Incidence des lésions traumatiques chez les joueurs de football professionnels

Incidence des lésions traumatiques chez les joueurs de football professionnels

© Masson, Paris 2004 J. Traumatol. Sport 2004, 21, 5-13 Mémoire Incidence des lésions traumatiques chez les joueurs de football professionnels V. P...

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© Masson, Paris 2004

J. Traumatol. Sport 2004, 21, 5-13

Mémoire

Incidence des lésions traumatiques chez les joueurs de football professionnels V. PAUS, P. DEL COMPARE, F. TORRENGO Équipe médicale – Club Gimnasia y Esgrima – La Plata – Argentine

RÉSUMÉ

SUMMARY

L’objectif de ce travail est d’évaluer l’incidence des lésions traumatiques dans une équipe de football professionnelle de 1re division du championnat argentin. Ayant appartenu à l’équipe médicale du club « Gimnasia y Esgrima » de La Plata pendant 11 années consécutives (1991-2002), nous avons réalisé une étude prospective sur 7 ans (1995 à 2001 inclus) afin de déterminer la fréquence et la gravité des lésions apparues pendant les entraînements et les compétitions dans un groupe constitué au total de 86 joueurs. Nous avons pratiqué 12 040 consultations à l’occasion de 2 021 entraînements et 542 matches officiels, au cours desquels furent diagnostiquées 3 119 pathologies : 18,7 % de type « clinique » et 81,3 % de type traumatologique, ces dernières regroupées en lésions musculo-tendineuses, articulaires ou autres. Chacune d’elles a été localisée en fonction de la structure anatomique lésée, de son mécanisme lésionnel et en se fondant sur la classification de J. Dvorak et A. Junge, publiée dans le supplément de l’Am J Sports Med de l’année 2000, mais modifiée par notre équipe en 4 grades de gravité croissante. Les lésions de grade I (bénignes) sont prédominantes avec 2 345 lésions (92,4 %), suivies de celles de grade II (moyennes) au nombre de 92 (3,6 %), de grade III (graves) 52 (2,3 %) et enfin de grade IV (sévères) 40 (1,5 %). L’incidence des lésions a été de 9,1 % par joueur pour 1000 heures d’exposition au risque, comprenant entraînements, matches amicaux et officiels. Il a été constaté une nette prédominance des lésions du membre inférieur (84,8 %) par rapport au reste du corps : rachis (7,1 %), membre supérieur (5,7 %), thorax (1,2 %) et tête (0,9 %). La région du membre inférieur la plus touchée est la cuisse (43,9 %) suivie dans l’ordre par la jambe (13,8 %), le genou (9,6 %) et la cheville (8,1 %). Le genou est l’articulation la plus souvent atteinte de lésions de grade IV, représentées par les entorses graves. Les pathologies les plus fréquentes furent les lésions musculaires, localisées le plus souvent au droit fémoral. En revanche, nous avons constaté une égalité entre les lésions antérieures et postérieures de la cuisse. Le mécanisme de ces lésions musculo-tendineuses fut indirect dans 80 % des cas et direct dans 20 %. L’incidence des fractures a été faible avec 16 cas (0,6 %) : 7 du membre supérieur et 5 du membre inférieur dont 3 sont des fractures de stress.

Incidence of traumatic injuries in professional soccer players Objective : The purpose of this work was to evaluate the incidence of traumatic injuries in a 1st division professional soccer team in Argentina. This prospective study was conducted to determine the incidence and severity of injuries occuring during professional training and competition. Material and methods : This prospective study was conducted over a 7-year period (1995-2001) among members of the Gimnasia y Esgrima professional soccer team of La Plata, Argentina. The study group included 86 players who underwent 12,040 examinations during 2,021 training sessions and 542 official games. A total of 3,119 pathological situations were indentified: 18.7% clinical anomalies, 81.3% traumatic injuries (musculotendinous, articular, other). The injured anatomic structure was identified for each traumatic injury. The mechanisms of injury were classified according to the system described by Dvorak and Junge and modified by our group to describe four grades of severity. Grade I (benign) lesions predominated (n=2,345, 92.4%) followed by grade II (moderate) lesions (n=92, 3.6%), and grade III (severe) lesions (n=52, 2.3%) and finally grade IV (very severe) lesions (n=40, 1.5%) Results : Injury incidence was 9.1% per player per 1000 hours exposure to risk (including training sessions, official games, and unofficial games). Injury to the lower limb predominated (84.8%) compared with other body regions: spine (7.1%), upper limb (5.7%), thorax (1.2%), head (0.9%). For the lower limb injuries, localizations were the thigh (43.9%), the leg (13.8%), the knee (9.6%), and the ankle (8.1%). The knee joint was the most frequent articular localization with grade IV lesions, generally severe sprains. The most frequent pathologies were muscle injuries, generally involving the rectus femoris, with an equivalent number of injuries involving the anterior and posterior aspects of the thigh. The mechanism was indirect in 80% and direct in 20%. The incidence of fractures was low (n=16, 0.6%): seven upper limb fractures and five lower limb fractures including three stress fractures. There was a very low incidence of lesions requiring surgical treatment (n=23, 0.9%), highlighting the choice of conservative treatment over surgery. Discussion : We developed a uniform protocol for clinical evaluation and complementary explorations based on the anatomic structure injured. The objective of this proto-

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J. Traumatol. Sport

Il y eut un très faible pourcentage de lésions ayant nécessité un traitement chirurgical : 23 cas, soit 0,9 %, mettant en évidence le choix d’une conduite thérapeutique conservatrice par rapport aux indications chirurgicales. Nous avons mis au point un programme uniforme d’évaluation clinique et d’examens complémentaires selon la structure anatomique lésée, avec l’objectif d’établir des protocoles visant à la récupération définitive du sportif avec reprise au niveau antérieur. Il en ressort des conclusions quant aux méthodes pour définir des règles de prévention, établir des diagnostics initiaux de certitude afin de prévoir les délais de récupération et de reprise du sport sans risque de récidive et d’augmenter ainsi la crédibilité de l’équipe médicale. Nous avons réalisé une étude prospective de 7 ans dans une équipe de football professionnelle jouant en 1re division du championnat argentin.

col was to achieve definitive recovery of former athletic performance. Conclusions : Our experience allowed us to draw conclusions concerning preventive methods, and initial diagnostic procedures allowing certain diagnosis in order to predict the time of recovery and resumed sports activities without recurrence.

Mots-clés : épidémiologie du football, traumatologie du football, football.

Key words: epidemiology of soccer, traumatology of soccer, soccer.

Materiel et méthodes

Définition de la lésion

L’étude s’est déroulée sur 7 ans (1995 à 2001 inclus). Elle comporte le suivi de 86 joueurs qui ont été pendant 6 ans sous la responsabilité des mêmes directeurs techniques et préparateurs physiques du club « Gimnasia y Esgrima » de La Plata, rendant ainsi la démonstration plus homogène. Cinq joueurs ont été suivis pendant toute l’étude et 4 pendant 6 ans. L’âge des joueurs est de 17 à 37 ans, avec une moyenne de 27 ans. La surveillance médicale s’est exercée sur 542 matches officiels (38 par an pour le championnat) joués en 1re division et en réserve, 10 en compétitions internationales et pour les 2 021 séances d’entraînement avec 12 040 consultations. Durant cette période pendant laquelle se sont déroulés 14 tournois officiels, 3 titres de vice-champions ont été obtenus et notre club se trouve classé parmi les 5 premiers du championnat argentin. Il faut préciser que toutes les lésions ont été évaluées et traitées par la même équipe médicale et selon la même méthodologie d’évaluation sémiologique, le même algorythme d’examens complémentaires et les mêmes protocoles thérapeutiques mis au point par notre groupe médical et fondés sur l’expérience de 11 années consécutives dans les mêmes fonctions. Les données ont été interprétées sur un programme Excel établi pour notre étude.

Nous avons utilisé comme définition celle proposée par J. Dvorak et A. Junge dans le supplément de la FIFA de l’année 2000 publié dans l’Am J Sports Med [5]. On définit comme lésion : « celle qui est apparue pendant la pratique du football et qui a entraîné pour le sportif un arrêt d’entraînement et de match après le diagnostic anatomique du tissu lésé et le traitement correspondant ». Est pris en compte le délai pour la guérison de chaque lésion jusqu’à la reprise du football et, selon ce délai, les lésions sont classées en 4 grades de gravité. Nous avons adapté la classification proposée selon nos propres besoins car il nous a paru illogique d’incorporer dans un même grade III toutes les lésions de grande gravité.

Titre original : « Incidencia de lesiones en jugadores de futbol profesional. » Revista de la Asociacion Argentina de traumatologia del deporte 10, 1, 2003, 10-17. Traduction : J.F. KOUVALCHOUK

Calcul de l’incidence des lésions L’incidence a été définie comme le nombre de lésions apparues durant la période étudiée [5]. Ainsi, l’incidence a pu être calculée en se fondant sur le temps durant lequel a existé un risque de lésion, que ce soit entraînement ou matches dans le sport étudié. Dans la majorité des séries publiées, l’incidence a été évaluée pour 1000 heures d’exposition (entraînements et matches) [13, 16]. Durant les 7 années de notre étude, se sont ainsi additionnées 3 237 heures dont 2 424 d’entraînements avec pratique spécifique du football et 819 de matches officiels. L’incidence des lésions rencontrées a été de 9,1 pour 1000 heures par joueur.

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LÉSIONS TRAUMATIQUES CHEZ LES FOOTBALLEURS PROFESSIONNELS

Classification Au cours de ces 12 040 consultations, 3 119 pathologies différentes ont été diagnostiquées : 2 536 (81,3 %) de nature traumatologique et 583 (18,7 %) regroupées comme pathologies cliniques. La classification de J. Dvorak et A. Junge divise les lésions en 3 grades selon le délai de récupération : — I (bénignes) : de 1 à 7 jours (moins de une semaine) — II (moyennes) : de 8 à 21 jours — III (graves) : 22 jours ou plus et incapacité permanente [16, 17, 21] Pour notre part, nous avons modifié cette classification en respectant les deux premiers grades mais en ajoutant un grade IV de lésions « sévères ». En effet, nous considérons que le grade III englobe de nombreuses pathologies qui diffèrent beaucoup quant au tissu lésé et au temps de récupération, certaines relativement bénignes comme les lésions musculaires du droit fémoral, mais qui, selon notre protocole, exigent pour leur guérison de 4 à 6 semaines, et d’autres, plus graves, pour lesquelles le délai peut être en moyenne de 6 à 8 mois comme les lésions du ligament croisé antérieur. Ainsi, nous avons adopté la classification suivante : — I (bénignes) : de 1 à 7 jours (moins de une semaine) — II (moyennes) : de 1 à 3 semaines — III (graves) : de 3 à 8 semaines — IV (sévères) : plus de 8 semaines.

Résultats

ble de lésions de grade I comprend les myalgies, les contractures et divers traumatismes bénins. On peut établir ainsi le tableau montrant le nombre et la gravité des lésions observées, selon leur localisation (tableau I) Selon les données enregistrées on peut remarquer que la région la plus souvent touchée pour les lésions de grade I est la cuisse, suivie par la jambe et la cheville, avec myalgies, contractures contusions musculaires et nombreux traumatismes bénins. Dans les grades II et III, on observe également l’incidence des lésions musculaires de la cuisse. Dans le grade IV, il existe une incidence significative des lésions ligamentaires du genou et les pubalgies qui n’ont pas répondu au traitement médico-kinésithérapique. Les lésions du membre supérieur, du thorax et du crâne représentent une faible proportion et une faible gravité, sauf luxations et fractures : — tête : 24 lésions (0,8 %) — rachis : 182 (7,1 %) — thorax : 32 (1,2 %) — membre supérieur : 145 (5,7 %) — membre inférieur : 2 153 (84,8 %)

Répartition selon la localisation Elle est résumée sur ce schéma (figure 1) — Crâne : 14 traumatismes (0,5 %) dont 2 de grade II, avec perte de connaissance et nécessité d’une hospitalisation de 24 à 48 heures et évaluation par le spécialiste, chez 2 joueurs de champ, les autres étant de grade I — Face : 10 lésions (0,3 %) dont 7 de grade I et 3 de grade II (2 fractures du nez et une fracture du malaire). Un même joueur (avant centre) ayant présenté fractures du nez et du malaire.

Nombre et types de lésions Pendant les 7 années de notre étude prospective, parmi les 2 536 lésions traumatiques enregistrées sur les 86 joueurs (17 à 37 ans, moyenne 27 ans) selon notre classification nous avons relevé : — grade I : 2 345 lésions (92,4 %) — grade II : 92 (3,6 %) — grade III : 59 (2,3 %) — grade IV : 40 (1,5 %) On observe ainsi une très grande majorité de lésions de grade I qui regroupe une large gamme de pathologies dont la plupart n’ont pas entraîné pour le joueur d’interruption de compétitions officielles. Mais, ils furent seulement provisoirement retirés du groupe pour un entraînement adapté avec les soins nécessités par la blessure. Cet ensem-

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FIG. 1. — Répartition des lésions.

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V. PAUS, P. DEL COMPARE, F. TORRENGO

J. Traumatol. Sport

TABLEAU I. – Répartition des lésions selon la localisation et la gravité LOCALISATIONS

NOMBRE

%

Grade I

Grade II

Grade III

Grade IV

Crâne

14

0,5

12

2





Face

10

0,3

7

3





Rachis

182

7,1

179



2

1

Thorax

33

1,2

32

1





Épaule

48

1,8

46



2



Coude

18

0,7

16

2





Poignet

20

0,7

19

1





Main

59

2,3

52

7





Pelvis

69

2,7

62

1



6

Hanche

30

1,1

28

2





Cuisse

1114

43,9

1004

60

49

1

Genou

245

9,6

220

2

4

19

Jambe

352

13,8

341

9

1

1

Cheville

206

8,1

194



3

9

Pied

137

5,4

134





3

2 345

92

59

40

92,4

3,6

2,3

1,5

TOTAL

2 536

%

— Rachis : 182 lésions (7,1 %) 179 furent de grade I (130 lombalgies, 6 lombo-sciatiques, 6 cervicalgies, 10 dorsalgies, 9 ilio-sacralgies, 18 torticolis). — Il y eut 2 lésions de grade III (spondylolisthésis L5-S1) et une de grade IV (discopathie C5-C6). — Thorax : 33 lésions (1,2 %) dont 32 de grade I et une de grade II (fracture de côte) — Épaule : 48 lésions (1,8 %) dont 46 de grade I et 2 de grade II (une luxation de l’épaule et une subluxation acromio-claviculaire) — Coude : 18 lésions (0,6 %) dont 16 de grade I et 2 de grade III (une luxation et une bursite infectée) — Poignet : 20 lésions (0,7 %) dont 19 de grade I correspondant à une entorse bénigne et une de grade II (fracture du pisiforme) — Main : 59 lésions (2,3 %) dont 52 de grade I avec une majorité d’entorses des doigts et de traumatismes directs bénins et 7 de grade II (une luxation interphalangienne proximale de l’auriculaire chez un gardien de but, 4 fractures de métacarpiens et 2 fractures de phalanges) — Pelvis : 69 lésions (2,6 %) dont 62 de grade I avec 40 cas de pubalgie qui n’ont pas entraîné d’arrêt grâce au traitement médico-kinésithérapique, le reste correspondant à des traumatismes au

niveau de la crête iliaque. Il y eut seulement un cas de grade II et 6 pubalgies de grade IV qui ont nécessité un traitement chirurgical avec un délai de reprise moyen de 10 semaines (soit 15 % de cette pathologie). — Hanche : 30 lésions (1,1 %) dont 28 de grade I et 2 de grade II (lésion musculaire du psoas et de l’obturateur médial) — Cuisse : 1 114 lésions (43,9 %) dont 1 104 de grade I (myalgies, contractures et contusions musculaires) qui ont nécessité une adaptation de l’activité durant une semaine. 60 furent de grade II, 49 de grade III, ces dernières localisées au droit fémoral, pour lesquelles notre groupe de travail estime que l’arrêt doit être de 4 à 6 semaines. Il y eut seulement une lésion de grade IV, correspondant à une contusion du vaste latéral compliquée d’un hématome ayant nécessité un drainage chirurgical. — Genou : avec 245 lésions (9,6 %), c’est l’articulation la plus touchée. 220 furent de grade I (soit 90 % du total), 2 de grade II (entorses bénignes du ligament collatéral médial, 4 de grade III et 19 de grade IV : entorses graves (soit 47,5 % de toutes les lésions de grade IV). Le type des lésions rencontrées s’établit comme suit :

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LÉSIONS TRAUMATIQUES CHEZ LES FOOTBALLEURS PROFESSIONNELS

1. Grade I : 220 • 55 entorses des ligaments collatéraux (43 médiales, 12 latérales) • 100 tendinopathies (41 rotuliennes, 39 au niveau de la patte d’oie, 13 syndromes de la bandelette ilio-tibiale, 7 tendinopathies poplitées) • 24 syndromes méniscaux • 18 traumatismes rotuliens • 11 traumatismes du condyle latéral • 6 syndromes fémoro-patellaires • 4 bourses poplitées • 1 bursite pré-rotulienne • 1 ostéochondrite de la rotule 2. Grade II : 2 • 2 entorses du ligament collatéral médial 3. Grade III : 4 • 3 lésions méniscales • 1 fracture de pointe de rotule 4. Grade IV : 19 • 7 entorses graves + du ligament collatéral médial • 6 ruptures du ligament croisé antérieur • 1 association croisé antérieur-plan latéral et postéro-latéral • 4 entorses graves +++ médiales et postéro-médiales • 1 entorse grave ++ du plan médial — Jambe : 352 lésions (13,8 %) dont 341 de grade I, 9 de grade II, une de grade III et une de grade IV. Le type de lésions rencontré s’établit comme suit : 1. Grade I : 341 • 31 traumatismes de la fibula • 50 traumatismes du tibia • 6 périostites tibiales • 3 traumatismes de la tubérosité tibiale antérieure • 1 ostéochondrome de la fibula • 1 traumatisme au niveau du tubercule de Gerdy • 1 syndrome compartimental • 248 myalgies et contractures musculaires (159 du jumeau médial, 51 du jumeau latéral, 34 de la loge antéro-latérale, 2 du soléaire, 2 du tibial postérieur) 2. Grade II : 9 • 6 lésions du jumeau médial • 2 du jumeau latéral • 1 du soléaire 3. grade III : 1 • 1 rupture distale du semi-tendineux 4. Grade IV : 1 • 1 fracture fermée tibia et fibula

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— Cheville : 206 lésions (8,1 %) dont 194 de grade I, 3 de grade III et 9 de grade IV 1. Grade I : 194 • 105 entorses (91 latérales, 14 médiales) • 80 tendinopathies (78 du tendon d’Achille, une du fléchisseur de l’hallux, une du tibial postérieur) • 5 traumatismes de la malléole médiale • 5 syndromes du carrefour postérieur • 1 bursite retro-achilléenne • 1 ostéochondrite bilatérale du talus (découverte fortuite) 2. Grade III : 3 • 3 tendinopathies d’Achille 3. Grade IV : 9 • 3 ruptures du tendon d’Achille • 2 ruptures partielles du tendon d’Achille • 1 tendinose achilléenne • 3 entorses graves Il est important d’observer que sur les 108 entorses de cheville, seules 3 étaient graves (2,7 %) et que 87 % étaient latérales et 13 % médiales. — Pied : 137 lésions (5,4 %) dont 134 de grade I et 3 de grade IV : 1. Grade I : 134 • 22 traumatismes de l’avant et du médiopied • 22 traumatismes des métatarsiens • 12 de l’hallux • 19 talalgies • 4 traumatismes du calcaneum • 3 aponévrosites plantaires • 3 sésamoïdites • 1 épine calcanéenne • 1 traumatisme de l’os naviculaire • 11 entorses medio-tarsiennes • 27 entorses de l’avant pied • 1 entorse de l’hallux • 8 tendinopathies (6 de l’extenseur de l’hallux, une du fléchisseur de l’hallux, une du tibial antérieur) 2. Grade IV : 3 • 3 fractures de stress (os naviculaire, 5e et 2e métatarsiens)

Les lésions les plus fréquentes Elles sont détaillées dans le tableau suivant : (tableau II)

Les lésions musculaires Durant la période de l’étude, nous avons observé :

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V. PAUS, P. DEL COMPARE, F. TORRENGO

TABLEAU II. – Répartition étiologiques des lésions les plus fréquentes

J. Traumatol. Sport

TABLEAU III. – Localisation des lésions musculaires MUSCLES

TYPES DES LESIONS

NOMBRE

%

Myalgies — contractures

1273

50,1

Tendinopathies

297

11,7

Lombalgies

146

5,7

Lésions musculaires

119

4,6

Entorses de cheville

108

4,2

Entorses du genou

76

2,9

Pubalgies

40

1,5

1. Grade I : 1 273 lésions (myalgies, contractures, contusions) qui n’ont pas entraîné d’interruption de compétition de fin de semaine, mais seulement une adaptation des séances d’entraînement. 2. Grade II et III : 119 lésions, dont : • 49 du droit fémoral (41,1 %) • 34 du semi-membraneux (28,5 %) • 18 du biceps crural (15,1 %) Au total, 52 lésions des muscles postérieurs et 51 des muscles antérieurs. Le mécanisme lésionnel a été indirect dans 80 % des cas et direct dans 20 % Parmi ces lésions, il y eut 19 élongations, toutes des ischio-jambiers, et 2 du droit fémoral avec oédème confirmé par l’IRM. Elles sont toutes groupées dans le Grade II, avec reprise du sport au 12e jour et considérées comme des stades préruptures. Le détail de ces lésions musculaires de grade II et III est représenté dans le tableau suivant (tableau III).

Les fractures Elles représentent une faible incidence avec 16 cas (0,6 %) dont 5 seulement (31,2 %) ont été localisées au membre inférieur, comprenant 3 fractures de stress au niveau du pied. Les autres fractures ont affecté le membre supérieur (7, soit 43,7 %), la face (3, soit 18,7 %) et les côtes (1, soit 6,2 %). Le détail des localisations s’établit comme suit : — métacarpiens : 4 — phalanges des doigts : 2 — pisiforme : 1 — nez : 2 — malaire : 1 — côte : 1 — tibia-fibula : 1 — rotule (pointe) : 1 — fracture de stress : 3 (os naviculaire, 2e et 5e métatarsiens)

NOMBRE

%

Droit fémoral

49

41,1

Semi membraneux

34

28,5

Biceps crural

18

15,1

Jumeau médial

6

5,0

Adducteurs

4

3,3

Jumeau latéral

2

1,6

Psoas

1

0,8

Soléaire

1

0,8

Obturateur médial

1

0,8

Vaste latéral

1

0,8

Vaste médial

1

0,8

Droit de l’abdomen

1

0,8

Les traitements chirurgicaux Seules 23 lésions (0,9 %) ont relevé d’un traitement chirurgical. La tendance de notre groupe médical est de donner la priorité au traitement conservateur et fonctionnel pour toutes les pathologies n’exigeant pas une indication chirurgicale formelle. Cela impose d’établir un diagnostic lésionnel précis fondé sur un examen clinique très complet, des examens complémentaires bien choisis et, enfin, un protocole thérapeutique spécifique pour chaque pathologie. Ainsi, a-t-on pu obtenir les mêmes résultats fonctionnels et dans des délais de reprise du sport initialement prévus, évitant de ce fait les complications de la chirurgie et abaissant les coûts économiques du traitement. Le détail des interventions réalisées apparaît dans le tableau suivant dont sont exclues 47 plaies dont 10 ont été suturées : (tableau IV).

Discussion Il a été difficile de comparer les données enregistrées dans ce travail avec d’autres tirées de la bibliographie mondiale en raison de la durée de notre étude et de l’homogénéité du groupe de travail, tant médical que technique, chargé de l’encadrement et du contrôle d’un même groupe de sportifs. La valeur de notre travail est démontrée par la révision de diverses publications internationales dont la majorité prennent en compte comme

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LÉSIONS TRAUMATIQUES CHEZ LES FOOTBALLEURS PROFESSIONNELS

TABLEAU IV. – Interventions chirurgicales INTERVENTIONS

NOMBRE

Pubalgies

6

Croisé antérieur

6

Croisé antérieur + LLE + PAPE

1

Ménisques

3

Ruptures du tendon d’Achille

3

Fractures de stress de M 5

1

Drainage d’hématome musculaire

1

Bursite infectée du coude

1

Ablation de matériel d’ostéosynthèse

1

période d’évaluation une saison sportive [22], une année [3, 15, 17] et peu d’entre elles s’étendent sur des périodes de 2 à 5 ans [2, 12, 14, 20]. Plus encore, cette étude a été réalisée par la même équipe médicale selon des méthodes de travail normalisées grâce à des protocoles spécifiques établis pour chaque pathologie au long de 10 années consécutives. Durant les 7 années évaluées, 6 l’ont été avec la même équipe technique comprenant préparateur physique et assistant sur le terrain. Le groupe de joueurs, bien qu’il soit en moyenne de 30 joueurs par saison, a été en réalité constitué de 86 joueurs réellement évalués dont 5 durant toute la période et 4 pendant 6 ans. Il faut souligner que cette situation contraste avec la réalité du football argentin et mondial où il est difficile de maintenir une telle continuité pendant une si longue période. L’incidence des lésions a été établie pour 1000 heures d’exposition aux risques (matches et entraînements) [21]. Le résultat de 9,1 lésions par joueur pour 1000 heures se situe entre les chiffres donnés par les autres séries qui varient de 0,9 à 15,7 [2, 4, 6, 24]. L’incidence que nous donnons aurait pu être moindre si l’on avait exclu le nombre important de lésions mineures de grade I pour lesquelles il n’y a pas eu d’arrêt de compétitions officielles. Notre classification est une adaptation de celle de J. Dvorak et A. Junge dont nous avons conservé les deux premiers grades. En revanche, nous nous sommes heurtés à la difficulté de classer dans un même grade III des lésions qui présentaient de grandes différences selon la structure lésée et le temps de récupération. Ainsi, nous aurions dû regrouper des lésions de relative bénignité comme une déchirure du droit fémoral pour laquelle nous

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conseillons un arrêt du sport de 4 à 6 semaines, avec d’autres, de gravité beaucoup plus importante comme les ruptures du ligament croisé antérieur ou d’autres lésions capsulo-ligamentaires du genou ou de la cheville. Nous avons donc adopté la classification suivante : grade I (bénigne) arrêt de 1 à 7 jours, grade II (moyennes) de 1 à 3 semaines, grade III (graves) de 3 à 8 semaines et grade IV (sévères) de plus de 8 semaines. Il ressort de notre étude le très petit pourcentage de lésions de grades II, III et IV (7,6 %) contrastant avec le grand nombre de lésions bénignes (92,4 %)[13, 17, 21, 24]. Ce résultat peut être obtenu grâce à un bon diagnostic initial de la structure lésée, d’une conduite adéquate du traitement kinésithérapique et d’un entraînement aménagé qui permet un retour rapide à la compétition sans aggravation de la blessure. L’étude de la bibliographie qui va dans ce sens montre que les « nouvelles » lésions graves sont la conséquence d’un mauvais diagnostic et d’un traitement inadapté des lésions initiales [6-8]. Selon les types de blessures rencontrées et incluses dans chacun des 4 grades en fonction de sa gravité et du temps de récupération, on peut conclure que la région la plus affectée est le membre inférieur [5, 11, 13, 24] avec 84,8 %, et surtout la cuisse (43,9 %) si l’on prend en compte tous les problèmes musculaires (myalgies, contractures, contusions et ruptures fibrillaires). Puis, viennent par ordre de fréquence les lésions de la jambe, du genou et de la cheville. Le membre supérieur, le thorax, le crâne et la face représentent un pourcentage très bas, comme dans les séries de la littérature, au total moins de 8 % [11, 13, 24]. Les articulations les plus touchées ont été, dans l’ordre, le genou et la cheville, mais avec la particularité que proportionnellement elles furent souvent de grade IV : lésions capsulo-ligamentaires et pathologies du tendon d’Achille, puis, au 3e rang viennent les pathologies graves localisées au bassin, toutes des pubalgies qui n’ont pas répondu au traitement conservateur (40 %) et qui furent traitées chirurgicalement. Les lésions ligamentaires du genou et de la cheville ont toutes bénéficié d’un traitement conservateur et fonctionnel sauf s’il existait une rupture du ligament croisé antérieur (6 ruptures isolées et une rupture associée à une lésion latérale et postéro-latérale). Ainsi, nous avons observé en moyenne une rupture du croisé antérieur par an, soit une incidence de une rupture pour 462,4 heures. On remarque la tendance à donner la priorité au traitement fonctionnel par rapport à la chirurgie.

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V. PAUS, P. DEL COMPARE, F. TORRENGO

Pour ce qui concerne les lésions musculaires, nous avons tiré comme conclusion qu’elles ont augmenté au cours des années d’évaluation, ce qui fait ressortir la croissance des exigences, l’absence d’une chronologie précise des compétitions avec, comme résultat, un défaut de programmation optimal de l’avant-saison et des cycles d’entraînement. Pour nous, et contrairement à d’autres [8, 21, 23, 24], il n’y a pas eu de différence significative entre les lésions des groupes musculaires antérieur et postérieur. Le mécanisme lésionnel a montré une nette prédominance des traumatismes indirects (80 %) sur les traumatismes directs (20 %)[10, 13, 21]. Le muscle le plus souvent atteint fut le droit fémoral (41,1 %), devant le semi-membraneux (28,5 %), ce qui ne correspond pas aux séries de la littérature[21, 23, 24]. Dans notre étude, l’incidence des fractures a été très basse avec 16 cas au total (0,6 %). Au premier rang, viennent les fractures du membre supérieur avec 7 cas (43,7 %). Bien que notre étude porte sur le footballeur chez qui le membre inférieur est le plus exposé, il y eut seulement 2 cas de fractures traumatiques (12,5 %), les 3 autres étant des fractures de stress ou microtraumatiques du pied (18,7 %) pour lesquelles interviennent d’autres facteurs. La face vient au 3e rang avec 3 cas (18,7 %), la dernière étant une fracture costale. La thérapeutique s’est fondée avant tout sur le traitement conservateur et fonctionnel comme le démontre le faible pourcentage de lésions qui aboutirent à un traitement chirurgical (0,8 %), ce qui peut être comparé à d’autres séries [1, 12] dans lesquelles le pourcentage va de 1 à 3 % pour tous les sports. Nous pensons que cela est dû à l’exactitude du diagnostic initial et aux protocoles pré-établis. Le traitement chirurgical fut réservé aux lésions pour lesquelles il ne put y avoir d’alternative pour redonner une fonction optimale à la structure lésée.

Conclusion L’efficacité d’une équipe médicale dépend de plusieurs facteurs tels que sa formation professionnelle, son évolution scientifique continue et sa permanence au sein d’une même équipe. Il est fondamental de développer des protocoles tant pour l’évaluation sémiologique des blessés que pour le choix des examens complémentaires et pour les traitements à instituer. Cette façon de procéder nous a permis de réunir des données

J. Traumatol. Sport

d’une amplitude telle (12 040 consultations) qu’il n’y a pas d’équivalent dans notre milieu. Il nous paraît intéressant de mettre en exergue quelques résultats de notre travail sur l’incidence des lésions les plus importantes : — 12 040 consultations furent réalisées : — Incidence générale des lésions : 9,1 pour 1 000 heures — Incidence selon la gravité : — grade I : 8,4 pour 1 000 heures — grade II : 0,33 pour 1 000 heures — grade III : 0,21 pour 1 000 heures — grade IV : 0,16 pour 1 000 heures — La grande majorité des lésions bénignes exige un diagnostic exact et un traitement adapté pour en éviter l’aggravation (par exemple, passer d’une contracture à une rupture musculaire). — Incidence des lésions les plus importantes : — lésions musculaires : • 37 pour 1 000 heures (soit une pour 27 heures) — ruptures du ligament croisé antérieur : • 2,1 pour 1 000 heures (soit une pour 462 heures) — entorses graves de cheville : • 0,9 pour 1 000 heures (soit une pour 1 079 heures) — Incidence des traitements chirurgicaux : • 0,9 % de la totalité des traitements La conduite conservatrice de notre équipe pour le traitement des lésions les plus fréquentes en pratique sportive a évité les complications de la chirurgie et a diminué les coûts tout en permettant d’atteindre notre objectif initial, à savoir la reprise rapide du sport sans séquelle ni récidive et au même niveau qu’avant la blessure. RÉFÉRENCES [1] AXE M, NEWCOMB W, WARNER D. Sports injuries and adolescents athletes. Del Med J 1991 ; 63 : 359363. [2] DE LÖES M. Medical treatment and costs of sportsrelated injuries in a total population. Int J Sports Med 1990 ; 11 : 66-72. [3] DVORAK J, JUNGE A. football Injuries and physical symptoms. A Review of the Literature. Am J Sports Med 2000 ; 28 : S3-S9. [4] DVORAK J, JUNGE A, CHOMIAK J, GRAF-BAUMANN T, PETERSON L, RÖSCH D, HODGSON R. Risk Factor Analysis for Injuries in Football Players. Possibilities for a prevention Program. Am J Sports Med 2000 ; 28 : S69-S74.

Vol. 21, n° 1, 2004

LÉSIONS TRAUMATIQUES CHEZ LES FOOTBALLEURS PROFESSIONNELS

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