410 tions), une thrombopénie à 58 000/mm3 associée à une leucopénie à 2300/mm3 avec une neutropénie à 940/mm3 et un taux d’hémoglobine normal étaient constatés. Les taux des transaminases étaient normaux. Le traitement par étanercept était arrêté suivi d’un contrôle hebdomadaire de l’hémogramme. Après quatre semaines, une normalisation du taux de plaquettes à 150 000/mm3 et de leucocytes à 5100/mm3 avec 3600 polynucléaires neutrophiles par millimètre cube était observée. Les anticorps antinucléaires étaient présents au 1/160 (taux non significatif). Les anticorps anti-DNA, anti-ENA et anticytoplasme des polynucléaires neutrophiles étaient négatifs. L’étude du complément et de ses fractions était normale. L’étanercept n’a pas été réintroduit et il n’a pas été observé de nouvelle leucopénie ou thrombopénie. Discussion Des troubles hématologiques (bicytopénie, aplasie médullaire) sont exceptionnellement observés sous anti-TNF␣ [3,4]. La survenue d’une thrombopénie (incidence : 0,7 ‰) et d’une leucopénie (incidence : 1,5 ‰) est rare sous étanercept [2]. Dans notre observation, la période de latence avant l’apparition des anomalies de l’hémogramme était de dix semaines et la période de récupération de quatre semaines après arrêt de l’étanercept. La relation de cause à effet entre la leucopénie - thrombopénie et l’étanercept est très probable étant donné la séquence temporelle des événements. Ces effets indésirables sont le plus souvent rapportés dans les trois premiers mois de traitement [3—5], ce qui a été observé dans notre cas. Dans une observation, une thrombopénie est survenue en association avec la présence d’anticorps antinucléaires de type centromères et antiphospholipides un an après la mise sous infliximab [6]. Dans l’observation présentée, la ciclosporine aurait pu jouer un rôle dans le développement des cytopénies, mais ce médicament avait été pris à distance de l’événement avec une bonne tolérance hématologique. Le lien entre les anti-TNF␣ et la déplétion des cellules sanguines reste méconnu. Le TNF␣ régule les cytokines pro-inflammatoires, comme les interleukines (IL-1, IL-6, IL-8) et le granulocyte macrophage colony-stimulating factor (GM-CSF). Ces cytokines joueraient un rôle dans la différenciation des cellules souches. Il serait donc théoriquement concevable que le blocage du TNF␣ puisse induire des pancytopénies en empêchant la différentiation des cellules souches [7,8]. La survenue de cytopénies au cours d’un traitement par étanercept n’autorise pas la prescription d’un autre traitement anti-TNF␣ (infliximab ou adalimumab) en raison du risque de récidive des anomalies hématologiques. En effet, une neutropénie a été rapportée chez un malade traité par étanercept pour une spondylarthrite ankylosante ayant récidivé sous infliximab [5]. Bien que la neutropénie et la thrombopénie soient des effets secondaires rares des anti-TNF␣ [9], notre observation incite à réaliser un hémogramme avant et après le début d’un traitement par anti-TNF␣. Références [1] Sparsa A. Etanercept. Ann Dermatol Venereol 2005;132:861—76. [2] Feltelius N, Fored CM, Blomqvist P, Bertilsson L, Geborek P, Jacobsson LT, et al. Results from a nationwide postmarketing
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I. Lahbabi, H. Adamski ∗ , S. Le Jean, V. Cannieux Service de dermatologie, CHU Pontchaillou, 2, rue Henri-Le-Guilloux, 35033 Rennes, France
E. Polard Centre de pharmacovigilance, CHU Pontchaillou, 2, rue Henri-Le-Guilloux, 35033 Rennes, France
J. Chevrant-Breton Service de dermatologie, CHU Pontchaillou, 2, rue Henri-Le-Guilloux, 35033 Rennes, France ∗ Auteur
correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (H. Adamski). Rec ¸u le 7 novembre 2007 ; accepté le 11 janvier 2008 Disponible sur Internet le 14 avril 2008
doi: 10.1016/j.annder.2008.01.011
Motifs de consultation en dermatogériatrie Patterns of skin diseases in the elderly À l’instar de la néonatologie, la pathologie dermatologique du grand âge est spécifique. Sa fréquence du fait de l’allongement de la durée de vie ne fait que croître. Actuellement, 12 millions de franc ¸ais sont âgés de plus de 60 ans, ils seront 18 millions en 2020 et 22 millions en 2040. Or les études concernant les motifs de consultations de cette population sont rares. Classiquement, on parle de population gériatrique à l’âge de la retraite, 60 ans en France et 65 ans pour l’ensemble des pays industrialisés, mais ces âges ne sont pas opérants dans le domaine de la santé [1]. Actuellement, c’est au-delà de 75 ans qu’il existe une accélération de la morbidité avec une augmentation de la consommation
Lettres à la rédaction médicale. C’est à cette population de plus de 75 ans que nous nous sommes intéressés. Malades et méthode Il s’agissait d’un travail rétrospectif sur cinq ans portant sur l’ensemble des consultations de dermatologie effectuées entre le 1er janvier 2000 et le 31 janvier 2005. Ces consultations pouvaient être soit des consultations externes réalisées dans le service de dermatologie, soit des consultations interservices pour des malades hospitalisés dans d’autres services que la dermatologie. Nous n’avons pas comptabilisé les malades hospitalisés dans le service de dermatologie lui-même (hospitalisation complète ou de jour). Les informations ont été extraites à partir des données notées dans les dossiers de consultations par les différents médecins du service (médecins temps plein et médecins temps partiel) ayant pris en charge les malades. Les diagnostics des motifs de consultation étaient saisis lors de la consultation par le médecin consultant. Le codage était établi selon la classification internationale des maladies (CIM 10). Seul le diagnostic principal, motif de la consultation, a été pris en compte. L’âge du malade correspondait à son âge le jour de la consultation. Le logiciel de dossier médical utilisé était Health One. Sur un total de 61 591 consultations, 6972 consultations de dermatogériatrie ont été extraites, soit 11,3 % de consultations chez les plus de 75 ans. La moyenne d’âge des malades était de 85 ± 5 ans, la sex-ratio H/F de 0,77. Seuls 3541 dossiers étaient codés, soit 51 % de l’ensemble, la moyenne d’âge des malades pour les dossiers codés était de 82 ± 6 ans avec une sex-ratio H/F de 0,82. La répartition des âges dans ces deux groupes (total et codés) était similaire. Résultats Quatre-vingt-quatre pourcent des motifs de consultations étaient représentés par cinq principaux groupes de pathologie : pathologie tumorale (29,1 %), trouble trophique (26 %), pathologie immunoallergique (21,4 %) pathologie infectieuse (2,6 %), maladies bulleuses (4,5 %). Les cinq principaux groupes de pathologie étaient subdivisés comme suit : • la pathologie tumorale représentait 29,1 % des motifs de consultation : mélanome (7,1 %), carcinome basocellulaire (6 %), carcinome épidermoïde (3,9 %), kératose actinique (6,6 %), lymphome (1 %), kératoses séborrhéiques (3,8 %), kyste (7,1 %) ; • les troubles trophiques représentaient 26 % des motifs de consultation : ulcères veineux (15,1 %), ulcères autre que veineux (9,6 %), escarres (1,2 %) ; • les maladies immunoallergiques et/ou inflammatoires représentaient 21,4 % des motifs de consultation : eczéma de contact (1,6 %), eczéma autre (12,3 %), toxidermie (médicament à usage interne) (0,7 %), prurit généralisé et prurigo (3,3 %), psoriasis (3,2 %), lichen scléreux (0,4 %) ; • les maladies infectieuses représentaient 2,6 % des motifs de consultation : érysipèle (1 %), dermatophytie (0,5 %), candidose (0,7 %), gale (0,4 %) ; • les maladies bulleuses représentaient 4,5 % des motifs de consultations : pemphigoïde bulleuse (2,3 %), pemphigoïde cicatricielle (0,5 %), pemphigus (1,6 %).
411 Discussion Nous avons choisi la période 2000—2005 afin de refléter les motifs actuels de consultation et de garder une homogénéité qu’aurait perdu la même analyse sur une période de 20 ans ce qui était matériellement possible. Seulement 51 % des consultations ont été codées ce qui ne permet qu’une estimation des pathologies rencontrées même si l’échantillon reste important. La sous-codification peut être expliquée par la multiplicité des intervenants. En effet, plus de 30 médecins différents, tous dermatologues, sont intervenus, dont un certain nombre exerc ¸ant à temps partiel (une demijournée par semaine notamment) et ayant une moindre habitude de s’astreindre à un codage à but purement scientifique. Par ailleurs, il s’agit d’une enquête rétrospective dont la réalisation n’avait jamais été envisagée jusqu’à l’extraction des données informatisées. Cependant, les quelques autres séries publiées étaient, elles aussi, rétrospectives et de taille semblable : 1518 malades pour la série tunisienne de Souissi et al. [2], 4099 pour la série turque de Yalcin et al. [3], 2571 pour la singapourienne de Yap et al. [4]. Seule la série taiwanaise de Liao et al. comprenait 16 924 malades et était nettement plus importante [5]. Cependant, il faut tenir compte de la spécificité du choix de notre population constituée uniquement de malades âgés de plus de 75 ans. Durant cette période, nous avons vu en consultation 6792 malades âgés de 75 ans et plus. Or dans la série de Yap et al. [4] seulement 38,1 % des malades étaient âgés de 75 ans ou plus. Il faut donc très probablement prendre en compte le nombre total, mais aussi l’âge retenu pour comparer les différentes séries gériatriques, et ce d’autant plus que l’espérance de vie des populations étudiées est différente selon les pays : espérance de vie en France supérieure à celle de Taiwan qui est supérieure à celle de Singapour qui est supérieure à celle de Tunisie qui est supérieure à celle de la Turquie. Comme on pouvait le supposer, les deux motifs de consultations les plus fréquents sont les lésions tumorales (29,1 %) et les troubles trophiques (26 %). Ces chiffres sont très différents de ceux de la série tunisienne [2] où seulement 12,8 % des malades avaient une pathologie tumorale, mais aussi de ceux de la série taiwanaise de Liao et al. [5] avec 14,9 % de tumeurs dont seulement 0,6 % de carcinome basocellulaire, soit dix fois moins que dans notre série. Les troubles trophiques ne sont pas mentionnés dans les séries étrangères parmi les motifs principaux de consultation. À l’inverse, les pathologies infectieuses sont majoritaires dans les séries : tunisienne (36,4 %) [2], mais aussi taiwanaises : 50,3 % [5] et plus de 66 % des dermatoses (malades en institution) pour la série de Smith [6], ainsi que pour la série turque [3]. Or ce type de pathologie n’est qu’un motif mineur de consultation dans notre expérience. Il est probable que dans notre région, les gériatres et les médecins généralistes prennent en charge ce type de pathologie sans l’aide du dermatologue et n’ont recours au dermatologue qu’en cas de difficultés ou d’échec thérapeutique. Enfin, le troisième principal motif de consultation dans notre expérience concerne des maladies immunoallergiques ou inflammatoires rapportées dans 21,4 % des cas. Cela est assez proche des autres données de la littérature à la différence des deux groupes précédents avec notamment 28,3 % de prurit et eczéma dans l’étude tunisienne [2], 14,2 % de
412 prurit dans l’étude de Liao et al. [5], 35 % dans l’étude singapourienne [4], 41 % dans l’étude thailandaise [7]. . . Les maladies bulleuses restent un motif rare de consultation ce qui confirme le caractère non spécifique de notre population de consultants ambulatoires. Le rôle du dermatologue en gériatrie dermatologique apparaît spécifique, même si d’autres études sont nécessaires pour préciser l’épidémiologie dermatologique de cette population. En effet, dans notre étude, les malades ont soit une pathologie invalidante sur le plan fonctionnel (prurit, eczéma, psoriasis), soit une pathologie nécessitant un diagnostic dermatologique (carcinomes, tumeurs non malignes, mais nécessitant un diagnostic précis et notamment différentiel avec des tumeurs malignes, maladies bulleuses, toxidermies. . .). Dans cette population, dont l’espérance de vie ne cesse de croître, une bonne qualité de vie est recherchée et le dermatologue ne peut qu’y contribuer en posant des diagnostics précoces et un traitement adéquat. Par ailleurs, une structure adaptée paraît indispensable. En effet, plus du quart des consultations est motivé par des troubles trophiques chez des malades habituellement peu mobiles et volontiers infectés par des Staphylococcus aureus multirésistants [8]. De même, on peut considérer que la moitié au moins des consultations « tumorales » a été accompagnée d’une exérèse nécessitant là encore le plus souvent une aide paramédicale. Ainsi, à une structure architecturale suffisamment vaste pour accueillir des brancards, chaises roulantes. . . doit pouvoir être adjoint un personnel paramédical formé à la réalisation de pansements complexes et pouvant aider aux actes de chirurgie ou de soins invasifs dermatologiques.
Lettres à la rédaction [2] Souissi A, Zeglaoui F, El Fekih N, Fazaa B, Zouari B, Kamoun MR. Pathologie cutanée chez le sujet âgé: étude multicentrique tunisienne. Ann Dermatol Venereol 2006;133:231—4. [3] Yalcin B, Tamer E, Toy GG, Oztas P, Hayran M, Alli N. The prevalence of skin diseases in the elderly: analysis of 4099 geriatric patients. Int J Dermatol 2006;45:672—6. [4] Yap KB, Siew MG, Goh CL. Pattern of skin diseases in the elderly seen at the national skin centre (Singapore) 1990. Singapore Med J 1994;35:147—50. [5] Liao YH, Chen KH, Tseng MP, Sun CC. Pattern of skin diseases in a geriatric patient group in Taiwan: a 7-year survey from the outpatient clinic of a university medical center. Dermatology 2001;203:308—13. [6] Smith DR, Sheu HM, Hsieh FS, Lee YL, Chang SJ, Guo YL. Prevalence of skin disease among nursing home patients in southern Taiwan. Int J Dermatol 2002;41:754—9. [7] Thaipisuttikul Y. Pruritic skin diseases in the elderly. J Dermatol 1998;25:153—7. [8] Perrot JL, Berthelot P, Ross A, Cambazard F. Les Staphylococcus aureus méticilline résistants (SAMR). Étude épidémiologique au cours de l’année 2001 dans un service de dermatologie d’un CHU franc ¸ais. Ann Dermatol Venereol 2003;130:4S28.
J.-L. Perrot ∗ , B. Labeille, L. Denis Thely, S. Maitre, F. Cambazard Service de dermatologie, hôpital Nord, CHU de Saint-Étienne, 42055 Saint-Étienne, France
M.-A. Blanchon Service de gériatrie, hôpital de la Charité, CHU de Saint-Étienne, 42055 Saint-Étienne, France ∗ Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (J.-L. Perrot).
Références Rec ¸u le 5 novembre 2007 ; accepté le 14 d´ ecembre 2007 [1] Henrard JC, Ankri J. Grand âge et santé publique. Édition de l’École Nationale de Santé Publique;1999. p. 230.
doi: 10.1016/j.annder.2007.12.015