Des annonces et des non-annonces du handicap moteur

Des annonces et des non-annonces du handicap moteur

© 2006. Elsevier Masson SAS Tous droits réservés Motricité cérébrale 2006 ; 27(2) : 68-75 www.masson.fr/revues/moce Témoignage Des annonces et des ...

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Motricité cérébrale 2006 ; 27(2) : 68-75 www.masson.fr/revues/moce

Témoignage

Des annonces et des non-annonces du handicap moteur R. Levin-Paddeu Professeur d’anglais à la Faculté de Médecine de Montpellier (ici, témoignage en tant que mère d’enfant IMC). Tirés à part : R. Levin-Paddeu, 10, rue de la Palissade, 34000 Montpellier. e-mail : [email protected]

Résumé Les réflexions d’une mère d’enfant IMC sur son vécu en ce qui concerne les annonces du handicap et les rapports forcément complexes entre les annonciateurs et les familles. Elle fait ressortir la spécificité du parcours moins coordonné lorsque l’annonce primitive est tardive. Est-il souhaitable de ne pas précipiter l’annonce primitive ? Qu’est-ce qui, dans les annonces propres au handicap moteur, peut aider ou au contraire nuire à l’épanouissement de la famille et de l’enfant ? Mots-clés : Annonce du handicap, Diagnostic, IMC, Témoignage parental.

Summary Announcing and not announcing motor disability The mother of a cerebral palsy child offers reflections on her personal experience concerning the announcement of the handicap and the necessarily complex relationship between announcers and the family. This experiences illustrates the less coordinated approach which occurs when the primary announcement comes late. What can be helpful in the primary announcement of a motor disability? And what can be helpful or on the contrary harmful for the well being of the child and the family. Key-words: Announcing motor disability, Diagnosis, Cerebral palsy, Parents’ experience.

INTRODUCTION

J’écris dans ma tête depuis vingt ans, depuis le jour du diagnostic du handicap de notre fils. Mais je ne pouvais, puis ne voulais mettre les mots sur papier. Élever un enfant handicapé, c’est compliqué, cela prend la tête, le corps, tout. Alors lorsque j’ai pu enfin penser moins à lui par moments, j’ai trouvé injuste envers ma famille – et surtout notre fille, qui a deux ans de moins que son frère – d’y consacrer mon temps libre. Même vis-à-vis de moi-même, le moment était venu de vérifier si

je pouvais vivre sans la drogue qu’était devenu le défi d’élever D. Cette semaine, mon fils a eu 21 ans. Il a son BEP de comptabilité en poche, vit tout seul sans tierce personne et poursuit ses études pour le BAC PRO dans un lycée spécialisé pour jeunes handicapés. Je peux m’exprimer. DE L’ANNONCE PRIMITIVE

Lors des Rencontres annuelles sur l’infirmité motrice cérébrale, organisées à Montpellier en juin 2004 par l’ADIMCH (Association Départe-

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mentale des IMC de l’Hérault), M me Montoya, pédiatre au CHU de Montpellier, a expliqué les démarches que son équipe faisait pour accompagner les parents au cours d’une grossesse à risque et pour annoncer le handicap si besoin est le plus tôt possible et de la façon la plus honnête. J’apprécie beaucoup Mme Montoya, que j’avais déjà eu le plaisir d’écouter à d’autres reprises. Et je salue ses efforts très humains pour éviter le handicap et pour y faire face quand il n’a pas pu être évité. Mais personnellement, l’annonce du handicap de D. s’est passée tout autrement. Jamais de travail d’équipe (pas une fois en vingt ans), jamais d’annonce programmée et réfléchie, trop souvent des annonces péremptoires et violentes sur « ces enfants-là ». Du coup, je suis restée interloquée. Tant de progrès en l’espace de vingt ans ? Ou alors une équipe de pointe, comme on aimerait en voir partout, mais qui n’existe que parcimonieusement ? J’avoue, une pointe de jalousie m’a envahie malgré moi. J’ai voulu comprendre, au-delà de cette jalousie qui en cachait une autre (car, à vrai dire, j’étais jalouse de ceux pour qui l’annonce n’a pas dû être faite). Et plusieurs questions qui m’avaient longtemps hantées ont refait surface. Pourquoi ce serait nous qui aurions accumulé par pur hasard tant de mauvaises expériences avec les annonces et les non-annonces ? Était-ce notre perception, notre personnalité, notre malchance ? Et si les médecins avaient fait exprès de ne pas nous annoncer le handicap potentiel de D. dès la naissance ? Et s’ils avaient bien fait de retarder l’annonce ? Et pourquoi j’en voulais à ceux qui ne m’avaient pas annoncé son handicap autant qu’à ceux qui n’ont cessé de faire des annonces par la suite ? Questions gênantes. Marche arrière pour comprendre. Le thème des Rencontres était « Les annonces du handicap », le pluriel traduisant les annonces à chaque étape : il est handicapé, il ne marchera pas ou plus, il ne parlera pas, il ne sera pas propre, il n’ira pas ou plus à l’école avec les autres, il ne conduira pas. Le parcours de l’enfant avec un handicap moteur est jonché d’annonces, parfois banales, qui rouvrent la blessure initiale à chaque coup. Quand on m’a annoncé que D., âgé de trois ans et demi, aurait besoin de lunettes, j’ai pleuré. En pleurs au téléphone avec ma mère, je me suis entendue dire : « Mais il verra bien, c’est ça l’important, non ? » Dans la famille de mon côté, on a tous une mauvaise vue mais, à mes yeux, supporter (à peine ou pas vraiment) un handicap moteur, ça suffisait, non ?

J’étais chez la gynécologue, enceinte de 8 mois. Elle m’a annoncé que la radiopelvimétrie montrait un bassin très limite. J’avais une chance sur deux d’avoir une césarienne. Ce n’était pas comme cela que j’avais imaginé mon premier accouchement. Elle m’a conseillé de me dépêcher d’accoucher. Je me suis mise naïvement à essayer de déclencher l’accouchement en avance en m’activant physiquement, en faisant des déplacements en voiture, en calculant les lunes, en y pensant très fort. Mais cela n’a rien donné. J’ai accouché à la date prévue, sauf que lorsque la gynécologue est arrivée à la clinique le matin, le bébé était déjà coincé après les diverses manipulations nocturnes de la sage-femme, sans doute trop interventionniste pour le coup, et on ne pouvait plus faire de césarienne. L’accouchement par voie basse s’est fait avec le stade de la poussée qui a duré quarante-cinq minutes, ventouse, plus mon mari convoqué par le médecin pour « pousser sur mon ventre comme s’il voulait traverser le sol ». D. est sorti, j’étais fière, j’ai cru que c’était fini. Oui, son APGAR était un peu bas, mais il était remonté rapidement et on me l’a vite rendu après un court séjour de quelques heures en couveuse. Lors d’une rencontre fortuite dans l’ascenseur de la clinique, la gynécologue m’a avoué que mon accouchement avait été dans les 5 % les plus difficiles. On pouvait en rire maintenant. Tout allait bien à la visite du pédiatre. On a emballé D. et on est rentrés à la maison pour être une famille comme les autres. Pas un mot de la part de qui que ce soit sur des problèmes éventuels. Pas de rendez-vous pour faire le point plus tard. Motus. Une première non-annonce. Les dix premiers mois sont passés. D. nous semblait normal, ayant juste un sommeil très agité et les jambes raides. Le médecin qui suivait D. (un généraliste, pas un pédiatre, il est vrai) m’a rassurée. Elle m’a dit que certains bébés étaient raides au début. Mais, à dix mois, il ne s’asseyait toujours pas normalement, et ne pouvait pas se mettre en position assise seul. Deuxième nonannonce. J’ai décidé de consulter un pédiatre au hasard. Un rendez-vous serait sans doute suffisant pour dissiper nos inquiétudes. La pédiatre (qui fumait en examinant les bébés) nous a fait une ébauche d’annonce du handicap. Avec le sourire, et une attitude très détendue. Elle nous a expliqué que D. avait été coincé dans mon ventre et du coup il avait souffert. Il fallait qu’il fasse de

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la kinésithérapie. « Ne vous en faites pas, quelques séances et il filera à quatre pattes. » On a conclu avec mon mari que ce n’était rien de grave et en sortant on s’est félicités d’avoir consulté. On imaginait qu’il s’agissait d’un raidissement un peu comme les bébés qui naissent avec un torticolis. A-t-on refusé de l’entendre ? Je ne crois pas, mais le doute peut subsister. Ce qui est certain, c’est qu’elle n’a pas vérifié si on avait compris ce qu’elle nous disait et qu’elle n’a jamais parlé d’un éventuel problème à long terme ou de handicap. Et puis son attitude si détendue ne traduisait pas l’annonce d’une nouvelle si grave. Troisième non-annonce. On est allés voir le kinésithérapeute chez qui la pédiatre nous avait envoyé. Il a commencé immédiatement une séance de guidance sans nous parler de diagnostic. « Guidez sa main dans ses activités », « faites-le manger devant une glace pour son image corporelle », « faites tel ou tel jeu stimulant », « installez une chaise spéciale », et ainsi de suite. Nous l’avons regardé interdits, convaincus qu’il s’agissait d’un fou. On était venus pour les jambes raides de notre fils, un problème mécanique en somme, et il nous parlait comme si notre fils était débile. On a décidé de ne plus jamais mettre les pieds chez lui. Le pauvre homme, il s’imaginait à juste titre que quelqu’un nous avait déjà annoncé le handicap de D. Il ne l’avait pas évoqué directement, sans doute mu par des sentiments honorables de discrétion pour un premier abord. D’ailleurs, j’ai eu à le fréquenter depuis et c’est quelqu’un de très bien qui ne nous en a jamais voulu de notre fuite restée sans explication. J’en arrive à l’annonce du handicap qui a tout de même fini par avoir lieu. La pédiatre nous avait demandé de prendre rendez-vous avec un spécialiste de la médecine physique à l’hôpital. Le rendez-vous avait été pris pour trois mois plus tard. Là, le ton n’avait rien de débonnaire. Là, les mots ont été prononcés. Nous – mon mari, notre fils âgé de 13 mois, et moi-même – avons entendu très clairement le message. Syndrome de Little. Handicap. Moteur. Avenir inconnu. Marche pas du tout sûre. Parole à voir. Propreté pas gagnée. Scanner à faire. Scolarité spécialisée à prévoir. Dans la voiture garée au parking de l’hôpital, on a pleuré tous les trois. C’était le désastre. La fin du monde. Le trou noir. On avait perdu D., notre enfant, notre rêve. Je passe sur les années d’angoisse, de douleur, de lutte, les opérations, les rééducations à

tous niveaux, les humiliations, les refus, les regards, etc. mais aussi sur les batailles gagnées, la parole, la marche, l’écriture, la propreté, la scolarité en milieu normal sans auxiliaire jusqu’à 14 ans, F., sa sœur née avec césarienne qui était valide. J’ai sans doute eu le temps de traverser les phases théoriques de l’annonce du handicap (du choc au refus à l’acceptation et à l’organisation) et surtout de dépasser le stade d’en vouloir à l’équipe qui m’avait accouchée. Non, d’après les gynécologues et pédiatres consultés au moment de ma deuxième grossesse, il ne s’agissait visiblement pas d’un problème génétique mais bien d’un accident à l’accouchement. Et pendant ces années-là, je songeais parfois aux non-annonces des treize premiers mois. Pourquoi ne nous a-ton rien dit ? Pas même suggéré une visite de suivi à l’hôpital par sécurité ? Sans doute que la gynécologue qui m’avait accouchée, trop consciente des erreurs de la sagefemme et des risques pris, avait préféré le silence. S’il n’y avait pas de dégâts visibles, c’est qu’elle l’avait échappé belle, pas la peine de faire remarquer leurs imprudences. Quinze ans plus tard, j’ai retrouvé cette gynécologue devant moi car elle s’était inscrite pour suivre mes cours d’anglais médical à l’université où je travaille. Je n’ai pas pu. Je ne ressentais aucune haine, mais sa présence me bouleversait totalement. J’ai demandé donc à la rencontrer. Elle m’a donné rendez-vous dans son cabinet. Le même que je n’avais pas revu depuis l’annonce du bassin étroit. Elle m’a expliquée qu’elle ne m’avait pas reconnue lors des premiers cours d’anglais. Puis elle s’était souvenue de moi. Qu’il s’agissait d’un bébé qui était mort à la naissance. Mais ayant consulté ses dossiers, elle se rappelait maintenant plus précisément mon accouchement et d’avoir appris le regrettable handicap de mon fils. Je l’ai confrontée au malaise que je ressentais en sa présence et on s’est mise d’accord pour qu’elle ne revienne plus à mes cours. Nous étions toutes deux très polies. Je me noyais. Les larmes versées ce jourlà sont toujours avec moi. Pour elle, mon bébé était mort. Elle ne me l’avait pas dit. Elle savait qu’on avait frôlé le pire. Que le bébé aurait peut-être des séquelles. Elle aurait dû prévoir un suivi au cas où. Elle ne l’avait pas fait. Elle n’avait rien dit. La violence de cet aveu imprévu et candide m’est difficile à décrire. Un tremblement de terre contenu, une implosion. Mais la plaie de sa nonannonce initiale a pu mieux se cicatriser par la

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suite car j’étais enfin remontée à l’annonce primitive, même faite avec quinze ans de retard et quasiment par inadvertance. C’est sans doute ce début bancal de notre trajet qui explique que nous sommes restés si longtemps dans la non-annonce, loin de l’accompagnement précoce de la famille. Mais par la suite ? Mes insistances auprès du médecin généraliste qui suivait D. au cours de sa première année n’auraient-elles pas dû conduire à des vérifications au moins ? Oui, je sais (maintenant) que les symptômes du handicap moteur ne sont pas très visibles à cet âge. Notre premier pédiatre n’aurait-elle pas dû nous expliquer qu’il s’agissait probablement d’un handicap ? Elle ne nous connaissait pas, a-t-elle voulu laisser faire les spécialistes, mieux équipés ? Le kinésithérapeute, n’en parlons pas, il ne pouvait pas deviner que personne ne nous avait parlé du handicap. Notre fils n’a pas un handicap moteur sévère, et aujourd’hui il marche avec une canne simple. Mais il a toujours eu les membres inférieurs très spastiques et, une fois son diagnostic posé, le corps médical doutait fort qu’il marche un jour. Si moi, mère pour la première fois, je pouvais remarquer quelque chose et formuler à plusieurs reprises des interrogations à ce sujet, c’est que c’était tout de même possible d’avoir des doutes en étant médecin. Étaient-ils si lâches, si incompétents, ces autres médecins ? Après de longues années de rage envers ces auteurs des non-annonces, j’ai commencé à prendre du recul et à me demander au contraire s’ils n’avaient pas fait exprès d’attendre. Ceci, en dehors de la culpabilité, de la peur d’être attaqué en justice, ou d’une réticence à jouer les Cassandre (d’autant que, à quelques mois près, le pronostic du handicap moteur modéré sans complications reste inchangé). Est-ce qu’on avait bénéficié des non-annonces aussi pour raison « positive » ? Est-ce que la douleur nous avait empêché de voir que la non-annonce, ou plutôt l’annonce retardée, pouvait être une tactique honorablement choisie par les médecins ? Les médecins interrogés depuis me disent généralement que ce n’est pas vrai, qu’on annonce tout dès que possible, même dans le doute. Ils sous-entendent soit que nous avons été victimes de notre propre déni soit que les médecins croisés sur notre trajet étaient des exceptions peu reluisantes de la profession. Pas de quoi bâtir une théorie, d’autant plus que le droit à la « vérité » s’est affirmé depuis vingt ans. Alors je vais poser

la question autrement. Pour des raisons « indéterminées », nous n’avons pas eu d’annonce du handicap pendant les treize premiers mois de la vie de notre fils. Est-ce que cela a eu un effet sur notre devenir et, si oui, l’effet était-il plutôt positif ou négatif ? À l’annonce du handicap de D. faite par le médecin physique, mon mari, notre fils et moi avons pleuré ensemble. On était déjà une famille bien rôdée après treize mois de vie en commun. On avait déjà construit des projets et tissé un réseau d’identifications. Est-ce que j’aurais été la même mère si l’on avait évoqué dès les premiers jours un handicap avéré ou potentiel ? D’un côté, j’aurais mieux compris son sommeil extrêmement perturbé et ses états agités. J’aurais moins écouté les copines qui disaient qu’il faisait des caprices. Après tout, d’après les médecins consultés, D. était normal avant l’accident de mon accouchement. Il bougeait ses membres inférieurs comme tout bébé tant qu’il était dans mon ventre. Puis, il a failli mourir étouffé en venant au monde. Il a dû avoir peur, souffrir, et après découvrir qu’il était devenu handicapé. Je ne pouvais pas le comprendre. Seul, il s’était confronté avec cette réalité terrible. Cette solitude auraitelle été moindre si nous avions su ? D’ailleurs, il n’y a que maintenant, après vingt ans, que j’ai pu formuler ce vécu périnatal. C’était trop douloureux sans doute. Si nous avions bénéficié d’une prise en charge précoce comme celle décrite par Mme Montoya, nous aurions sans doute pu mieux nous comprendre. Mais en même temps nous avons été des parents naturellement, à notre façon. Un lien affectif solide et libre d’a priori s’était mis en place. Et, au moment de l’annonce, cela peut compter. Tous les trois, nous formions une unité et nous savions que nous lutterions ensemble. Le choc, le deuil, tout cela est inévitable, mais on est peut-être – je dis bien peut-être – mieux armé si on se connaît déjà et si on s’est déjà investi pleinement dans cet enfant-là. Nous étions convaincus de l’intelligence et du potentiel de notre fils. Aurais-je eu la même confiance ? Aujourd’hui, se demander si le moment de l’annonce du handicap moteur devrait être plutôt retardé ou accéléré dans l’intérêt de l’enfant et de sa famille paraît a priori plutôt rétrograde. Le consensus semble trouvé. J’espère seulement que le corps médical n’a pas été aveuglé par le politiquement correct du droit à tout savoir tout de suite. J’espère que le débat n’a pas été clos d’office. D’autant plus qu’il n’y a pas d’impératif thérapeutique très pres-

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sant chez beaucoup d’enfants IMC et que les signes cliniques sont souvent tardifs. Est-ce une chance ? Je me souviens d’une amie rencontrée par hasard avec un landau. Je me précipite enthousiaste pour voir le nouveau-né tant attendu mais elle me met en garde : « Il n’y a pas grand-chose à voir, elle est mongolienne. » La petite est morte quelques mois plus tard. De toutes les façons, que l’annonce primitive soit précoce ou tardive, dans le cas du handicap moteur, cela se passe toujours en début de vie, et donc à un moment particulièrement fragile. Parlons donc du comment de cette annonce. Bien sûr, la famille doit accepter la vérité et être lucide. Mais elle doit aussi pouvoir aimer cet enfant handicapé et ne pas penser qu’il n’y a pas grandchose à voir. D’autant plus que ce qui caractérise beaucoup d’enfants IMC, c’est qu’ils ont un potentiel intellectuel intact mais de nombreux obstacles à la réalisation de ce potentiel. Ne pas détruire ce désir fragilisé de s’investir dans un très long chemin, c’est précieux, essentiel, et cela est bien exprimé chez tous les médecins qui réfléchissent à l’annonce aujourd’hui. Par contre, il ne suffit pas d’être attentif à encourager les parents à prendre des initiatives. Car si les soignants ont déjà, de par le quand et le comment de l’annonce, détruit l’espace d’où peut naître l’aventure avec leur enfant handicapé, c’est-à-dire l’espace du rêve, c’est trop tard. DES SUR-ANNONCES

Malheureusement, les professionnels médicaux et paramédicaux du handicap moteur – qui, eux, ne sont pas en train de se débattre avec le choc, le déni, la rage, etc. – sont trop souvent déjà, au moment de l’annonce primitive, en train de regarder vers l’avenir, de s’inquiéter sur combien de temps va durer le déni, sur le risque des parents surinvestis, et ainsi de suite. Ils se disent que leur objectif, c’est quand même l’accueil de l’enfant et ils s’impatientent. Ils ont beau se dire que leur rôle est aussi de privilégier l’alliance avec les parents et de les encourager à être acteurs dans cette aventure, la frustration peut prendre le dessus et ces parents-là peuvent être ressentis comme des obstacles, presque des ennemis. Cela explique sans doute pourquoi, après notre parcours chaotique des non-annonces, nous avons eu droit à pléthore d’annonces, non pas sur le présent mais sur l’avenir. On ne pouvait plus les arrêter. Ces annonces étaient très choquantes, basées sur des

généralités concernant « ces enfants-là », comme si notre fils n’était plus qu’une statistique de plus. Après la phase de « ni vu ni connu », on avait brutalement plongé dans la phase « on voit tout, on connaît tout, y compris l’avenir ». Difficile de nous y retrouver. Pourquoi tant d’annonces sur le devenir théorique de notre enfant ? C’est là que j’ai ressenti comme une tentative de vol de notre enfant. Bien pire que la douleur des annonces « réelles » sur le présent. En somme, je voulais bien accepter que mon enfant soit handicapé, mais l’impression que sa vie ne réservait pas de surprises (qu’il n’y aurait pas grand-chose à voir) était insoutenable. Quand le médecin physique nous a dit : « Ne rêvez pas, votre enfant (de 13 mois) ne fera pas Polytechnique », son intention était clairement de détruire toute illusion sur l’avenir, si illusion il y avait. Mais au fait, combien d’enfants font Polytechnique ? Si, à la naissance des bébés valides, le médecin se présentait solennellement auprès de chaque berceau pour annoncer aux heureux parents : « Ne rêvez pas, il y a peu de chances que votre enfant fasse Polytechnique, devienne mannequin ou Président de la République », aurait-il tort d’un point de vue statistique ? Sans nier les vrais, trop vrais, obstacles que sont les handicaps, n’est-ce pas vrai aussi que la part de rêve, d’imprévu sera aussi importante voire plus importante pour un bébé IMC que pour les autres ? Attention, ne me confondez pas avec ceux qui brandissent des slogans bien-pensants du type « Être handicapé, c’est juste être différent ». Non, être handicapé, c’est justement moins bien, c’est pour cela que personne ne rêve d’être handicapé, d’avoir un jour un enfant handicapé, ou de voir se marier son enfant avec un partenaire idéal handicapé. Mais la vie est désordre et « moins bien » peut aboutir à être IMC et philosophe comme Alexandre Jollien. De même, « mieux » peut aboutir à une vie ratée, à la mort précoce ou au suicide. D. avait 3 ou 4 ans. Le médecin physique qui suivait encore notre fils depuis son annonce du handicap nous a demandé où il en était d’un point de vue graphique. On a répondu que c’était contrasté. Parfois, il scribouillait comme un bébé, ce n’était pas du tout structuré, les jambes du bonhomme n’étaient pas comme il faut dans ses dessins. Mais parfois, il nous étonnait. De retour après une visite d’un village fortifié, il avait dessiné et commenté les fortifications, vues de dessus. Commentaire du médecin devant nous trois : « C’est impossible, un enfant ne peut pas passer

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à l’étape de l’abstraction sans avoir maîtrisé entièrement le concret. » (Pardonnez-moi si j’utilise les mauvais termes, vous saurez rectifier !) Elle a sans doute raison. Nous n’étions que des parents après tout. Et puis elle savait, elle, que les enfants IMC avaient de grandes difficultés spatiotemporelles à cause de leur image corporelle imparfaite. Elle avait tant de raisons raisonnables. D. a refusé de dessiner pendant au moins 4 ans. Mon mari et moi avons plongé au plus profond du tunnel noir. Le message était clair : nous étions dans le déni, l’illusion. Nous nous mentions même. Que cela cesse ! Que par la suite les bilans d’orthophonistes spécialisés aient toujours trouvé chez D. des résultats exceptionnellement bons en logique mathématique et en spatialité, que ses instituteurs l’aient puni en le privant des exercices de maths (sa matière préférée), que ses enseignants dans le secondaire aient toujours fait remarquer qu’il avait vraiment l’esprit scientifique (alors qu’il vient d’une famille de littéraires plutôt nuls en maths), qu’il étudie la comptabilité pour toutes ces raisons, est-ce la peine de l’affirmer aujourd’hui avec un goût amer de la revanche ? Est-ce que cela effacera les blessures inutiles ? Souvent, des spécialistes du handicap moteur nous ont dit : « N’aidez plus votre fils avec son travail scolaire, il faut qu’il touche le fond pour se rendre compte de son handicap qu’il devra assumer seul. » Ce précieux conseil nous a fait douter terriblement et douloureusement à chaque fois qu’on l’aidait ou qu’on l’engueulait parce qu’il travaillait mal. Mais qu’ont fait ces mêmes individus pour leurs chers petits si leur moyenne baissait en-dessous du seuil des futures classes préparatoires ? Apprendre à un enfant à devenir autonome, ce n’est pas l’abandonner ou maintenir sa tête sous l’eau, et qu’il soit handicapé n’y change rien. Ne confondons pas. D. était scolarisé dans une école primaire en milieu ordinaire. C’était dur, mais ses résultats permettaient de prolonger l’expérience. Il continuait à fréquenter une pouponnière médicale, un jour par semaine, pour avoir une aide scolaire spécialisée en complément. Un jour, j’avais pris rendez-vous avec l’un des médecins spécialisés pour faire le point sur l’organisation de l’année à venir. Visite de routine. Annonce inattendue. Encore une. Elle m’a dit : « Arrêtez de pousser trop votre enfant. Laissez tomber la kinésithérapie et réduisez à une séance par semaine au lieu de trois. Mettez-le dans un fauteuil roulant tout

de suite. Ne l’embêtez plus avec l’écriture à la main. Ne mettez pas trop de pression pour sa scolarité. Sinon, vous allez bousiller votre enfant. » Tout cela peut être logique et de bon conseil. Exiger l’impossible de son enfant, c’est terrible. Et vous qui lisez ces réflexions, vous ne connaissez pas mon fils. Le message de cette femme était clair aussi : vous vous trompez entièrement sur la prise en charge de votre enfant – je sais mieux – écoutez-moi et tout ira mieux pour lui. C’est beaucoup à entendre pour des parents. Nous aussi, on avait des doutes sur la pression qu’on lui mettait. Mais nous pensions qu’il y aurait souffrance dans les deux cas : soit l’enfermement dans le monde institutionnel du handicap aux horizons très bouchés, soit la tentative de se rapprocher du monde des normaux. Et nous avions régulièrement fait part aux nombreux intervenants qui connaissaient D. de nos inquiétudes et écouté leurs avis. Souffrir pour souffrir, nous avions décidé de tenter le deuxième chemin. L’approche autoritaire, encore une fois, du spécialiste qui connaît mieux votre enfant que vous, parce qu’il est plus IMC qu’enfant, est très dangereuse. De nature à ne pas nous laisser faire, nous avons profité pour devenir militants de notre position. L’émotionnel est partie en roue libre, spirale de l’excessif. On était loin de l’alliance tranquille théoriquement souhaitée entre les soignants et la famille, et je pense qu’il aurait mieux valu éviter cette ambiance hystérique dont l’enfant devenait l’enjeu, un peu comme avec un couple qui se déchire. D. a donc fait un bilan complet au service hospitalier de ce même médecin qui avait prodigué tous ces bons conseils. Elle voulait l’inscrire en CLIS d’office. Nous avons refusé de prendre une décision avant le bilan. Les résultats témoignaient d’une intelligence « objective » tout à fait normale avec des difficultés de concentration. Fini le projet CLIS pour lui. Notre chirurgien avait eu vent des bons conseils aussi. Il nous a fait convoquer pour nous dire qu’il ne fallait surtout pas réduire la kinésithérapie et le mettre dans un fauteuil, sous peine de perdre la marche, enfin acquise à l’âge de 9 ans, à jamais. D. a continué à écrire un minimum à la main pour ne pas perdre un outil précieux dans la vie quotidienne. Il a continué ses études et a progressé, avec plus de mal que d’autres, mais il a progressé. Ce qu’a voulu éviter ce médecin, je le comprends. À un moment donné, la scolarité en milieu ordinaire devient souvent si douloureuse qu’elle doit cesser sous peine de dysfonctionnements graves. Mais

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nous n’y étions pas encore, du moins c’est ce que nous pensions. À ce stade, nous espérions qu’il ferait toute sa scolarité normalement, malgré ses difficultés. Qui sait si D. aurait été plus heureux si nous avions suivi le programme de ce médecin ? Ici encore, nul ne le sait. Seulement il y avait ingérence. Nous avions le droit d’être parents, même si notre enfant était handicapé. Tous nos choix n’étaient pas bons. On a des regrets. Mais on a élevé notre fils handicapé comme on a élevé notre fille valide : avec nos choix réfléchis, à tort ou à raison. Il était notre enfant, et non pas le produit d’un parcours théoriquement souhaitable pour les IMC. Ne confondons pas. J’ai entendu maintes fois des spécialistes me dire : « Attendez-vous à ce que votre fils ait de grandes difficultés en mathématiques. » Lui, c’était plus pour la verbalisation qu’il avait des problèmes. C’était un original. Personne ne me l’avait annoncé. À qui dois-je l’annoncer maintenant, vingt ans plus tard ? Un enfant handicapé ne doit pas être réduit à sa caricature, même si on se doit d’informer les parents sur les spécificités éventuelles de ces enfants-là. Ne confondons pas. Les soignants ressentent sans doute une impatience et un sentiment d’urgence insoutenable, ce qui devient souvent source de multiples conflits, malentendus, blessures. Accepter le temps, c’est peut-être l’un des obstacles majeurs de l’accompagnement réussi. On dit un « patient » pour une personne qui consulte, mais n’est-ce pas les parents et les soignants qui doivent aussi patienter ? Les parents doivent attendre des années, voire des décennies, pour savoir si leur enfant sera propre, marchera, lira, écrira, s’habillera, gardera ses acquis… Les soignants, eux aussi, doivent apprendre à ne pas voir dans ce temps si long un ennemi. Car, peu importe la vision, le fait d’assommer l’enfant et sa famille de trop d’images toutes faites sur l’avenir est nuisible. Les parents se disent confusément que ce n’est pas la peine de s’investir dans cette vie-là. Non pas parce qu’ils craignent de ne pas être à la hauteur – les défis ne manquent pas avec les enfants IMC et les parents trouvent souvent de quoi être fiers, surtout si le handicap est léger ou modéré. Mais plutôt parce qu’ils pensent qu’il n’y aura rien à découvrir ou à désirer. La vie avec cet enfant sera un schéma tout tracé et les parents n’auront qu’à appliquer ce que conseillent les médecins. Pas de quoi s’enthousiasmer. Au nom du principe de réalité en apparence et, inconsciemment, par vengeance envers ces parents qui les empêchent de bien faire, il ne faut pas que ces soignants tuent

l’inconnu de ces tous petits dans l’œuf. De même, les spécialistes du handicap moteur doivent s’empêcher de réduire trop vite les efforts personnalisés d’une famille à de l’hystérie et du déni. Je sais que cela existe et que certains parents torturent leurs enfants handicapés pour ces raisonslà. Il faut effectivement essayer d’y remédier, et cela est une tâche difficile. Mais quand même, ne soyez pas si sûrs, ne tirez pas trop vite ! Les soignants merveilleux dont j’ai souvenir étaient ceux qui voyaient dans mon fils un être handicapé mais en même temps mystérieux et complexe, c’est-àdire ayant une identité propre et unique. Les parents doivent, eux aussi, faire des annonces ou des non-annonces à leur tour. Il y a les connaissances, la famille élargie, l’enfant luimême qui grandit et pose des questions. Influencée par le discours sur le besoin du principe de réalité (que j’avais peut-être mal interprété), j’avais toujours hésité à encourager D. quand il me parlait de ses projets d’avenir. Architecte, rugbyman, navigateur solitaire. Il ne faut pas le laisser rêver, le contre-coup sera dur, il souffrira d’autant plus. Finalement, je faisais ce que je reprochais à certains soignants ! Puis il y a quelques mois, D. m’a parlée de ses cours de théâtre au lycée. Ils vont donner une représentation dans un vrai théâtre de sa ville. « C’est le début de ma carrière professionnelle. Bientôt la gloire. » Pour une fois, je me suis tue. Et hier soir, il m’a appelée pour me dire qu’ils allaient peut-être être sélectionnés pour un festival international en plus. Il s’emporte. Il se voit trop occupé pour rentrer ce week-end. Il exagère. Mais qui sait ? Des philosophes IMC, des danseurs en fauteuil, des acteurs sourds, etc. Rêver, ce n’est pas délirer. Ne confondons pas. Un enfant handicapé a réellement besoin d’aide et aura réellement des limites. Les parents ont réellement besoin d’accompagnement. Ne délirons pas. Le corps médical a une tâche difficile. Ne tournons pas autour du pot. Mais interdire de rêver le peu probable, c’est-à-dire confondre le désir et le délire, c’est sclérosant et aliénant, même avec les meilleures intentions. Un exemple : me dire au moment où mon fils de 9 ans venait d’acquérir la marche, au prix d’une inventivité hors pair et d’efforts héroïques de la part de toute la famille, qu’il fallait l’asseoir dans un fauteuil roulant tout de suite parce que souvent ces enfants-là perdaient la marche à la fin de la croissance ou parce que trop de parents refusent l’autonomie à leurs enfants en raison de leur narcissisme blessé par le fauteuil était déplacé. Une

Des annonces et des non-annonces du handicap moteur / 75

fois de plus, un spécialiste du handicap moteur avait anticipé en voulant casser un dynamique, préférant imposer une planification raisonnable pour éviter une casse éventuelle. Où est la limite ? Pas facile. Notre pari sur la marche a porté ses fruits. On a eu de la chance, c’est vrai, parce que la poussée de l’adolescence n’a pas altéré ses capacités et grâce aux opérations, à la rééducation régulière, à notre persévérance, et à sa volonté propre d’y arriver, il a acquis une marche de plus en plus stable et fonctionnellement acceptable. Établir des priorités pour ne pas surmener ces jeunes est nécessaire, indéniablement. Mais je songe à ce médecin : nous aurait-il motivés si on ne s’était pas senti d’essayer de faire marcher ce même enfant ou aurait-il été heureux de traiter enfin avec des parents raisonnables tout en confinant l’enfant définitivement et peut-être inutilement au fauteuil ? ANNONCER L’INCONNU

J’ai l’impression désagréable de n’avoir écrit ici que pour critiquer les soignants alors qu’en réalité il y en a eu de merveilleux aussi sans qui on n’aurait pas pu s’en sortir : patients, sachant expliquer sans évitement mais aussi sans nous agresser avec des images toutes faites, ne perdant jamais de vue que notre fils était plus que son handicap – qu’il était aussi un individu à part entière. Il doit être très inconfortable de parler de l’avenir en début de parcours de l’enfant IMC modéré. L’impression que j’avais, c’était que les soignants qui ne se cachaient pas derrière l’évitement ou l’agression devaient nous avouer surtout

leur incapacité à prévoir l’évolution de notre fils. Je comprends que cela soit angoissant pour l’annonciateur comme pour nous, d’autant plus qu’il s’agit de très longues années d’incertitudes. Mais, malgré l’angoisse, ces rapports me paraissaient moins pathogènes. Il se peut que l’intensité de mes émotions négatives envers certains soignants ait surtout reflété l’intensité de mon propre désarroi. Il se peut que j’aie eu besoin d’ennemis sur qui me défouler. Mais il se peut que certains soignants, eux aussi bouleversés ou frustrés, aient eu tendance à fuire ou à se défouler sur nous. Dans l’absence d’un soupçon de handicap dès la grossesse, ou d’une annonce de handicap dès les premiers mois de vie, nous avons été ballottés au gré de rencontres médicales peu coordonnées. Pas de structure d’accueil périnatal comme celle de Mme Montoya, pas de CAMPS, pas de réunions pluridisciplinaires, etc. Ces structures auraient-elles suffit à éviter les pires dérapages de notre parcours ? Aurait-on souffert autrement si le handicap nous avait été annoncé dès les premiers jours grâce à une meilleure prise en charge ? Aujourd’hui, je vis en paix relative avec ces questions en suspens, avec ce parcours, aléatoire comme toute vie. Je perçois l’immensité du processus que nous avons parcouru. Je perçois également l’immensité de la tâche de chacun des soignants que nous avons croisés. Nous sommes condamnés à partager modestement l’inconnu du parcours et même un fond de deuil sans fin malgré toutes les batailles de gagnées. La fragilité n’est jamais loin. Chaque annonce est critique. Ne l’oublions jamais.