Encéphalite limbique paraneoplasique et carcinome épidermoïde du poumon

Encéphalite limbique paraneoplasique et carcinome épidermoïde du poumon

Cas clinique J. Neuroradiol., 2005, 32, 278-280 © Masson, Paris, 2005 ENCÉPHALITE LIMBIQUE PARANEOPLASIQUE ET CARCINOME ÉPIDERMOÏDE DU POUMON C. DAB...

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Cas clinique

J. Neuroradiol., 2005, 32, 278-280 © Masson, Paris, 2005

ENCÉPHALITE LIMBIQUE PARANEOPLASIQUE ET CARCINOME ÉPIDERMOÏDE DU POUMON C. DABBECHE (1), D. GUYON (2), F. LOUBES-LACROIX (1), C. MANELFE (3) (1) Service de Neuroradiologie diagnostique et thérapeutique, Hôpital de Rangueil, 1, Avenue Jean Poulhès, TSA 50032, 31059 Toulouse cedex 9. (2) Service de Neurologie et d’explorations fonctionnelles du système nerveux, Hôpital de Rangueil, 1, Avenue Jean Poulhès, TSA 50032, 31059 Toulouse cedex 9. (3) Service de Neuroradiologie diagnostique et thérapeutique, Hôpital de Purpan, Place du Dr BAYLAC, TSA 40031, 31059 Toulouse cedex 9.

RÉSUMÉ L’encéphalite limbique paranéoplasique est une affection rare, le plus souvent associée à un cancer pulmonaire à petites cellules. Nous rapportons l’observation d’un patient de 54 ans hospitalisé pour un état de mal épileptique avec des troubles cognitifs et une amnésie antérograde à l’examen neurologique, associés à un cancer bronchique épidermoïde de découverte récente. Le scanner cérébral était normal alors que l’IRM montrait un hypersignal sur les séquences pondérées en T2 et FLAIR des régions temporo-limbiques. Le traitement de la tumeur primitive a permis une nette amélioration de l’état neurologique. Mots-clés : Encéphalite limbique, Syndrome paranéoplasique, Carcinome bronchique épidermoïde, IRM.

SUMMARY Paraneoplastic limbic encephalitis associated with epidermoid lung carcinoma Paraneoplastic limbic encephalitis is a rare clinical entity, most often associated with small cell lung cancer. We report a case of a 54-year-old man presenting status epilepticus, cognitive dysfunction and loss of short term memory associated with epidermoid lung carcinoma. CT scan was normal whereas MRI revealed hyperintensities on T2WI and FLAIR images in the temporolimbic regions. Treatment of the primary tumour was followed by neurological improvement. Key words: Limbic encephalitis, Paraneoplastic disorder, Epidermoid lung carcinoma, MR imaging.

INTRODUCTION L’encéphalite limbique paranéoplasique a été décrite en 1960 [2] et son association à un cancer en 1968 [3]. C’est une affection rare le plus souvent associée à un cancer pulmonaire à petites cellules. Elle se manifeste cliniquement par un tableau neuropsychiatrique qui accompagne ou précède le plus souvent la découverte du cancer. L’imagerie joue un rôle important dans le diagnostic grâce à l’IRM qui permet de détecter dans la majorité des cas des anomalies de signal dans les régions temporolimbiques. Nous rapportons l’observation d’un patient présentant une encéphalite limbique paranéoplasique associée à un cancer épidermoïde.

OBSERVATION Un homme de 54 ans a été hospitalisé en urgence pour un état de mal épileptique tonico-clonique généralisé pour lequel un traitement anti-épileptique à base de fosphénytoïne est institué. Il présentait depuis six mois une altération de l’état général, accompagnée d’une toux et de céphalées quotidiennes. Une radiographie et un scanner thoracique ont montré une lésion pulmonaire gauche d’allure tumorale. Tirés à part : C. MANELFE, à l’adresse ci-dessus.

À l’examen neurologique, le patient présentait un ralentissement idéomoteur important avec amnésie antérograde, associés à une dysarthrie mais sans trouble phasique. Un scanner cérébral sans et avec injection intraveineuse de produit de contraste était normal. L’IRM a mis en évidence sur les séquences pondérée en T2 et FLAIR, un hypersignal des régions hippocampiques et amygdaliennes, bilatéral mais asymétrique à prédominance gauche, sans prise de contraste après injection de gadolinium (figure 1). La PL a retrouvé 33 leucocytes avec une protéinorachie normale sans cellule maligne ; la PCR Herpès dans le LCS et la recherche d’anticorps antineuronaux anti-HU sérique étaient négatives. L’EEG initial a montré des activités épileptiques prédominant en région frontale droite, associées à des activités lentes. Les enregistrements, progressivement, se sont normalisés. Une biopsie transpariétale de la lésion pulmonaire a révélé un carcinome épidermoïde. Sous chimiothérapie anticancéreuse, l’évolution fut favorable, le suivi post-diagnostique ayant duré trois mois. Une nette amélioration de l’état neurologique était constatée quelques jours après le début du traitement et une régression de l’hypersignal bitemporal était observée sur l’IRM faite un mois plus tard (figure 2). La masse tumorale du poumon avait régressé également sur le scanner de contrôle. Le diagnostic d’encéphalite limbique paranéoplasique a été retenu devant le tableau radioclinique et l’évolution.

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ab FIG. 1. – IRM en coupes coronales en écho de spin pondéré T2 (a) et en séquence FLAIR (b), montrant un hypersignal bilatéra l du cortex hippocampique. FIG. 1. – Coronal T2-weighted spin echo (a) and FLAIR images (b), showing a bilateral high signal intensity of the hippocampus.

ab FIG. 2. – IRM de contrôle à un mois, en coupes coronales en spin écho pondéré T2 (a) et en séquence FLAIR (b). Régression de l’hypersignal hippocampique avec atrophie résiduelle modérée. FIG. 2. – Coronal T2-weighted spin echo (a) and FLAIR images (b), one month later. Regression of the hippocampic high signal intensity associated with mild residual atrophy.

DISCUSSION L’encéphalite limbique paranéoplasique est une affection rare, d’installation habituellement subaiguë. Elle accompagne ou précède le plus souvent la découverte du cancer. Un carcinome bronchique est associé dans 50 % des cas, dans 80 % des cas il s’agit alors d’un carcinome à petites cellules [4, 9]. D’autres cancers peuvent se voir : testicule (20 %), sein (8 %), thymus, lymphome [4]. La pathogénie de cette affection n’est pas complètement déterminée, mais l’hypothèse la plus retenue est celle d’une réponse immunitaire dirigée contre les antigènes exprimés par les cellules du système nerveux similaires aux antigènes tumoraux, entraînant une perte neuronale et une infiltration lymphocytaire et microgliale périvasculaire. La symptomatologie clinique associe des troubles cognitifs (92 %), incluant des troubles de la mémoire antérograde, une confusion et un déficit visuospatial, un syndrome psychiatrique (50 %) avec une dépres-

sion, une anxiété et des hallucinations. Une ou plusieurs crises d’épilepsie sont retrouvées dans 58 % des cas, de type partiel, le plus souvent temporal. Des signes neurologiques d’atteinte extralimbique peuvent se voir dans 42 % des cas, incluant une atteinte cérébrale plus diffuse, une ataxie cérébelleuse ou une neuropathie périphérique [5]. L’analyse du LCS contribue au diagnostic en montrant l’absence de cellule maligne permettant, avec l’absence de prise de contraste méningée à l’IRM, d’éliminer des métastases leptoméningées. Elle peut montrer un syndrome inflammatoire dans 64 % des cas [4]. L’EEG montre des activités épileptiques au niveau des lobes temporaux dans 50 % des cas, mais qui restent aspécifiques [5]. L’IRM, occupe une place prépondérante dans le diagnostic en détectant dans 64 % à 82 % des anomalies de signal uni ou bilatérales (60 %) des régions amygdalo-hippocampiques [4, 5]. Typiquement, il s’agit d’un hypersignal sur les séquences pondérées en T2, mieux visible sur les séquences FLAIR et sur

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les séquences de diffusion [11]. Les séquences pondérées en T1 peuvent montrer un hyposignal ou isosignal avec une atrophie temporale à un stade plus tardif. Les coupes coronales sont à privilégier car plus sensibles que les coupes axiales. Une prise de contraste après injection de gadolinium peut se voir dans 15 à 20 % des cas [4, 5]. L’IRM peut être normale au stade de début, d’où l’importance d’un suivi en imagerie [6]. Le TEP Scan montre une hyperfixation du traceur FDG (Fluorodésoxyglucose) dans les régions temporales internes ; cette hyperactivité peut être présente en l’absence d’anomalies de signal en IRM, témoignant d’une phase aiguë du processus inflammatoire [8]. La recherche dans le sérum d’anticorps antineuronaux (anti HU, anti Ta, anti Ma) est positive dans 60 % des cas. Dans la série de 50 patients de Gultekin et al. [4], la présence d’anticorps anti HU est associée dans 94 % des cas à un carcinome bronchique à petites cellules et la présence d’anticorps anti Ta est associée dans 100 % des cas à une tumeur testiculaire. Alamowitch et coll. [1], ont trouvé des anticorps anti HU positifs dans 50 % des patients ayant une encéphalite limbique associée à un carcinome bronchique à petites cellules. Le diagnostic de l’encéphalite limbique paranéoplasique nécessite une confirmation histologique ou bien la présence des 4 critères suivants [4] : 1) présentation clinique caractéristique, 2) intervalle de moins de 4 ans entre l’apparition des symptômes neurologiques et le diagnostic de la tumeur, 3) élimination d’autre complication neuro-oncologique, 4) au moins, un des éléments paracliniques suivants : syndrome inflammatoire sans cellules malignes dans le LCS, anomalies de signal temporales activités épileptiques temporales à l’EEG. Dans notre observation, ces critères sont réunis. Le diagnostic différentiel peut se poser avec une encéphalopathie de Wernicke-Korsakoff, dont la symptomatologie clinique peut être similaire mais l’imagerie différente (hypersignal bilatéral et symétrique, sur les séquences pondérée T2 et FLAIR des régions péri-aqueducales, les corps mamillaires et de part et d’autre du 3e ventricule). L’encéphalite herpétique, dont les signes initiaux en IRM peuvent être comparables, a un tableau clinique et une évolution radiologique différents. Quelques cas d’encéphalites

limbiques non paranéoplasiques ont été rapportés dans la littérature. Certains auteurs pensent cependant qu’un cancer sous-jacent était présent mais non détecté [4, 7, 10]. L’évolution et le pronostic de l’encéphalite limbique paranéoplasique dépendent de ceux de la tumeur primitive et de son traitement ; une régression des lésions et une amélioration de l’état neurologique est particulièrement nette pour les patients ayant des anticorps anti HU négatifs [1].

RÉFÉRENCES [1] ALAMOWITCH S, GRAUS F, UCHUYA M et al. Limbic encephalitis and small cell lung cancer, clinical and immunological features. Brain 1997; 120: 923-928. [2] BRIERLEY JB, CORSELLIS JAN, HIERONS R, NEVIN S. Subacute encephalitis of late adult life mainly affecting the limbic areas. Brain 1960; 83: 357-68. [3] CORSELLIS JA, GOLDBERG GJ, NORTON AR. “Limbic encephalitis” and its association with carcinoma. Brain 1968; 91: 481-96. [4] GULTEKIN SH, ROSENFELD MR, VOLTZ R, EICHEN J, POSNER JB, DALMAU J. Paraneoplastic limbic encephalitis: neurological symptoms, immunological findings and tumour association in 50 patients. Brain 2000; 123: 1481-94. [5] LAWN ND, WESTMORELAND BF, KIELY MJ, LENNON VA, VERNINO S. Clinical, magnetic resonance imaging, and electroencephalographic findings in paraneoplastic limbic encephalitis. Mayo Clin Proc 2003; 78: 1363-1368. [6] MESSORI A, LANZA C, SERIO A, SALVOLINI U. Resolution of limbic encephalitis with detection and treatment of lungcancer: clinical-radiological correlation. Eur J Radiol 2003; 45: 78-80. [7] OHTA Y, NAGANO I, NIIYA D. Nonparaneoplastic limbic encephalitis with relapsing polychondritis. J Neurol Sci 2004; 220: 85-88. [8] PROVENZALE JM, BARBORIAK DP, COLEMAN RE. Limbic encephalitis: comparison of FDG PET and MR imaging findings. Am J Roentgenol 1998; 170: 1659-60. [9] RIMMELIN A, SELLAL F, MORAND G, QUOIX E, CLOUET PL, DIETMANN JL. Imagerie de l’encéphalite limbique paranéoplasique. Journal de Radiologie 1997; 78: 73-76. [10] SENER RN. MRI and Diffusion MRI in nonparaneoplastic limbic encephalitis. Comput Med Imaging Graph 2002; 26: 339-342. [11] YUKIKO Hiasa, MAKOTO Kunishige, TAKAO Mitsui, SHUNSUKE Kondo. Complicated paraneoplastic neurological syndromes: a report of two patients with small cell or non-small cell lung cancer. Clin Neurol Neurosurg 2003; 106: 47-49.