dossier Prise en charge de l’insuffisance veineuse à l’officine
Insuffisance veineuse : le pharmacien en première ligne Afin de permettre une bonne observance, donc une prise en charge correcte de l’insuffisance veineuse, des conseils portant sur les règles hygiéno-diététiques à suivre comme sur l’utilisation de la compression médicale et des médicaments doivent être donnés lors de la délivrance de veinotoniques ou d’orthèses.
Matthieu GRANDINa
© 2014 Publié par Elsevier Masson SAS
Amélie LEROUXc
Mots clés - conseil ; diététique ; hygiène ; insuffisance veineuse ; orthèse ; veinotonique
Pharmacien adjoint
Pharmacien adjoint
Clémence MERLETb Pharmacien adjoint
Aurélie LAUNAYd
Advising patients: the pharmacist on the frontline. In order to encourage compliance and
Pharmacien adjoint
therefore favour the proper treatment of venous insufficiency, lifestyle recommendations such as the use of medical compression and drugs must be given when dispensing venotonic drugs or ortheses.
Sébastien FAUREe,*
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Keywords - advice; dietetics; lifestyle; orthesis; venotonic drug; venous insufficiency
Maître de conférences des Universités a 7 rue Charles-de-Blois, 53100 Mayenne, France b
L
e pharmacien d’officine joue un rôle essentiel dans la prévention et la prise en charge de l’insuffisance veineuse en prodiguant des conseils aux patients.
Règles hygiéno-diététiques Avant même tout traitement mécanique ou médicamenteux, des conseils d’hygiène de vie doivent être préconisés et ce, à tous les stades de l’insuffisance veineuse [1]. Ces conseils constituent la base du traitement et doivent être rigoureusement respectés [2].
La chaleur La chaleur augmente les symptômes [1], car elle provoque une dilatation des veines, rendant les jambes lourdes et douloureuses. Les expositions prolongées au soleil, le chauffage par le sol, les saunas, les épilations à la cire chaude et l’utilisation de couverture chauffante sont donc proscrits en cas de terrain favorable [2]. Il est également important de veiller à ne pas surchauffer les lieux d’habitation et, en voiture, de ne pas diriger le chauffage au niveau des jambes [1]. F Les bains et douches trop chauds doivent être évités (ne jamais dépasser 35 °C), au profit des douches fraîches (notamment sur les jambes) [1] qui favorisent la vasoconstriction [2]. F En fin de toilette, un jet d’eau froide à faible pression permet, en remontant de la pointe des pieds jusqu’à l’aine, d’activer la circulation veineuse, de décongestionner et de soulager les douleurs [3]. Un massage régulier des jambes, du pied vers la cuisse [2], est également préconisé, surtout le soir.
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Le port de vêtements serrés F Les vêtements trop serrés peuvent diminuer le retour veineux à la racine de la cuisse et procurer trop de chaleur au niveau des membres inférieurs [1]. Il est donc déconseillé de porter des ceintures et des gaines trop serrées à la taille, ainsi que des chaussettes trop étroites. F Le port de talons trop hauts (au-dessus de trois centimètres), qui réduisent la surface d’appui du pied et n’assurent pas une pression suffisante au bon retour veineux, qui s’en trouve ralenti, est à proscrire, d’autant qu’ils empêchent une mobilisation complète de la cheville [3]. En revanche, le port de chaussures trop plates n’est pas recommandé. L’idéal est de changer régulièrement de chaussures, en sélectionnant des souliers avec des talons de hauteurs différentes [4].
La Promenade, 49340 Chanteloup-les-Bois, France c Les Vaux, 49220 Grez-Neuville, France d
c/o Elsevier, 62 rue CamilleDesmoulins, 92442 Issy-lesMoulineaux cedex, France e Faculté de pharmacie, Université d’Angers, 16 boulevard Daviers, 49045 Angers, France
Les stations assise et debout prolongées F La position assise prolongée, jambes croisées, réduit la chasse veineuse vers le haut et provoque la stagnation du sang dans les jambes [3]. En avion ou au bureau, des pauses régulières pour se dégourdir les jambes sont indispensables. En voiture, il est conseillé de s’arrêter toutes les deux heures pour marcher au moins cinq minutes [2]. En cas de voyage de plus de six heures, le port d’une compression médicale peut être conseillé [5]. F La station debout prolongée constitue un facteur de risque non négligeable, contrairement à la marche qui favorise le bon retour veineux grâce au mouvement de la pompe veinomusculaire de la jambe [3].
*Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (S. Faure).
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Une nourriture saine Il est essentiel de recourir à une alimentation équilibrée visant à diminuer la constipation et l’obésité, toutes deux facteurs de risque de l’insuffisance veineuse. Il faut aussi conseiller de boire au minimum 1,5 litre d’eau par jour [2].
Le tabac et l’alcool
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F Le rôle néfaste du tabac sur les artères a été démontré, mais son impact sur les veines n’est pas encore exactement connu. Cependant, il contribuerait à la détérioration de la paroi veineuse. F Par ailleurs, l’abus d’alcool entraîne une dilatation des capillaires sanguins, à l’origine de rougeurs, de couperose, d’érythrose et de varicosités [3].
Les voyages en avion
La pratique régulière de la marche, de la natation, de la gymnastique ou du vélo est conseillée pour améliorer le fonctionnement de la pompe veineuse.
La pratique d’une activité physique La pratique d’une activité physique régulière, comme la marche, la natation, la gymnastique ou le vélo, est conseillée puisque ces sports améliorent le fonctionnement de la pompe veineuse. En effet, les contractions musculaires compriment les veines environnantes et facilitent ainsi la remontée du sang vers le cœur [2]. F Certains sports exigeant des efforts brutaux ou en apnée, des contractions musculaires prolongées, des piétinements, des sauts sur place ou bien encore le port de chaussures comprimant la jambe sont cependant à proscrire. C’est le cas du football, du rugby, des sports de combat, du ski alpin, de l’équitation, du tennis, du squash, du handball, du basket, de l’escrime et de l’aviron [6]. F Il faut noter que les grosses veines visibles sur les membres inférieurs de certains sportifs ne sont pas toujours dues à une insuffisance veineuse. Il ne faut pas les confondre avec des varices. Sous l’effet d’efforts musculaires intenses, le débit sanguin artériel est très augmenté et la circulation de retour plus importante, d’où l’apparition de ces veines surchargées et gonflées, mais normales. Il est toutefois conseillé aux sportifs de haut niveau de passer un examen écho-Doppler afin de vérifier l’état de leur système veineux [6].
Les pieds du lit À la maison, il est possible de rehausser les pieds du lit de 10 centimètres environ afin d’améliorer le retour veineux. Cela permet d’augmenter la vitesse de circulation du sang veineux et de réduire la stase veineuse pendant le sommeil [1]. En fin de journée, il est également recommandé de se reposer les jambes surélevées [5].
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Lors des voyages en avion longs courriers, c’est-à-dire supérieurs à six heures, le risque de pathologie des membres inférieurs doit être pris au sérieux. Dans ce contexte et au-delà des conseils précédents, quelques recommandations spécifiques, visant à garantir une bonne circulation sanguine, peuvent être données [7]. F Le voyageur doit boire de l’eau abondamment, environ un litre pour six heures. F Les bagages à main doivent être rangés dans les coffres afin de ne pas encombrer l’espace et pour qu’il soit possible d’étendre et de bouger les jambes. F Le voyageur doit veiller à se déplacer régulièrement dans l’avion et pratiquer de petits mouvements de flexion-extension afin de mobiliser le bas des jambes et les pieds. F Il est également possible de conseiller la compression médicale. Dans ce cas, il est recommandé au voyageur de ne pas attendre que les jambes enflent pour enfiler les bas ou les chaussettes : ils doivent être mis en place avant le départ et être portés pendant toute la durée du voyage [8].
Utilisation de la compression médicale La prise en charge et l’automédication par un système de compression médicale sont envisageables à l’officine lorsque les symptômes décrits correspondent uniquement au stade C0 (pas de signe visible ou palpable de maladie veineuse), voire C1 (télangiectasies ou veines réticulaires) de l’insuffisance veineuse [2]. De plus, le conseil du pharmacien a ses limites : tous les œdèmes de jambe ne sont pas dus à une insuffisance veineuse. C’est le cas lorsqu’un œdème unilatéral est accompagné d’un placard rouge, brillant, et que le patient présente de la fièvre. Ces symptômes peuvent évoquer un érysipèle (infection à streptocoque) qui doit être traité en urgence. C’est également le cas lorsque le patient présente un œdème des
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Les précautions avant l’enfilage Il est préconisé de retirer bagues et bracelets afin d’éviter de filer ou d’abîmer le textile. De même, crèmes ou laits hydratants ne doivent pas être appliqués juste avant l’enfilage. En présence d’une lésion ulcéreuse ou infectée, il est nécessaire de couvrir celle-ci avec une compresse posée bien à plat [9].
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L’enfilage
Après avoir pris les mesures nécessaires, le pharmacien peut proposer différents tissus au patient.
orteils et du dos du pied, qui peut signer une insuffisance lymphatique et doit être traité de manière spécifique [5].
Le choix du tissu Après avoir pris les mesures nécessaires, le pharmacien peut proposer différents tissus au patient. Ce dernier doit apprécier la matière de sa compression médicale pour un meilleur confort et une meilleure observance : • les voiles (très transparents) pour le printemps et l’été ; • les microfibres transparentes (compromis entre transparence, douceur et solidité), les plus vendus en France ; • les microfibres opaques (pour les femmes jeunes ou les personnes ayant les jambes abîmées) ; • les articles en coton (pour les personnes ayant la peau fragile, ce qui est fréquent chez les insuffisants veineux).
Le moment de pose En cas d’insuffisance veineuse légère, la compression médicale peut être enfilée dès le lever, après la toilette. Si les jambes sont trop gonflées, les bas ou les chaussettes de compression sont enfilés avant le lever [1]. Prendre le temps de masser 2 à 3 minutes les jambes, de la cheville vers le genou et en faisant quelques flexions-extensions des pieds est conseillé [9].
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Quelques conseils peuvent faciliter la mise en place des bas ou des chaussettes de compression. Ainsi, il est possible de talquer les talons afin de faciliter, si besoin, la manipulation. Il faut éviter d’enfiler les bas sur un sol glissant (parquet, carrelage) pour prévenir tout risque de chute. Il est, en effet, préférable de s’assoir sur un siège bas [9]. Il existe deux méthodes : • rouler le bas sur lui-même jusqu’au bout du pied ; • retourner le bas ou le collant à l’envers jusqu’au talon, retourner de nouveau le bas et le dérouler sur la cheville et la jambe sans tirer, jusqu’en haut de la cuisse, en s’assurant bien qu’il n’y a pas de plis [9]. Afin de mettre en place les bas-cuisse autofixants, il convient d’éviter de tirer directement sur la couture de la bande antiglisse qui est la partie la plus fragile du bas. Il faut ensuite ajuster la mise en place du bas ou du collant en massant la jambe de bas en haut, en ayant pris la précaution d’humidifier ses mains [9]. Une sensation de jambe froide peut être ressentie au début du port, mais elle disparaît en quelques jours. La peau peut paraître plus sèche en raison de la pression exercée par l’élastique : il faut alors hydrater avec un lait ou une lotion. Mieux vaut porter un bas quelques heures en début de journée que de ne pas le porter du tout [2].
L’enfile bas Les compressions de classe I, voire, pour certaines, de classe II peuvent s’enfiler sans aide. En effet, elles bénéficient de nouvelles techniques de tricotage et leurs fibres sont plus douces et plus fines. Ces systèmes ne sont pas pris en charge par la Sécurité sociale [9]. Si l’enfilage reste complexe, d’autres moyens existent : ce sont des systèmes adaptés aux compressions de classes II à IV. F Les enfileurs mécaniques sont constitués d’une armature métallique ressemblant à un abat-jour, pouvant être cylindrique ou ovale. Sur cette structure, le bas est positionné en extension maximale afin d’y passer le pied. L’enfileur est ensuite remonté vers le haut de la jambe afin que le bas se déroule le long de la cuisse. Deux tailles existent en fonction du tour de cheville, et le prix public est compris entre 40 et 60 €. L’extenseur du Dr Cornu-Thénard et l’enfile bas Cognon-Morin sont
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L’entretien des orthèses
Références
Afin de permettre un lavage quotidien, il est préférable, lors de la prescription, de prévoir deux paires. Les systèmes de compression médicale doivent être lavés tous les soirs à l’eau tiède (maximum 30 °C) [2], avec un savon neutre, en évitant l’emploi de détergents et d’adoucissants, les bas ou les chaussettes de couleur foncée séparément. Les bas doivent être essorés sans être tordus, puis séchés à plat, loin d’une source de chaleur. Le séchage au sèche-linge et le repassage sont donc à proscrire [9]. Certains produits sont lavables en machine, il est préférable de consulter les recommandations du fabricant pour s’en assurer. La bande autofixante des bas-cuisses doit être lavée régulièrement pour conserver son adhérence. Les desquamations naturelles de la peau et les corps gras se collent sur la bande siliconée et diminuent son efficacité : dans ce cas, il est possible d’utiliser un tissu propre imbibé d’alcool à 60 ou 90° V/V [9].
[1] Caquet R, Vayssette J. In: La médication officinale. Chapitre 2. Les maladies cardiovasculaires. 3e édition. Issy-Les-Moulineaux: ElsevierMasson; 2009. [2] Berthelemy S. Conseils à un patient se plaignant de jambes lourdes. Act Pharm. 2011;50:33-6. [3] Blanchemaison P. La maladie veineuse. Conseils d’hygiène de vie. Association La maladie veineuse, 2003. www.maladieveineuse.org/html/mieux_vivre/ hygiene/index.htm [4] Association médecine du travail de l’Île-de-France (AMETIF). L’insuffisance veineuse. 2008. www.ametif.com/imagesUp/ fiche_conseil/10.pdf
[6] Blanchemaison P. La maladie veineuse. Sports. Association La maladie veineuse, 2003. www.maladie-veineuse.org/html/ mieux_vivre/sport/index.htm [7] Zawieja P, Orecchioni AM, Metais P et al. Le risque de thrombose veineuse profonde lors d’un voyage en avion : prévention et conseil à l’officine. Annales pharmaceutiques françaises. 2011;69:247-52. [8] Faure S. Quelle contention veineuse choisir pour les voyages ? Act Pharm. 2008;47:31-3. [9] Gardon-Mollard C. In: La compression médicale. Chapitre 12. Compression en pratique. Paris: Masson; 2006. [10] Réseau ville-hôpital Granted. Vous devez porter une compression par « bas de contention » dans le traitement d’une maladie veineuse. 2009. http://granted.ujf-grenoble.fr/ public/Fichecontention08DEC09. pdf [11] www.ameli-sante.fr
Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.
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Le remboursement
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[5] Bontemps F. Jambes lourdes. Le conseil à l’officine dans la poche. 5e édition. RueilMalmaison: Wolters Kluwer; 2009.
L’officine doit être équipée d’un local isolé permettant de prendre les mesures du patient et d’effectuer un essayage en toute discrétion.
deux modèles verticaux que l’on pose au sol et qui permettent un enfilage debout ou assis. Leur utilisation est dangereuse chez les personnes dont la stabilité est réduite car elle peut être à l’origine de chutes et de fractures [9]. Un autre produit est disponible : le système du Dr Michel Delamare. F Les enfileurs semi-rigides sont constitués d’une partie en matière plastique et de sangles en coton, de cordelettes ou de tiges télescopiques [9]. Leur utilisation requiert une certaine force musculaire. Leur prix public est compris entre 10 et 20 €. F Des enfileurs souples existent : • le chausson en “flanelle”, système le plus simple et le plus ancien, ne peut être utilisé que pour les modèles pied-ouvert car il doit être retiré par cette ouverture, une fois le bas mis en place, il est placé sous le talon et sur le pied afin de faciliter le glissement du bas [9] ; • les systèmes d’enfilage à base de toile textile synthétique enduite, destinée initialement à la fabrication des voiles de bateau, de parachutes ou d’ailes volantes, très résistante, lisse, souple et légère, présentent eux aussi une technique d’emploi compliquée pour les personnes âgées. Leur prix de vente est compris entre 23 et 31 € [9].
F Le remboursement est assuré sous deux conditions [2] : • le patient doit posséder une prescription médicale ; • le pharmacien doit être agréé par la caisse régionale d’Assurance maladie (Cram). Pour recevoir cet agrément, l’officine doit notamment être équipée d’un local isolé permettant de prendre les mesures du patient et d’effectuer un essayage en toute discrétion [2]. Les systèmes de contention remboursés sont inscrits sur une liste qui fixe la base de remboursement (liste des produits et prestations remboursables, ou LPPR). Le nombre de bas remboursés par an est illimité. Le prix de vente, qui peut varier d’une pharmacie à l’autre, est souvent supérieur au montant remboursé, mais certaines mutuelles peuvent prendre en charge ce dépassement [10]. F Les taux de remboursement actuels varient selon le format des orthèses délivrées [11] : • chaussette de compression : 22,40 € ; • bas de contention : 29,78 € ; • collant : 42,03 €.
Accompagner les patients Tous les conseils pratiques sont essentiels à l’observance du traitement. Le pharmacien d’officine doit parfaitement connaître les produits disponibles sur le marché afin de pouvoir répondre pleinement à la demande des patients et les accompagner dans leur choix. w
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