Revue des Maladies Respiratoires (2013) 30, 142—151
Disponible en ligne sur
www.sciencedirect.com
SÉRIE « POLLENS ET POLLINOSES » / Coordonnée par Denis Charpin
Immunothérapie allergénique dans le traitement de l’allergie aux pollens Allergen-specific immunotherapy in the treatment of pollen allergy C. Mailhol , A. Didier ∗ Service de pneumologie-allergologie, hôpital Larrey, 24, chemin de Pouvourville TSA 30030, 31059 Toulouse cedex 9, France Rec ¸u le 7 septembre 2011 ; accepté le 25 juillet 2012 Disponible sur Internet le 13 novembre 2012
MOTS CLÉS Allergie pollinique ; Rhinoconjonctivite ; Immunothérapie ; Voie sublinguale ; Comprimés d’allergènes
KEYWORDS Pollen allergy; Rhinoconjunctivitis;
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Résumé Depuis sa description en 1911 par Noon, la désensibilisation ou immunothérapie allergénique (ITA) a été très largement utilisée, par voie sous-cutanée, dans le traitement des maladies allergiques. Elle reste le seul traitement à visée étiologique en allergologie. Le développement de la voie sublinguale, alternative à la voie injectable et de nouvelles formes galéniques ont donné lieu à des études cliniques à grande échelle, en particulier dans le domaine de l’allergie pollinique. Celles-ci permettent de confirmer l’efficacité de l’ITA sur les symptômes de l’allergie respiratoire. Il existe également des données démontrant un impact de ce traitement à long terme avec un effet rémanent après l’arrêt de l’immunothérapie. Certaines données sont en faveur du rôle de l’ITA sur l’histoire naturelle de la maladie allergique, en particulier sur la diminution du risque d’asthme chez les sujets rhinitiques désensibilisés et sur l’acquisition de nouvelles sensibilisations. Les mécanismes d’action sont de mieux en mieux connus, permettant d’envisager d’améliorer encore cette technique dans le futur. La voie sublinguale améliore le rapport bénéfice/risque de la désensibilisation en diminuant le risque d’effets indésirables graves. Ces données permettent de penser que les indications de l’ITA pourraient être élargies à un plus grand nombre de patients atteints de pathologies respiratoires allergiques. © 2012 SPLF. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Summary Since its description by Noon in 1911, desensitization or allergen-specific immunotherapy (SIT) has been largely given by sub cutaneous injection in the treatment of allergic diseases. It remains the only treatment for allergic diseases aimed at the etiology. The development of sublingual route as an alternative to sub cutaneous injection, and of new forms of medication, has led to large-scale clinical trials, many of them performed with allergen tablets,
Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (A. Didier).
0761-8425/$ — see front matter © 2012 SPLF. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. http://dx.doi.org/10.1016/j.rmr.2012.07.005
Immunothérapie allergénique dans le traitement de l’allergie aux pollens
Specific immunotherapy; Sublingual immunotherapy; Allergen tablets
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particularly in the field of pollen allergy. These studies have confirmed that SIT is efficient in reducing allergic respiratory symptoms. Data on long term benefits and sustained efficacy after stopping treatment have also been published. These show an impact on the natural history of allergic disease and, in particular, a reduction in the risk of asthma in desensitized rhinitic subjects and in the acquisition of new sensitivities. The basic mechanisms of immunotherapy are becoming better understood and allow us to envisage improvements in this technique in the future. The sublingual route improves the risk/benefit ratio of desensitization and reduces the risk of serious side effects. These data suggest that the indications for SIT may be extended in a large number of patients with allergic respiratory diseases. © 2012 SPLF. Published by Elsevier Masson SAS. All rights reserved.
Seul traitement étiologique des maladies allergiques, l’immunothérapie allergénique (ITA), communément appelée « désensibilisation » connaît ces dernières années des avancées dans le mode d’administration et dans la présentation galénique qui permettent de la rendre accessible à un plus grand nombre de patients et d’améliorer le rapport bénéfice/risque. C’est dans le domaine de l’allergie aux pollens que le plus grand nombre d’essais a été récemment effectué, du fait du développement de nouvelles formes galéniques.
pratensis, phléole Phleum pratense, dactyle Dactylis glomerata et flouve Anthoxanthum odoratum). Elle a obtenu une AMM européenne mais n’est pas encore commercialisée en France ; elle est déclinée sous forme de lyophilisats dosés à 300 index de réactivité (IR) contenant approximativement 25 g/mL du groupe cinq des allergènes majeurs des graminées [3].
Autres voies d’administration La voie nasale et la voie bronchique
Historique Les débuts, la voie sous-cutanée Il y a un siècle, Noon [1] a parfaitement décrit les bases de l’ITA par voie sous-cutanée, encore pratiquée de nos jours. Un extrait de pollen, généré par congélationsdécongélations successives puis chauffage était injecté par voie sous-cutanée à concentrations faibles et à intervalles plus ou moins réguliers. L’efficacité était évaluée par un test de provocation conjonctival qui démontrait une augmentation du seuil de tolérance chez les patients allergiques. Ce travail mentionne l’importance de la dose injectée, les très fortes doses étant susceptibles d’aggraver les symptômes ou de déclencher une attaque d’asthme.
La voie sublinguale Elle a été développée à partir des années 1990, d’abord avec des solutions d’allergènes standardisées répondant à la réglementation allergène préparé spécifiquement pour un individu (APSI). La voie sublinguale stricte doit être différentiée de la voie orale, en effet le produit, sous forme de gouttes, est déposé sous la langue, gardé en bouche pendant deux minutes avant d’être dégluti. En France, deux laboratoires ont développé depuis quelques années des formes comprimés à dissolution rapide pour le traitement de l’allergie aux pollens de graminées. La spécialité Grazax® (Laboratoire ALK-Abello) contient uniquement du pollen de phléole (Phleum pratense). Elle est commercialisée en France depuis février 2011 sous forme d’un comprimé lyophilisé à 75 000 Standardized Quality Tablet (SQ-T), qui contiendrait approximativement 15 g de Phl p 5 [2]. La spécialité Oralair® (Laboratoire Stallergènes) inclut cinq pollens de graminées (ivraie Lolium perenne, pâturin Poa
Elles ont été peu explorées du fait des symptômes locaux ou généraux importants qu’elles ont pu déclencher dans les premières tentatives pour développer ces voies [4]. La voie intranasale, bien qu’anecdotique, a été explorée depuis la fin des années 1990 par les équipes italiennes [5,6] et a même été commercialisée en Italie. Elle continue à faire l’objet de rares publications taïwanaises [7].
La voie orale La voie orale s’est avérée décevante dans la prise en charge des allergies respiratoires mais pourrait être prometteuse dans le domaine de l’allergie alimentaire, probablement en raison d’un mode d’action plus adapté à la physiopathologie de cette dernière [8].
La voie épicutanée : le patch Une seule étude a montré que l’ITA transdermique aux pollens de graminées, administrée grâce à un patch, permettait une diminution des symptômes de rhinite [9]. Mais l’apparition d’un eczéma au point d’application du patch a pu être fréquemment notée. Il pourrait s’agir d’une voie d’administration relativement sûre mais d’autres études sont nécessaires pour confirmer ces résultats.
La voie intralymphatique Elle a été pratiquée chez l’animal et chez l’homme par une équipe [10]. Chez l’homme, trois injections intraganglionnaires de pollens de graminées seraient aussi efficaces sur les symptômes de rhinoconjonctivite que trois ans d’ITA par voie sous-cutanée [11]. Les voies épicutanée et intralymphatique sont en cours d’exploration.
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La voie sous-cutanée a été la première à être utilisée, puis est apparue la voie sublinguale à partir des années 1990. Les voies nasale et bronchique sont pratiquement abandonnées et la voie orale s’est avérée décevante en allergie respiratoire.
Mécanismes d’action Il est maintenant admis que l’efficacité de la désensibilisation est liée à la réorientation du système Th2 vers le système Th1 et repose sur la modulation des réponses immunes par des lymphocytes T régulateurs spécifiques de l’allergène [12]. L’apparition d’une tolérance est associée au développement de lymphocytes T périphériques tolérogènes : les lymphocytes T régulateurs (Treg) [12]. Certains sont présents dès la naissance dans le thymus, les Treg FOXP3+ CD4+ CD25+, d’autres lymphocytes Treg sont induits secondairement au niveau périphérique. Parmi ces derniers un sous-groupe, les lymphocytes Tr1, semblent jouer un rôle majeur. Les lymphocytes Tr1 sont prédominants chez les sujets sains, tolérant l’allergène. Leur présence serait prépondérante dans les phases initiales de l’ITA et l’augmentation de ces cellules et de leurs médiateurs (IL10, TGF) a été constatée dans le sang et dans les organes périphériques comme la muqueuse nasale chez les patients désensibilisés. Au cours de l’ITA, des modifications sont aussi observées dans les populations lymphocytaires B. Les IgE spécifiques de l’allergène augmentent en début de désensibilisation puis ont tendance à diminuer secondairement. La synthèse d’IgG4 et IgG1 spécifiques de l’allergène a pu être observée pendant la désensibilisation. L’augmentation de ces dernières, ainsi que d’un facteur sérique bloquant la fixation des IgE aux allergènes paraît corrélée à l’amélioration clinique dans un groupe de patients asthmatiques désensibilisés aux acariens de la poussière de maison [13]. Néanmoins à notre connaissance, il n’y a pour l’instant pas de travaux démontrant la corrélation entre la modification de ces marqueurs et l’amélioration clinique à l’échelon individuel. L’IL10, une des cytokines clé sécrétée par les lymphocytes Tr1, joue un rôle dans l’orientation du profil de sécrétion des lymphocytes B vers la synthèse d’IgG4 plutôt que celle des IgE. À ce titre, l’IL10 serait un puissant modulateur de la tolérance, agissant à la fois sur les IgE totales et sur les IgE spécifiques, avec au final une diminution du ratio IgE/IgG4. La synthèse d’IgA au niveau des muqueuses serait, elle, modulée par l’activation des lymphocytes B via les récepteurs TLR7 et TLR9. Dans la voie sublinguale, les cellules présentatrices de l’antigène localisées au niveau de la muqueuse buccale joueraient un rôle prépondérant [14]. La muqueuse sublinguale, en particulier, a un revêtement différent des autres structures buccales (gencives, palais. . .) revêtues d’une muqueuse de type masticatoire. Fortement perméable et vascularisée, elle permet la capture des allergènes tout en restant hermétique au passage des pathogènes. Dépourvue de « mucosa-associated lymphoid tissue » (MALT), elle
C. Mailhol, A. Didier diffère de la muqueuse digestive. Les cellules dendritiques de cette région auraient ainsi la possibilité de présenter directement les antigènes capturés aux lymphocytes de la région lymphatique satellite correspondante. La population lymphocytaire et les taux locaux d’IL10, d’IFN␥ et de TGF dans cette région de la muqueuse se révèlent plus importants que dans la peau, permettant d’évoquer un fort pouvoir tolérogène de cette zone. L’ITA par voie sublinguale serait associée à une diminution des mastocytes dans la région sublinguale et à une augmentation des lymphocytes Treg (FOXP3+) dans la muqueuse sublinguale et dans le sang périphérique. La modulation des autres médiateurs et cellules impactées lors de l’ITA et décrite plus haut suit la même évolution dans l’ITSL. Exception est faite des IgA qui sont le siège de controverses quant à leur évolution au cours d’une ITA sublinguale. Les voies d’amélioration techniques de l’ITA explorées actuellement sont centrées sur l’efficacité, la sécurité et l’observance de l’ITA. La voie qui vise à améliorer encore la disponibilité et le temps de contact de l’allergène avec la muqueuse buccale et par voie de conséquences avec les effecteurs de la réponse immune, a fait l’objet de plusieurs travaux avec le recours à des adjuvants et des vecteurs [15].
La désensibilisation agit en modulant les réponses immunes par des lymphocytes T régulateurs spécifiques de l’allergène. Les lymphocytes T régulateurs du sous-groupe 1 (Tr1) sont prédominants chez les sujets sains, tolérant l’allergène. Pour l’immunité humorale, on note une augmentation des IgE spécifiques de l’allergène en début de désensibilisation puis secondairement une tendance à leur diminution. L’IL10 serait un puissant modulateur de la tolérance, agissant à la fois sur les IgE totales et sur les IgE spécifiques, avec finalement baisse du rapport IgE/IgG4. La synthèse d’IgA au niveau des muqueuses serait modulée par l’activation des lymphocytes B via les récepteurs TLR7 et TLR9. Dans la voie sublinguale, les cellules présentatrices de l’antigène de la muqueuse buccale joueraient un rôle tolérogène prépondérant. L’ITA par voie sublinguale s’accompagnerait d’une diminution des mastocytes dans la région sublinguale et d’une augmentation des lymphocytes Treg (FOXP3+) dans la muqueuse sublinguale et dans le sang périphérique.
Efficacité Efficacité sur les symptômes L’efficacité de ce traitement est confirmée par les études de la décennie 2000, incluant de grands effectifs de patients avec des protocoles en double insu contre placebo, qui
Immunothérapie allergénique dans le traitement de l’allergie aux pollens ont donné lieu à plusieurs méta-analyses ou revues générales.
Efficacité chez les patients souffrant de rhinoconjonctivite allergique L’efficacité sur la symptomatologie de rhinoconjonctivite est généralement appréciée par des scores de symptômes et par la quantification de la consommation médicamenteuse. Certaines études comportent aussi une évaluation de la qualité de vie, en général par un questionnaire spécifique de la qualité de vie dans la rhinite, le Rhinoconjonctivitis Quality of Life Questionnaire (RQLQ) [16]. Le score symptomatique le plus utilisé est le score total de symptômes quotidiens de la rhinoconjonctivite qui évalue quatre symptômes nasaux (rhinorrhée, obstruction nasale, prurit nasal et éternuements) et deux symptômes oculaires (prurit oculaire et larmoiement), chaque symptôme est généralement côté de zéro à trois. La quantification de la consommation médicamenteuse fait appel soit à un score en attribuant une valeur arbitraire à chaque type de traitement de secours utilisé (antihistaminique, corticoïdes locaux, corticoïdes par voie générale), soit à l’évaluation du nombre de jours avec et sans prise de traitement symptomatique. L’efficacité de l’ITA par voie sous-cutanée dans le traitement de la rhinite allergique au pollen a été évaluée dans une méta-analyse Cochrane [17]. Cette dernière a retenu 51 études portant sur l’efficacité de l’ITA injectable et confirme qu’il existe un effet significatif sur les scores de symptômes de la rhinoconjonctivite et la quantification de la consommation médicamenteuse. Le document ARIA 2007 (Allergic Rhinitis and its Impact on Asthma) retient un niveau de preuve élevé (Ib) pour l’efficacité de l’ITA injectable dans la rhinite [18]. Pour l’ITA sublinguale, une première méta-analyse de 21 études, montrait en 2003 un résultat global en faveur d’un bénéfice sur les symptômes (−42 % en moyenne) et sur la consommation médicamenteuse (−43 % en moyenne) [19]. Néanmoins, dans l’analyse allergène par allergène, l’effet était significatif essentiellement pour les pollens de graminées et pas pour les autres allergènes considérés, en particulier pas pour les acariens. Mais en 2009, une méta-analyse axée sur la désensibilisation de patients ayant une rhinite aux acariens a mis cette fois en avant des résultats positifs [20]. Chez l’enfant, une méta-analyse rassemblant 484 patients atteints de rhinite allergique a montré l’efficacité de la voie sublinguale sur les symptômes et sur la consommation médicamenteuse [21]. La revue systématique la plus récente inclut 60 études correspondant à plus de 4500 patients [22]. Quarante essais concernaient l’ITA sublinguale aux pollens (pollens de graminées surtout, mais aussi de pariétaire, d’ambroisie et des pollens d’arbres). Cette publication confirme l’efficacité de la désensibilisation par voie sublinguale sur les critères d’évaluation habituels de la rhinite allergique que sont le score symptomatique et la consommation médicamenteuse. Pour les symptômes oculaires, une méta-analyse de 46 études utilisant la voie sublinguale (suspension ou comprimés) démontre que celle-ci est efficace sur le score global des symptômes oculaires et sur les scores de symptômes individuels (larmoiement, prurit oculaire. . .) [23].
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Le développement des comprimés a donné lieu à des études multicentriques sur un nombre important de patients (en général autour de 600) en population adulte [24,25], et en population pédiatrique [3,26,27], certaines d’entre elles appréhendent le maintien de l’effet au cours de plusieurs saisons sous traitement [28,29]. Ces études à grande échelle démontrent aussi une efficacité sur d’autres paramètres comme les symptômes considérés individuellement au niveau nasal ou oculaire ou la qualité de vie. Au terme de ces études, le document ARIA 2010 attribue à la désensibilisation sublinguale le niveau de preuve le plus élevé (Ia) dans le traitement de la rhinite allergique de l’enfant et de l’adulte [30].
Efficacité chez les patients souffrant d’asthme allergique Dans la désensibilisation de l’asthme allergique, la voie sous-cutanée a fait la preuve de son efficacité dans la méta-analyse d’Abramson et al. dont la dernière mise à jour rassemble 75 essais randomisés et contrôlés utilisant la voie injectable chez plus de 3500 patients asthmatiques [31]. Parmi eux, 25 essais concernent l’ITA injectable au pollen. L’efficacité a pu être démontrée sur les symptômes cliniques, l’hyperréactivité bronchique spécifique et non spécifique et la consommation médicamenteuse. La désensibilisation restait sans influence sur le VEMS. Par ailleurs, seuls les essais conduits avec les acariens ou les pollens ont été concluants. Les phanères d’animaux et les mélanges d’allergènes n’ont pas fait émerger de résultats satisfaisants. Un niveau de preuve très élevé (I) a été attribué à l’ITA injectable dans l’asthme dans les recommandations « Asthme et allergie » de la Société de pneumologie de langue franc ¸aise (SPLF) [32]. Dans l’évaluation de la voie sublinguale, la méta-analyse de Calamita et al. a retenu 25 études [33]. Qu’elles aient été conduites chez l’adulte ou chez l’enfant, elles ont été en faveur de l’ITA pour l’ensemble des critères considérés (réduction des symptômes d’asthme, diminution de la consommation médicamenteuse et de l’hyperréactivité bronchique, amélioration de la fonction respiratoire). Une mention particulière est faite dans ce travail à propos de l’innocuité de ce traitement. Une seconde méta-analyse s’est intéressée à l’ITA sublinguale chez l’enfant (de trois à 18 ans) [21]. Elle a pu mettre en évidence une efficacité sur les scores de symptômes et sur les scores de médicaments avec une tolérance relativement bonne (pas d’événements d’allure systémique en dehors de quatre exacerbations d’asthme sur les 232 enfants qui ont rec ¸u une désensibilisation). Sur les neuf essais considérés dans cette analyse, trois concernent les pollens. Celui portant sur le pollen d’olivier, Olea europaea, permet d’objectiver une diminution significative des scores de dyspnée lors de la première et de la seconde saison de traitement [34]. Comme pour la rhinite allergique, le document ARIA 2007 considère le niveau de preuve le plus élevé (Ia) pour l’efficacité de la voie sublinguale dans le traitement de l’asthme allergique chez l’adulte et chez l’enfant [18]. Dans les recommandations de la SPLF « Asthme et allergie » de 2007, la voie sublinguale est considérée comme une alternative possible à la voie injectable dans l’asthme [35].
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L’ITA a fait la preuve de son efficacité dans la rhinoconjonctivite allergique. Dans l’asthme allergique, l’ITA injectable au pollen ou aux acariens s’est avérée efficace sur les symptômes cliniques, l’hyperréactivité bronchique spécifique et non spécifique et la consommation médicamenteuse mais n’a pas modifié le VEMS. La voie sublinguale est une alternative possible à la voie injectable dans l’asthme.
Modification de l’histoire naturelle de l’allergie Au-delà de son efficacité sur les symptômes d’allergie, un faisceau d’éléments indique que la désensibilisation est susceptible de modifier l’histoire naturelle de l’allergique. Cela constitue un élément essentiel pour la poursuite de son développement, compte-tenu de la prévalence élevée des maladies allergiques, en particulier respiratoires.
Persistance de l’efficacité à l’arrêt d’immunothérapie allergénique (ITA) Durham et al. ont démontré, dans une étude méthodologiquement satisfaisante, qu’au-delà de la troisième année d’ITA injectable au pollen de graminées, l’effet sur les symptômes de l’allergie pollinique demeurait comparable chez les sujets qui stoppaient la désensibilisation par rapport à celle de sujets poursuivant le traitement [36]. De plus, ces deux groupes étaient significativement moins symptomatiques pendant la saison pollinique qu’un groupe témoin non désensibilisé. Chez l’enfant, l’étude la plus longue a été effectuée par Eng et al. où 13 enfants, désensibilisés par voie injectable au pollen de graminées, ont pu être suivis et évalués six ans et 12 ans après l’arrêt de l’ITA et comparés à un groupe témoin non désensibilisé [37]. Bien que sa qualité méthodologique reste discutable, cette étude montre dans le groupe ayant rec ¸u l’ITA, une efficacité significativement persistante sur les symptômes d’allergie pollinique (évalués par le score de symptômes) et sur la consommation médicamenteuse. Avec le développement de la voie sublinguale, on dispose d’une étude à grande échelle chez plus de 200 patients porteurs d’une rhinite allergique au pollen de graminées, traités selon un protocole cosaisonnier sur trois années consécutives avec une solution de pollens de graminées [38]. Ce travail a permis de constater au cours des trois années une amélioration du score combiné (symptômes/médication de secours) chez les sujets ayant rec ¸u l’ITA par rapport au placebo. Enfin, les données cliniques les plus récentes avec les études utilisant des comprimés indiquent le maintien de l’effet dans le groupe traité avec un protocole d’administration perannuel, un an et deux ans après l’arrêt du traitement par rapport au groupe placebo [39,40].
Réduction du risque d’asthme chez les patients désensibilisés pour une rhinite allergique Du fait de leur complexité méthodologique et de la longueur du suivi nécessaire, les études restent actuellement
C. Mailhol, A. Didier peu nombreuses sur ce thème. La PAT-Study de Möller et al. porte sur un nombre d’enfants important (205 enfants âgés de six à 14 ans) et comporte un groupe témoin non traité [41]. Après trois ans d’ITA injectable au pollen de graminées ou de bouleau chez des sujets initialement exclusivement rhinitiques, le risque de présenter un asthme est significativement moins important dans le groupe désensibilisé avec un odd ratio à 2,52 (p < 0,05). L’étude a pu être poursuivie sept ans après l’arrêt de l’ITA pour 147 enfants [42]. L’effet sur la prévention de l’asthme se confirme avec un odd ratio du même ordre (2,5 ; p < 0,05). Chez l’adulte, une étude rétrospective italienne moins robuste méthodologiquement objective une diminution du risque d’asthme dans un groupe de patients ayant bénéficié d’une désensibilisation injectable par rapport à un groupe témoin non désensibilisé [43]. Cette tendance a également été observée avec l’ITA sublinguale [44].
Comparaison des deux voies d’administration sous-cutanée et sublinguale Il n’y a que cinq études face-face portant sur cette question, dont trois avec des allergènes polliniques [45—49]. Elles sont toutes méthodologiquement critiquables car de faible puissance et certaines ne comportent pas de placebo. Toutes montrent une efficacité équivalente des deux voies, sauf une qui est en faveur de la voie injectable [48]. • Dans l’allergie pollinique, l’efficacité de l’ITA persiste après l’arrêt du traitement. • L’ITA injectable a un effet préventif sur l’apparition de l’asthme, ce qui semble également être le cas avec l’ITA sublinguale.
Effets indésirables Immunothérapie allergénique (ITA) injectable L’ITA par voie injectable peut s’accompagner d’effets indésirables qui vont de réactions locales et locorégionales, le plus souvent bénignes, à des réactions anaphylactiques systémiques. Les réactions syndromiques peuvent être sans gravité s’il s’agit d’une crise de rhinite, mais potentiellement beaucoup plus sérieuses lorsqu’il s’agit d’asthme ou d’un choc anaphylactique. Dans la méta-analyse de l’efficacité de la désensibilisation dans l’asthme, le risque relatif de réactions systémiques (anaphylaxie, asthme, rhinite, urticaire) pour les patients traités est de 2,45 (IC 95 % : 1,91 à 3,13) [50]. L’incidence des décès avait été chiffrée dans la version de 2003 de la même méta-analyse à un pour un à deux millions d’injections [31]. Plusieurs études confirment que l’asthmatique a un risque plus élevé de présenter des manifestations syndromiques ou systémiques graves en particulier lorsque l’asthme est non contrôlé ou le VEMS abaissé [32]. Tout cela justifie les précautions de bonne pratique : injection réalisée par un médecin après vérification de l’état clinique, notamment mesure du débit expiratoire de pointe (DEP), surveillance au cabinet au moins une demi-heure après l’injection, disponibilité des
Immunothérapie allergénique dans le traitement de l’allergie aux pollens moyens thérapeutiques pour permettre la prise en charge des réactions anaphylactiques (en particulier adrénaline injectable) [32]. Une information du patient du rapport bénéfice/risque est également indispensable. Chez l’enfant les réactions systémiques modérées étaient rapportées avec une fréquence de 0,08 % [51].
Immunothérapie allergénique (ITA) sublinguale Dans les grands essais avec la voie sublinguale, les effets secondaires sont essentiellement locaux à type de picotement ou de prurit buccal, ou locorégionaux avec douleurs épigastriques ou troubles du transit [24,52]. Ils disparaissent, le plus souvent, après quelques jours de traitement et ne paraissent pas forcément liés à la dose administrée. Dans l’étude effectuée avec la spécialité Oralair® , la fréquence des effets secondaires et leur sévérité diminuent nettement au fil des saisons [53]. Dans les essais cliniques, 3 à 5 % des patients sont sortis d’étude à cause des effets indésirables [2,24,25]. Six cas de réactions sévères ont été rapportés en dehors des essais cliniques [22]. À chaque fois, les produits utilisés pour la désensibilisation ne correspondaient pas aux recommandations actuelles en matière d’indication ou de choix des allergènes. Il n’y a pas à ce jour de décès rapporté avec l’ITA sublinguale. • Les complications de l’ITA injectable sont fréquemment des réactions locales et plus rarement un bronchospasme ou un choc anaphylactique. • L’asthme non contrôlé est un facteur de risque de complication du traitement. • Avec la voie sublinguale, les effets secondaires sont essentiellement locaux (picotement ou prurit buccal) ou locorégionaux (douleurs épigastriques ou troubles du transit) et restent généralement transitoires. • La fréquence des effets secondaires et leur sévérité diminuent nettement au fil des saisons avec l’ITA sublinguale.
Aspects pratiques Les produits disponibles Les préparations pour l’ITA injectable et pour l’ITA sublinguale en suspension, élaborées spécialement pour chaque individu, sont préparées par le laboratoire sur prescription du praticien et adressées directement au patient. Leur stabilité est garantie pendant six mois avant ouverture des flacons. La stabilité est de 30 jours à température ambiante, après ouverture du flacon. Pour les comprimés, la spécialité Grazax® , ayant obtenu une AMM en France pour la rhinoconjonctivite allergique aux pollens de graminées est disponible en pharmacie et délivrée sur prescription médicale. La spécialité Oralair® qui a une AMM européenne n’est pas encore commercialisée en France. Cette forme galénique permet une excellente reproductibilité de la dose administrée à chaque prise et n’impose pas les contraintes de conservation dans un lieu réfrigéré comme les solutions d’allergènes.
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En France, l’unité biologique exprimant l’activité allergénique d’un extrait la plus utilisée est l’index de réactivité (IR). La valeur de 100 IR correspond à une concentration de solution d’allergènes produisant par prick test une papule de diamètre géométrique moyen comparable à celle obtenue avec un extrait de référence sur une population de 30 sujets sensibles à l’allergène testé [54]. La spécialité Grazax utilise une autre unité biologique de standardisation, le Standardized quality tablet unit (SQ-T).
Les indications Chez l’adulte L’allergie aux pollens doit être confirmée par la présence d’une rhinite allergique aux pollens avec ou sans manifestations asthmatiques associées. Le caractère allergique des symptômes doit avoir été démontré par l’enquête allergologique comportant des tests cutanés et éventuellement un dosage d’IgE spécifiques. Les bénéfices de la désensibilisation ne pourront être espérés que si les symptômes visés sont réellement provoqués par l’exposition à l’allergène et par l’activation des mécanismes impliquant les IgE spécifiques [35]. La symptomatologie doit être suffisamment gênante et/ou nécessiter un traitement pharmacologique quasi permanent pour justifier la mise en place d’une ITA avec les contraintes qu’elle impose [30]. Celle-ci reste un traitement de longue durée pour lequel une bonne observance est un facteur essentiel de succès.
Chez l’enfant La désensibilisation chez l’enfant a un intérêt particulier car les allergènes sont une cause fréquente de déclenchement des symptômes. L’aspect préventif sur le développement de nouvelles sensibilisations ou sur l’aggravation de la maladie respiratoire est un argument supplémentaire pour l’utilisation de ce traitement à cet âge. Pour l’OMS, la limite d’âge inférieure pour débuter une ITA par voie sous-cutanée ou sublinguale est cinq ans [55]. La voie sublinguale pourrait être efficace entre trois et cinq ans mais il y a trop peu d’essais spécifiquement dans cette tranche d’âge pour pouvoir la recommander [55]. On peut par ailleurs penser que du point de vue allergologique, la sensibilisation aux pollens acquiert toute sa pertinence vers l’âge de cinq ou six ans. Les autres prérequis permettant de justifier la mise en place d’une ITA chez un enfant sont les mêmes que chez l’adulte. • Pour décider d’une ITA, il faut confirmer l’allergie aux pollens (présence d’une rhinite allergique aux pollens avec ou sans manifestations asthmatiques confirmée par l’enquête allergologique). • La symptomatologie doit être suffisamment gênante et/ou nécessiter un traitement pharmacologique quasi-permanent pour justifier la mise en place d’une ITA. • Chez l’enfant, la limite d’âge inférieure pour débuter une ITA par voie sous-cutanée ou sublinguale est de cinq ans.
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Comment conduire la désensibilisation ? En pratique, il n’est pas recommandé d’effectuer une ITA avec plus de deux allergènes [32]. Les essais effectués avec des mélanges d’allergènes ont, pour la plupart, donné lieu à des résultats négatifs [50]. Cela ne signifie pas qu’il faut exclure systématiquement des indications de l’ITA les patients qui présentent des tests cutanés d’allergie positifs à plusieurs pneumallergènes. En effet, certaines positivités des tests d’allergie (cutanés ou dosage d’IgE spécifiques) n’ont pas de pertinence clinique, notamment parce que le sujet est peu ou pas exposé à ces allergènes ou parce que la sensibilisation a été acquise par le biais de réactivités immunologiques croisées. Il revient donc à l’allergologue de déterminer le poids respectif, dans la symptomatologie du patient, de chacun des allergènes identifiés par ces tests. Les recommandations « Asthme et allergie » émises en 2007 par la SPLF préconisent de choisir des allergènes pour lesquels une efficacité et une sécurité ont été démontrées. Dans le domaine des allergies polliniques, il s’agit principalement des graminées, du bouleau et de l’ambroisie [35]. Il n’y a pas de recommandations formelles concernant le choix de la voie d’administration d’une désensibilisation aux pollens, néanmoins le rapport bénéfice—risque est clairement en faveur de la voie sublinguale, sauf cas exceptionnel (demande du patient, contraintes organisationnelles) [56]. Les suspensions d’allergènes, qu’elles soient administrées par voie injectable ou par voie orale, nécessitent une montée de dose progressive. La dose maximale utilisée est généralement atteinte en une dizaine de jours pour la voie sublinguale, contre quelques semaines par voie injectable. Les doses maximales atteintes par voie sublinguale pour obtenir l’efficacité sont de 300 à 400 fois supérieures à celles utilisées avec la voie injectable. Pour la voie sous-cutanée, l’injection est en général réalisée en regard du deltoïde. Pour la voie sublinguale les allergènes sont déposés sous la langue. La solution doit être gardée en bouche deux minutes avant d’être déglutie. La dose d’entretien pour l’ITA injectable est en général maintenue avec des rappels mensuels. Certains auteurs proposent de diminuer la dose de maintenance pendant la période pollinique [54]. Dans l’ITA sublinguale avec des suspensions d’allergènes, après la montée de dose, le traitement quotidien est assuré avec de fortes doses de l’ordre de 250 à 300 IR quotidiens avec les produits actuellement disponibles en suspension. Les comprimés de Grazax® , seule spécialité actuellement commercialisée et disposant d’une AMM, sont dosés à 75 000 SQT. La dose maximale est administrée d’emblée. La première prise doit être réalisée au cabinet du médecin. Le traitement est ensuite quotidien. Pour l’ITA aux pollens, la désensibilisation est généralement débutée plusieurs semaines avant la saison pollinique (16 semaines avant dans les essais cliniques avec les comprimés). Le traitement est poursuivi pendant la saison pollinique. Dans les protocoles pré- et cosaisonniers, le traitement est arrêté à la fin de la saison pollinique et repris l’année suivante en présaisonnier selon les mêmes modalités. Dans les protocoles perannuels, le traitement est poursuivi en perannuel sur trois années consécutives sans interruption. Il est généralement admis qu’il faut effectuer un traitement sur trois saisons consécutives, sous réserve d’une efficacité la première année, pour observer un effet
C. Mailhol, A. Didier rémanent à l’arrêt. Cette attitude empirique tend à être validée par les études récentes portant sur les formes comprimés [39,40]. Il n’y a actuellement aucune étude permettant de conclure quant à l’efficacité supérieure d’un mode d’administration par rapport à l’autre, protocole cosaisonnier versus perannuel. • Une ITA ne doit pas comporter plus de deux allergènes, et on choisit ceux pour lesquels une efficacité et une sécurité ont été démontrées. • Les suspensions d’allergènes, que ce soit par voie injectable ou par voie sublinguale, doivent être administrées à doses progressives. • Le rapport bénéfice—risque est en faveur de la voie sublinguale.
Les contre-indications Chez l’adulte Elles comprennent d’abord toutes les pathologies qui pourraient diminuer les capacités du patient à survivre à une réaction allergique grave (maladie coronarienne, asthme sévère non contrôlé). Un traitement par bêtabloquants (y compris en collyre) est susceptible de minimiser l’efficacité des traitements pouvant être nécessaires pour la prise en charge d’une réaction systémique. Si un patient relève de l’indication d’une désensibilisation, une discussion peut être engagée avec le prescripteur du traitement bêtabloquant pour envisager son remplacement éventuel par une autre classe médicamenteuse. Cette contre-indication classique pourrait être réévaluée pour la voie sublinguale, compte-tenu de la rareté des effets systémiques. Les malades asthmatiques sévères ou non contrôlés avec un VEMS inférieur à 70 % de la valeur théorique attendue ne doivent pas débuter une ITA avant l’obtention d’une stabilisation des paramètres fonctionnels et des symptômes. Habituellement l’ITA ne doit pas être initiée pendant la grossesse, notamment du fait des risques potentiels qu’une réaction systémique impliquerait pour le fœtus. Le début du traitement peut être reporté à la fin de la période d’allaitement. À ce jour, au vu des différentes études rétrospectives qui ont pu être menées, il n’a pas été constaté d’augmentation du risque d’avortement spontané, de prématurité ou de malformations fœtales chez les femmes continuant l’ITA pendant la grossesse [57]. En concertation avec la patiente, on pourra proposer dans la majorité des cas de maintenir la désensibilisation chez une patiente qui débuterait une grossesse pendant le traitement et d’éviter toute augmentation de dose tout au long de la grossesse et de l’allaitement.
Chez l’enfant L’ITA n’est pas validée chez l’enfant de moins de cinq ans par manque d’études spécifiques dans cette tranche d’âge. L’ITA sous-cutanée paraît de toute fac ¸on irréalisable dans ce contexte et il n’est pas sûr que la désensibilisation
Immunothérapie allergénique dans le traitement de l’allergie aux pollens par voie sublinguale soit d’un maniement plus aisé à cet âge, surtout avec les formes suspension actuellement disponibles. Au-delà de cinq ans, les contre-indications de l’ITA sont les mêmes que chez l’adulte. • L’asthme sévère non contrôlé est une contreindication à l’ITA chez l’adulte. Le traitement par bêtabloquants est une contre indication classique de l’ITA qui doit être réévaluée pour la voie sublinguale. • Au cours de la grossesse, il ne faut pas entreprendre de traitement par ITA, mais on peut le plus souvent maintenir la désensibilisation chez une patiente qui débuterait une grossesse pendant le traitement, en évitant toute augmentation de dose pendant la grossesse et l’allaitement. • Chez l’enfant, les contre-indications sont les mêmes que celles de l’adulte et il faut y ajouter un âge inférieur à cinq ans.
Perspectives Les formes galéniques Les comprimés représentent une avancée majeure par rapport aux suspensions. Leur commercialisation est déjà effective pour le pollen de graminées. Le développement clinique se poursuit pour d’autres allergènes, pollen de bouleau et acariens notamment. Les comprimés bénéficient d’une AMM au même titre qu’une spécialité pharmaceutique classique. Néanmoins, il est peu probable que tous les allergènes, notamment les allergènes moins fréquents, puissent bénéficier d’une commercialisation sous cette forme compte-tenu du coût que représente leur développement. La galénique des comprimés est encore susceptible d’amélioration en incorporant par exemple des adjuvants ou des substances favorisant le contact avec la muqueuse [15].
La manipulation des allergènes Allergènes modifiés (allergoïdes) et adjuvants La modification des allergènes par le glutaraldéhyde ou le formaldéhyde réduit théoriquement les épitopes induisant une réponse IgE, tout en préservant les épitopes T [58]. Les essais réalisés chez l’adulte et chez l’enfant ont pu mettre en évidence un bénéfice sur les scores symptômes et médicamenteux avec certains allergoïdes générés à partir de pollens de graminées. La question reste posée du maintien d’une immunogénicité équivalente de ces substances devenues moins allergéniques. Les essais menés jusqu’à présent sur le prétraitement par omalizumab de patients bénéficiant d’une ITA par voie sous-cutanée tendent à montrer que celui-ci conférerait une meilleure sécurité à l’ITA et apporterait une meilleure efficacité dans le contrôle des symptômes. Mais les données
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restent encore partielles notamment en ce qui concerne le mode d’administration de l’omalizumab, au cours de la suite de l’ITA. De même, les mécanismes immunologiques qui participent ne sont pas complètement connus [59].
Les allergènes recombinants et les peptides Les recombinants sont produits par techniques de biologie moléculaire sur la base des connaissances des caractéristiques moléculaires, immunologiques et biologiques de l’allergène d’origine. Leur utilisation est actuellement répandue dans le domaine du diagnostic biologique de l’allergie (dosage des IgE spécifiques), en particulier pour l’exploration des réactions croisées. Mais des recombinants peuvent aussi être générés dans un but d’ITA. Dans ce cas, il est même envisagé de modifier l’immunogénicité de l’allergène en altérant le site de liaison des IgE spécifiques pour le rendre hypoallergénique. Des essais ont été menés avec des allergènes recombinants de pollens de graminées ou avec plusieurs protéines Bet v 1 (allergène majeur recombinant du bouleau) dans le cadre d’une ITA par voie sous-cutanée ou plus rarement sublinguale chez des patients rhinitiques et/ou asthmatiques [60]. D’autres stratégies utilisent des peptides, correspondant à des épitopes T de l’allergène afin d’induire une tolérance et d’en réduire l’allergénicité notamment en diminuant le phénomène de pontage des IgE à la surface des mastocytes et polynucléaires basophiles. Des essais ont été menés avec des allergènes de phanères de chat et de venin d’hyménoptères [61].
Conclusion L’ITA est efficace dans le traitement des allergies respiratoires polliniques. Le développement de la voie sublinguale a permis d’améliorer le rapport bénéfice/risque de cette technique et sa faisabilité, en particulier chez l’enfant. Dans l’avenir un développement important des indications de l’ITA peut être envisagé en raison des améliorations dans la galénique de la voie sublinguale, avec la mise à disposition de comprimés pour certains allergènes, mais aussi du fait des progrès technologiques dans la purification, la caractérisation et la production des allergènes. Ceux-ci devraient permettre de disposer d’extraits plus performants dans la stimulation sélective des voies du système immunitaire mises en jeu au cours de l’ITA. Ces avancées constituent un véritable renouveau pour l’ITA qui reste un volet essentiel de la prise en charge de l’allergie au pollen.
Déclaration d’intérêts Alain Didier a perc ¸u des honoraires pour participation à des groupes d’experts et conseils de la part des laboratoires ALK et Stallergènes et a été coordonnateur de deux essais thérapeutiques promus par le laboratoire Stallergènes. Claire Mailhol n’a pas déclaré de conflits d’intérêts.
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POINTS ESSENTIELS • La désensibilisation ou immunothérapie allergénique est le seul traitement à visée étiologique en allergologie. • L’immunothérapie allergénique est efficace sur les symptômes de l’allergie respiratoire et aurait un effet rémanent à long terme après l’arrêt de l’immunothérapie. • L’ITA est surtout efficace sur la rhinoconjonctivite allergique et dans l’asthme allergique aux pollens ou aux acariens. • La voie sublinguale améliore le rapport bénéfice/risque. • L’ITA sublinguale semble bien tolérée. • Des progrès sont à attendre dans la galénique de la voie sublinguale et dans la purification, la caractérisation et la production des allergènes.
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