Évolution de la puissance maximale anaérobie au cours de la croissance chez le footballeur

Évolution de la puissance maximale anaérobie au cours de la croissance chez le footballeur

Science & Sports 2002 ; 17 : 177-88  2002 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés S0765-1597(02)00155-7/FLA Article o...

400KB Sizes 77 Downloads 225 Views

Science & Sports 2002 ; 17 : 177-88  2002 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés S0765-1597(02)00155-7/FLA

Article original

Évolution de la puissance maximale anaérobie au cours de la croissance chez le footballeur F. Le Gall 1∗ , J. Beillot 2 , P. Rochcongar 2 1 Centre technique national Fernand Sastre, domaine de Montjoye, 78120 Clairefontaine, France ; 2 unité de

biologie et médecine du sport, CHU, rue Henri Le Guilloux, 35033 Rennes cedex 9, France (Reçu le 10 mars 2001 ; accepté le 20 septembre 2001)

Résumé Objectif – Apprécier l’évolution de la Puissance Maximale Anaérobie (PMAna) au cours de la croissance chez le footballeur au travers de deux tests, de vitesse (ST) et de détente (JT). Méthodes – L’étude, effectuée sur cinq ans au Centre Technique National Fernand Sastre de Clairefontaine, concerne 328 jeunes footballeurs de 11 à 18 ans de l’Institut National du Football (INF). La PMAna est mesurée à partir d’un test de vitesse sur 40 mètres et d’un test de détente verticale. C’est l’âge osseux (AO) et non l’âge civil (AC) qui est pris comme référence. Résultats – Les gains en PMAna les plus importants sont notés entre 13 et 14 ans d’AO (+47 %). Ils sont significatifs jusqu’à 16 ans (+38 % entre 14 et 16 ans), mais la valeur maximale est atteinte à 18 ans d’AO. Entre 12 et 16 ans, la valeur de la PMAna est multipliée par 2,29 pour le ST et 1,81 pour le JT. Conclusions – La mesure de la PMAna au cours d’un test de vitesse de 40 mètres est tout à fait adaptée au footballeur, tout comme le test de détente verticale. La détermination de l’âge osseux nous apparaît indispensable chez l’enfant et l’adolescent pour interpréter au mieux cette mesure. Au travers de cette étude, nous pensons qu’il est possible d’avoir une estimation fiable de la PMAna à l’âge adulte.  2002 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS croissance / football / puissance anaérobie

Summary – The improvement in maximal anaerobic power from soccer player during growth. Purpose – The aim of the study was to assess the improvement in Maximal Anaerobic Power (PMAna) from two tests in soccer players during growth. Methods – The experiment was carried out in 328 players, 11–18 years old, during their stay at the Clairefontaine National Soccer Center. PMAna was measured from the last 10 meters of the a 40 m-sprint test (ST) and a jump test (JT). The skeletal age (AO) is used as reference, and not the chronological one. Results – The results of the two tests are highly correlated (r = 0.8–0.9), PMAna values being always higher in the ST than in the JT.The most significant increase in PMAna occurs between 13 and 14 years AO (+47% for the ST, +27% for the JT), remains still significant up to 16 AO (respectively +38% and +24% between 14 and 16 AO), but the maximum value is reached at 17 AO. Between 12 and 16 AO, the PMAna value is multiplied by 2.29 for the ST and 1.81 for the JT. Conclusions – Sprint and jump tests seem well adapted to estimate PMAna in soccer players. The measure of the skeletal age during growth is needed for a better interpretation of the results. In addition, results obtained during growth allow a reliable estimation of PMAna in adulthood.  2002 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS anaerobic power / growth / soccer

∗ Correspondance et tirés à part.

Adresse e-mail : [email protected] (F. Le Gall).

178

F. Le Gall et al.

1. INTRODUCTION La « puissance explosive » est un paramètre particulièrement important chez le footballeur, à tel point que l’on considère actuellement, sans doute de façon un peu excessive, qu’elle est l’une des qualités indispensables pour réussir au plus haut niveau. Alors qu’un joueur de champ parcourt une distance moyenne de 8 à 12 km au cours d’un match international ou de 1re division nationale, on retiendra que 20 % des efforts se font sous forme de course rapide (18–20 km·h−1) et 10 à 12 % de sprints. La durée moyenne de ces sprints est de 3 à 6 secondes pour un nombre de l’ordre de 30 à 40 par match [4]. Or, si ces chiffres apparaissent plutôt faibles, il faut cependant retenir qu’il s’agit souvent là des actions les plus décisives d’un match, qu’elles soient défensives ou offensives. Au moins autant que vers des qualités aérobies, certes importantes chez le footballeur, on s’oriente donc aussi actuellement vers la recherche de qualités de puissance explosive élevées. Il existe plusieurs moyens d’évaluer la puissance maximale anaérobie (PMAna). Les tests d’évaluation peuvent être analytiques. On teste alors un ou plusieurs groupes musculaires, comme les ischio-jambiers ou les quadriceps, le plus souvent sur matériel isocinétique [14, 25]. Mais les tests d’évaluation peuvent être également plus globaux. On mesure alors une puissance mécanique maximale au cours d’exercices de courte durée. Les tests de laboratoire les plus connus sont les tests de détente verticale [5, 24], le test de l’escalier de Margaria [15, 24], le test de Wingate [1] ou encore le test de Perès et Vandewalle [24] utilisant la relation force-vitesse sur ergocycle. Mais peu d’auteurs [2 – 4] se sont intéressés à la mesure de la PMAna sur le terrain au cours d’un test de vitesse simple alors qu’il s’agit là d’une évaluation particulièrement adaptée au footballeur. Nous avons donc choisi d’étudier l’évolution de la PMAna au cours de la croissance. Celle-ci a été mesurée sur le terrain, au cours d’un test de vitesse sur 40 mètres, et comparée aux mesures de détente verticale. 2. PROTOCOLE D’ÉTUDE

2.1. Population Les mesures sont réalisées en septembre (début de saison) et mai (fin de saison) auprès des jeunes footballeurs de l’Institut National du Football, pendant les trois années de leur séjour au Centre Technique National Fernand Sastre (CTNFS) de Clairefontaine. Ces joueurs composent trois promotions de 20 à 25 jeunes chacune, la 1re promotion (INF1) de joueurs âgés de 13 à 14 ans (âge civil), la 2e (INF2) de 14 à 15 ans et la 3e (INF3) de 15 à 16 ans. L’étude porte sur la réalisation de 328 tests sur cinq ans.

Le suivi longitudinal concerne 50 joueurs ayant séjourné trois ans au CTNFS depuis INF1 jusqu’à INF3.

2.2. Matériel – réalisation des tests Un examen clinique complet précède toute évaluation, en début de saison, comprenant un interrogatoire, un examen cardiovasculaire avec électrocardiogramme, un examen clinique respiratoire et ostéoarticulaire. On détermine le poids, la taille, la masse grasse (MG) par la technique des plis cutanés de Durnin et Rahaman [8], la masse maigre (MM) et la hauteur du centre de gravité (hauteur de la 2e vertèbre sacrée, S2, déterminée cliniquement). Une radiographie du poignet et de la main gauches est également réalisée pour chacun des joueurs afin de déterminer l’âge osseux (AO) selon la méthode de Greulich et Pyle [11], modifiée afin de prendre en compte des stades intermédiaires (12 ans, 14 ans ½, . . .). Les évaluations physiologiques comportent des tests de laboratoire (épreuve d’effort sur tapis roulant Laufergotest et mesure de la force musculaire des fléchisseurs et extenseurs du genou sur appareil isocinétique Cybex 340) et des tests de terrain (mesure de la vitesse maximale aérobie selon le protocole Vam-éval, de la détente verticale sur tapis de saut Newtest et de la vitesse sur 40 mètres). Seules les données anthropométriques, les mesures de détente verticale et de vitesse sur 40 m sont rapportées. Ces deux derniers tests sont réalisés dans un gymnase après 15 mn d’échauffement. Les joueurs sont équipés de chaussures d’entraînement en salle, type « training » sans crampons. Deux mesures du temps sur 40 m sont d’abord réalisées, à 10 min d’intervalle. Cinq cellules photoélectriques sont disposées tous les 10 mètres, permettant d’enregistrer un temps global sur 40 mètres, départ arrêté, ainsi que le temps sur chacun des 10 mètres (0 à 10, 10 à 20, 20 à 30 et 30 à 40). Le meilleur des deux temps sur 40 m est pris en compte. La puissance maximale est mesurée à partir du temps mis pour parcourir les 10 derniers mètres. On utilise pour cela la formule suivante qui tient compte d’une énergie cinétique et d’une énergie potentielle [12] :   PMAna = 1/2mv 2 + mgh /t, où PMAna = Puissance Maximale Anaérobie (watts) ; m = poids (kg) ; v = vitesse sur les dix derniers mètres (m·sec−1 ) ; g = 9,81 m·sec−2 ; h = hauteur de S2 (m) ; t = temps sur les 10 derniers mètres (sec). Le test de détente verticale est réalisé sur tapis de saut au décours du test de vitesse Newtest après une récupération complète de10 mn. Le joueur réalise trois sauts successifs. Le meilleur est pris en compte. La mesure se fait sans prise d’élan, départ debout, puis flexion des genoux sans limitation d’amplitude et impulsion. La réception est simultanée sur les deux pieds. Les mains sont laissées

179

Évolution de la puissance maximale anaérobie chez le footballeur

libres pendant le saut. La puissance moyenne développée est calculée selon la formule de Lewis [12, 24] : PMAna = 2,214mgh, où PMAna = Puissance Maximale Anaérobie (watts) ; m = poids (kg) ; g = 9,81 m·sec−2 ; h = hauteur du saut (m).

footballeurs ont un AO proche de leur AC (± 6 mois), tandis que 25,6 % ont un AO inférieur de plus de six mois à leur AC et 35,4 % un AO supérieur de plus de six mois. Toutes les moyennes sont donc établies à partir de l’âge osseux, et non à partir de l’âge civil. Le Tableau II rapporte les mesures du poids, de la taille, de la hauteur du centre de gravité, de la masse grasse et de la masse maigre en fonction de l’AO. Compte tenu des critères

2.3. Étude statistique Les résultats sont exprimés en moyenne et écart-type à partir de la réalisation de 328 tests et la significativité calculée par le test de Student (t < 0,05). Une analyse de régression linéaire (y = ax + b) nous permet de définir un coefficient de corrélation entre les mesures de PMAna sur le test de vitesse et sur le test de détente verticale. Une analyse de régression logarithmique (ln[y] = a·ln[x] + b) nous permet de définir un coefficient de corrélation entre la PMAna et les mesures anthropométriques (poids, taille, MM et S2) et l’âge osseux. Enfin, la contribution de chacune des variables anthropométriques à la variance de la PMAna a été recherchée selon un modèle allométrique [20] où l’âge osseux est intégré comme facteur exponentiel, soit en utilisant la transformation logarithmique : ln[PMAna] = a·ln[MM] + b·ln[Taille] + c·ln[Poids] + d·ln[S2] + d + e·AO

Tableau I. Répartition des 328 joueurs des 3 promotions INF1, INF2 et INF3 selon leur âge osseux. L’âge civil moyen est de 13 ans et 6 mois en INF1, 14 ans et 6 mois en INF2 et 15 ans et 6 mois en INF3. Les chiffres foncés correspondent aux âges osseux proches de l’âge civil (± 6 mois) Âge osseux

INF1

INF2

11 ans

2

1

11 ans 1/2

6

1

12 ans

7

2

1

12 ans 1/2

17

4

1

13 ans

20

13

2

13 ans 1/2

20

7

4

14 ans

23

24

10

14 ans 1/2

15

15

6

2

7

6

15 ans 15 ans 1/2

3. RÉSULTATS

12

8

8

16 ans

2

5

5

16 ans 1/2

1

4

4

15

22

17 ans

Dans notre série, nous retrouvons une disparité importante entre l’âge civil (AC) et l’âge osseux (AO). Il apparaît dans le Tableau I que 39 % seulement de nos jeunes

INF3

17 ans 1/2 18 ans

1

4

3

3

15

Tableau II. Valeurs du poids, de la taille, de la hauteur du centre de gravité S2, de la masse grasse et de la masse maigre selon l’âge osseux Âge osseux (ans)

n

Poids (kg)

Taille (cm)

S2 (cm)

Masse grasse (%)

Masse maigre (kg)

11–11 1/2

10

39,8 ± 4,7

151,4 ± 17,6

88,7 ± 10

10,6 ± 1

35,6 ± 4

12

10

41,2 ± 5,7

153,9 ± 21,4

88,9 ± 12

12,6 ± 1,1

36 ± 4,2

12 1/2

22

42,5 ± 8,7

154,5 ± 31,8

89,3 ± 18

11,6 ± 1,1

37,6 ± 4

13

35

45,6 ± 10

158,9 ± 34,9

92,5 ± 20

11,1 ± 1,1

40,5 ± 4,5

13 1/2

31

49,9 ± 8,7

163,2 ± 28,4

95,1 ± 16

12,2 ± 1,2

43,8 ±5,1

14

57

56,6 ± 11,4

167,6 ± 33,8

97,7 ± 20

13,2 ± 1,1

49,1 ± 5

14 1/2

36

58,2 ± 9,8

169,6 ± 28,6

99,3 ± 17

12,8 ± 1,4

50,8 ± 4,9

15

15

59,7 ± 8,4

172,3 ± 24,3

99,6 ± 14

12 ± 1,1

52,5 ± 4,7

15 1/2

27

62,6 ± 10,2

173,2 ± 28,2

99,8 ± 16

13,3 ± 1,2

54,3 ± 5,5

16

21

64,7 ± 12,8

173,7 ± 34,4

100,1 ± 20

13,3 ± 1,2

56,1 ± 6

17

44

66,3 ± 11,3

175,1 ± 29,7

100,3 ± 17

13,1 ± 1,4

57,6 ± 5,5

18

20

68,1 ± 9,9

176,3 ± 25,6

100,8 ± 15

13,6 ± 1,2

58,6 ± 5,9

180

F. Le Gall et al.

Tableau III. Valeurs des différents temps intermédiaires sur 40 mètres selon l’âge osseux Âge osseux (ans)

n

0–10 m (sec)

10–20 m (sec)

20–30 m (sec)

30–40 m (sec)

40 m (sec)

11–11 1/2

10

2,01 ± 0,23

1,43 ± 0,17

1,38 ± 0,16

1,37 ± 0,16

6,19 ± 0,72

12

10

2,01 ± 0,28

1,40 ± 0,19

1,34 ± 0,18

1,33 ± 0,18

6,08 ± 0,84

12 1/2

22

2,00 ± 0,41

1,40 ± 0,28

1,33 ± 0,27

1,32 ± 0,27

6,05 ± 1,24

13

35

1,99 ± 0,43

1,39 ± 0,3

1,32 ± 0,29

1,31 ± 0,29

6,01 ± 1,32

13 1/2

31

1,96 ± 0,34

1,37 ± 0,24

1,30 ± 0,23

1,29 ± 0,23

5,92 ± 1,03

14

57

1,94 ± 0,39

1,34 ± 0,27

1,26 ± 0,26

1,25 ± 0,26

5,79 ± 1,17

14 1/2

36

1,91 ± 0,32

1,31 ± 0,22

1,24 ± 0,21

1,24 ± 0,21

5,70 ± 0,96

15

15

1,91 ± 0,26

1,30 ± 0,18

1,24 ± 0,17

1,23 ± 0,17

5,68 ± 0,8

15 1/2

27

1,90 ± 0,31

1,31 ± 0,21

1,23 ± 0,2

1,21 ± 0,2

5,65 ± 0,92

16

21

1,87 ± 0,37

1,28 ± 0,25

1,20 ± 0,24

1,17 ± 0,23

5,52 ± 1,09

17

44

1,85 ± 0,31

1,27 ± 0,22

1,19 ± 0,21

1,17 ± 0,21

5,48 ± 0,93

18

20

1,85 ± 0,27

1,27 ± 0,19

1,19 ± 0,19

1,17 ± 0,21

5,48 ± 0,79

Tableau IV. Mesures du temps sur les 10 derniers mètres du sprint, de la puissance maximale anaérobie brute (PMAna) et rapportée au poids (PMAna/Pds) selon l’âge osseux Âge osseux (ans)

n

30–40 m (sec)

11–11 1/2

10

1,37 ± 0,16

1046 ± 122

25,69 ± 2,98

12

10

1,33 ± 0,18

1137 ± 159

27,58 ± 3,83

PMAna (watts)

PMAna/Pds (watts/kg)

12 1/2

22

1,32 ± 0,27

1169 ± 241

27,89 ± 5,74

13

35

1,31 ± 0,29

1282 ± 282**

27,75 ± 6,1*

13 1/2

31

1,29 ± 0,23

1503 ± 262**

30,25 ± 5,26**

14

57

1,25 ± 0,26

1882 ± 381*

33,39 ± 6,74*

14 1/2

36

1,24 ± 0,21

2056 ± 347*

35,31 ± 5,96

15

15

1,23 ± 0,17

2178 ± 307*

35,98 ± 5,07*

15 1/2

27

1,21 ± 0,2

2377 ± 389*

37,85 ± 6,17**

16

21

1,17 ± 0,23

2599 ± 514

39,73 ± 7,86

17

44

1,17 ± 0,21

2624 ± 447

39,94 ± 6,79

18

20

1,17 ± 0,21

2641 ± 384

38,21 ± 5,54

*Différence significative (p < 0,05) avec la catégorie d’âge supérieure. **Différence significative (p < 0,01) avec la catégorie d’âge supérieure.

retenus pour définir le début du pic pubertaire (gain de taille de plus de 6 cm par an), on constate que le pic pubertaire débute dès 12 ans ½ d’AO, même si les gains sont maximaux entre 13 et 14 ans (+8,7 cm et 11 kg). Audelà de 15 ans, la pente s’infléchit régulièrement jusqu’à 18 ans d’AO et la fin de la croissance. La hauteur du centre de gravité suit la même évolution que la taille. Le Tableau III montre l’évolution des différents temps intermédiaires sur 40 m. On constate que la vitesse est maximale sur les 10 derniers mètres, quelle que soit la catégorie d’âge. La PMAna peut donc être mesurée à partir de cette valeur.

Les valeurs du temps sur les 10 derniers mètres, de la PMAna brute et rapportée au kg de poids sont consignées dans le Tableau IV. La Fig. 1 montre la répartition des valeurs entre la PMAna et la masse maigre. En valeur absolue, les gains les plus importants sont notés entre 13 et 14 ans d’AO (+47 %). Ils sont significatifs (p < 0,05) depuis 13 ans jusqu’à 16 ans (+38 % entre 14 et 16 ans). La valeur maximale est atteinte à 18 ans. À noter qu’entre 12 et 16 ans d’AO, la valeur de la PMAna est multipliée par 2,29. L’évolution de la PMAna rapportée au kg de poids suit une évolution sensiblement identique, avec un pic à 17 ans, sans modification significative ultérieure.

Évolution de la puissance maximale anaérobie chez le footballeur

181

Figure 1. Répartition des valeurs entre la PMAna (watts) et la masse maigre (kg).

Tableau V. Valeurs comparées de la puissance anaérobie moyenne mesurée sur les 10 premiers mètres du sprint (PMAna arrêté) et mesurée sur les 10 derniers mètres (PMAna lancé) selon l’âge osseux Âge osseux (ans)

n

PMAna 1 (watts)

PMAna 2 (watts)

11–11 1/2

10

418 ± 49

1046 ± 122

12

10

434 ± 61

1137 ± 159

12 1/2

22

451 ± 93

1169 ± 241

13

35

498 ± 110

1282 ± 282

13 1/2

31

569 ± 99

1503 ± 262

14

57

668 ± 135

1882 ± 381

14 1/2

36

714 ± 120

2056 ± 347

15

15

735 ± 104

2178 ± 307

15 1/2

27

779 ± 128

2377 ± 389

16

21

834 ± 165

2599 ± 514

17

44

875 ± 149

2624 ± 447

18

20

899 ± 131

2641 ± 384

Le Tableau V rapporte les valeurs comparées de la puissance anaérobie moyenne mesurée sur les 10 premiers mètres du sprint et de la PMAna mesurée sur les 10 derniers mètres en fonction de l’AO. Le rapport entre ces deux valeurs varie selon l’AO de 2,5 (11 ans–11 ans ½) à 3,1 (17 ans). Le Tableau VI rapporte les résultats du test de détente verticale : hauteur du saut, PMAna brute et rapportée au kg de poids. Comme pour les mesures de vitesse, les gains les plus importants sont notés entre 13 et 16 ans d’AO (+27 %). Ils sont significatifs (p < 0,05) depuis 12 ans ½ jusqu’à 16 ans (+24 % entre 14 et 16 ans), mais la valeur maximale est atteinte à 18 ans.

À noter qu’entre 12 et 16 ans d’AO, la valeur de la PMAna est multipliée par 1,81. L’évolution de la PMAna rapportée au poids suit une évolution sensiblement identique, avec un pic à 16 ans, sans modification significative ensuite. On peut ainsi comparer les valeurs de la PMAna mesurée à partir du test de détente verticale et sur les dix derniers mètres d’un sprint de 40 mètres en fonction de l’AO (Tableau VII). Les corrélations sont particulièrement élevées, de l’ordre de 0,8 à 0,9, quel que soit l’AO. La PMAna mesurée à partir du test de vitesse est toujours plus élevée, le rapport variant de 2 (à 12 ans ½) à 2,6 (à 18 ans). Le Tableau VIII rapporte les valeurs du coefficient de corrélation entre la PMAna (test de vitesse) et les paramètres anthropométriques (poids, taille, MM et S2) et l’âge osseux. Les corrélations sont élevées avec l’âge osseux et la taille et très élevées avec le poids et surtout la masse maigre. Les résultats de l’analyse de régression multiple utilisant un modèle allométrique pour la valeur de PMAna sont retrouvés dans le Tableau IX. Ils montrent que la masse maigre explique 87,6 % de la variance de la PMAna. L’âge osseux semble avoir également une importance sur la prédiction de la PMAna (1,1 %). L’ensemble des paramètres (morphologiques et âge osseux) explique 90 % de la variance de la PMAna. Les Figs 2, 3 et 4 objectivent les résultats du suivi longitudinal sur trois ans de la PMAna de trois promotions pendant leur séjour au centre. On constate que l’évolution individuelle suit une courbe pratiquement parallèle à celle de la courbe moyenne élaborée à partir des 328 mesures. Les données individuelles se répartissent de part et d’autre de cette courbe moyenne avec des valeurs qui peuvent

182

F. Le Gall et al.

Tableau VI. Valeurs de la hauteur du saut, de la puissance maximale anaérobie brute (PMAna) et rapportée au poids (PMAna/Pds) selon l’âge osseux à partir du test de détente verticale Âge osseux (ans)

n

Détente verticale (cm)

11–11 1/2

10

40,8 ± 4,73

448 ± 51

11,26 ± 1,31

PMAna (watts)

PMAna/Pds (watts/kg)

12

10

41 ± 5,7

546 ± 60

13,25 ± 1,84

12 1/2

22

41,2 ± 8,48

580 ± 81*

13,65 ± 2,81

13

35

41,6 ± 9,15

633 ± 94**

13,89 ± 3,06*

13 1/2

31

43,8 ± 7,62

699 ± 89**

13,99 ± 2,76*

14

57

45,5 ± 9,19

801 ± 99*

14,16 ± 2,86*

14 1/2

36

46,7 ± 7,89

835 ± 97*

14,34 ± 2,42

15

15

47,6 ± 6,71

861 ± 83*

14,43 ± 2,03*

15 1/2

27

48,2 ± 7,86

921 ± 124*

14,72 ± 2,4**

16

21

49,1 ± 9,72

990 ± 107

15,3 ± 3,02

17

44

49,2 ± 8,36

1005 ± 125

15,16 ± 2,58

18

20

49,2 ± 7,13

1017 ± 92

14,93 ± 2,16

*Différence significative (p < 0,05) avec la catégorie d’âge supérieure. **Différence significative (p < 0,01) avec la catégorie d’âge supérieure.

Tableau VII. Étude de corrélation entre la puissance maximale anaérobie mesurée sur le test de détente verticale (PMAna Dét) et sur un sprint de 40 mètres (PMAna Vit) selon l’âge osseux Âge osseux (ans)

n

PMAna Dét (watts)

PMAna Vit (watts)

Facteur de corrélation

11–11 1/2

10

448 ± 51

1046 ± 122

0,8

12

10

546 ± 60

1137 ± 159

0,84

12 1/2

22

580 ± 81

1169 ± 241

0,75

13

35

633 ± 94

1282 ± 282

0,76

13 1/2

31

699 ± 89

1503 ± 262

0,85

14

57

801 ± 99

1882 ± 381

0,86

14 1/2

36

835 ± 97

2056 ± 347

0,78

15

15

861 ± 83

2178 ± 307

0,8

15 1/2

27

921 ± 124

2377 ± 389

0,86

16

21

990 ± 107

2599 ± 514

0,86

17

44

1005 ± 125

2624 ± 447

0,87

18

20

1017 ± 92

2641 ± 384

0,93

varier du simple au double d’un sujet à l’autre, et ce, pour un même âge osseux, les valeurs les plus faibles à l’entrée au CTNFS demeurant les plus faibles à l’issue des trois années. 4. DISCUSSION L’âge osseux (AO) est utilisé depuis de nombreuses années en pédiatrie (suivi de scoliose, maladie de Scheuermann, etc.) pour situer l’enfant et l’adolescent dans sa croissance et orienter l’attitude thérapeutique, depuis le

simple traitement fonctionnel en fin de croissance jusqu’au traitement orthopédique avec corset si l’estimation de gain de taille donc le risque évolutif est important, voire encore jusqu’au traitement chirurgical. Mais on l’utilise également régulièrement en milieu sportif pour une estimation de la taille à l’âge adulte [6]. Ainsi, la détermination de l’âge osseux apparaît particulièrement pertinente pour apprécier à leur juste valeur les paramètres morphologiques et physiologiques d’un jeune sportif, footballeur en l’occurrence. Il est le reflet de la maturation osseuse. D’après Diméglio [6], dans une population normale, l’AO

Évolution de la puissance maximale anaérobie chez le footballeur

183

Figure 2. Évolution de la puissance maximale anaérobie (PMAna) en fonction de l’âge osseux au sein de la promotion 1995 (• : valeurs individuelles, F : valeurs moyennes obtenues à partir de 328 tests).

Tableau VIII. Coefficient de corrélation calculé à partir d’une régression logarithmique (ln[y] = a·ln[x] + b) entre la PMAna et les paramètres anthropométriques (poids, taille, MM et S2) et l’âge osseux. n = 328 ; p < 0,001 Coefficient de corrélation Âge osseux

0,81

Poids

0,91

Taille

0,83

Masse maigre

0,92

S2

0,71

est en phase avec l’âge chronologique (AC) dans 50 % des cas. L’avance d’AO sur l’AC sera plus fréquente (35 %) que le retard d’AO (15 %). Même si elle est légèrement différente, nous avons vu que nous retrouvons également une disparité importante dans notre population puisque seulement 39 % de nos footballeurs ont un AO proche de leur AC. On peut penser que cette disparité, constatée au CTNFS, se retrouve également dans bon nombre

Tableau IX. Résultats de l’analyse de régression multiple utilisant un modèle allométrique pour la valeur de PMAna (p < 0,001) PMAna Masse maigre

87,60 %

Âge osseux

1,10 %

Poids

0,50 %

Taille

0,30 %

S2

0,50 %

Total

90,00 %

d’équipes de jeunes footballeurs. Or, le potentiel de croissance est bien sûr différent selon que l’on a 12 ans ½, 14 ou 16 ans d’AO, que ce soit pour la taille, le poids ou encore la puissance musculaire. Selon nos mesures, alors qu’à 12 ans ½ d’AO l’estimation de gain ultérieur est de 21,8 cm pour la taille et 25,6 kg pour le poids, elle n’est plus que de 8,7 cm et 11,6 kg à 14 ans d’AO. De la même façon pour la puissance musculaire, la marge de

184

F. Le Gall et al.

Figure 3. Évolution de la puissance maximale anaérobie (PMAna) en fonction de l’âge osseux au sein de la promotion 1996 (• : valeurs individuelles, F : valeurs moyennes obtenues à partir de 328 tests).

progression jusqu’à 18 ans sera 2,14 fois plus importante à 12 ans ½ d’AO qu’à 14 ans. Différentes méthodes radiographiques ont été proposées pour déterminer l’AO. Les plus communément utilisées sont celles de Greulich et Pyle (radiographie du poignet et de la main gauches, utilisable de 1 à 18 ans), de Sauvegrain et Naum (radiographie du coude, utilisable entre 10 et 15 ans chez le garçon) et de Risser (radiographie du bassin, utilisable de 15 à 18 ans chez le garçon). La méthode de Greulich et Pyle [11] nous a semblé la plus adaptée du fait de sa simplicité (1 seul cliché), son intérêt pratique compte tenu de la tranche d’âge considérée et sa fiabilité. Elle impose cependant une lecture attentive des clichés pour éviter les quelques pièges qui peuvent se présenter, particulièrement entre 12 ans ½ et 15 ans, période pendant laquelle les gains sont les plus importants. Les sources d’erreur peuvent en effet être non négligeables, Greulich et Pyle ne définissant dans leur atlas entre 11 ans ½ et 15 ans ½ que les stades suivants, 12 ans ½, 13 ans, 13 ans ½, 14 et 15 ans. Cela nous a amené à utiliser des stades intermédiaires (12 ans et 14 ans ½) pour l’analyse de certains clichés afin de gagner en précision.

Schématiquement, entre 5 et 13 ans d’AO, un garçon grandit de 5 à 6 cm par an. Dès le début de la puberté, on note une accélération de la vitesse de croissance. On considère ainsi que tout enfant qui gagne plus de 6 cm par an est en période pubertaire [6]. Notre étude des gains de taille montre que le début du pic pubertaire peut être situé juste avant l’apparition du sésamoïde du pouce, donc plutôt vers 12 ans ½ d’AO (+ 4,4 cm en 6 mois de 12 ans ½ à 13 ans), avec un gain de taille estimé à l’âge adulte de l’ordre de 21,8 cm. Cette donnée apparaît ainsi légèrement en décalage avec celle de différents ouvrages de référence, dont le carnet de santé, où c’est à 13 ans que l’on estime devoir prendre 20 cm. À 13 ans d’AO, il apparaît dans notre série que le gain de taille estimé est de l’ordre de 17,4 cm. Il n’existe pas d’épreuves d’évaluation du métabolisme anaérobie dont la fiabilité et la spécificité alactique fasse l’unanimité. Seul peut-être le test de détente verticale doit pouvoir répondre au « critère » alactique, dans la mesure où il s’agit d’un effort d’une durée inférieure à 1 seconde. En effet, on considère actuellement que malgré l’inertie du système anaérobie lactique liée aux nombreuses étapes

Évolution de la puissance maximale anaérobie chez le footballeur

185

Figure 4. Évolution de la puissance maximale anaérobie (PMAna) en fonction de l’âge osseux au sein de la promotion 1997 (• : valeurs individuelles, F : valeurs moyennes obtenues à partir de 328 tests).

métaboliques intermédiaires, dès qu’un exercice d’intensité maximale dépasse 2 secondes, une partie de l’énergie, ou resynthèse de l’ATP, est fournie par la voie lactique. Mercier et al. l’ont montré au cours d’exercices de sprints de 5 à 6 secondes sur cycloergomètre [16], ainsi que Balsom et al sur des sprints de 40 mètres (exercice de 5 à 6 secondes également). Ce dernier note après six répétitions une augmentation significative de la lactatémie, quelle que soit la durée de la récupération entre chaque sprint (30 sec, 60 sec ou 120 sec) [2]. Dans une autre étude sur des sprints de 15 mètres (durée moyenne de 2,62 secondes stable au cours des 40 répétitions), Balsom met également en évidence une participation du métabolisme lactique, et ce, dès le second sprint [3]. Il existe différents protocoles pour mesurer la Puissance Maximale Anaérobie (PMAna), malheureusement souvent inadaptés au footballeur. C’est le cas du test de

Wingate (pédalage de 30 secondes contre une force de freinage unique et constante) et du force-vitesse de Peres et Vandewalle (sprint de 6 secondes contre des forces de freinage croissantes jusqu’à un plateau de puissance) qui sont réalisés en laboratoire sur cyclo-ergomètre. C’est également le cas de l’épreuve de célérométrie de Margaria (montée d’escaliers) longtemps utilisée comme test référence, mais délaissée ces dernières années en raison de problèmes de coordination motrice sur cette épreuve réalisée à grande vitesse. En fait, seuls deux tests nous semblent intéressants chez le footballeur, en dehors de l’évaluation de la puissance musculaire des quadriceps et ischio-jambiers sur appareil isocinétique : le test de détente verticale (Sargent, Abalakov, tapis de saut), largement utilisé depuis de nombreuses années, réalisable en laboratoire comme sur le terrain et le test de sprint sur 40 mètres qui nécessite pour être reproductible d’utiliser des

186

F. Le Gall et al.

cellules photoélectriques et d’être réalisé dans une salle couverte, à l’abri des intempéries. La PMAna est mesurée sur les 10 derniers mètres, là où la vitesse atteint sa valeur maximale (Tableau II). Dans notre étude, elle est particulièrement bien corrélée avec le test de détente verticale (Tableau VI), avec des coefficients de corrélation de l’ordre de 0,8 à 0,9, comme l’avait d’ailleurs retrouvé Bosco [5]. On notera cependant que les valeurs de PMAna sont différentes en valeur absolue en fonction du test réalisé. Peres et al. retrouvaient ainsi des puissances maximales obtenues avec la célérométrie de Margaria 1,29 fois supérieures à celles de l’épreuve de détente verticale et 1,69 fois supérieures à celles de la cycloergométrie sur un groupe de 10 footballeurs [24]. Cela est retrouvé dans nos mesures où la PMAna mesurée sur un sprint de 40 m est 2 à 2,7 fois plus élevée selon les groupes par rapport à la PMAna calculée à partir d’une détente verticale sans prise d’élan (Tableau VI). Cela est à rapprocher du rapport entre la PMAna mesurée sur 10 m lancé (soit entre les 30e et 40es mètre du sprint) et la Puissance Anaérobie Moyenne mesurée sur les 10 premiers mètres, rapport de l’ordre de 2,5 à 3,2 selon les groupes (Tableau V). La transformation morphologique qui va s’opérer au cours de la puberté aura un retentissement direct sur les paramètres physiologiques. Avec un décalage de quelques mois par rapport au gain de taille, la PMAna va croître de façon importante de 13 à 16 ans (multipliée par 2 en 3 ans). La valeur maximale de PMAna brute d’un jeune footballeur de l’INF est obtenue à 18 ans, même si les gains ne sont plus significatifs après 16 ans. D’un point de vue biomécanique, ces progrès sont la conséquence directe de 3 facteurs. Le premier est l’augmentation de la longueur des bras de levier que sont les membres inférieurs, de l’ordre de +8,3 cm de 13 à 18 ans d’AO dans notre série (gain de hauteur du centre de gravité S2), valeur comparable à celle estimée par Diméglio [6]. Le second facteur est l’augmentation de la puissance des groupes musculaires. De nombreuses études ont mis en évidence l’augmentation de la force musculaire au cours de la croissance, au niveau des membres supérieurs ou des membres inférieurs, comme Parker et al. qui retrouvent une augmentation importante de la force entre 12 et 17 ans d’âge civil [22]. Plus spécifiquement chez le footballeur, Rochcongar et al. notent un gain maximal du pic de force par exploration isocinétique à 16–17 ans [25]. Pour notre part, nous avons mis en évidence, dans une étude précédente à partir de l’âge civil [14], un comportement différent des deux groupes musculaires de cuisse chez le footballeur, avec un gain des différents paramètres (pic de force, travail et puissance) maximal à 16 ans pour les ischio-jambiers (puissance multipliée par 1,72 de 13 à 16 ans) et à 20 ans pour les quadriceps (puissance multipliée par 1,74 de 13 à 20 ans). Nous avons noté alors que la puissance et l’explosivité des seuls quadriceps sont très bien corrélées avec le niveau de compétition. Cette

augmentation de la puissance développée est liée à l’augmentation de la masse maigre comme le montre la Fig. 1. L’étude statistique selon un modèle allométrique montre que cette masse maigre est le principal facteur explicatif de la variance de la PMAna, avec l’âge osseux à un degré nettement moindre. Cela va dans le même sens que l’étude de Doré [7] sur 506 jeunes sujets de 7,5 à 18 ans chez lesquels la puissance maximale a été mesurée sur bicyclette ergométrique et comparée aux mesures anthropométriques. Il apparaît alors qu’une large part de la variance du pic de puissance était expliquée par la variation de la masse maigre (88,2 % contre 87,6 % dans notre série) et l’âge civil (2,3 % contre 1,1 % avec l’âge osseux dans notre série). Enfin, dernier facteur biomécanique de la performance sur sprint, le facteur technique, non évalué dans cette étude, jouera un rôle important dans la recherche de puissance (fréquence et longueur de la foulée, coordination membres inférieurs-tronc-membres supérieurs, etc.). Ce paramètre est très difficile à quantifier. Seules des études cinématographiques pourraient contribuer à juger de l’évolution de la technique de course au cours de la croissance. On a communément l’habitude de dire que l’acquisition de la coordination se fait aux alentours de 10–11 ans, avec une perturbation au début de la puberté du fait du développement morphologique. De l’avis des techniciens et de façon empirique, il semble que peu de joueurs modifient leur technique de course après le début de la puberté, même si un travail spécifique est régulièrement réalisé à l’entraînement. La croissance et la Puissance Musculaire Anaérobie sont sous l’influence de deux facteurs, environnemental et génétique. Le facteur environnemental sera déterminant dans cette population très spécifique des footballeurs de l’INF. Nos jeunes participent en effet à cinq entraînements de deux heures et un match par semaine. Aucun travail spécifique de renforcement musculaire n’est réalisé au cours des trois années passées à l’INF, que ce soit un travail de pliométrie ou de musculation en salle. Toutes les séances sont réalisées sur le terrain, toujours avec ballon, en insistant sur le travail en mouvement. L’objectif principal des séances est technique. D’un point de vue physiologique, toutes les filières énergétiques sont utilisées, même si les dominantes sont avant tout la vitesse et l’endurance. L’analyse longitudinale de l’évolution de la PMAna nous fait émettre l’hypothèse que cette hétérogénéité entre individus est en partie d’ordre génétique, les différences initiales constatées à l’entrée au CTNFS se retrouvant pratiquement inchangées trois ans plus tard, même si bien sûr nous ne maîtrisons pas ce qui s’est passé avant l’entrée au CTNFS. Cela permettrait donc une estimation théorique de la PMAna à l’âge adulte à partir des tests réalisés en cours de croissance en tenant compte de l’âge osseux. Cela est important à noter lorsque l’on considère que la puissance explosive est un paramètre déterminant

Évolution de la puissance maximale anaérobie chez le footballeur

de la performance en football. Nos valeurs moyennes du haut niveau (étude personnelle non publiée) se situent aux alentours de 3 400 watts ± 400 watts. On peut ainsi suggérer que pour jouer au plus haut niveau, dans la grande majorité des cas, une PMAna supérieure ou égale à 3 000 watts lors d’un sprint est requise. Comme la mesure de la puissance dépend de trois variables que sont la vitesse, le poids du corps et la hauteur du centre de gravité du sujet, cela sous-entend qu’un joueur de grand gabarit (Taille > 180 cm et Poids > 75 kg ) pourra, de ce fait, compenser un déficit en vitesse pure, mais également qu’à contrario, un joueur de petit gabarit (Taille < 170 cm et Poids < 65 kg) devra impérativement avoir une vitesse supérieure pour atteindre ce niveau. 5. CONCLUSION Les qualités anaérobies sont particulièrement importantes chez le footballeur. La mesure de la Puissance Maximale Anaérobie au cours d’un sprint de 40 mètres est un test tout à fait adapté au footballeur. La détermination de l’âge osseux nous apparaît indispensable chez l’enfant et l’adolescent pour interpréter au mieux cette mesure, puisque nous avons constaté que seuls 39 % des footballeurs de notre échantillon avaient un AO en phase avec leur AC. Au travers de cette étude, nous pensons qu’il est possible d’avoir une estimation fiable de la PMAna à l’âge adulte. Il serait particulièrement intéressant de pouvoir mener le même type de suivi sur d’autres populations-témoins d’adolescents comme un groupe de sédentaires, de jeunes athlètes ou encore de jeunes footballeurs loisirs, afin de situer dans cette évolution l’importance de ce qui revient à la croissance et à l’entraînement. En effet, tous les auteurs n’ont pas le même avis sur les bénéfices objectifs de l’entraînement chez l’enfant, comme Fellmann et al. qui pensent que le profil bioénergétique n’est pas modifié par l’entraînement [9] alors que Rotstein et al. concluent, après un programme de neuf semaines d’intervall training sur des enfants de 10,2 à 11,6 ans, à une amélioration de la Puissance Maximale Aérobie et de la Capacité Anaérobie [26]. Le prolongement de ce travail sera de revoir ces footballeurs au cours de leur carrière professionnelle après quelques années de travail spécifique réalisé dans leur club afin d’estimer la marge de progression de la Puissance Maximale Anaérobie à l’âge adulte. REMERCIEMENTS Remerciements à Th. Marszalek (CTNFS Clairefontaine) et E. Doré (UFR STAPS Université Blaise Pascal, Aubière cédex, France) pour le traitement statistique.

187

RÉFÉRENCES 1 Ayalon A, Inbar O, Bar-Or O. Relationship among measurements of explosive strength and anaerobic power. International Series on Sport Sciences, 1974, Vol.1, Biomechanics IV (ed). 2 Balsom PD, Seger JY, Sjödin B, Ekblom B. Maximal-intensity intermittent exercise: effect of recovery duration. Int J Sports Med 1992 ; 528-33. 3 Balsom PD, Seger JY, Sjödin B, Ekblom B. Physiological response to maximal intensity intermittent exercise. Eur J Appl Physiol 1992 ; 65 : 144-9. 4 Bangsbo J, Norregaard L, Thorse F. Activity profile of competition soccer. Canadian Journal of Sport Sciences 1991 ; 16 : 110-6. 5 Bosco C, Luhtanen P, Komi P. A simple method for measurement of mechanical power in jumping. Eur J Appl Physiol 1983 ; 50 : 27382. 6 Diméglio A. Bilan de croissance. In : Les traumatismes du sport chez l’enfant et l’adolescent. Ed. Masson ; 1997, p. 27-30. 7 Doré E, Diallo O, França NM, Bedu M, Van Praagh E. Dimensional changes cannot account for all differences in short-term cycling power during growth. Int J Sports Med 2000 ; 21 : 360-5. 8 Durnin J, Rahaman MM. The assessment of the amount of fat in the human body from measurements of skinfold thickness. British J Nutrition 1967 ; 32 : 77-94. 9 Fellmann N, Coudert J. Physiology of muscular exercise in children. Arch Pediatr 1994 ; 1 : 827-40. 10 Garandeau P. Aspects morphologiques et physiologiques de la croissance. In : Les traumatismes du sport chez l’enfant et l’adolescent. Ed. Masson ; 1997, p. 16-23. 11 Greulich WW, Pyle I. Radiographic atlas of skeletal development of the hand and wrist, Second Edition. Stanford, California : Stanford University Press ; 1959. 12 Hertogh C, Chavet P, Gaviria M, Bernard P, Melin P, Jimenez C. Méthodes de mesure et valeurs de référence de la puissance maximale développée lors d’efforts explosifs. Cinésiologie 1994 ; XXXIII : 61-74. 13 Karila C, Mercier J, Préfaut C. Aptitudes aérobies et anaérobies en période de croissance. In : Physiologie et pathologie du sport. CNED Rennes ; 1991, p. 128-44. 14 Le Gall F, Laurent T, Rochcongar P. Evolution de la force musculaire des fléchisseurs et extenseurs du genou mesurée par dynamomètre isocinétique concentrique chez le footballeur. Science & Sports 1999 ; 14 : 167-72. 15 Margaria R, Aghemo P, Rovelli E. Measurement of muscular power (anaerobic) in man. J Appl Physiol 1966 ; 21 : 1662-4. 16 Mercier B, Mercier J, Prefaut C. Blood lactate increase during the force velocity exercise test. Int J Sports Med 1991 ; 12 : 17-20. 17 Mercier B, Mercier J, Granier P, Le Gallais D, Prefaut C. Maximal anaerobic power: relationship to anthropometric characteristics during growth. Int J Sports Med 1992 ; 13 : 21-6. 18 Mero A. Blood lactate production and recovery from anaerobic exercise in trained and untrained boys. Eur J Appl Physiol 1988 ; 57 : 660-6. 19 Monod H, Flandrois R. Physiologie du sport. Bases physiologiques des activités physiques et sportives, 4ème édition. Ed. Masson ; 1997. 20 Nevil AM, Holder RL. Scaling, normalizing and per ratio standards: an allometric modeling approach. J Appl Physiol 1995 ; 79 : 102731. 21 Orsetti A. Somathormone et mélatonine chez l’enfant sportif. In : Les traumatismes du sport chez l’enfant et l’adolescent. Ed. Masson ; 1997, p. 23-5. 22 Parker DF, Round JM, Saco P, Jones DA. A cross-sectionnal survey of upper and lower limb strength in boys and girls during childhood and adolescence. Am Hum Biol 1990 ; 17 : 199-211.

188

F. Le Gall et al.

23 Peres G, Vandewalle H, Monod H. Aspect particulier de la relation charge-vitesse lors du pédalage sur cycloergomètre. J Physiol (Paris) 1981 ; 77 : 10A. 24 Peres G, Vandewalle H, Monod H. Comparaison de trois méthodes de mesure de puissance maximale anaérobie des membres inférieurs. Cinésiologie 1988 ; XXVII : 241-9.

25 Rochcongar P, Morvan J, Jan J, Dassonville J, Beillot J. Isokinetic investigation of knee extensors and flexors in young french soccer players. Int J Sports Med 1988 : 448-50. 26 Rotstein A, Dotan R, Bar-Or O, Tenenbaum G. Effect of training on anaerobic threshold, maximal aerobic power and anaerobic performance of preadolescent boys. Int J Sports Med 1986 ; 7 : 281-6.