État de l’art : chirurgie urologique

État de l’art : chirurgie urologique

Journal de Chirurgie Viscérale (2011) 148S, S28—S30 État de l’art : chirurgie urologique夽 State of the art: Urologic surgery P.-T. Piechaud Clinique ...

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Journal de Chirurgie Viscérale (2011) 148S, S28—S30

État de l’art : chirurgie urologique夽 State of the art: Urologic surgery P.-T. Piechaud Clinique Saint-Augustin, 114, avenue Arès, 33000 Bordeaux, France Rec ¸u le 17 aoˆ ut 2011 ; accepté le 17 aoˆ ut 2011 Disponible sur Internet le 8 novembre 2011

L’urologie est la spécialité chirurgicale qui a véritablement fait découvrir les possibilités de l’assistance robotisée et assurer son développement très rapide grâce à son application à l’intervention de prostatectomie radicale. L’unique système d’assistance robotique du geste laparoscopique existant actuellement (DaVinci, société Intuitive Surgical) est particulièrement adapté à cette chirurgie pelvienne de profondeur, d’exposition difficile, de dissection très minutieuse. La première intervention de prostatectomie robotisée (RALP) a été réalisée en Allemagne par Binder (2000). À la suite de cette publication, de nombreux services urologiques dans le monde, et plus spécialement aux États Unis, se sont équipés pour développer la prostatectomie radicale robotisée, puis étendre à de nombreuses indications urologiques l’usage de cette assistance robotisée. L’année 2005 représente l’année charnière qui voit s’intensifier l’installation des systèmes de robotique en Europe et en France plus particulièrement. Le nombre de publications scientifiques concernant les interventions urologiques robotisées augmente rapidement à l’inverse du nombre d’articles concernant la laparoscopie classique. De nombreuses interventions urologiques sont maintenant pratiquées de fac ¸on courante sous assistance robotisée : 4150 procédures en France pour l’année 2010 avec quatre indications principales.

Prostatectomie radicale Elle représente la première utilisation du système DaVinci en urologie et plus de 80 % des prostatectomies radicales pratiquées aux États Unis cette année l’ont été sous assistance robotisée. En France, ce développement est plus lent et retardé, mais sur près de

DOI de l’article original : 10.1016/j.jviscsurg.2011.08.001. Ne pas utiliser, pour citation, la référence franc ¸aise de cet article, mais celle de l’article original paru dans le Journal of Visceral Surgery, en utilisant le DOI ci-dessus. Adresses e-mail : [email protected], [email protected]. 夽

1878-786X/$ — see front matter © 2011 Publi´ e par Elsevier Masson SAS. doi:10.1016/j.jchirv.2011.08.002

État de l’art : chirurgie urologique 24 000 prostatectomies réalisées en 2010, près de 15 %, l’ont été sous assistance robotisée (3500). La conformation du système opérateur DaVinci est particulièrement bien adaptée à la chirurgie pelvienne, et le succès de la prostatectomie radicale « robotisée » s’explique pour deux raisons complètement différentes : • pour les urologues, expérimentés en cœlioscopie, avec une bonne expérience de la prostatectomie laparoscopique, l’avènement de l’assistance robotisée leur a permis de découvrir une vision opératoire d’une qualité inconnue jusque-là, avec restitution de la troisième dimension, et d’accéder à un geste opératoire de grande précision, sans aucune limite physique de mouvement. Le passage de la laparoscopie simple à l’assistance robotisée a donné aux urologues laparoscopistes, la sensation de pouvoir réaliser une chirurgie de plus grande précision et de moindre traumatisme ; • pour les urologues sans expérience laparoscopique, le passage direct de la chirurgie ouverte à la laparoscopie « robot assistée » leur a permis d’accéder dans le même temps à une chirurgie mini-invasive qu’ils ne pratiquaient pas, et à cette très grande qualité de geste opératoire grâce aux caractéristiques de l’assistance robotisée. La courbe d’apprentissage de la prostatectomie robotisée est plus simple et rapide que celle de la laparoscopie.

La prostatectomie radicale « robot assistée » peut être pratiquée indifféremment par voie transpéritonéale ou souspéritonéale, avec toutes les variantes techniques possibles déjà décrites en chirurgie ouverte ou en laparoscopie : prostatectomie élargie, préservatrice ou ultra-préservatrice en fonction des caractéristiques de la tumeur, avec une précision dans le choix des plans de dissection augmentée grâce à la vision 3D du système. L’appréciation des avantages donnés pas l’assistance robotisée en terme de résultats de cette chirurgie pour le patient est difficile, car l’absence d’études randomisées comparatives avec les autres voies d’abord empêche de disposer d’une EBM objective. L’étude des méta-analyses permet toutefois de garantir que l’assistance robotisée assure un niveau de sécurité au minimum identique aux autres voies d’abord chirurgicale ou laparoscopique (taux de complications, saignement, transfusion) Sur le plan oncologique, le taux de marges positives est peut être moins élevé dans les séries de prostatectomies robotisées [1]. Toutefois, cette appréciation n’est pas confirmée par d’autres analyses [2]. L’évaluation des résultats fonctionnels, difficile en raison de l’absence de bonnes études comparatives et de systèmes d’évaluation simples et utilisés par tous, ne permet pas de mettre en évidence un avantage objectif en faveur de la technique de prostatectomie robotisée, en terme de récupération de la continence urinaire ou de l’érection. [2]. Toutefois, certaines études de séries comparant les différentes voies d’abord chirurgicales, laparoscopiques ou robot assistées, peuvent faire apparaître un avantage en faveur de la technique d’assistance robotisée, pour le délai de récupération de la continence et le délai de récupération d’une érection qui permet le rapport avec pénétration. [3]. Le développement des prostatectomies robotisées depuis ces cinq dernières années permettra de disposer de séries multi-centriques, avec un grand nombre de cas et un recul suffisant pour préciser ces résultats.

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Néphrectomie partielle Le traitement avec « préservation néphronique » des tumeurs rénales de petite taille (< 4 cm) par néphrectomie partielle ou tumorectomie est une recommandation. L’évolution actuelle favorise le développement de cette chirurgie partielle pour des tumeurs de taille plus volumineuse (T1, jusqu’à 7 cm), tant la notion de préservation de la partie saine du rein tumoral semble importante pour l’avenir fonctionnel du patient. Cette chirurgie partielle est très bien codifiée par voie chirurgicale ouverte et a été récemment proposée par voie laparoscopique. Cette dernière option technique a permis d’offrir au patient une très bonne qualité de traitement de sa tumeur avec les avantages de la voie d’abord mini-invasive (cicatrices, douleurs postopératoires, délai de récupération). Toutefois, cette intervention est d’un niveau de difficulté élevé, seulement accessible à une catégorie d’urologues très expérimentés en chirurgie laparoscopique rénale. Pratiquée sans cette expérience, elle risque d’exposer le patient à des complications chirurgicales graves, et un mauvais résultat oncologique. Par ailleurs, l’obligation théorique de réaliser l’exérèse tumorale dans un temps d’ischémie chaude limité n’excédant pas 30 minutes, rajoute un niveau de difficultés supplémentaires à la néphrectomie partielle laparoscopique. L’apparition de l’assistance robotisée a facilité la pratique technique de la néphrectomie partielle en simplifiant deux temps très importants de l’intervention : celui de la découpe du parenchyme rénal et de la suture après exérèse de la tumeur. L’utilisation de la robotique facilite le premier temps de dissection et la mobilisation du rein, principalement pour l’abord du pôle supérieur, parfois difficile en laparoscopie standard Par ailleurs, grâce à la très bonne vision opératoire et aux caractéristiques du geste robotique, la résection parenchymateuse peut être faite avec sécurité (contrôle visuel de la limite de section) et facilité puisque l’articulation des instruments permet d’épouser les limites de la forme tumorale. Le temps de la suture rénale (plan médullaire, tranches parenchymateuses) est également simplifié par les avantages du geste robotisé. De nombreuses séries d’études cliniques confirment la qualité de la néphrectomie partielle robotisée, de bons résultats sur le plan oncologique avec un taux de marges lésionnelles inférieures à 4 % et font état d’une diminution du temps de clampage pédiculaire (18—22 minutes) par rapport à la laparoscopie simple, chez tous les auteurs avec expérience de cette chirurgie robotique. [4,5].

Pyéloplastie Le traitement de référence des obstacles de la jonction pyélo-urétérale reste la pyéloplastie, selon le protocole de Handersen—Hynes—Kuss. Cette intervention est couramment réalisée par voie laparoscopique depuis les années 1994 avec tous les avantages pour le patient d’une chirurgie mini-invasive. L’apparition de l’assistance robotisée a permis de réduire le traumatisme opératoire, avec une dissection plus limitée de la zone jonctionnelle et surtout, une plus grande précision de la suture qui peut être pratiquée avec des fils de décimale 5/0. L’accès à l’assistance robotique a simplifié la courbe d’apprentissage de cette intervention principalement pour le temps de la suture. Les séries de pyéloplasties robotisées font état d’une procédure très sure, d’une durée opératoire sensiblement supérieure

S30 aux autres voies d’abord (120 min [63—278]), avec des résultats de l’ordre de 96 % de succès [6]. Mis à part le problème du coût économique, l’intervention de pyéloplastie qui repose sur une dissection fine et une suture minutieuse de la voie excrétrice ne peut être que facilitée par l’usage de l’assistance robotisée.

P.-T. Piechaud D’autres interventions urologiques sont également pratiquées par cette technique d’assistance robotisée : promonto-fixation de prolapsus génito-urinaire, implantations urétéro-vésicale, lymphadenectomies rétropérionéales.

Conclusion Cystectomie—prostato-cystectomie La cystectomie totale pour traitement d’un cancer de vessie infiltrant peut être pratiquée par cœlioscopie classique selon des règles de technique bien définies et avec des limites d’indications strictes, en rapport avec le degré d’extension de la tumeur. Le développement de l’assistance robotisée a amené les équipes pionnières à proposer son utilisation dans cette indication et Menon et al. présentent en 2003 leur première série. Depuis, plusieurs séries de cystectomies robotisées sont publiées et confirment la faisabilité de l’intervention, sa reproductibilité et des résultats qui prouvent la sécurité de cette chirurgie, la faible déperdition sanguine (200—300 ml) et la qualité des suites opératoires [7]. L’usage de l’assistance robotisée pour la cystectomie semble donner des avantages techniques à plusieurs niveaux : • la qualité du curage ganglionnaire qui intéresse l’ensemble des territoires situés sous la division aortoiliaque (iliaques internes et externes, ilio-obturateurs, présacrés). Les spécificités du geste robotisé avec ses axes multiples de mobilisation facilitent l’atteinte de ces territoires et l’exérèse complète des chaînes ganglionnaires ; • la simplification du geste de dissection de la cystectomie avec possibilité d’hémostase sélective des pédicules vésicaux, préservation vasculo-nerveuse des bandelettes, contrôle sélectif du plexus de Santorini. . . ; • la simplification du temps de la suture pour la dérivation urinaire et de l’implantation des uretères dans le greffon. La dérivation peut être complètement réalisée par voie intra corporelle (Bricker, néo-vessie). La limite de la dérivation intra-corporelle reste la durée de l’intervention, qui doit rester raisonnable, pour réduire les risques de complications systémiques postopératoires. Un niveau minimum d’expérience de cette intervention et de la chirurgie robotique est donc indispensable avant de débuter. Les résultats donnés par les équipes expérimentées semblent comparables aux séries chirurgicales et cœlioscopiques. Bien sur, cette évaluation doit se faire avec un recul plus important, et un nombre de cas traités plus élevé.

Le développement de l’assistance robotique dans la pratique urologique est maintenant une réalité incontournable, avec quatre indications dominantes représentées par la prostatectomie radicale, la néphrectomie partielle pour traitement des tumeurs rénales et la cystectomie totale avec dérivation urinaire intracorporelle. Les avantages de cette nouvelle technique opératoire résident dans la qualité de la vision 3D et de du geste chirurgical permis par la liberté multi-directionnelle des instruments robotisés. Ces avantages sont certains pour le chirurgien et lui apportent le sentiment de pratiquer une chirurgie de grande précision avec un niveau de sécurité pour le patient qui n’est plus discutable. L’impact de cette robotisation de l’acte chirurgical sur les résultats des interventions pour le patient doit maintenant être précisé. Seules des études comparatives avec les autres voies d’abord permettront de répondre à cette question.

Déclaration d’intérêts L’auteur n’a pas transmis de déclaration de conflits d’intérêts.

Références [1] Ficarra V, et al. Retropubic, laparoscopic, and robot-assisted radial prostatectomy: a systematic review and cumulative analysis of comparative studies. Eur Urol 2009;55:1037—63. [2] Comité de cancérologie AFU. Critical analysis of the morbidity, functional and carcinologic results after radical prostatectomy according to surgical approach. Prog Urol 2010;20(8):547—52. [3] Ficarra V, et al. A prospective non-randomized trial comparing robot-assisted laparoscopic and retropubic radical prostatectomy in one European institution. BJU Int 2009;104(4):534—9. [4] Benway BM, Bhayani SB, Robot-assisted partial nephrectomy: an international experience, Eur Urol, in press. [5] Scoll BJ, et al. Robot-assisted partial nephrectomy: a large single-institutional experience. Urology 2010;75(6):1328—34. [6] Gupta NP, et al. Outcome analysis of robotic pyeloplasty: a large single-centre experience. BJU Int 2010;105(7):980—3. [7] Kuehhas F, Hohenfeliner M. Robotic surgery in urology. Eur Urol Rev 2010;5:69—77.