Revue des Maladies Respiratoires Actualités (2011) 3, 247-250 ISSN 1877-1203
Revue des
Maladies
Respiratoires Organe Officiel de la Société de Pneumologie de Langue Française
Actualités Congrès de Pneumologie de Langue Française 2011 Lille Grand-Palais Confrontations anatomo-cliniques, coordonnées par Ph. Bonniaud et J. Cadranel Fil Orange CPLF – Les âges du poumon, coordonné par D. Montani
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Numéro réalisé avec le soutien institutionnel de Novartis
www.splf.org
Septembre Vol 3 2011
N°
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SESSION A53 : TRAITEMENT DU CANCER BRONCHIQUE CHEZ LE SUJET ÂGÉ EN COLLABORATION AVEC LE GOLF
Critères de sélection pour la chimiothérapie des personnes âgées Criteria for selection of chemotherapy for the elderly patients Présidents : M. Grivaux (Meaux), V. Westeel (Besançon) Orateur : A. Vergnenegre (Limoges) Article rédigé par : R. Magnier (Caen) Service de pneumologie chu Limoges 87042 Limoges cedex, France
MOTS CLÉS Personnes âgées ; Cancer du poumon ; Évolution
KEYWORDS Elderly; Lung cancer; Assessment
Résumé Le part grandissante des personnes âgées (plus de 70 ans) présentant des multiples comorbidités ainsi qu’un vieillissement physiologique des fonctions métaboliques doit nous amener à adapter nos propositions de traitements. Le développement de l’oncogériatrie, à travers le création d’échelle gériatrique évaluant le patient de manière simple et multidimensionnelle, permettra de sélectionner une population plus homogène de patients en terme de réponse et de survie et ainsi de leur administrer un traitement plus approprié. © 2011 SPLF. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Summary The growing proportion of elderly (over 70 years) with multiple comorbidities and an aging physiological metabolic functions should lead us to revise our treatment proposals The development of geriatric oncology, through the establishment of geriatric scale assessing the patient in a simple and multidimensional, will select a more homogeneous population of patients in terms of response and survival, and they be given a more appropriate treatment. © 2011 SPLF. Publié par Elsevier Masson SAS. All rights reserved.
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A. Vergnenegre
L
Cette étude de phase 2 n’a pas été con rmée par l’étude de phase 3 de Gridelli [7] avec 700 patients ne retrouvant pas d’avantage au doublet par rapport à la monothérapie. Une méta-analyse publiée en 2009 reprenant l’ensemble de ces études a montré que les patients âgés inclus dans les essais thérapeutiques présentent peu de comorbidités. Cette même étude montre que le traitement n’est pas dénué d’effets secondaires et que la balance béné ce risque n’est pas en faveur de l’utilisation de doublets de chimiothérapie (Tableau 2) puisque même s’il existe un bénéce sur la réponse, il n’y en pas sur la survie (Tableau 3) [8]. En France, un essai randomisé conduit par l’IFCT [9] a comparé une bithérapie par paclitaxel hebdomadaire et carboplatine administrée par cycles renouvelés toutes les 4 semaines à une mono-chimiothérapie laissée au choix de l’investigateur par vinorelbine ou gemcitabine. Cette étude,
a part grandissante des personnes âgées (plus de 70 ans) présentant des multiples comorbidités [1] ainsi qu’un vieillissement physiologique des fonctions métaboliques doit nous amener à adapter nos propositions de traitements. En effet, le perfomans status qui est la pierre angulaire du choix du traitement en oncologie, avec bien sûr le stade de la maladie, ne semble pas être le plus adapté chez la personne âgée [2]. La personne âgée présente donc des particularités qu’il faut savoir analyser an de proposer le traitement le mieux adapté en termes d’efcacité mais aussi de tolérance.
Quelles sont les pratiques de prise en charge en dehors des essais thérapeutiques ? Au sein des registres américains des cancers, les personnes âgées ne sont traitées que dans un quart des cas et pour les deux tiers des patients traités uniquement en monothérapie [3]. En France, l’étude observationnelle IFCT 02 02 a montré que chez les personnes âgées suivis pour un cancer, la prise en charge va différer selon l’âge (Tableau 1), la mortalité de ces patients étaient dans 80 % des cas liée au cancer mais aussi dans 15 % des cas aux comorbidités [4].
Tableau 2 Effets secondaires hématologiques en fonction de monochimiothérapie ou de doublets de chimiothérapie, d’après [8].
Quels patients âgés sont inclus dans les essais ? En 1999, une première étude [5] randomisée incluant 154 patients âgés de plus de 70 ans comparait la vinorelbine, aux soins de support. Il y avait un bénéce signicatif de la monothérapie par vinorelbine, avec une médiane de survie qui passait à 28 semaines versus 21 semaines pour les soins de confort et une survie à 1 an à 32 % versus 14 % pour les soins de confort. Deux études ultérieures ont tenté de remettre en question le dogme de la monothérapie chez les personnes âgées. Tout d’abord, l’étude de Frasci [6] qui comparait une monothérapie par vinorelbine ou gemcitabine au doublet gemcitabine-vinorelbine. Cette étude prévue pour 240 patients a été interrompue prématurément à 120 patients en raison de l’existence d’une différence signicative en faveur du doublet. Tableau 1
Choix du traitement en fonction de l’âge du patient, d’après [4].
Traitement
70-74 ans
75-79 ans
80-84 ans
85 ans
p
BSC (%)
11
11,9
27,1
51
< 0,0001
Chirurgie (%)
27,9
26,8
18,6
8,3
0,005
Radiothérapie médiastinale (%)
19,3
22,8
22,7
41,7
0,039
Radiothérapie cérébrale palliative (%)
4,2
4,7
3,8
4,2
0,94
Chimiothérapie (%)
75,2
68,3
64,4
54,2
0,001
Critères de sélection pour la chimiothérapie des personnes âgées
prévue pour 522 patients, a été arrêtée à la seconde analyse intermédiaire du fait d’une différence signicative en faveur de la bithérapie en termes de survie globale. L’association paclitaxel-carboplatine permet également d’obtenir de meilleurs taux de réponse, une meilleure survie sans progression. Un des aspects intéressants de cette étude est que le bénéce du doublet s’observe dans tous les sousgroupes étudiés, y compris les groupes de mauvais pronostic dénis par les échelles gériatriques. Le prix à payer de cette plus grande efcacité est représenté par une toxicité plus importante avec, en particulier, plus de toxicité leuco-plaquettaire et une augmentation du nombre de décès toxiques (n = 9). Cependant la mortalité précoce dans le groupe traité par le doublet est signicativement inférieure à 3 mois à celle du groupe monothérapie dans lequel un plus grand nombre de progression tumorale se traduit par plus de décès précoce. Cette étude va probablement modier les pratiques chez certains patients. Concernant les TKI, les patients de plus de 75 ans ayant la mutation de l’EGF récepteur présentent un taux de réponse objective supérieur à 80 % avec un délai avant progression de plus de 1 an. Des essais sont en cours [10] pour préciser l’intérêt ou non de leur association avec la chimiothérapie.
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Quels sont les outils d’évaluation gériatriques disponibles ? L’échelle de Charlson datant de 1987 [11] est l’outil le plus utilisé mais il ne semble pas être le plus adapté en oncologie car la présence d’une tumeur fait partie intégrante du calcul de ce score. Le développement de l’oncogériatrie a permis de comprendre que les personnes âgées sont une population hétérogène et que les scores utilisés auparavant n’étaient pas sufsants. La société internationale d’oncogériatrie [12] recommande avant de traiter les patients la réalisation de dosages biologiques (albumine, hémoglobine et clairance de la créatinine) ainsi que d’une évaluation gériatrique simpliée ou non. Il s’agit d’évaluer de façon simple et multidimensionnelle le retentissement du vieillissement. Cette évaluation permet de réaliser 3 groupes de patients [13] (Tableau 4) : • Le premier groupe ayant des comorbidités modérées, sans limitation des activités et sans syndromes gériatriques .Ce groupe peut recevoir un traitement classique ; • un deuxième groupe intermédiaire dit de patients « vulnérables » qui ne doivent recevoir qu’une monothérapie ;
Tableau 3 Effet comparé de la monochimiothérapie versur un doublet de chimiothérapie sur la réponse objective et la survie, d’après [8].
Tableau 4
Classement des patients après la réalisation d’une évaluation gériatrique.
Groupe I Patients harmonieux Comorbidités en nombre limité Indépendance IAD et IADL = 0 Pas de syndrome gériatrique
Groupe II Patients vulnérables Comorbidités modérées Dépendants physiquement IADL < 1 Pas de syndrome gériatrique
Groupe III Patients fragiles Comorbidités sévères IADL/ADL + Présence d’un syndrome gériatrique
Traitement habituel
Discussion en réunion de concertation pluri-disciplinaire et choix de la meilleure stratégie
Soins de support
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A. Vergnenegre
• un troisième groupe de patients « fragiles » présentant de sévères comorbidités avec limitation des activités chez qui, doivent être proposés des soins de confort. Une étude en cours de soumission [14] est basé sur cette évaluation gériatrique montre que l’évaluation gériatrique permet de sélectionner une population plus homogène de patients en terme de réponse et de survie et ainsi de leur administrer un traitement plus approprié. Le score gériatrique global à l’inclusion semble prédictif en terme de survie globale et de survie sans progression. Une étude de phase III est en cours pour valider cette échelle dans le domaine de l’oncogériatrie pneumologique (essai ESSOGIA, GFPC 0806).
[5]
[6]
[7]
Conclusion L’objectif de la prise en charge de la personne âgée en oncogériatrie pneumologique est de sélectionner au mieux les patients an de leur faire bénécier du traitement le plus adapté en fonction de leur état.
[8]
[9]
Conits d’intérêts A.Vergnenegre : interventions ponctuelles : rapports d’expertise (Roche, AstraZeneca) ; interventions ponctuelles : activités de conseil (Lilly) ; Conférences : invitations en qualité d’intervenant (Roche, Sandoz). R. Magnier : aucun.
[10]
[11]
Références [1]
[2]
[3]
[4]
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[12]
[13] [14]
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