Éditorial
JOGC et FIGO 2012 Timothy Rowe, MB BS, FRCSC Rédacteur en chef
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ne fois de plus, nous sommes heureux de présenter notre numéro triennal voué à la santé des femmes à l’échelle internationale. À l’occasion de chacun des congrès mondiaux de la FIGO (cette année, le 20e congrès annuel de la FIGO se tiendra à Rome), nous publions un numéro contenant des articles qui traitent de multiples sujets de portée internationale. De notre point de vue, le progrès réalisé en vue de l’atteinte des objectifs du Millénaire pour le développement associés à la santé des femmes constitue, de loin, la préoccupation la plus visible. Parmi ces objectifs, le cinquième est celui qui est le plus important : Réduire le taux mondial de mortalité maternelle de 75 % entre 1990 et 2015, et permettre un accès universel à la santé génésique d’ici 2015. Inutile de vous rappeler que seules trois années nous séparent maintenant de cette date butoir. Il y a trois ans, le Dr Dorothy Shaw soulignait avec joie que, durant son mandat à titre de présidente de la FIGO, on avait assisté à « un élan sans précédent » en matière d’efforts mondiaux s’attaquant à la problématique de la morbidité et de la mortalité maternelles et néonatales1. Dans le présent numéro du JOGC, le Dr Shaw et ses collègues (Helen Scott et Rosemary McCarney) soulignent les événements plus récents qui ont soutenu cet élan2, dont le lancement de la Stratégie mondiale pour la santé des femmes et des enfants (mise en œuvre par les Nations Unies en 2010) et de l’Initiative de Muskoka. Cette dernière a d’ailleurs mené à la mise sur pied du Réseau canadien sur la santé des mères, des nouveau-nés et des enfants, lequel constitue maintenant une initiative mondiale florissante et un exemple impressionnant de l’apport du Canada sur le plan international. Dans son bulletin décrivant le progrès réalisé en vue de l’atteinte des objectifs du Millénaire pour le développement3, Lindsay Edouard souligne qu’il est fort possible que nous ne soyons pas en mesure d’atteindre le cinquième OMD : le taux de mortalité maternelle a bel et bien connu une baisse entre 1990 et 2010, mais seulement
de l’ordre de 47 %. L’atteinte de la cible d’une baisse de 75 % d’ici 2015 est en effet peu probable, à tout le moins pas à l’échelle de la planète. Cependant, nous sommes tout de même dans la bonne voie; de surcroît, nous avons assisté à des réussites surprenantes à certains endroits. Comme le soulignent le Dr Michael Graven et ses collègues4, au Belize, le taux de mortalité maternelle est passé de 134 par 100 000 naissances vivantes en 2005 à zéro (oui, zéro!) en 2011. Ce changement spectaculaire a coïncidé avec la mise en œuvre, à l’échelle du pays, d’un système électronique d’information sur la santé qui comptait un domaine axé sur la santé maternelle. Ce domaine a permis la dissémination de données de pratique optimale portant sur les soins prénataux, intrapartum et postpartum; de plus, les données consignées dans ce système ont permis l’analyse rapide des issues indésirables. Ces auteurs ont souligné que, au cours des années qui ont vu le taux de mortalité maternelle chuter de façon si spectaculaire, le Belize n’a pas vraiment connu d’autres changements. Quelle réussite admirable! Les troubles hypertensifs de la grossesse sont les principaux facteurs qui contribuent à la morbidité et à la mortalité périnatales. Dans le cadre de leur analyse, le Dr Peter von Dadelszen et ses collègues soulignent que la prééclampsie et l’éclampsie sont à l’origine du décès de 72 000 femmes et de 500 000 fœtus et nouveau-nés chaque année, pratiquement tous ces décès survenant dans des pays en développement5. De tels décès évitables constituent une tragédie internationale. Heureusement, l’équipe du Dr von Dadelszen a entamé l’évaluation stratégique des causes qui sous-tendent la prééclampsie et l’éclampsie et, ce qui est tout aussi important, celle des mesures qui peuvent être prises dans les pays tant en développement que développés pour en atténuer les complications connexes. Leur projet PRE-EMPT commandite trois études d’intervention au niveau communautaire, adaptées à la mise en œuvre J Obstet Gynaecol Can 2012;34(10):899–901
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au sein de pays à revenu faible ou moyen, qui visent la réduction des conséquences maternelles et périnatales de la prééclampsie. Nous pouvons être assurés que leurs résultats seront édifiants et même plus encore. Le problème persistant que représentent les fistules obstétricales (et particulièrement le nombre des femmes qui en sont affligées en Afrique) constitue une préoccupation qui subsiste encore pour la communauté internationale. Dans le présent numéro, Lilian Mselle et ses collègues décrivent la réinsertion des femmes dans la société à la suite de la réparation d’une fistule en Tanzanie6; il est difficile de rester stoïque face à la description des défis que doivent relever ces femmes frappées d’ostracisme. Le fait d’espérer le retour d’une vie de nouveau normale constitue un objectif simple dont l’atteinte n’est pas facile. La prévention des fistules obstétricales doit demeurer une priorité absolue pour les stratèges internationaux du domaine de la santé des femmes; jusqu’à ce que les services obstétricaux soient régulièrement en mesure de minimiser le risque de fistule, nous continuerons d’avoir besoin de services chirurgicaux pour en contrer les effets. Au sein des pays en développement, les services chirurgicaux peuvent être limités par de nombreux facteurs autres que la pénurie de chirurgiens formés. Les limites imposées aux services périopératoires, au soutien en anesthésie, aux lits disponibles dans les hôpitaux et à l’infrastructure hospitalière peuvent toutes compromettre ce que peut accomplir la chirurgie. Comme nous avons pu le constater au sein des pays développés, la chirurgie à effraction minimale offre de multiples avantages, par comparaison avec la chirurgie ouverte; dans le présent numéro, le Dr Magatte Mbaye et ses collègues décrivent leur expérience initiale en ce qui a trait à la laparoscopie diagnostique et opératoire au sein d’un hôpital universitaire au Sénégal7. Dans le cadre de leur série de cas, la prévalence de la pathologie tubaire indique clairement la nécessité de mettre en œuvre et de généraliser les techniques laparoscopiques dans les milieux semblables. Provenant eux aussi du continent africain, le Dr Justin Dénakpo et ses collègues présentent les résultats d’une étude prospective sur la position d’accouchement qui a été menée au Bénin8; de leur côté, Abiodun Omole-Ohonsi et Hassan Taiwo Olayinka décrivent les résultats qu’ils ont obtenus dans le cadre d’une étude cas-témoins portant sur l’hystérectomie péripartum au sein d’un hôpital universitaire au Nigeria9. Chacune de ces études nous éclairent un peu plus quant aux obstacles qui se dressent devant l’offre des meilleurs soins possibles aux femmes vivant dans des milieux fort différents des nôtres. 900 l OCTOBER JOGC OCTOBRE 2012
Plus près de nous, les Canadiennes qui sont en voie d’accoucher se voient, dans la plupart des cas, offrir des choix en matière de soins que les femmes des pays en développement ne peuvent même imaginer. Parmi ces choix, on trouve (encore une fois dans la plupart des cas) le choix de l’endroit où elles accoucheront, le choix de la façon dont elles accoucheront et le choix des intervenants qui les entoureront. Comme le décrivent Anne M. Malott et ses collègues dans le présent numéro, les Canadiennes qui choisissent de confier leurs soins à une sage-femme peuvent avoir de la difficulté à y parvenir, selon l’endroit où elles demeurent10. La disponibilité limitée des soins prodigués par des sages-femmes peut également limiter les occasions d’accoucher à la maison qui sont offertes aux femmes qui souhaitent vivre une telle expérience; les partisans de cette option citent l’expérience des PaysBas pour justifier leur soutien de l’accouchement à la maison11. Cependant, comme l’indique le Dr Gerard H.A. Visser, aux Pays-Bas, la proportion d’accouchements à la maison est passée d’environ 40 % en 1980 à environ 20 % en 2010 et semble destinée à poursuivre son déclin12; cette modification est attribuable à de multiples facteurs, dont une sensibilisation de plus en plus accrue envers le taux élevé d’orientation vers l’hôpital pendant le travail, une population immigrante de plus en plus nombreuse n’étant pas familière avec l’accouchement à la maison et une demande accrue de services d’anesthésie péridurale. Si la tendance à l’accouchement à l’hôpital en vient à se maintenir aux Pays-Bas, elle devra (comme le souligne le Dr Visser) s’accompagner de la mise d’un accent particulier sur les aspects humains qui font partie de l’expérience de l’accouchement à la maison. Je souhaite remercier sincèrement tous les auteurs qui ont contribué à ce numéro spécialement voué à la FIGO. J’espère que les lecteurs seront divertis et informés par les articles qu’il contient et que les participants au congrès mondial de 2012 de la FIGO à Rome apprécieront leur expérience. En 2015, ce congrès mondial se tiendra à Vancouver; nous nous attendons donc au retour d’une fébrilité de nature olympienne! RÉFÉRENCES 1. Shaw D. Constat de mes trois années à titre de présidente de la Fédération internationale de gynécologie et d’obstétrique. J Obstet Gynaecol Can 2009;31:915–16. 2. Scott H, McCarney RA, Shaw D. Global mapping exercise of Canadian maternal, neonatal, and child health initiatives. J Obstet Gynaecol 2012;34:902–08. 3. Edouard L. Challenges for reproductive health in the attainment of the Millennium Development Goals. J Obstet Gynaecol Can 2012;34:909–12.
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4. Graven M, Allen P, Allen VM, Smith I, MacDonald NE. Achievement of the 2015 Millennium Development Goal 5A (Maternal Mortality) by Belize in 2011. J Obstet Gynaecol 2012;34:913–6. 5. von Dadelszen P, Firoz T, Donnay F, Gordon R, Hofmeyr GJ, Lalani S, et al. Preeclampsia in low and middle income countries— health services lessons learnt from the PRE-EMPT (preeclampsiaeclampsia monitoring, prevention & treatment) Project. J Obstet Gynaecol 2012;34:917–26. 6. Mselle LT, Evjen-Olsen B, Moland KM, Mvungi A, Kohi TW. “Hoping for a normal life again”: reintegration after fistula repair in rural Tanzania. J Obstet Gynaecol 2012;34:927–38. 7. Mbaye M, Cisse M, Guèye S, Dièmé M, Diouf A, Guèye M, et al. Premiers résultats de la cœlioscopie gynécologique au Centre Hospitalier Universitaire (CHU) de Dakar: une série prospective de 128 cas. J Obstet Gynaecol 2012;34:939–46.
8. Dénakpo J, Lokossou A, Tonato-Bagnan J, Alao MJ, Hounkpatin B, Komongui D, et al. L’accouchement en position libre peut-il être une alternative à l’accouchement en position classique dans les salles de naissance en Afrique: résultats d’une étude prospective à Cotonou au Bénin. J Obstet Gynaecol 2012;34:947–53. 9. Omole-Ohonsi A, Olayinka HT. Emergency peripartum hysterectomy in a developing country. J Obstet Gynaecol 2012;34:954–60. 10. Malott AM, Kaufman K, Thorpe J, Saxell L, Becker G, Paulette L, et al. Models of organization of maternity care by midwives in Canada: a descriptive review. J Obstet Gynaecol 2012;34:961–70. 11. Janssen PA, Klein MC, Lee SK, Liston RM, Page LA, Saxell L. Outcomes of planned home birth with registered midwife versus planned hospital birth with midwife or physician. CMAJ 2009;181:377–83. 12. Visser GHA. Obstetric care in the Netherlands: relic or example. J Obstet Gynaecol 2012;34:971–5.
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