Caractéristiques, consommation de ressources des usagers des services d’urgences de plus de 75 ans en France

Caractéristiques, consommation de ressources des usagers des services d’urgences de plus de 75 ans en France

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www.masson.fr/revues/pm

Caractéristiques, consommation de ressources des usagers des services d’urgences de plus de 75 ans en France Résultats d’une enquête nationale Céline Lazarovici1, Dominique Somme2, Valérie Carrasco3, Dominique Baubeau3, Olivier Saint-Jean1

1. Service de gériatrie de l’Hôpital européen Georges Pompidou, Paris (75) 2. Service de gériatrie de l’Hôpital européen Georges Pompidou, Paris (75) ; Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES), Paris (75) 3. Observation de la santé, Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES), Ministères de la Santé et des Affaires sociales, Paris (75)

Correspondance :

Reçu le 4 octobre 2005 Accepté le 6 juillet 2006

Céline Lazarovici, Service de gériatrie de l’Hôpital européen Georges Pompidou, 20 rue Leblanc, 75908 Paris Cedex 15. Tél. : 01 56 09 33 13 Fax : 01 56 09 38 21 [email protected]

■ Summary

■ Résumé

Characteristics and resource use of emergency department users older than 75 years Results from a French national study

Position du problème > La prédominance des maladies multiples et complexes chez les personnes âgées fait qu’elles sont à risque d’utiliser de façon plus importante les ressources des services d’urgences (SU). Cette étude avait pour but de décrire les caractéristiques des patients âgés (≥ 75 ans) fréquentant les SU et d’évaluer l’effet de l’âge sur la consommation de ressources. Méthodes > L’échantillon était issu d’une enquête prospective appelée DREES 2002, menée en janvier 2002 auprès de 150 SU en France pendant une semaine. Une fiche médicale anonyme a été établie, pour chaque patient, mentionnant les modes et motifs de recours, les soins reçus, et le devenir. Les données ont été pondérées pour une description représentative. Résultats > Parmi les 9 801 personnes incluses, il y avait 1 153 patients âgés (11,8 %), ce qui représentait 26 676 passages au SU en France par semaine. La moyenne d’âge était de 83 ans et 60,9 % étaient des femmes. Les transports médicalisés étaient les plus utili-

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Background > Because the elderly tend to have complex and multiple diseases, they are likely to use emergency department (ED) resources at higher rates than other age groups. This study sought to determine the characteristics and resource use of the elderly patients (≥ 75 years old) visiting EDs in France and assessed the effect of age on resource use. Methods > The sample was selected from the DREES prospective study of 150 French EDs for one week in 2002. A case report form was completed for each patient, stating the reasons for consultation, method of arrival, treatment, and outcome. Data were weighted to produce a representative national description. Results > Of the 9801 patients seen that week, the elderly (n = 1153) accounted for 11.8% of all ED visits, that is, 26 676 ED visits weekly

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nationwide. In this group, the mean age was 83 years and 60.9% were women. Most patients arrived by medical transportation: 55.6% by nonemergency ambulances and 24.6% by emergency medical transport. More than 75% were referred by their general practitioner (GP). Medical problems (69.5%) were much more frequent than trauma (24.8%). Clinical status was stable in 62% of cases. Use of ED resources was high: radiographs for 74.0%, laboratory testing for 71.0% and electrocardiography for 64.0%. The percentage of unnecessary or avoidable visits was small: 8.7% were not admitted, were clinically stable, and came for diagnostic tests that could have been performed on an outpatient basis. Age was an independent factor of pre-ED and ED resource use. Conclusion > Unplanned health care of the elderly uses substantial ED resources. Elderly patients appear to use available resources appropriately. Demographic trends show that their ED use will increase. Accordingly, analysis of the organization and funding of ED services for this population is indispensable.

sés (55,6 % arrivaient par ambulance). Un médecin était à l’origine de l’admission dans 76,6 % des cas. Les problèmes somatiques étaient plus fréquents (69,5 %) que les traumatismes (24,8 %). L’état clinique des patients a été jugé stable dans 62 % des cas. Une radiographie a été réalisée dans 74 % des cas, un prélèvement biologique dans 71 % des cas et un électrocardiogramme dans 64 % des cas. Une proportion de recours évitable (8,7 %) correspondait aux patients âgés non hospitalisés, stables cliniquement, ayant la possibilité d’effectuer certains actes diagnostiques en ville et dont le motif de recours était l’accès au plateau technique. L’âge était un facteur indépendant de consommation de ressources pré- et intra-SU. Conclusion > La prise en charge non programmée des personnes âgées de plus de 75 ans implique une consommation importante de ressources au sein des SU. Les malades âgés semblent utiliser les ressources disponibles de façon adaptée. L’évolution démographique amplifiera le nombre de personnes âgées se présentant aux SU, imposant une réflexion sur leur organisation et leurs moyens.

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Caractéristiques, consommation de ressources des usagers des services d’urgences de plus de 75 ans en France

Lazarovici C, Somme D, Carrasco V, Baubeau D, Saint-Jean O. Caractéristiques, consommation de ressources des usagers des services d’urgences de plus de 75 ans en France. Résultats d’une enquête nationale. Presse Med. 2006; 35: 1804-10 © 2006. Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés

e nombre de passage aux urgences a augmenté en moyenne d’environ 4,5 % par an en France de 1990 à 1998 [1]. Cette augmentation correspond à une forte demande de soins non programmés. Cette évolution régulière et soutenue du recours aux urgences a concerné toutes les classes d’âge. Douze à 14 % de la totalité des passages dans les structures d’accueil des urgences [2] concernaient les personnes âgées de 75 ans ou plus. À l’origine de l’admission au service d’urgence (SU), on

Ce qui était connu • Il existe une forte demande de soins non programmés en France et le nombre de passages aux urgences augmente chaque année. • Le nombre de personnes de plus de 75 ans arrivant aux urgences pourrait augmenter dans les prochaines années compte tenu de la démographie.

Ce qu’apporte l’article • Des données représentatives concernant les caractéristiques des personnes de plus de 75 ans fréquentant les services d’urgence en France. • La consommation de ressources pré et intra-hospitalières est importante dans la population de personnes de plus de 75 ans. • Il existe un effet de l’âge sur les consommations de ressource.

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trouve généralement la mention floue d’altération de l’état de santé, particulièrement fréquente aux âges élevés du fait de la polypathologie, de la sémiologie souvent trompeuse [3], des problèmes médicaux souvent intriqués à des composantes psychocognitives ou sociales [4]. Nombre de passages aux urgences tout âge confondu (de 19,6 à 35 % selon les études [5, 6]) correspondait à l’expression d’une demande de soins aisément accessibles pour des symptomatologies ne nécessitant pas forcément une prise en charge immédiate. La venue des personnes âgées aux SU semble constituer, pour une partie d’entre elles, un mode privilégié d’accès à l’hôpital, préalable à une hospitalisation [7, 8]. Une augmentation des admissions en urgence devrait continuer car les personnes âgées de plus de 75 ans représentent 8 % de la population française totale [9] et atteindraient 15 % en 2050 [10]. Les caractéristiques de cette population âgée sont mal connues et les rares études françaises fournissent des données locales ou locorégionales [4, 11]. Les informations issues d’études américaines sont difficilement extrapolables et s’intéressent davantage aux facteurs influençant le recours aux urgences [12] ou à l’usage approprié ou non du SU par les personnes âgées [13, 14]. À partir des données de l’enquête nationale menée en 2002 (enquête DREES 2002) auprès des SU par la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) [1], notre objectif était de préciser la typologie de la fréquentation et du mode de recours aux services d’urgence hospitaliers

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L

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des patients âgés, leurs motifs de consultation, les soins reçus et leur devenir. Nous avons cherché à déterminer si l’âge était un facteur de consommation de ressources indépendant.

Méthodes Enquête DREES 2002 L’enquête DREES 2002 a été réalisée en janvier auprès d’un échantillon de 150 SU, répartis sur le territoire métropolitain, tirés aléatoirement dans 8 strates définies en fonction de l’autorisation détenue (SAU: Service d’accueil et de traitement des Urgences/Upatou : Unité de proximité d’accueil, de traitement et d’orientation des urgences), du statut juridique (public/privé, incluant les établissements participant au service public) et du nombre de passages annuels. Les services tirés au sort ont été répartis en 2 vagues pour étaler la charge globale d’enquête sur 2 semaines. Chaque service a tiré aléatoirement un échantillon de patients se présentant aux urgences la semaine d’enquête. Pour chaque patient tiré au sort, a été établie une fiche médicale anonyme, comportant l’identification de l’établissement dans le fichier national des établissements de santé, la date et l’heure d’arrivée, ainsi que le sexe et l’âge du patient. Cette fiche était ensuite complétée par le personnel du SU (médecins), en mentionnant les circonstances et motifs de recours, les résultats de la consultation, le devenir du patient ainsi que l’opinion du médecin sur les raisons de la venue aux urgences. Le contenu de cette “fiche” a été mis au point avec l’aide d’un représentant de la Société francophone de médecine d’urgence (SFMU) et de professionnels (médecins et non-médecins) de SU publics et privés. Un test préalable auprès de 3 unités (publiques et privées) a permis de vérifier l’acceptabilité du questionnaire et de préciser certains de ses libellés. La méthode et les outils utilisés ont été également validés par un comité de pilotage.

Population

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Les données ont été exploitées à partir du fichier constitué lors de l’enquête nationale, en ne retenant que la population de personnes âgées de plus de 75 ans. L’enquête DREES 2002 était élaborée en vue d’avoir des résultats valides à l’échelle de l’ensemble de la France. Pour cela à chaque observation était attribuée une variable de pondération prédéfinie en fonction d’une part de la représentativité de l’observation par rapport au nombre total de passages pendant la semaine d’enquête dans le centre où l’observation était collectée (P1 = nombre de questionnaires inclus dans l’enquête/nombre total de passages pendant une semaine) ; et en fonction d’autre part de la représentativité du centre dans sa strate (P2 = nombre de passages dans l’échantillon/nombre total de passages dans la strate pendant une semaine ; P final = P1 x P2).

Définitions des variables La Classification clinique des malades des urgences (CCMU) [15] fondée sur le jugement des cliniciens a été choisie pour évaluer la gravité de l’état des patients adultes admis aux urgences. Les classes CCMU 1 et 2 correspondent à des états qui ne sont pas jugés susceptibles de s’aggraver (avec la réalisation d’un acte diagnostique ou thérapeutique pour le deuxième niveau), la classe CCMU 3 correspond à un état susceptible de s’aggraver aux urgences sans mise en jeu du pronostic vital, les patients classés CCMU 4 et 5 nécessitent des actes lourds voire un recours à la réanimation (CCMU 5) pour préserver le pronostic vital menacé. La gravité clinique a ensuite été recodée en 2 classes distinguant un état clinique stable (classes CCMU 1 et 2) d’un état instable (classes CCMU 3, 4 et 5). Les personnes arrivaient aux urgences soit par transports professionnels (ambulance, Service mobile d’urgence et de réanimation [SMUR], pompiers), soit par leurs propres moyens. Les motifs de recours aux urgences ont été recueillis d’après le jugement du clinicien, et plusieurs réponses étaient possibles parmi 3 catégories non exclusives (traumatisme, problème somatique et troubles psychiatriques hors tentative de suicide). Il pouvait être éventuellement précisé les circonstances de recours (plusieurs réponses possibles). Les diagnostics étaient indiqués selon les 17 classes diagnostiques du thésaurus de la SFMU [16]. La classification des actes diagnostiques (examens complémentaires biologiques, radiologiques ou autres) était celle proposée par la SFMU. Pour les patients retournés à leur domicile (ou dans leur lieu d’habitation), on demandait au médecin d’indiquer les actes et consultations conseillés dans les 2 semaines suivantes. Un recours évitable en termes de consommation de ressources a été défini à partir des données du questionnaire. Il concernait les personnes âgées de plus de 75 ans non hospitalisées, relevant de la classe CCMU 1 ou 2, ayant la possibilité d’effectuer certains actes diagnostiques en ville (radiographie, prélèvement biologique ou électrocardiogramme), et dont le motif de recours était l’accès au plateau technique.

Analyse statistique La fréquence des différentes variables issues du questionnaire a été exprimée. Les variables continues ont été exprimées en moyenne avec les écarts-types entre parenthèses. Les comparaisons de moyennes ont été réalisées par un test non paramétrique de Kruskall-Wallis. Une analyse descriptive par classes d’âge a été réalisée pour étudier l’effet de l’âge sur la consommation de ressources. Un test de tendance de Cochran-Armitage a été utilisé. Pour la comparaison de variables qualitatives, les tests du χ2 ont été utilisés. Le risque alpha était de 5 %. L’ensemble des analyses statistiques a été mené à l’aide du logiciel SAS version 8.02 de SAS Institute Inc®.

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Ta b l e a u I Caractéristiques générales des personnes âgées de plus de 75 ans fréquentant les services d’urgence Variables

Échantillon non pondéré n = 1153

Échantillon avec pondération* n = 26676

Prévalences

n

n estimé

% [IC 95 %**]

Âge (en classes) 75-79 ans 80-84 ans 85 et plus

387 321 445

9017 7273 10387

33,8 [33,2-34,4] 27,3 [26,7-27,8] 38,9 [38,3-39,5]

Sexe Homme Femme

445 697

10346 16100

38,8 [38,5-39,7] 60,3 [60,3-61,5]

Adressé par un médecin

786

18053

67,7 [76,0-77,1]

Non accompagné

566

13121

49,2 [53,1- 54,4]

Mode d’arrivée Ambulance Pompiers Propres moyens SMUR

606 176 242 63

14832 4428 5815 1599

55,6 [55,0-56,2] 16,6 [16,2-17,0] 21,8 [21,3-22,3] 6,0 [5,8-6,2]

Période Nuit (20H-8H) Fin de semaine

202 293

4378 6946

16,4 [16,2-16,6] 26,0 [25,5-26,5]

Gravité clinique CCMU 1 et 2 CCMU 3 CCMU 4 et 5

696 279 93

16110 6443 2066

60,4 [64,8-66,0] 24,2 [25,6-26,8] 7,7 [6,9-9,9]

Recours évitables***

103

2330

8,7 [8,4-9,1]

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Caractéristiques, consommation de ressources des usagers des services d’urgences de plus de 75 ans en France

* Estimation sur l’ensemble des passages dans les services d’urgences ** Intervalle de confiance à 95 % *** Population de personnes non hospitalisées correspondant à la classification CCMU 1 ou 2, ayant eu ou non une radiographie, un examen biologique ou un ECG, et dont le motif de recours aux urgences était l’accès au plateau technique

Caractéristiques générales et consommation de ressources Parmi les 9801 personnes qui ont été incluses pendant la durée de l’étude (1 semaine sur chaque site), 1153 (11,8 %) avaient 75 ans et plus (tableau I). Cela représente dans cette population 26676 (11,1 %) des 240000 passages dans les services d’urgence au cours d’une semaine sur tout le territoire français. La moyenne d’âge était de 83 ans (± 6,1). Il existait une prédominance féminine (60,3 %) qui s’accentuait avec l’âge. Les personnes âgées arrivent aux urgences surtout par transport médicalisé. Le pourcentage moyen du nombre de passages par jour n’était pas le même en fonction des jours de la semaine, avec une fréquentation moindre le dimanche et le mercredi (p < 0,0001). La fréquentation était maximale en fin de matinée (entre 11 et 12 heures) et en début d’après-midi (entre 15 et 16 heures).

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En ce qui concerne la gravité clinique, 62,0 % des patients étaient classés CCMU 2 et 24,2 % CCMU 3. Les autres classes CCMU1, CCMU 4 et CCMU 5 représentaient respectivement 3,4, 6,8 et 1,6 % des passages. Les motifs de recours aux urgences recueillis par les soignants étaient plus fréquemment somatiques (69,5 %) et moins souvent traumatiques (24,8 %). Les troubles psychiatriques (hors tentative de suicide) représentaient 1,5 % des motifs de recours. Les circonstances de recours (accident domestique, de circulation, etc.) ont été indiquées dans 20 % des cas, essentiellement lorsqu’il y avait eu un traumatisme. Les données apportées par la mention du diagnostic principal, selon les classes utilisées par la SFMU, recoupaient en partie celles sur les motifs de recours (84,5 % de réponses documentées). Le diagnostic principal concernait des atteintes somatiques (plus de 2/3), avec par ordre décroissant de fréquence : les affections cardiovasculaires (15,5 %), pulmonaires (12,5 %), neurologiques (10,6 %), digestives (8,8 %)

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Résultats

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et infectieuses (6,2 %). La traumatologie représentait 25,1 % des diagnostics principaux. À l’issue de leur passage aux urgences, 3,4 % des patients âgés n’avaient pas d’orientation diagnostique. Pour la variable “diagnostic principal”, 84,5 % des réponses ont été documentées, donc 15,5 % des données étaient manquantes. Les données manquantes pour les autres variables étaient toujours < 2 %. Au moins un acte diagnostique ou un geste thérapeutique a été réalisé aux urgences pour 91 % des patients de plus de 75 ans. Les examens les plus fréquemment prescrits ont été une radiographie (73,3 %), un prélèvement biologique (71,3 %) et un électrocardiogramme (63,7 %). Les autres examens diagnostiques ont été réalisés de façon plus marginale : tomodensitométries (8,0 %), échographie (4,0 %) et électroencéphalogramme (0,1 %). Le nombre moyen d’actes diagnostiques avait tendance à s’accroître avec l’âge : il passait de 2,2 (±1,3) pour la tranche d’âge 75-79 ans à 2,3 (±1,3) pour les 80-84 ans et 2,4 (± 1,2) pour les plus de 85 ans (p < 0,001). Néanmoins cette tendance n’était pas statistiquement significative (p = 0,14). La proportion de recours évitables en termes de consommation de ressources concernait moins de 10,0 % des personnes âgées de plus de 75 ans (npondéré = 2330). L’utilisation des ressources préhospitalières (médecin traitant, transport professionnel), et celles disponibles au sein même du SU (examens complémentaires) augmentaient avec l’âge (tableau II). Si l’on ajustait ces données sur la gravité clinique (classe CCMU), seules l’utilisation des transports professionnels et la réalisation d’un électrocardiogramme étaient significativement associées à l’âge (données non illustrées). Les personnes de plus de 85 ans n’étaient pas plus à risque d’être hospitalisées que celles des classes d’âge inférieures (p = 0,32).

Devenir du patient Plus d’1 patient sur 2 (53,6 %), âgé de plus de 75 ans, a été hospitalisé après son passage aux urgences. Lorsque les patients étaient hospitalisés, les diagnostics principaux étaient plus souvent d’origine somatique (73,2 %) que traumatique (15,3 % ; p < 0,001). Le taux d’hospitalisation chez les personnes de plus de 75 ans après un traumatisme était de 35,0 % ; il était de 60,0 % après un problème somatique (p < 0,001) et 61,0 % après un trouble psychiatrique (p < 0,001). Les personnes âgées non hospitalisées après leur passage aux urgences ont été réorientées vers un médecin généraliste en ville (40,5 % de cas), vers une consultation hospitalière (19 % des cas), ou vers un médecin spécialiste en ville (10,5 % des cas). Les autres conseils (orientation vers des soins infirmiers en ville, ou vers un service social, réalisation d’examens complémentaires en ville) ont concerné moins de 5,0 % des patients par type de conseils. Plus d’1/4 (26,5 %) des patients âgés n’ont reçu aucun conseil. Certains ont reçu plus d’un conseil.

Discussion Les résultats de l’enquête nationale réalisée en 2002 ont précisé les caractéristiques des usagers des services d’urgences de plus de 75 ans et montré la particularité de leurs consommations de ressources en matière de prise en charge non programmée. Le profil des usagers des urgences de plus de 75 ans se distinguait sur un certain nombre de points. • Les personnes âgées ont fait appel au SU par l’intermédiaire d’un médecin dans plus de 3/4 des cas. Bien que réalisées à un échelon local, d’autres études françaises [11, 17, 18] ont observé des chiffres comparables (le taux de personnes âgées adressées par un médecin variait de 71,0 à 76,2 %).

Ta b l e a u I I Consommation de ressources selon la classe d’âge (n = 1 153) Âge (en classes)

p*

Test de tendance

75-79 ans, n = 387

80-84 ans, n = 321

n (%)

n (%)

85 ans et plus, n = 445 n (%)

Adressé par un médecin

257 (66,4)

223 (69,4)

306 (68,8)

0,52

0,26

Mode d’arrivée Transport professionnel**

255 (65,9)

230 (71,6)

360 (80,9)

< 0,0001

< 0,0001

Actes diagnostiques Radiographie Examen biologique ECG***

267 (69,0) 269 (69,5) 232 (60,0)

244 (76,0) 226 (70,4) 208 (64,8)

344 (77,3) 333 (74,8) 313 (70,3)

0,01 0,19 0,007

0,007 0,08 0,002

Hospitalisation

204 (52,7)

176 (54,8)

250 (56,2)

0,60

0,32

* Test du χ ; ** ambulance, pompiers, ou SMUR; *** électrocardiogramme.

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Points forts et limites de l’étude Le nombre de patients inclus dans cette étude est important (n = 1 153) pour une cohorte de personnes de plus de 75 ans. Compte tenu de la pondération des données, la description des personnes âgées de 75 ans et plus qui ont fréquenté en 2002 les services d’urgence hospitaliers, de leurs modes d’accès, des motifs de consultation, et de leur orientation a pu être analysée sur 26677 épisodes de soins urgents. L’enquête DREES 2002 a obtenu des données représentatives de la fréquentation des SU en France, et non plus sur une région ou un hôpital localisé comme la plupart des études réalisées sur ce thème. Elle a été construite pour avoir un descriptif national de la fréquentation des SU sur l’ensemble de la population française quels que soient l’âge des personnes, leur lieu de vie rural ou urbain et le type d’hôpital universitaire ou non.

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Il y avait des limites méthodologiques liées en partie à la construction du questionnaire. Celui-ci a été conçu pour être très rapide à remplir afin d’obtenir une participation excellente, ce qui a été effectivement constaté. Il n’a pas été construit en vue de s’intéresser spécifiquement aux personnes âgées. La connaissance du mode de vie, le degré de dépendance n’ont pas été colligés. Des éléments importants concernant l’environnement social, l’existence de troubles cognitifs, la qualité des proches (aidants) auraient mérité de figurer dans le recueil initial des données car ils contribuent aux décisions et à la prise en charge des malades âgés. De plus, le nombre de données manquantes (15,5 %) pour la mention du diagnostic principal incite à la prudence quant à la généralisation de ce résultat. L’enquête ayant été réalisée au mois de janvier, un effet de saisonnalité pourrait exister. Les critères de sélection de la population qui auraient pu éviter une certaine consommation de ressources des SU sont arbitraires. Ils s’appuient néanmoins sur une réalité quotidienne des pratiques médicales. Les personnes qui sont stables cliniquement peuvent utiliser d’autres filières de soins ambulatoires que celles des services d’urgences. La CCMU a déjà été utilisée pour apprécier le degré de gravité des recours. Une étude sur les comportements de consommation de soins [25] a utilisé la CCMU pour identifier le niveau de gravité clinique et notamment ceux évitables (niveau 1 de l’échelle). De même, une partie des recours de niveaux 2 peut correspondre à des prises en charge qui n’impliquent pas forcément un service d’accueil des urgences. Les examens complémentaires (prélèvement biologique, radiographie et électrocardiogramme) qui ont été sélectionnés pour l’analyse descriptive de cette “sous-population” étaient liés à leur disponibilité effective en ville, en France.

Quelles solutions pour réduire la consommation de ressources? Nous avons observé que les patients âgés consommaient d’importantes ressources préhospitalières et hospitalières lors de leurs épisodes de soins non programmés. La proportion de recours jugés potentiellement évitables au SU paraît faible dans les conditions actuelles. Des études ont montré la nécessité d'améliorer les filières de soins en amont des services d’urgences et d’optimiser les réseaux de soins dans le cadre de la prise en charge des personnes âgées [26, 27]. D’autres expériences ont montré l’efficacité de l’évaluation gériatrique dans la prévention de l’institutionnalisation et du déclin fonctionnel [28]. Cependant, les stratégies mises en place pour réduire le recours aux urgences de certains malades âgés sont encore au stade de recommandations [29] ou ont montré un certain dysfonctionnement dans l’utilisation de la filière de soins en gériatrie [30]. Étudier le mode de déclenchement du recours au SU des personnes âgées peut permettre dans une certaine mesure

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• Les horaires d’arrivée des personnes âgées se concentraient sur la matinée ou le début d’après-midi. Ce profil horaire observé dans notre étude est difficilement comparable à celui d’autres enquêtes, car l’analyse des flux horaires est peu documentée ou exprimée de façon très variable suivant les études; Fanello et al. [11] ont observé 2 pics (12 et 16 heures) de fréquentation des urgences par les personnes âgées, alors que dans d’autres enquêtes [19, 20], les données recueillies renseignaient sur la fréquentation par tranche horaire ou suivant le moment de la journée (maximale le jour). Les horaires de travail du personnel médical et paramédical sensibilisé à la gériatrie au sein du service d’urgence devraient être adaptés pour une meilleure prise en charge des personnes âgées, avec une charge de travail plus satisfaisante des personnels. • L’utilisation plus importante des ressources préhospitalières telles que les transports professionnels (55,6 % des patients âgés arrivent en ambulance) a été observée par Strange et al. [21], même si celle-ci a été réalisée auprès d'une population plus jeune (à partir de 65 ans). • Les motifs d’admission sont variables d’une étude à l’autre du fait d’un recueil d’informations spécifique et différent lors de chaque enquête. Dans d’autres études françaises [4, 18], une prépondérance de motifs médicaux a été observée chez les personnes âgées fréquentant les services d’urgences. • Une plus grande consommation de ressources par les personnes âgées, au sein des SU, a été observée dans d’autres études [22, 23]. Ceci s’explique au moins en partie par les aspects atypiques des maladies dans cette population, par la polymédicamentation et les multiples comorbidités qui rendent plus difficile le diagnostic. Une proportion importante (53,8 %) de personnes âgées arrivait seule aux urgences; ceci conditionne en partie l’orientation des patients, en particulier sur les possibilités de retour immédiat dans le lieu de vie. Kariger et al. [24] ont montré l’importance d’un accompagnant lors d’une entrée aux urgences.

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Caractéristiques, consommation de ressources des usagers des services d’urgences de plus de 75 ans en France

Lazarovici C, Somme D, Carrasco V, Baubeau D, Saint-Jean O

de développer des stratégies de prévention adaptées de l’arrivée au SU de certains patients âgés. Approfondir l’aspect gériatrique des déterminants de recours aux soins et de la décision d’hospitalisation semble nécessaire dans la perspective d’améliorer la performance des soins et d’éviter une saturation des SU en recours non pertinents.

Conclusion Étant donnée l’évolution démographique, les systèmes de soins et de services doivent trouver des solutions innovantes afin d’assurer une prise en charge de qualité aux personnes âgées lors d’épisodes de soins non programmés. Ceci nécessite des

adaptations pour la prévention à domicile de ces épisodes de soins, pour la gestion la plus rationnelle possible des transports médicalisés et non médicalisés aux urgences. Afin de savoir quelle stratégie de prévention améliorer ou mettre en place, des données plus “gériatriques” (l’existence de troubles cognitifs, l’environnement social, la qualité des proches, etc.) sur ces patients âgés fréquentant les SU paraissent nécessaires. Disposer d’informations sur la trajectoire initiale des patients âgés en amont des SU ainsi que sur leurs facteurs de fragilité contribuerait à la mise en œuvre de stratégies ciblée sur une population âgée bien spécifique. Conflits d’intérêts : aucun

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tome 35 > n° 12 > décembre 2006 > cahier 1