Implémentation d’un programme de soins oncologiques en consultation multidisciplinaire

Implémentation d’un programme de soins oncologiques en consultation multidisciplinaire

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Revue des Maladies Respiratoires (2015) xxx, xxx—xxx

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ARTICLE ORIGINAL

Implémentation d’un programme de soins oncologiques en consultation multidisciplinaire Implementation of an oncological care program in a multidisciplinary clinic J.-P. Sculier ∗, N. Leclercq, A.-P. Meert, M. Paesmans, T. Berghmans Service des soins intensifs et urgences oncologiques & oncologie thoracique, centre des tumeurs de l’université Libre de Bruxelles, institut Jules-Bordet, 1, rue Héger-Bordet, 1000 Bruxelles, Belgique Rec ¸u le 28 juillet 2015 ; accepté le 4 octobre 2015

MOTS CLÉS Cancer bronchique ; Consultation multidisciplinaire ; Chirurgie ; Radiothérapie ; Chimiothérapie



Résumé Introduction. — On manque d’études sur la mise en pratique des recommandations de pratique clinique (RPC) en oncologie thoracique. Méthodes. — Les dossiers des 354 patients avec cancer bronchique non encore traité entre janvier 2009 et décembre 2012 ont été revus. Tout nouveau traitement devrait être proposé en consultation multidisciplinaire (CMD) sur base d’un programme de soins oncologiques (PSO) fondé sur nos RPC. Résultats. — On a 636 CMD (332, 176, 81 et 47 en 1re , 2e , 3e et suivantes lignes). Le taux de CMD en 1re ligne a été de 94 % avec 88 % et 75 % en conformité avec le PSO et les RPC. En 2e et 3e lignes, les taux sont de 93 et 92 % (CMD), 90 et 89 % (PSO), 56 et 63 % (RPC). En 1re ligne, les principales causes de non-application ont été, pour le PSO, le refus du patient ou un autre choix par le médecin et pour les RPC le manque de recommandations adéquates pour des situations spécifiques ou l’apparition de nouveaux traitements. Conclusion. — La plupart des patients fait l’objet d’une CMD avec bonne application du PSO. Les RPC doivent être rapidement mises à jour pour incorporer les nouveaux traitements. © 2015 SPLF. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (J.-P. Sculier).

http://dx.doi.org/10.1016/j.rmr.2015.10.741 0761-8425/© 2015 SPLF. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Pour citer cet article : Sculier J-P, et al. Implémentation d’un programme de soins oncologiques en consultation multidisciplinaire. Revue des Maladies Respiratoires (2015), http://dx.doi.org/10.1016/j.rmr.2015.10.741

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J.-P. Sculier et al.

KEYWORDS Lung cancer; Multidisciplinary clinic; Surgery; Radiotherapy; Chemotherapy

Summary Introduction. — A working group has highlighted guidelines in thoracic oncology in Europe without study of their implementation, due to a lack of data. Methods. — The records of 354 untreated lung cancer patients seen between January 2009 and December 2012 were reviewed. Any new treatment should have been proposed by a multidisciplinary consultation (MDC) in accordance with an oncology care program (OCP) based on the European Lung Cancer Working Party guidelines. Results. — For the 354 patients, there were 636 MDC (332, 176, 81 and 47 in 1st, 2nd, 3rd and subsequent lines). For the first line, the MDC rate was 88%, in accordance with the OCP, and 75% of treatments were in agreement with the guidelines. For the 2nd and 3rd lines, the rates were 93% and 92% respectively (MDC), 90 and 89% (OCP), 55 and 63% (guidelines). In the first line, the main causes of non-compliance with the OCP were patient’s refusal or doctor’s choice and with guidelines a lack of adequate recommendations for specific situations such as comorbidities or the appearance of new treatments. Conclusion. — The vast majority of patients are the subject of a MDC with a high rate of application of OCP. Guidelines should be updated regularly to incorporate new treatments. © 2015 SPLF. Published by Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Introduction Il est communément admis qu’il faudrait que tout patient atteint d’un cancer voie son traitement proposé au cours d’une consultation multidisciplinaire (CMD) où participent des représentants des différentes spécialités médicales concernées par le diagnostic et la thérapeutique de la tumeur en question et que ce traitement soit en adéquation avec les recommandations ou guides de pratique clinique (RPC) disponibles dans le domaine. Récemment un groupe de travail de l’European Respiratory Society a publié un rapport sur la qualité de la prise en charge d’un cancer bronchique en Europe [1] montrant la pauvreté de la littérature sur le sujet. La littérature offre surtout des études sur les délais d’attente et leur impact, l’organisation par un centre de la prise en charge du patient notamment en termes de CMD, l’effet du volume d’activité de l’équipe médicale sur les résultats thérapeutiques, les variations régionales liées à des inégalités dans les systèmes de santé, ainsi que des enquêtes sur la qualité des soins administrés. Il y a peu de données de bonne qualité. Le groupe de travail a également évalué les RPC publiées en Europe entre 2004 et 2011 pour l’oncologie thoracique. Un total de 56 guides venant de 26 pays et dans 22 langues différentes ont été analysés. Leur qualité s’est avérée très variable avec des scores AGREE souvent peu élevés. Le bénéfice de la prise en charge multidisciplinaire n’est pas très clairement établi en oncologie thoracique. Il n’y a pas de définition commune sur la composition des équipes multidisciplinaires et leurs modalités de fonctionnement [2]. Certaines études, toutes issues du monde anglo-saxon, suggèrent que l’adhérence aux RPC est meilleure en cas de prise en charge multidisciplinaire avec un meilleur taux de traitements curatifs administrés [3,4], voire une amélioration de la survie [5]. Il nous a paru intéressant d’étudier le problème au niveau de notre institution dans notre système de soins. Notre institution est un hôpital cancérologique universitaire, le seul de ce type en Belgique, et les CMD y existent depuis de très nombreuses années.

La loi belge oblige depuis 2003 les hôpitaux qui soignent le cancer à définir des programmes de soins oncologiques (PSO). Ces PSO utilisent, comme défini dans l’arrêté royal du 21 mars 2003, « un manuel oncologique pluridisciplinaire, qui comprend les directives pluridisciplinaires concernant la fixation du diagnostic, le traitement et le suivi de patients atteints d’affections oncologiques, dont les accords organisationnels relatifs à l’adressage de patients. . . sans porter préjudice au libre choix du patient et qui indique tous les médecins spécialistes qui sont impliqués dans la dispensation de soins oncologiques, ainsi que le domaine dans lequel leur expertise se situe ». Dans notre cas, nous avons établi notre manuel sur base des RPC de notre groupe coopérateur, l’European Lung Cancer Working Party (ELCWP) [6—10]. L’objectif de la présente étude rétrospective a été de déterminer si nos patients atteints d’un cancer bronchique faisaient en pratique l’objet d’une CMD comme le PSO le prévoit et si le traitement réellement administré était en accord avec les RPC de l’ELCWP, pour avoir une idée de leur implémentation sur le terrain.

Patients et méthodes Les dossiers médicaux, tous complètement informatisés, de tous les nouveaux patients vierges de tout traitement et pris en charge entre le 1er janvier 2009 (date d’entrée en vigueur de la 7e édition de la classification TNM des cancers [11,12]) et le 31 décembre 2012, ont été revus selon un protocole approuvé par le comité d’éthique de notre institution hospitalière. Toutes les lignes de traitement ont été évaluées, chacune pouvant faire l’objet d’une CMD. Participent à cette CMD hebdomadaire des médecins spécialisés en médecine interne, pneumologie, oncologie médicale, chirurgie thoracique, radiothérapie, anatomie pathologique, radiologie et médecine nucléaire. Dans le système de soins de santé belge, tout hôpital traitant le cancer doit avoir un

Pour citer cet article : Sculier J-P, et al. Implémentation d’un programme de soins oncologiques en consultation multidisciplinaire. Revue des Maladies Respiratoires (2015), http://dx.doi.org/10.1016/j.rmr.2015.10.741

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Consultation multidisciplinaire en oncologie thoracique Tableau 1

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Taux de consultations multidisciplinaires selon la ligne de traitement.

Ligne de traitement

Nombre de patients

Taux de CMD, % (IC 95 %)

Taux de traitements donnés en accord avec le PSO, % (IC 95 %)

Taux de traitements donnés en accord avec les RPC chez les patients traités, % (IC 95 %)

1re 2e 3e 4e 5e 6e 7e

354 189 89 30 12 4 1

94 (91—96) 93 (90—97) 92 (87—98) 100 100 100 100

88 (84—91) 90 (85—94) 89 (82—95) 100 100 100 100

75 (70—79) 55 (48—63) 63 (53—73) 55 27 0 0

CMD : consultation multidisciplinaire ; PSO : programme de soins oncologiques ; RPC : recommandations de pratique clinique. Les intervalles de confiance (IC) ne sont pas rapportés au-delà de la ligne 3 parce que les nombres de patients n’étaient plus suffisamment élevés.

programme de soins d’oncologie (PSO) et toute CMD doit être en accord avec ce programme, les déviations devant être justifiées. Chaque changement de traitement fait en principe l’objet d’une CMD et pour chaque CMD, un rapport spécifique est rédigé et honoré financièrement. Les données suivantes ont été recueillies pour chaque patient : l’âge, le sexe, le type histologique de la tumeur pulmonaire, le stade TNM de la tumeur, l’indice de performance, le traitement proposé en 1re ligne et dans les éventuelles lignes suivantes, la conformité du traitement par rapport au programme de soins de l’institution et aux recommandations de l’ELCWP, les raisons des éventuelles déviations, notamment l’inadaptation du programme à des nouveautés thérapeutiques non encore prises en considération, le statut de suivi et date de décès ou de dernière visite. L’analyse a été essentiellement descriptive. Les comparaisons statistiques se sont faites à l’aide de tests Chi2 d’homogénéité ou de tests de Fisher exacts. Des intervalles de confiance (IC) pour une proportion ont été calculés en utilisant une distribution normale approchée.

Résultats Un total de 354 nouveaux patients ont été pris en charge dans notre institution pendant les 4 ans de l’étude : 88 en 2009, 94 en 2010, 83 en 2011 et 89 en 2012. Au moment de l’analyse, ces malades ont fait l’objet de 636 consultations multidisciplinaires : 332 en 1re ligne de traitement, 176 en seconde, 82 en troisième, 31 en quatrième, 11 en cinquième, 4 en sixième et 1 en septième. Peu de patients (6,2 % [n = 22], IC 95 % : 4,2—9,2) ont échappé à la CMD (toutes lignes thérapeutiques confondues). Au total, 677 traitements ont été débutés et seulement 41 d’entre eux l’ont été sans CMD (6,4 %, IC 95 % : 4,8—8,4). Ces 354 patients comptaient 197 hommes et 157 femmes. L’âge médian était de 62 ans avec une étendue allant de 32 à 84 ans. L’histologie était adénocarcinome dans 187 cas, épithélioma épidermoïde dans 79, cancer à petites cellules dans 50, cancer à grandes cellules dans 11 et autre cancer non à petites cellules dans 27. Les tumeurs étaient

au moment du diagnostic aux stades I dans 29 cas, II dans 19, III dans 75 et IV dans 228. Le stade n’a pas été déterminé chez 3 patients. L’indice médian de performance selon Karnofsky était de 80 avec une étendue allant de 20 à 100. Au moment de l’analyse (31 août 2013), il y avait encore 103 patients en vie dont 8 perdus de vue. Le suivi médian global était de 424 jours. Le pourcentage de CMD a été très élevé (Tableau 1) : 94 % en première ligne, 93 % en deuxième, 92 % en troisième et puis 100 % pour les suivantes. Les traitements étaient bien en accord avec le PSO de l’institution : 88 % en première ligne, 90 % pour la deuxième, 89 % en troisième et puis 100 % pour les suivantes. Par contre, l’accord des CMD avec les RPC de l’ELCWP chez les patients traités était plus faible : 75 % pour la première ligne, 55 % pour la deuxième, 63 % pour la troisième, 55 % pour la quatrième, 27 % pour la cinquième et 0 % pour les suivantes. Les raisons de non-application des traitements proposés en CMD, documentées dans 29 cas (4,6 % ; IC 95 % : 3,2—6,5) pour l’ensemble des lignes, sont présentées dans le Tableau 2. Il y a eu très peu de cas où le traitement administré résultait d’un désaccord entre la proposition thérapeutique de la CMD et le médecin traitant qui a fait un autre choix : 9 pour 636, soit 1,4 %. Dans la majorité des cas, la non-application résultait principalement du refus de traitement par le patient (1,9 %), les autres explications étant la progression du cancer rendant la proposition obsolète, la survenue de complications intercurrentes empêchant son application ou des violations au moment de l’administration du traitement. Les raisons de non-application des RPC de l’ELCWP dans les CMD sont explicitées dans le Tableau 3. Les principales sont une situation clinique non prévue par les RPC (113/636, soit 17,8 % ; IC 95 % : 15,0—20,9) et l’apparition de nouveaux traitements depuis la publication des RPC (91/636, soit 14,3 % ; IC 95 % : 11,8—17,3). D’autres plus marginales sont l’inclusion dans des essais cliniques avec des traitements en désaccord avec les RPC (9 cas) ou le refus de la proposition thérapeutique par le patient qui ne refuse cependant pas d’être traité (2 cas). Les principales situations non prévues par les RPC sont un contexte de comorbidités, un

Pour citer cet article : Sculier J-P, et al. Implémentation d’un programme de soins oncologiques en consultation multidisciplinaire. Revue des Maladies Respiratoires (2015), http://dx.doi.org/10.1016/j.rmr.2015.10.741

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J.-P. Sculier et al. Tableau 2

Raison de non-application des traitements proposés en consultations multidisciplinaires.

Raison de non-application du traitement proposé % de non-application Praticien en accord avec la CMD Progression du cancer Refus du patient Violation Complications intercurrentes Praticien en désaccord avec la CMD

1re

2e

3e

4e

5e

6e

7e

6

2,6

2,2

0

0

0

0

15 2 10 1 2

4

1

2 2

1

7

1

1

CMD : consultation multidisciplinaire.

mauvais indice de performance, la reprise après un long intervalle libre d’une chimiothérapie à laquelle la tumeur avait bien répondu et l’administration de multiples chimiothérapies de rattrapage. Les nouveaux traitements apparus au cours la période de la présente étude sont le pemetrexed et les inhibiteurs de tyrosine kinase pour les mutations d’EGFr. Les taux des CMD en accord avec le PSO et les RPC ont été analysés selon les principales caractéristiques clinicopathologiques : âge, sexe, type histologique, stade, indice de performance. Si ces caractéristiques ne semblent pas différer du point de vue du PSO, il y a moins de CMD en accord avec les RPC pour les patients âgés et avec un mauvais indice de performance ainsi que pour les cancers non à petites cellules (Tableau 4).

Tableau 3

Discussion Notre étude montre que l’énorme majorité de nos patients atteints d’un cancer bronchique (94 %) a bénéficié d’une consultation multidisciplinaire quelle que soit la ligne de traitement et que le projet thérapeutique était conforme au programme de soins oncologiques avec un très fort pourcentage (88 %). Par contre, même si elles étaient suivies dans la majorité des cas, près d’un tiers (31 %) des décisions de CMD n’étaient pas en accord avec les recommandations de pratique clinique de l’ELCWP, groupe coopérateur d’oncologie thoracique dont notre clinique fait partie. Le nombre relativement important de traitements non conformes aux RPC s’explique principalement, d’une part, par le fait que les RPC n’ont pas prévu toutes les situations

Raison de non-application des recommandations de pratique clinique chez les patients traités.

Raison de non-application des RPC

1re

2e

3e

4e

5e

6e

7e

% de non-application

23

45

37

45

73

50

100

Situation non prévue dans les RPC Problème de comorbidités Mauvais indice de performance Histologie spéciale Complication postopératoire Tumeurs synchrones Maladie oligométastatique Résection atypique Chirurgie isolée dans un stade IIB Traitement local pour rechute locale Reprise chimiothérapie 1re ligne (long intervalle) Autre chimiothérapie Radiothérapie sur métastase unique

56 32 16 1 1 1 2 2 1

27 1

9

11

7

2

1

4 16 5 1

1 8

11

7

2

1

Nouveaux traitements Chimiothérapie adjuvante Inhibiteur de tyrosine kinase (mutation d’EGFr) Pemetrexed

13 6 6 1

51

23

3

1

7 44

3 20

1 2

1

Essais cliniques

5

1

1

Traitement multimodal en partie refusé par le patient

1

Refus du patient

1

1

1

1

RPC : recommandations de pratique clinique.

Pour citer cet article : Sculier J-P, et al. Implémentation d’un programme de soins oncologiques en consultation multidisciplinaire. Revue des Maladies Respiratoires (2015), http://dx.doi.org/10.1016/j.rmr.2015.10.741

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Consultation multidisciplinaire en oncologie thoracique

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Tableau 4 Consultation multidisciplinaire, programme de soins oncologiques et recommandations de pratique clinique en fonction des principales caractéristiques clinicopathologiques (1re ligne uniquement). Ligne de traitement

Nombre de patients

Total

354

332 (94)

88

Hommes Femmes Âge ≤ 62 ans Âge > 62 ans Adénocarcinome Épithélioma épidermoïde Cancers à petites cellules Autres types Stades I Stades II Stades III Stades IV IP 100—80 IP 70—60 IP 20—50

197 157 180 174 187 79 50 38 29 19 75 228 227 95 32

181 151 171 161 175 75 47 35 28 18 74 209 215 88 29

85 91 91 84 89 84 94 79 90 84 87 88 88 88 84

Nombre de CMD (%)

(92) (96) (95) (93) (94) (95) (94) (92) (97) (95) (99) (92) (95) (93) (91)

Taux des CMD en accord avec le PSO, %

p

0,07 0,08 0,10

0,95

0,83

Taux des CMD en accord avec les RPC, % 74 (traités ou pas) 74 76 87 62 71 72 92 79 59 63 79 77 78 74 53

p

0,72 < 0,0001 0,02

0,08

0,008

CMD : consultation multidisciplinaire ; PSO : programme de soins oncologiques ; RPC : recommandations de pratique clinique ; IP : indice de performance.

comme les comorbidités requérant d’adapter le projet thérapeutique à la situation particulière du patient et, d’autre part, par l’apparition de nouveaux traitements applicables en routine après leur publication et que les RPC n’ont évidemment pas pu recommander. Il est en est de même pour les multiples lignes de traitement que les progrès thérapeutiques permettent d’offrir maintenant à certains malades. La version initiale des RPC de l’ELCWP, réalisées pour aider à l’établissement des PSO, a été élaborée de septembre 2004 à octobre 2007. Ces RPC sont basées sur des revues systématiques de littérature et sont donc le fruit d’un processus long et laborieux. Une deuxième édition a été publiée en septembre 2014 [13]. Il n’est pas possible d’avoir des RPC mises en permanence à jour avec une méthodologie stricte. L’European Initiative for Quality Management in Lung Cancer Care [1] a proposé la création d’un observatoire européen surveillant la littérature et envoyant des alertes aux structures élaborant des RPC. On pourrait imaginer des addenda temporaires au document officiel à valider ultérieurement lors d’une réédition des RPC complètes. Une importante lec ¸on à tirer de ces travaux est que la plupart des RPC sont déjà dépassées sur certains points au moment de leur publication et que donc un programme de soins ne peut aveuglément les appliquer. Cela nécessite que le coordinateur de la CMD ait une formation adéquate comme celle proposée dans le projet Hermes Oncologie Thoracique [14]. La situation en Belgique a été particulièrement favorable à l’application de RPC en routine. En effet, des dispositions légales datant de 2003 rendent obligatoire la CMD basée sur un programme de soins oncologiques dans les structures qui prennent en charge les patients atteints de cancer. La réalisation de ces dernières s’accompagne d’avantages matériels

non négligeables dont des honoraires médicaux et un soutien logistique avec l’attribution d’infirmières coordinatrices de soins oncologiques au pro rata du nombre de CMD enregistrées. À titre d’exemple, notre activité locale nous permet d’avoir une infirmière coordinatrice à temps plein qui nous aide beaucoup pour les contacts avec les patients et la mise en application des projets thérapeutiques. Pour élaborer un PSO sur des bases objectives, l’ELCWP a décidé d’élaborer des RPC pour le traitement du cancer bronchique que nous avons établies avec des collègues d’autres pays européens (France, Espagne, Grèce, Roumanie). Le PSO adapte dès lors à la situation locale les RPC qui avaient déjà pris en compte la situation dans les différents pays des médecins les ayant élaborées. Un nombre limité de patients (6,2 %) n’a pas bénéficié de CMD. Nous n’avons pas pu établir formellement la cause de ce manque de par la nature rétrospective de notre étude. Il ne s’agit pas d’un manque d’entraînement de l’équipe médicale car, d’une part, la procédure a été mise en place en 2003 plusieurs années avant le début de notre étude et, d’autre part, nous n’avons pas constaté d’amélioration au cours du temps. L’explication la plus probable sur base des constats actuels est l’oubli d’inscrire le patient en CMD avant le début du traitement, les CMD ne pouvant pas se faire rétrospectivement ou être l’objet d’un nouveau rapport officiel si elles en avaient été l’objet dans une autre institution lors de la réalisation du bilan. Ces oublis s’expliquent en partie par des congés et par un PSO très élaboré faisant que beaucoup de CMD ne doivent pas faire l’objet de discussion. La principale raison de non-application du projet thérapeutique de la CMD est le refus par le patient. Cette

Pour citer cet article : Sculier J-P, et al. Implémentation d’un programme de soins oncologiques en consultation multidisciplinaire. Revue des Maladies Respiratoires (2015), http://dx.doi.org/10.1016/j.rmr.2015.10.741

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situation n’est pas fréquente et s’explique souvent par la demande de deuxième avis dans une autre institution ou par le choix du patient de ne pas se faire traiter par un traitement non curatif dont il craint la lourdeur de la toxicité. Notons que cela ne concerne que 6 % des CMD en première ligne de traitement et n’est pas observé à partir de la quatrième ligne, illustrant bien la motivation de ces patients à se faire traiter. Certaines limites à la validation externe (généralisabilité) de nos données doivent être discutées. Nous n’avons pris en considération que les patients vierges de tout traitement. Les nombreux patients qui consultent pour un deuxième avis ou qui demandent à poursuivre leur traitement dans notre hôpital ont été considérés comme inéligibles pour la présente étude car les décisions thérapeutiques initiales ont été prises dans le cadre d’autres PSO éventuellement basés sur d’autres RPC. Nous n’avons également pas tenu compte des traitements symptomatiques éventuellement associés au traitement de fond comme une irradiation à visée antalgique ou l’administration de biphosphonates dans un contexte de métastases osseuses. Ces mesures auxiliaires ne sont habituellement pas prévues dans les PSO et les RPC et ne faisaient pas l’objet de CMD spécifiques pendant la période de notre étude. Enfin nos données sont surtout utiles pour des praticiens exerc ¸ant dans un système de soins proches du nôtre. Citons par exemple le diagnostic du cancer bronchique. Comme dans beaucoup de pays d’Europe continentale, celui-ci repose sur un diagnostic anatomopathologique et non plus sur des données clinicoradiologiques. Dans des pays comme le Royaume-Uni, un pourcentage non négligeable de diagnostics est encore clinique sans biopsie ou cytologie de confirmation. Dans le National Lung Cancer Audit (LUCADA) réalisé en Angleterre en 2008 sur un total de 67 824 patients, un diagnostic histologique manquait dans plus de 40 % des cas [15]. Dans ce type de pays, les problèmes à résoudre sont donc en amont d’une approche thérapeutique basée sur une CMD où l’obtention d’un diagnostic histologique est un prérequis et est rentré dans la pratique courante en Belgique comme l’attestent les données du registre belge du cancer [16]. Nos données intéresseront surtout des praticiens qui exercent dans des pays comme la France, les Pays-Bas ou l’Allemagne outre la Belgique et qui seront peut-être tentés de réaliser des études du même genre afin de valider l’implémentation des CMD basée sur un PSO et des RPC. L’étape suivante serait de démontrer l’utilité de cette approche pour le patient. Comme nous l’avons mentionné dans l’introduction, quelques études anglo-saxonnes ont montré que l’adhérence aux RPC est meilleure en cas de prise en charge multidisciplinaire et qu’elle est associée à un meilleur taux de traitements curatifs administrés [3,4] et à une amélioration de la survie [5]. Cela ne démontre pas formellement le bénéfice d’établir des RPC. Cette démonstration nous semble très difficile à apporter par des études randomisées. Elle pourrait l’être, avec toutes les réserves d’usage, par des études rétrospectives conduites dans des centres où les résultats pourraient être comparés pour les patients traités avant et après l’introduction d’une approche similaire à celle couramment pratiquée dans notre centre ou par des études réalisées au niveau d’une région ou d’un pays et comparant les résultats des centres appliquant des RPC à

ceux n’en appliquant pas. Une étude de cohorte basée sur ce dernier principe a été réalisée aux Pays-Bas en réanimation [17]. L’idée était de déterminer l’impact des recommandations de la Surviving Sepsis Campaign. Sur une période de 4 ans, les auteurs ont pu comparer 52 unités de soins intensifs les appliquant (8387 patients) à 30 ne les appliquant pas (8031 patients). La mortalité ajustée était significativement réduite dans les unités de soins intensifs suivant les RPC. En conclusion, notre étude montre un taux élevé d’implémentation de la CMD basée sur un PSO inspiré par des RPC et met en évidence la nécessité d’une mise à jour très régulière des RPC, requérant probablement une approche collaborative plus étroite entre les équipes établissant les RPC.

Déclaration de liens d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.

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Pour citer cet article : Sculier J-P, et al. Implémentation d’un programme de soins oncologiques en consultation multidisciplinaire. Revue des Maladies Respiratoires (2015), http://dx.doi.org/10.1016/j.rmr.2015.10.741

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Pour citer cet article : Sculier J-P, et al. Implémentation d’un programme de soins oncologiques en consultation multidisciplinaire. Revue des Maladies Respiratoires (2015), http://dx.doi.org/10.1016/j.rmr.2015.10.741