en présence de l’illustration d’un rite de passage initiatique des êtres vivants de l’ombre à la lumière, des profondeurs aux grands espaces, du néant à la vie ? Il existe également des indices forts d’une liaison entre figuration, eau souterraine et même source souterraine, comme en

Fig. 4. Créature anthropomorphe composite du Gabillou : homme-bison (d’après Gaussen, 1964 : Pl. 35, no 2, Longueur totale : 37 cm). Fig. 4. Gabillou: anthropomorphic compound creature: human-bison (from Gaussen, 1964: Pl. 35, no 2, total length: 37 cm).

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Fig. 5. Créature anthropomorphe composite des Trois-Frères : homme-bison (d’après Bégouën et Breuil, 1958 : Fig. 63, hauteur : 30 cm). Fig. 5. Trois-Frères: anthropomorphic compound creature: human-bison (from Bégouën and Breuil, 1958 : Fig. 63, h : 30 cm).

Fig. 6. Créature anthropomorphe composite de Lascaux : homme-oiseau (d’après Roussot, 1997 : Fig. 62-1). Fig. 6. Lascaux: anthropomorphic compound creature : human-bird (from Roussot, 1997: Fig. 62-1).

Quercy, à Pergouset, à Roucadour, et à la grotte du Moulin, ou en Dordogne, à Rouffignac, dont l’ensemble orné du Grand Plafond se déploie au-dessus d’un entonnoir qui aboutit au 2e étage de la cavité : cet étage est formé d’une galerie étroite et haute montrant des diaclases dont une seule permet l’accès au 3e étage de la grotte où circule le ruisseau, surplombé par un pilier qui porte le seul décor de l’étage. Cela voudrait-il exprimer de manière plus ou moins explicite l’importance de l’eau dans le renouvellement des animaux et des hommes ? L’investissement total d’un secteur de la grotte par la surcharge des images souligne l’importance attachée à certains emplacements (le camarin de Gar-

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Fig. 7. Créature anthropomorphe composite de Hohelenstein-Städel : homme-lion (d’après Hahn, 1986 : Pl. 17 ; 28,1 × 5,6 × 5,9 cm). Fig. 7. Hohelenstein-Städel: anthropomorphic compound creature: human-lion (from Hahn, 1986: Pl. 17; 28.1 × 5.6 × 5.9 cm).

gas, la rotonde et le diverticule axial, la nef et l’abside de Lascaux, les galeries de Fontde-Gaume et de Combarelles I, les grands plafonds de Rouffignac, Altamira...). De même, le fait que l’artiste intègre ou non les irrégularités du support dans ces figures est intéressant tels le bison aux « cupules » de Niaux, le cheval au rognon de Rouffignac, les bisons du Grand Plafond d’Altamira, diverses images de la galerie ornée du Mas d’Azil... L’animal ne valoriserait-il pas le lieu ? Des objets de toute nature (dents, fragments d’os, silex…) ont été enfoncés dans les parois, parfois ornées (Gargas), ou dans le sol (Fontanet, Enlène) : considérés comme des « ex-voto », ils sont chargés d’une signification symbolique qui nous reste étrangère (peut-être d’ailleurs liée à l’animal dominant dans le site ou le plus proche de l’objet déposé), bien que les dépôts d’objets personnels dans les sanctuaires soient attestés dans les religions postérieures au contexte très différent (planches d’organes en bois des Source de la Marne, dépôts de prothèses à la grotte de Lourdes...). ● L’attitude, la posture de l’animal sont très diverses selon l’espèce et le support. Représenté dans sa totalité ou seulement par un segment, l’animal peut être figé (en apparence) ou en mouvement (en marche, en course ou en chute), sexué ou non, en comportement

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prénuptial (brame du cerf, protusion de la langue et queue relevée du bouquetin, scènes de parade : combats de bouquetins, de cerfs, de bovidés, poursuite de la femelle, flairement comme pour les rennes de la Vache, adulte ou jeune (vache et son veau sur une rondelle d’os de Laugerie-Basse, faon de la Vache…), individu blessé et perdant son sang (bison perdant ses entrailles de la scène du Puits de Lascaux, ours aux flancs criblés de blessures et des mufles desquels s’échappent des traits — sang ou rugissement de douleur — tel celui d’une plaquette du Portel), et même expirant (bisonne « morte couchée sur le flanc » de Niaux, cerf « effondré » de Lascaux, bison agonisant des Trois-Frères). Finalement, l’animal est représenté dans tous les aspects de sa vie : naissance, déplacement seul et en groupe, nourriture, fuite, combat, reproduction et mort. Dans l’art mobilier, la disposition des figures manifeste également cette structuration. Dans les trois sites référents de l’Aveyron, Fontalès, Montastruc et Courbet, la figuration est principalement monomodale (plus de 80 % des cas, Tableau 1). Sur les supports organiques, quelle que soit la disposition considérée, Fontalès s’oppose toujours à Montastruc, et la situation est intermédiaire au Courbet. Sur les supports lithiques, Fontalès et Montastruc s’opposent en ce qui concernent les deux premières dispositions, tandis que l’effectif des images sur plaquettes au Courbet (huit figures) est si faible qu’il n’a aucune signification : enfin, à l’intérieur d’un même site, les contrastes sont nets selon la nature du support, et selon la disposition considérée : cela révèle des choix intentionnels sans doute liés à la fonction du support, et à celle de la représentation Les assemblages thématiques ne sont pas fortuits. Ainsi le cheval est toujours un des protagonistes des 25 liaisons interspécifiques à Montastruc, accompagné de bison/boviné sur les supports organiques (trois illustrations), et majoritairement du cervidé sur les supports lithiques (17 illustrations) ; à Fontalès, il n’apparaît que dans sept liaisons interspécifiques (sur treize), et dans un seul cas avec le bison… Au Courbet, le cheval intervient dans trois de ces liaisons (sur cinq), et a pour acolyte un boviné a deux reprises. Par ailleurs certains éléments anatomiques peuvent être communs à deux espèces différentes superposées : c’est le cas de l’œil utilisé à la fois par un cheval et un chamois à Fontalès (Fig. 8) (Welté, 2001) ; d’autres sont si emmêlés qu’il est probable que le graveur les a réalisés ainsi : c’est le cas du cheval et de l’aurochs aux arrières-trains emmêles à Montastruc (Fig. 9) (Welté, 2001). D’autres animaux déterminés privilégient une liaison avec des animaux indéterminés : c’est le cas Tableau 1 Vallée de l’Aveyron (France) : répartition des figures animales uniques ou assemblées sur support mobilier à Fontalès, Montastruc et au Courbet Aveyron Valley (France): display of the animal figures alone or associated on mobil art in Fontalès, Montastruc and in the Courbet. SUPPORTS ORGANIQUES Figure animale unique Liaisons intraspécifiques Liaisons interspécifiques SUPPORTS LITHIQUES Figure animale unique Liaisons intraspécifiques Liaisons interspécifiques

Fontalès (%)

Montastruc (%)

Courbet (%)

28,26 47,8 23,91

54,35 34,78 10,87

41,82 41,82 16,36

37,25 23,53 39,21

26,19 35,71 38

deux figures quatre figures deux figures

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Fig. 8. Abri de Fontalès (Tarn-et-Garonne) : dalle calcaire MHNT-12, ornée d’une tête de cheval et d’une tête de rupicaprin superposées, avec un œil commun (relevé ACW). Fig. 8. Fontalès abri (Tarn-et-Garonne): calcareous dalle MHNT-12, with associated horse and Rupicapra heads sharing a common eye (statement ACW).

du bouquetin à Fontalès, qui est souvent déterminé mâle dans ce site (huit cas sur 17 individus, et huit cas sur les 14 mâles recensés…), détermination qui s’appuie sur l’ampleur des cornes, la présence de la barbiche ou du fourreau, et/ou l’attitude typique de la poursuite sexuelle. Représenté en tant qu’animal « dominant » au sens éthologique du terme, n’y a-til place, autour de lui et avec lui, que pour des individus devenus de simples comparses mal définis (cervidés à la ramure imprécise) ou indéterminables ? Enfin des figures humaines accompagnent parfois les animaux. C’est le cas à Fontalès de trois figures féminines schématiques « tourbillonnantes », avec un cervidé indéfinissable et un oiseau, deux ou trois anthropomorphes dominant ou situés à l’arrière d’un défilé de bouquetins et d’animaux indéterminés superposés (Fig. 10), ainsi que d’un anthropomorphe placé à l’endroit exact où se

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Fig. 9. Abri de Montastruc (Tarn-et-Garonne) : galet calcaire BM 686, orné d’un bovidé et d’un cheval superposés et emmêlés (relevé d’ensemble d’après Sieveking, 1987, modifié ACW). Fig. 9. Montastruc abri (Tarn-et-Garonne): calcareous galet pebble BM 686, with tangled bos and horse (from Sieveking, 1987, modified by ACW).

superposent un bison et un cheval. Ces éléments amènent l’observateur à s’interroger sur la variété, la pertinence et la spécificité des choix qui a été fait dans ces représentations animales. Quelques cavités ont livré à la fois des œuvres pariétales et des vestiges humains (Vialou, 2004). Les conditions de leurs découvertes, souvent très anciennes, n’autorisent pas à les considérer comme synchrones. Au Cap Blanc (Dordogne), une frise sculptée monumentale a été découverte sur la paroi du fond de l’abri en 1909, tandis qu’une sépulture était mise au jour en 1911, à la base du remplissage. La grotte du Cavillon (Italie) a livré en 1872 la sépulture d’un adulte masculin, avec pierres de calage et un mobilier important, tandis qu’en 1971 ont été découverts sur les parois une gravure d’équidé de style paléolithique, des tracés linéaires gravés et des taches colorées. La grotte du Romito (Italie) a livré également une double sépulture, à proximité de blocs gravés d’aurochs et de tracés linéaires. Plus récemment, la grotte de Cussac (Dordogne) a livré sept squelettes humains déposés à même le sol (quatre dans des bauges, trois dans des dépressions naturelles). Un os de l’un d’eux a été daté de 25 120 ± 120 BP. La décoration pariétale, très importante (inventaire provisoire

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Fig. 10. Abri de Fontalès (Tarn-et-Garonne) : dalle calcaire MHNT-34, ornée de trois figures féminines schématiques (et d’un motif hyperschématique) et de deux têtes animales, un cervidé et un oiseau (relevé ACW). Fig. 10. Fontalès abri (Tarn-et-Garonne): calcareous dalle MHNT-34, with three schematic woman figures, a hyperschematic token and two animal heads, cervus and bird (statement ACW).

d’au moins 150 représentations), a été attribuée au gravettien pour des critères stylistiques (en particulier la parenté des thèmes et des assemblages avec ceux de certains panneaux du Pech-Merle de Cabrerets (Lorblanchet, 2001 et renseignement oral de Norbert Aujoulat, Aujoulat et al., 2004). À ce jour, il semblerait donc qu’il y ait concordance entre les datations de squelettes humains et l’attribution chronologique de la décoration. Y aurait-il une relation particulière entre le dépôt sans protection des squelettes humains sur le sol et l’art pariétal ? 4. Conclusion La question du destin de l’homme après sa vie matérielle visible semble donc s’être posée bien avant le début du Paléolithique supérieur, les soins apportés aux sépultures les plus anciennes en sont les indicateurs indéniables. La rareté des découvertes faites à ce jour ne

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permet pas d’avoir une idée, voire même un ordre de grandeur, de l’impact de ces questionnements sur le comportement des hommes de ces époques lointaines. Mais l’attestation du fait sépulcral suffit à émettre l’hypothèse que les dispositions cérébrales qui conduisent à commettre des actions, non seulement étrangères au geste strictement fonctionnel, mais qui visent aussi à communiquer avec des mondes invisibles, sont déjà en place. Évidemment, cette question des mondes parallèles potentiels implique celle de la transcendance et celle d’un jeu plus ou moins permanent et complexe de forces immanentes. Ce que l’art du Paléolithique supérieur exhibe de façon magistrale, c’est le rôle que l’animal joue en tant que

Fig. 11. Induction (gris) et déduction (noir) du système social et conceptuel au Paléolithique. Fig. 11. Induction (gray) and deduction (black) of the social concept system in the Paleolithic.

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médiateur multiple entre l’univers perceptible et ces espaces métaphysiques. Le mammifère supérieur, abondant, consommable à tout moment de l’année, est source de vie par la viande qu’il procure, voire même la seule source de survie à certains moments. Le rapport entre l’art et la chasse ne peut être contesté, sauf que, ce qui apparaît comme certain, maintenant, après plusieurs décennies d’analyses, est que l’art paléolithique, ne peut plus, en aucun cas, être relié mécaniquement, par des hypothèses simplistes, à l’acte de chasse. Le mammifère puissant et itinérant est aussi un symbole naturel du don du surnaturel à l’homme. Il est donc un vecteur privilégié entre le visible, l’immédiat, le nécessaire et l’invisible, le passé, le futur et ailleurs. D’où la nécessité de l’invoquer, donc de le représenter, dans toutes sortes de situations non pas éthologiques mais métaphysiques, dans ce sens que la situation éthologique que nous percevons est chargée d’autre(s) sens qui nous échapperont à jamais mais dont il faut admettre l’évidence. Le mammifère social à sang rouge est un clone déformé de l’homme. Il porte les mystères d’une unicité vitale qu’il partage avec l’homme. Les êtres hybrides rappellent directement cette symbiose entre l’humanité et cette animalité-là. Ils nous contraignent à admettre l’existence de rituels de transferts énergétiques et vitaux. Rituels qui révèlent l’intrusion du métaphysique dans le fait social. La fréquence de la qualité de la figuration, même ultimement schématisée, montre l’importance qui a été donnée à l’animal à ce moment-là. On peut en déduire, que pendant cette période, les dispositifs cérébraux qui président à l’action liée à des mobiles métaphysiques, ont trouvé le moyen de s’exprimer au delà de l’épisodique — nous connaissons sans doute plus d’un millier de sites — et au delà de l’éphémère — cet art dure plus de 25 000 ans. Les facteurs explicatifs potentiels sont divers, certains n’excluant pas les autres : on peut se demander, par exemple, si des conditions démographiques et sanitaires bénéfiques, une structuration sociale et économique soudainement plus efficace, ou même, les particularités génétiques (de la structure cérébrale) d’une certaine population ne doivent pas être prises en compte pour apporter quelques éléments de réponse aux questions que nous nous posons des milliers d’années plus tard (Fig. 11). Remerciements Nous remercions vivement le Professeur Henri de Lumley pour les renseignements sur La Sima de los Huesos qu’il a bien voulu nous communiquer. Références Anati, E., 2003. Aux origines de l’art 50 000 ans d’art préhistorique et tribal. Fayard, Paris. Aujoulat, N., Geneste, J.-M., Archambeau, C., Delluc, M., Dudet, H., Gambier, D., 2004. La grotte ornée de Cussac, le Buisson-de-Cadouin (Dordogne). In: Lejeune, M. (Ed.), L’art pariétal paléolithique dans son contexte naturel. Actes du colloque 8.2, congrès de l’UISPP, Liège, 2-8 septembre 2001. ERAUL 107, Liège, pp. 45–53. Bader, O., 1978. Sungir Upper Paleolithic Site. Nauka, Moscow. Bataille, G., 1973. Théorie de la religion. Gallimard, Paris. Bégouën, H., Breuil, H., 1958. Les Cavernes du Volp. Arts et Métiers Graphiques, Paris. Carbonell, E., Mosquera, M., Andreu, O., Rodriguez, X.P., Sala, R., Vergès, J.M., Arsuaga, J.L., Bermudez de Castro, J.M., 2003. Les premiers comportements funéraires auraient-ils pris place à Atapuerca, il y a 350 000 ans ? L’Anthropologie 107, 1–14. Binant, P., 1991. Les sépultures du Paléolithique. Errance, Paris.

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