Expositions accidentelles d’enfants aux détergents liquides en capsules : expérience du centre antipoison de Paris (2011–2012)

Expositions accidentelles d’enfants aux détergents liquides en capsules : expérience du centre antipoison de Paris (2011–2012)

ARCPED-3652; No of Pages 6 Rec¸u le : 3 septembre 2013 Accepte´ le : 19 mars 2014 Disponible en ligne sur ScienceDirect www.sciencedirect.com Me´...

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ARCPED-3652; No of Pages 6

Rec¸u le : 3 septembre 2013 Accepte´ le : 19 mars 2014

Disponible en ligne sur

ScienceDirect www.sciencedirect.com

Me´moire original Exposure to liquid detergent capsules: A study of the cases reported to the Paris Poison Center, 2011–2012 A. Villa*, C. Me´dernach, N. Arropetian, F. Lagrange, J. Langrand, R. Garnier Centre antipoison de Paris, universite´ Paris-Diderot, hoˆpitaux universitaires

Expositions accidentelles d’enfants aux de´tergents liquides en capsules : expe´rience du centre antipoison de Paris (2011–2012)

Saint-Louis-Lariboisie`re–Fernand-Widal, AP–HP, 75010 Paris, France

Summary Objective. To evaluate the toxicity of liquid detergent capsules for children. Methods. Analysis of 684 consecutive cases from the Paris Poison Center (2011–2012). Results. Most enquiries (97 %) concerned children 5 years of age or younger. The main circumstances of exposure were ingestion alone (72.4 %) or together with eye or skin contact (7.5 % and 7.3 %, respectively). The effects observed were generally due to the irritating properties of concentrated detergents: minor digestive disturbances (particularly vomiting in nearly 50 % of cases) after ingestion and conjunctivitis and/or keratitis after eye contact. The main complications were 24 cases of keratitis and one case of pulmonary toxicity after ingestion. A rash was observed in nine patients; it was delayed in two. Conclusions. The effects observed with liquid detergent capsules were very similar to those resulting from exposure to other detergents. However, exposure to these agents are very frequent and often results in eye contact, which may be responsible for keratitis, and after ingestion detergent inhalation is a possible complication. All cases with eye symptoms or cough after liquid detergent capsule exposure deserve prompt medical examination and assistance. Greater awareness of both health professionals and consumers on the dangers and risks of these laundry detergent pods is required for better treatment of exposure accidents and for their prevention. ß 2014 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Re´sume´ Objectif. E´valuation de la toxicite´ des de´tergents concentre´s en capsules, chez l’enfant de moins de 16 ans. Me´thode. Recueil des cas collige´s par le centre antipoison de Paris en 2011–2012. Re´sultats. Six cent quatre-vingt-quatre expositions d’enfants ont e´te´ analyse´es ; les victimes e´taient aˆge´es de moins de 5 ans dans 97 % des cas. La circonstance d’exposition la plus fre´quente avait e´te´ l’ingestion isole´e (72,4 %) ou associe´e a` une projection oculaire (7,5 %) ou a` une contamination cutane´e (7,3 %). Les effets observe´s e´taient presque tous imputables a` l’effet irritant de ces produits de lavage : troubles digestifs mineurs (en particulier vomissements dans pre`s de 50 % des cas) apre`s ingestion, conjonctivite ou ke´ratite apre`s projection oculaire. Les complications les plus se´ve`res avaient e´te´ lie´es dans 24 cas a` une ke´ratite et dans un cas a` une fausse route. Une e´ruption cutane´e avait e´te´ observe´e dans 9 cas ; elle avait e´te´ d’apparition retarde´e dans 2 cas. Conclusions. Les effets des de´tergents en capsules sont semblables a` ceux observe´s avec les autres produits de lavage du linge en machine. Cependant, les expositions a` ces agents sont fre´quentes et souvent complique´es d’une contamination oculaire qui peut eˆtre a` l’origine d’une ke´ratite. En cas d’ingestion, une fausse route est possible. Une me´dicalisation syste´matique et rapide des cas d’ingestion suivie de toux, ainsi que des cas de projection oculaire, est recommande´e. Une information des professionnels de sante´ et des consommateurs sur les dangers et les risques de ces pre´parations est souhaitable, afin d’en ame´liorer la pre´vention et la prise en charge. ß 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s.

* Auteur correspondant. e-mail : [email protected] (A. Villa). http://dx.doi.org/10.1016/j.arcped.2014.03.018 Archives de Pe´diatrie 2014;xxx:1-6 0929-693X/ß 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s.

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1. Introduction Des lessives pour le nettoyage du linge en machine pre´sente´es dans des capsules hydrosolubles dites « e´codoses » ont e´te´ commercialise´es en Europe a` partir du de´but de la dernie`re de´cennie et ont connu depuis un succe`s rapidement croissant. Ces capsules sont principalement constitue´es d’une solution aqueuse concentre´e de de´tergents anioniques et non ioniques, de propyle`ne glycol, de glyce´rol et parfois d’alcools aliphatiques, dans une enveloppe transparente constitue´e d’un polyme`re vinylique hydrosoluble. La solution a un pH proche de la neutralite´ (compris entre 7 et 9) ; elle est ge´ne´ralement de couleur vive. Le volume de chaque dosette est compris entre 30 et 45 mL. Le corollaire du succe`s commercial croissant de ces pre´parations a e´te´ l’augmentation rapide des expositions accidentelles, en particulier des jeunes enfants attire´s par ces berlingots de couleurs vives (fig. 1) qu’ils portent volontiers a` leur bouche. Ces capsules sont me´caniquement re´sistantes quand elles sont se`ches, mais du fait de l’hydrosolubilite´ de l’enveloppe, elles sont rapidement fragilise´es quand elles sont mises en contact avec une surface humide. La peau ou les muqueuses sont alors contamine´es par la solution concentre´e de de´tergents. En outre, quand la capsule a e´te´ mise en bouche et mordue, le liquide qu’elle contient est projete´ sous pression dans la cavite´ buccale ou sur le visage et e´ventuellement, dans les yeux. A` partir du milieu des anne´es 2000, des cas et des se´ries de cas d’exposition a` des de´tergents en capsules hydrosolubles ont commence´ a` faire l’objet de publications par diverses e´quipes europe´ennes [1–8]. La commercialisation de ce type de pre´paration n’a commence´ en Ame´rique du nord qu’apre`s 2010 et a e´te´ rapidement suivie de publications de cas d’exposition [9–15]. Les effets rapporte´s sont principalement lie´s au pouvoir irritant des produits lessiviels concentre´s et le fait qu’ils soient plus se´ve`res avec les capsules hydrosolubles qu’avec les autres conditionnements de lessives pour le lavage du linge en machine est discute´. En outre dans quelques cas, des

[(Figure_1)TD$IG]

Figure 1. De´tergents liquides en capsules.

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troubles de la conscience (de gravite´ faible ou mode´re´e) ont e´te´ rapporte´s, ce qui est inhabituel avec les produits lessiviels. Nous nous proposons de faire le point sur ces questions, a` partir de l’e´tude d’une se´rie de 682 cas conse´cutifs rapporte´s au centre antipoison et de toxicovigilance (CAPTV) de Paris sur une pe´riode de 2 ans.

2. Mate´riel et me´thodes Du 1er janvier 2011 au 31 de´cembre 2012, tous les cas d’exposition a` des lessives en capsules hydrosolubles concernant des enfants de moins de 16 ans ont e´te´ documente´s par un suivi te´le´phonique ou par l’envoi d’un questionnaire aux parents, afin d’en pre´ciser les circonstances, la symptomatologie, la prise en charge me´dicale, le traitement ainsi que l’e´volution. Lorsque l’enfant avait consulte´ au service d’accueil des urgences d’un hoˆpital ou un me´decin, un compte rendu a e´te´ demande´ afin de pre´ciser les effets observe´s, leur traitement et leur e´volution. Dans chaque cas, les variables finalement prises en compte pour l’analyse ont e´te´ les suivantes : date de l’appel, demandeur, lieu, de´lai entre l’exposition et l’appel au centre, produit en cause, aˆge, sexe, circonstances, voie d’entre´e, symptomatologie, modalite´s de prise en charge par la famille et a` l’hoˆpital, diagnostic me´dical, traitement effectue´ et e´volution. Une e´valuation re´trospective de la gravite´ a e´te´ re´alise´e, en utilisant le score de gravite´ des intoxications (Poisoning Severity Score [PSS] [16]). Les comparaisons statistiques ont e´te´ faites en utilisant le test du Khi2.

3. Re´sultats Durant les deux anne´es de l’e´tude, 682 dossiers concernant des enfants de moins de 16 ans ont e´te´ collige´s, 318 en 2011 et 364 en 2012. Lors du premier appel au centre antipoison, le demandeur avait e´te´ la famille de l’enfant dans 484 dossiers (71 %), un hoˆpital dans 130 dossiers (19 %), un re´gulateur du service d’aide me´dicale urgente (Samu) dans 47 dossiers (7 %), un me´decin libe´ral dans 19 dossiers (3 %) ; les deux appels restants provenaient d’un pharmacien pour l’un et d’une pue´ricultrice pour l’autre. Les expositions avaient eu lieu au domicile sauf dans deux cas, ou` elles e´taient survenues dans un magasin et dans une cre`che. Le de´lai entre l’exposition et l’appel au CAPTV e´tait connu dans 640 cas. Il avait e´te´ infe´rieur a` 10 minutes dans 43 % des cas (257/640) et a` 2 h dans 92 % (588/640). Le nom commercial du produit a e´te´ obtenu dans 673 dossiers (98,4 %), ce qui a permis d’en caracte´riser la composition et donc la toxicite´. Quarante spe´cialite´s diffe´rentes e´taient concerne´es. Toutes avaient des compositions semblables : leurs principaux constituants e´taient des tensioactifs anioniques (10–50 %) ou non ioniques (< 10–50 %), du propyle`ne glycol (10–20 %), du glyce´rol (1–10 %) et des enzymes

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De´tergents liquides en capsules

Tableau I Voies d’exposition. Ingestion, n (%) Projection oculaire, n (%) Ingestion + projection oculaire, n (%) Ingestion + contamination cutane´e, n (%) Ingestion + projections oculaire et cutane´e, n (%) Projections oculaire et cutane´e, n (%) Total, n (%)

495 48 51 50 20

(72,4) (7,0) (7,5) (7,3) (2,9)

20 (2,9) 684 (100)

(< 1–2 %) ; la pre´sence d’alcools aliphatiques (e´thanol ou isopropanol < 10 %) a e´te´ plus rarement observe´e. Le pH de ces pre´parations e´tait compris entre 7,5 et 9,5. Dans deux dossiers, les enfants expose´s e´taient des jumeaux c’est donc sur un total de 684 enfants expose´s que porte notre e´tude. Il s’agissait de 323 filles (47,2 %) et 361 garc¸ons (52,8 %). La plupart (97 %) des 671 enfants dont l’aˆge e´tait connu avaient moins de cinq ans (me´diane : 27 mois ; minimum : 5 mois ; maximum : 14 ans). Les voies d’exposition sont indique´es dans le tableau I. Globalement, la lessive avait e´te´ inge´re´e par 616 enfants (90 %), 139 (20,3 %) ont eu une projection oculaire et 90 (13,2 %) une contamination cutane´e. Une symptomatologie e´tait initialement pre´sente dans 472 cas (69,0 %). L’e´volution a e´te´ favorable dans tous les cas (n = 267 ; 39,0 %) pour lesquels elle a e´te´ connue.

des troubles respiratoires a` type de toux dans 16,6 % des cas (46/277). Avant l’appel au CAPTV les parents avaient effectue´ une de´contamination a` l’eau (rinc¸age de la bouche et du visage ou sous la douche) dans 224 cas (36 %). Ils avaient e´galement pratique´ des gestes pouvant aggraver l’intoxication en donnant a` boire (eau, lait, jus de fruits) dans 79 cas (12,8 %) et en provoquant des vomissements dans 26 cas (9,2 %). Soixante-huit des 70 cas ayant eu des troubles respiratoires (toux ou dyspne´e) au de´cours de l’ingestion avaient be´ne´ficie´ d’une auscultation thoracique et 12 d’un examen radiographique ; des anomalies n’avaient e´te´ constate´es qu’une seule fois : il s’agissait d’un syndrome d’irritation bronchique (ce cas grave est de´crit ci-dessous). Neuf enfants avaient eu une e´ruption cutane´e : dans 7 cas, il s’agissait d’un e´rythe`me de contact, touchant le visage ou le torse et apparu dans l’heure suivant l’exposition ; dans les deux autres cas, c’e´tait une e´ruption urticariforme et prurigineuse, sans fie`vre, localise´e au visage et au tronc dans un cas, au tronc et aux membres infe´rieurs dans l’autre, apparue respectivement environ 4 et 24 heures apre`s l’exposition et ce´dant rapidement dans les deux cas apre`s l’administration d’un antihistaminique H1. L’e´volution avait e´te´ favorable en quelques heures dans tous les cas ou` elle a e´te´ connue (220/ 616 ; 35,7 %), a` l’exception du cas plus se´ve`re, de´crit ci-dessous, qui a gue´ri en 3 jours. Dans aucun des cas de cette se´rie, il n’a e´te´ observe´ de de´pression du syste`me nerveux central, meˆme le´ge`re.

3.2. Projection oculaire

3.1. Ingestion Quatre cent cinq des 616 cas d’exposition par voie orale seule ou associe´e a` d’autres voies (65,7 %) avaient e´te´ symptomatiques. La symptomatologie observe´e est indique´e dans le tableau II. Les vomissements avaient e´te´ la manifestation la plus fre´quente ; ils e´taient pre´sents dans 44,9 % des cas (277/ 616). Ils e´taient survenus le plus souvent imme´diatement (220/277 ; 79,4 %) mais pouvaient avoir e´te´ retarde´s de 30 a` 90 minutes (42/277 ; 15 %) ; ils avaient e´te´ associe´s a` Tableau II Symptomatologie observe´e apre`s ingestion. Symptoˆmes digestifs, respiratoires et cutane´s

Ingestion seule, n = 495 (%)

Ingestion seule ou associe´e aux autres voies d’exposition, n = 616 (%)

Vomissements Douleur oropharynge´e Hypersialorrhe´e Nause´es Douleurs abdominales Diarrhe´es Toux Dyspne´e E´rythe`me/E´ruption Aucun symptoˆme

242 (48,8) 23 (4,6) 4 (0,8) 5 (1) 9 (1,8) 10 (2) 63 (12,7) 6 (1,2) 0 184 (37,1)

277 24 4 5 10 11 70 8 9 211

(44,9) (3,9) (0,8) (0,8) (1,6) (1,8) (11,3) (1,3) (1,5) (34,2)

Cent trente-cinq des 139 enfants qui avaient rec¸u une projection oculaire (97,1 %) avaient e´te´ symptomatiques (tableau III). Avant l’appel au CAPTV, un rinc¸age de l’œil avait e´te´ effectue´ par les parents dans 71,2 % des cas (99/139). Un examen oculaire avait e´te´ pratique´ dans 65,4 % des cas (91/139) : par un me´decin (n = 5), par un ophtalmologue de ville (n = 17) ou dans le service d’accueil des urgences d’un hoˆpital (n = 69). Les re´sultats de cet examen ont e´te´ obtenus dans 81 cas (89 %) ; il s’agissait d’une conjonctivite dans 57 cas (70 %) et dans 24 cas (30 %), le test a` la fluoresce´ine avait mis en e´vidence une atteinte de la corne´e. Il s’agissait alors Tableau III Symptomatologie observe´e apre`s projection oculaire. Symptoˆmes oculaires

Voie oculaire seule ou associe´e aux autres voies d’exposition, n = 139 (%)

Hyperhe´mie conjonctivale Hyperhe´mie + douleur Douleur oculaire seule Œde`me palpe´bral Larmoiement Ble´pharospasme Photophobie Aucun signe oculaire

129 60 6 23 6 25 4 4

(92,8) (43,1) (4,3) (16,5) (4,3) (17,9) (2,8) (2,8)

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toujours d’une ke´ratite superficielle, mais qui avait justifie´ une surveillance ophtalmologique avec parfois plusieurs consultations de controˆle. Les 91 cas me´dicalise´s avaient rec¸u un traitement symptomatique de 3 a` 15 jours. L’e´volution avait e´te´ favorable dans les 95 cas (68,3 %) ou` elle a e´te´ connue.

3.3. Contamination cutane´e Les 90 cas de contamination cutane´e avaient tous e´te´ associe´s a` une ingestion ou une projection oculaire (tableau I). Les parties du corps touche´es avaient toujours e´te´ le visage, le cou, la partie supe´rieure du tronc ou les mains. Tous les enfants avaient be´ne´ficie´ d’un lavage imme´diat et abondant a` l’eau. Neuf enfants seulement avaient eu une e´ruption, d’apparition imme´diate dans 7 cas et retarde´e dans 2 autres. Dans ces 9 cas, la contamination cutane´e e´tait associe´e a` une ingestion et ces observations ont de´ja` e´te´ pre´sente´e ci-dessus (tableau II).

3.4. Gravite´ Le tableau IV pre´sente l’e´valuation re´trospective de la gravite´ par le PSS, toutes voies d’exposition confondues, pour les 267 cas dont l’e´volution a e´te´ connue et pour les 417 autres. Pour les 417 cas dont l’e´volution est reste´e inconnue, nous avons retenu le PSS le plus e´leve´ au moment du dernier appel. Il montre que dans cette se´rie, les conse´quences de l’exposition ont ge´ne´ralement e´te´ mineures (PSS0 ou PSS1). Les 25 cas de gravite´ mode´re´e (PSS2) e´taient 24 cas de ke´ratite (voir cidessus) et un cas de troubles respiratoires secondaires a` une fausse route, de´crit ci-dessous. Cas 1 : Cet enfant de 22 mois avait porte´ une capsule de lessive a` sa bouche et l’avait mordue, provoquant sa rupture. Celle-ci avait e´te´ imme´diatement suivie d’une toux et de vomissements. L’enfant avait e´te´ transporte´ sans de´lai dans le service d’accueil des urgences de l’hoˆpital voisin ou`, 45 minutes apre`s l’accident, il avait e´te´ constate´ un tirage sus-sternal et des ronchi diffus dans les deux champs pulmonaires. Il n’y avait pas de signe d’irritation cutane´e, oculaire ou des muqueuses oropharynge´es. Il existait une tachycardie mode´re´e (148 battements par minute), mais la pression arte´rielle e´tait normale (110/73 mm Hg). Il n’y avait pas de fie`vre. La radiographie thoracique n’avait montre´ qu’un discret e´paississement diffus de la trame bronchovasculaire, sans foyer de pneumopathie. Tableau IV Gravite´ des effets secondaires aux expositions. Score de E´volution connue, E´volution inconnue, gravite´ (PSS) n (%) n (%) PSS0 PSS1 PSS2 Total

41 201 25 267

PSS : Poisoning Severity Score.

4

(15,3) (75,3) (9,4) (100)

174 243 0 417

(41,7) (58,3) (0) (100)

La saturation pulse´e en oxyge`ne (SpO2) e´tait de 93 %. L’enfant avait alors e´te´ place´ sous oxyge´nothe´rapie et avait rec¸u des corticoı¨des par voie intraveineuse. La SpO2 s’e´tait rapidement normalise´e mais l’oxyge´nothe´rapie avait ne´anmoins e´te´ poursuivie durant 3 jours. Au deuxie`me jour la radiographie et l’auscultation thoraciques e´taient normales ; l’enfant e´tait toujours apyre´tique. Il e´tait totalement asymptomatique a` sa sortie au quatrie`me jour. Le tableau IV montre que les cas dont l’e´volution a e´te´ connue e´taient significativement plus se´ve`res que les autres (p < 0,0001). Cela ne traduit probablement pas une sousestimation de la gravite´ des cas dont l’e´volution n’a pas e´te´ connue (car les complications attendues sont de survenue imme´diate ou rapide, quelle que soit la voie d’exposition), mais plutoˆt la moindre motivation des correspondants a` re´pondre aux sollicitations du CAPTV lorsque l’enfant e´tait reste´ asymptomatique ou lorsque des effets be´nins ont e´te´ rapidement re´gressifs.

4. Discussion Cette se´rie de cas d’exposition a` des de´tergents concentre´s liquides en capsule est l’une des plus importantes rapporte´es. Les effets qu’elle montre, ainsi que leur fre´quence et leur gravite´ sont semblables a` ceux observe´s dans les pre´ce´dentes se´ries publie´es par des e´quipes du Royaume-Uni [5,6,17], d’Italie [8] ou des E´tats-Unis [9,14]. De meˆme, les circonstances d’exposition et le public concerne´ sont identiques dans tous les pays : ce sont tre`s majoritairement des enfants de moins de 5 ans, attire´s par les capsules de couleurs vives (fig. 1), qui les manipulent et surtout les portent a` leur bouche ; la rupture de l’enveloppe est fre´quente, du fait de l’hydrosolubilite´ du polyme`re qui la constitue ; elle met la solution concentre´e de de´tergents au contact direct avec la peau ou les muqueuses ; quand la capsule a e´te´ mise en bouche et qu’elle est mordue, sa rupture provoque une projection du liquide concentre´ dans la bouche et l’oropharynx ou` elle peut eˆtre a` l’origine de fausses routes, ainsi que sur le visage et possiblement dans les yeux. Dans toutes les se´ries publie´es [5,8,9,14,17], les effets observe´s sont, pour la plupart, explicables par le pouvoir irritant de la pre´paration liquide contenue dans les capsules : celle-ci est principalement constitue´e de tensioactifs anioniques et non ioniques, en concentration e´leve´es, de polyols (essentiellement propyle`ne glycol et glyce´rol), plus rarement d’alcools aliphatiques a` chaıˆne courte (e´thanol ou isopropanol) ; c’est ce qui est ge´ne´ralement indique´ dans les publications ante´rieures a` la noˆtre [3,5,9,17] et c’est aussi ce que nous avons constate´. Certaines publications de la fin de la dernie`re de´cennie [1,3] ont propose´ que l’irritation re´sulte de l’alcalinite´ des pre´parations liquides. En fait, les industriels de´nient cette information [18] et dans notre e´tude, nous avons, de fait, observe´ que le pH des solutions implique´es dans la se´rie de

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De´tergents liquides en capsules

cas observe´s e´taient toujours compris entre 7,5 et 9,5 : insuffisamment e´leve´ pour eˆtre tenu pour responsable des effets irritants. En fait, les tensioactifs en solution concentre´e ont un effet irritant intrinse`que suffisant pour expliquer les effets locaux produits [17,19,20]. Dans cette se´rie et dans les publications ante´rieures [1–3,5,9,15,17], les effets irritants les plus graves touchaient ge´ne´ralement les yeux, probablement du fait d’une de´contamination diffe´re´e ou insuffisante. Pour pre´venir la survenue d’une ke´ratite ou d’une conjonctivite se´ve`re, il est impe´ratif qu’un rinc¸age a` l’eau (ou mieux, avec du se´rum sale´ isotonique) soit rapidement mis en œuvre et prolonge´ pendant au moins 10 minutes. En pratique chez les jeunes enfants, il est difficile que cette ope´ration soit efficacement conduite au domicile, par l’entourage et il est donc hautement recommande´ que cette de´contamination soit conduite dans les re`gles, de`s l’arrive´e en milieu me´dicalise´. Si apre`s le rinc¸age a` l’eau, l’œil reste rouge, un examen a` la lampe a` fente et un test a` la fluoresce´ine sont ne´cessaires pour faire le bilan des le´sions et proposer un traitement adapte´. En revanche, il n’est jamais observe´ d’irritation cutane´e se´ve`re, probablement parce qu’une de´contamination pre´coce a pre´venu un contact prolonge´. Les manifestations de l’irritation des muqueuses oropharynge´es et digestives associent diversement une sensation de bruˆlure locale, une hypersialorrhe´e, des vomissements, des douleurs abdominales et une diarrhe´e. Il n’a jamais e´te´ observe´ de bru ˆ lures chimiques se´ve`res de l’oropharynx ou du tube digestif ; dans les cas les plus graves, un e´rythe`me marque´, un œde`me mode´re´ et plus rarement des ulce´rations superficielles ont e´te´ rapporte´s [4,5,7,9,17]. En cas d’ingestion du contenu de la capsule, le risque majeur est celui de fausse route (facilite´e par la projection du liquide dans l’oropharynx quand la capsule se rompt alors qu’elle est mordue). Cette complication provoque imme´diatement toux et dyspne´e. La survenue de troubles respiratoires chez un enfant qui a porte´ une capsule de de´tergents concentre´s liquides en bouche et l’a rompue justifie donc toujours un transfert imme´diat en milieu hospitalier, pour une surveillance me´dicalise´e. Graˆce a` une prise en charge pre´coce et adapte´e, tous les cas rapporte´s ont eu, comme celui de cette se´rie, une e´volution rapidement favorable, en quelques heures ou quelques jours [5,7,12,13,21,22]. Plusieurs publications ante´rieures ont rapporte´ des troubles de la conscience (ge´ne´ralement une simple somnolence) apre`s l’ingestion par des enfants du contenu d’une capsule [5,9,12,13,17,21]. Cet effet n’a pas e´te´ observe´ dans notre se´rie. Les tensioactifs ne sont certainement pas responsables de cette de´pression du syste`me nerveux central. En revanche, le propyle`ne glycol, le glyce´rol ou les alcools aliphatiques e´galement pre´sents (bien qu’en moindres concentrations) pourraient l’expliquer et l’observation concomitante d’une acidose me´tabolique, dans une observation re´cemment publie´e, est en faveur de cette hypothe`se [21].

La pre´sente se´rie et une e´tude ante´rieure [5] ont e´galement rapporte´ la survenue de rares cas d’e´ruption cutane´e prurigineuse, ne touchant pas ne´cessairement ou pas seulement les zones de contact direct avec le de´tergent concentre´ et survenant apre`s un intervalle libre de plusieurs heures. Dans tous les cas, cette e´ruption a gue´ri rapidement apre`s la mise en œuvre d’un traitement symptomatique. Le ou les agents en cause n’ont pas e´te´ identifie´s et le me´canisme implique´ n’est pas caracte´rise´.

5. Conclusions Cette se´rie de cas d’exposition a` des de´tergents concentre´s en capsules est a` notre connaissance une des plus grande se´rie rapporte´e. Ses re´sultats sont en accord avec les pre´ce´dentes publications. Elle montre que les effets observe´s sont semblables a` ceux rapporte´s avec les produits classiques pour le lavage du linge en machines et que globalement, ils ne sont pas plus se´ve`res, meˆme si des e´tudes comparatives ont montre´ que les expositions aux capsules e´taient plus souvent symptomatiques [8,9,14]. Les effets, les plus pre´occupants sont ceux qui re´sultent des projections oculaires et les fausses routes apre`s ingestion, mais l’un et l’autre sont de bon pronostic, a` condition qu’une prise en charge me´dicale adapte´e soit rapidement mise en œuvre. Ces accidents concernent presque exclusivement des jeunes enfants. Ils sont fre´quents parce que les de´tergents en capsules sont pre´sents dans de nombreux foyers et que les capsules de couleur vives sont tre`s attirantes pour les jeunes enfants. Une concertation des industriels et des autorite´s de sante´ europe´ennes est en cours pour ame´liorer leur pre´vention en particulier par la mise a` disposition d’emballages se´curise´s. Paralle`lement, il est souhaitable que les professionnels de sante´ soient informe´s des dangers et des risques de ces pre´parations, afin qu’eux-meˆmes puissent conseiller a` l’entourage familial de mettre les de´tergents en capsules hors de la porte´e des enfants.

De´claration d’inte´reˆts Les auteurs de´clarent ne pas avoir de conflits d’inte´reˆts en relation avec cet article.

Re´fe´rences [1] [2]

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Archives de Pe´diatrie 2014;xxx:1-6

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