La place des érythropoïétines en cancérologie

La place des érythropoïétines en cancérologie

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Actualités pharmaceutiques hospitalières • n° 11 • Juillet-Septembre 2007 prise en charge de l’anémie en cancérologie

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La place des érythropoïétines en cancérologie L’anémie, fréquente chez les patients cancéreux, a une incidence aussi bien sur la qualité de vie que sur l’évolution de la maladie. Dans la maladie cancéreuse, l’anémie peut être à la fois due à une production et à une utilisation anormales de l’érythropoïétine (EPO). Si le traitement de l’anémie passe tout d’abord par le traitement de la maladie causale, la synthèse de l’EPO recombinante humaine a considérablement amélioré la prise en charge des patients anémiques, augmentant les taux d’hémoglobine et réduisant les besoins transfusionnels et en améliorant leur qualité de vie.

anémie et la fatigue qui en découle sont des complications classiques de la maladie cancéreuse. L’anémie est fréquente dès le diagnostic de cancer. En effet, elle est retrouvée chez environ 30 % des patients cancéreux avant tout traitement1. De nombreuses études réalisées dans le domaine de la cancérologie ont permis de déterminer les connaissances sur l’anémie des patients atteints de cancer en termes de fréquence, de symptomatologie mais également d’impact sur la qualité de vie, d’impact clinique... Pourtant, en pratique, selon certains auteurs, l’anémie n’est pas assez corrigée2,3. Plusieurs études ont cherché à présenter des impacts thérapeutiques réels et vérifiables. La minoration des symptômes de l’anémie et l’amélioration de la qualité de

L’

Définition L’anémie est définie par une diminution de la concentration de l’hémoglobine (Hb) circulante au-dessous des valeurs de références : 11 g/dL (échelle OMS) ou 12 g/dL (échelle de l’European Organization for Research and Treatment of Cancer - EORTC). Le diagnostic d’une anémie est souvent orienté par un bon examen clinique qui peut révéler des signes évocateurs. Toutefois, le diagnostic de certitude reste biologique. Le diagnostic positif d’anémie est posé devant un taux d’Hb inférieur à 130 g/L (ou 13 g/dL) chez l’homme et inférieur à 120 g/L (ou 12 g/dL) chez la femme.

vie des patients atteints de cancer justifient à elles seules une correction de l’anémie.

L’anémie en cancérologie L’anémie est une complication fréquente chez les malades atteints de cancer, résultant soit de la maladie et de son évolution, soit des traitements spécifiques, notamment la chimiothérapie et la radiothérapie. Cette déficience en hémoglobine (Hb) entraîne une réduction de la capacité de transport de l’oxygène dans le sang. Celle-ci est classée par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et le National Cancer Institute (NCI) comme légère (10 à 11,9 g/dL), modérée (8-10 g/dL), sévère (6,57,9 g/dL) et menaçant le pronostic vital si le taux d’hémoglobine est inférieur à 6,5 g/dL. L’anémie liée au cancer est de type hypoprolifératif, avec un taux bas de réticulocytes. Elle peut être, selon les cas, normochrome ou hypochrome, normocytaire, microcytaire ou macrocytaire. Dans la majorité des cas, s’y associe une mauvaise utilisation du fer avec une diminution du fer sérique et de la saturation de la transferrine, et cela malgré un taux normal de ferritine4.

Anémie et chimiothérapie La fréquence des anémies est très forte dans les associations comportant des sels de platine. Une grande étude américaine donne les chiffres suivants : des transfusions sont nécessaires chez 38 % des patients sans chimiothérapie (CT), 49 % des patients avec CT sans sels de platine et 69 % des patients avec sels de platine5. Rappelons qu’il existe un effet-dose et qu’en termes de toxicité, le carboplatine (CBDCA) est au moins aussi toxique que le cisplatine (CDDP)6. Le mécanisme de l’anémie comporte à la fois une toxicité hématologique directe sur la lignée érythroblastique ainsi qu’une sécrétion d’érythropoïétine (EPO) inadaptée au degré d’anémie (due à une atteinte des cellules fibroblastiques péritubulaires rénales, productrices d’EPO).

Anémie et radiothérapie L’hypoxie est un facteur réduisant la radiosensibilité. L’anémie est donc un facteur péjoratif du contrôle tumoral de tumeurs solides traitées par radiothérapie (RT) exclusive7. Ce phénomène est particulièrement vrai pour les cancers bronchiques, les cancers vésicaux et les cancers de l’endomètre. La RT est de plus en plus fréquemment associée à des CT concomitantes ou séquentielles. C’est pourquoi

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l’incidence de l’anémie lors des traitements par RT a nettement augmenté ces dernières années, avec le risque de voir le bénéfice en termes de contrôle local de l’association altéré par la réduction d’efficacité de l’irradiation du fait de l’accentuation de l’hypoxie tumorale8.

Anémie et chirurgie L’impact de l’anémie sur les patients traités par chirurgie tumorale exclusive a fait l’objet de très peu d’études. L’anémie pourrait influencer la cicatrisation postopératoire et être délétère pour le respect des délais et des séquences thérapeutiques ultérieures. Ces résultats font supposer la possibilité d’accroître le contrôle local et la survie.

Physiopathologie Les facteurs dits “anémiants” De nombreux facteurs peuvent contribuer à la mise en place de l’anémie, en particulier l’infiltration de la moelle osseuse par des cellules tumorales9 , avec la production et l’utilisation anormale de l’EPO. Rappelons que l’EPO est une hormone glycoprotéinique qui stimule la production des érythrocytes et maintient leur viabilité. Elle est produite chez l’adulte par les cellules interstitielles péritubulaires rénales et par les hépatocytes chez le fœtus. Le taux plasmatique normal d’EPO varie de 4 à 26 mU/ mL. La production d’EPO augmente en réponse à l’hypoxie tissulaire, à la perte de globules rouges, à la diminution de la pression d’oxygène, ainsi qu’à tout autre stimulus diminuant la quantité d’oxygène délivrée aux tissus. Il existe donc une relation inverse entre le taux d’EPO plasmatique et le taux d’Hb. L’augmentation du taux plasmatique d’EPO entraîne un accroissement de la quantité de globules rouges qui induit une baisse de la production d’EPO. L’EPO interagit avec les progéniteurs érythroïdes de la moelle osseuse par l’intermédiaire de récepteurs de surface spécifiques, stimulant la prolifération et la différenciation des cellules tout en maintenant la viabilité cellulaire. Dans l’anémie liée au cancer, une diminution de la production d’EPO associée à une diminution du nombre de progéniteurs érythroïdes est observée. Une séquestration du fer et une diminution de la synthèse protéique et de la survie des hématies ont été également rapportées. En outre, la libération tumorale de cytokines inflammatoires telles que tumor necrosis factor (TNF), interféron gamma (IFNγ) et interleukine 1 (IL-1), réduit la production d’EPO et supprime la réponse des progéniteurs à l’hormone9. Enfin, certains agents chimiothérapiques tels que le cisplatine, toxique pour les tubules rénaux où l’EPO est produite, peuvent diminuer la production d’EPO et la prolifération des progéniteurs érythroïdes10, ceux-ci étant également affectés par la radiothérapie.

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À quelle fréquence ? De nombreuses études rétrospectives ont rapporté la grande fréquence de l’anémie au cours des cancers11,12. L’anémie est très dépendante du type de tumeur et du traitement : la chimiothérapie, notamment les protocoles comprenant des sels de platine, est ainsi particulièrement anémiante. Une étude prospective a été conduite en 2001 en Europe (ECAS ou European cancer anemia survey) pendant 6 mois (24 pays ; 750 centres), sur plus de 15 000 patients atteints de tumeurs solides ou d’hémopathies malignes. À l’inclusion, 39 % des malades avaient un taux d’hémoglobine inférieur à 12 g/dL, les patients recevant une chimiothérapie étaient les plus affectés. Un tiers des patients sans traitement ou en rémission étaient anémiques, la prévalence moyenne de l’anémie au cours de l’étude était de 67 %. L’incidence de l’anémie chez les patients ayant un taux d’hémoglobine inférieur à 12 g/dL au début de l’étude et recevant une chimiothérapie était de 63 %. Il faut souligner qu’une majorité des patients anémiques n’avaient pas reçu de traitement spécifique pour cette anémie13.

Conséquences cliniques de l’anémie L’anémie affecte pratiquement tous les organes et de nombreuses fonctions de l’organisme. C’est un des éléments majeurs qui altèrent la qualité de vie des patients cancéreux. Au plan clinique, la diminution du taux d’Hb se traduit par une augmentation de la fatigue, une faiblesse et un malaise général avec une diminution de la capacité à assumer les activités quotidiennes (fig. 1 et 2). Cela génère un état d’anxiété, de démotivation et d’irritabilité14. Près de 80 % des patients anémiés se plaignent plus de la fatigue que de la douleur15.

73,00 60,00

58,60

57,00

30,00

Fatigue

Douleur

Anxiété

Tristesse

• Fig. 1. Prévalence (en %) des symptômes chez les patients atteints de cancer, d’après Cella D. Factors Influencing quality of life in cancer patients : anemia and fatigue. Semin Oncol. 1998 ; 25 (3, Suppl. 7) : 43-616.

Nausées

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14 Tous les jours

La plupart des jours Au moins une fois par semaine

taux d’hémoglobine inférieurs à 10 g/dL. Si la transfusion sanguine reste encore le traitement de choix pour des diminutions importantes et rapides de l’Hb, on connaît néanmoins les risques associés à ce traitement, notamment la transmission d’agents infectieux, les réactions allo-immunes aux protéines plasmatiques, aux hématies, aux lymphocytes différents et aux antigènes cellulaires.

Uniquement quelques jours par mois Pratiquement jamais Ne sait pas

0

5

10

15

20

25

30

35

Patients (%)

EPO et transfusion

• Fig. 2. Fréquence des épisodes d’asthénie signalés par les patients atteints de cancer, d’après Vogelzang et al. Patient, caregiver and oncologist perceptions of cancer-related fatigue : results of a tripart assessment survey by the Fatigue Coalition. Semin Hematol. 1997 ; 34 (3 Suppl. 2) : 4-1215.

Conséquences de l’anémie sur l’évolution tumorale Certains auteurs suggèrent que la normalisation de l’Hb améliore la qualité de vie et la survie, particulièrement dans le cas d’une maladie cancéreuse disséminée17. Plusieurs études indiquent que la survie des malades anémiques est diminuée dans de nombreux types de cancers (poumon, col, tête et cou, prostate, myélome, lymphomes...) et que le risque de décès chez le malade anémique augmente de 19 à 75 % selon la localisation. Cependant, il n’est pas possible de déterminer si l’anémie est la cause directe de la diminution de la survie ou si cette dernière est la conséquence d’autres facteurs adverses. D’autres études indiquent que l’anémie peut être un facteur pronostique indépendant de la réponse aux traitements18. L’hypoxie tumorale est l’une des conséquences importantes de l’anémie. Elle explique en partie la moins bonne réponse à la RT et à la CT de plusieurs types de cancers par la diminution de la sensibilité des cellules cancéreuses à la CT et à la RT19,20. Par ailleurs, l’hypoxie peut induire la néoangiogenèse et ainsi favoriser la progression tumorale21.

Prise en charge de l’anémie Le traitement des patients anémiques passe en premier lieu par le traitement spécifique de la maladie causale. Sur un plan symptomatique, le traitement de l’anémie était réalisé avant les années 1980 par les transfusions sanguines, administrées de façon empirique pour des

L’EPO est une alternative validée de la transfusion dans la prise en charge de l’anémie, dont l’administration dépend de plusieurs facteurs dont le taux initial en Hb, le type de cancer, le traitement (CT, RT), le terrain et le pronostic du patient. Les risques comparatifs de la transfusion et de l’administration de l’EPO sont différents : la transfusion présente des risques d’accidents immunologiques, allergiques ou infectieux. L’EPO n’entraîne que peu d’effets indésirables mais présente le risque théorique de pouvoir se comporter comme un facteur stimulant la croissance tumorale in vitro.

Les options de prise en charge de l’anémie chez les patients atteints de cancer • Agents érythropoïétiques (EPO) : – augmentent l’hémoglobinémie de façon soutenue, significative22, stable et durable23 ; – stimulent la formation d’érythrocytes à fonction normale24 ; – sont généralement bien tolérés ; – sont plus pratiques que les transfusions. • Transfusions d’érythrocytes : – augmentation rapide, transitoire mais non durable de l’hémoglobinémie23 ; – effets indésirables potentiels (par ex. surcharge en fer)25 ; – diminution des approvisionnements en sang26 ; – recommandé par l’Afssaps (Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé) et les SOR (Standards Options Recommandations) de la FNLCC (Fédération nationale des centres de lutte contre le cancer) pour un taux d’Hb < 8 g/dL ; – la fonction des érythrocytes transfusés est défectueuse. Hb (g/dl) Hb (g/dL) 14

Enquête auprès de patients atteints d’un cancer 57 % ont considéré qu’ils étaient « incapables de profiter de la vie ». 31 % ont indiqué que l’asthénie affectait leur « espoir de combattre leur cancer avec succès ». 16 % ont déclaré : « traiter ma fatigue est aussi important pour moi que de traiter mon cancer ». 12 % ont suggéré qu’ils préféreraient mourir que de continuer à vivre avec leur asthénie.

Epoetin 12

10

Transfusions 8

6

D’après Vogelzang et al. Patient, caregiver and oncologist perceptions of cancer-related fatigue : results of a tripart assessment survey 15

by the Fatigue Coalition. Semin Hematol. 1997 ; 34 (3 Suppl. 2) : 4-12 .

4 0

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jours de traitement

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Les causes de l’anémie

La présence de récepteurs à l’EPO a été démontrée sur plusieurs lignées cellulaires humaines malignes27. Selon le même auteur, l’EPO semble favoriser l’angiogenèse et la survie des cellules tumorales via le récepteur à l’EPO. Enfin, si la transfusion permet une élévation rapide du chiffre d’Hb et donc une amélioration rapide des signes cliniques d’anémie dans les situations d’urgence, l’EPO permet d’obtenir une aire sous la courbe du taux d’Hb beaucoup plus importante. Toutefois, les modifications hématologiques (chez les patients répondeurs) apparaissent environ 2 semaines (crise érythrocytaire et augmentation du taux d’Hb). Le temps médian d’obtention de la réponse (+ 2 g d’Hb) est de 40 jours.

• Réduction de la production de globules rouges (GR) – Diminution de la synthèse d’érythropoïétine due au traitement contre le cancer – Défaut de production de GR par la moelle osseuse • Pertes sanguines – Diminution du nombre de GR

• États de carence – Manque de fer ou vitamines (acide folique, vit. B12), substances essentielles à la fabrication de l’Hb. C’est la mesure du taux d’hémoglobine dans le sang qui est couramment utilisée dans la pratique pour évaluer l’anémie.

D’après Fischer JW.

Lukaski HC.

Erythropoietin : physiology and

Vitamin and mineral status :

MoliternoAR, Spivak JL. Anemia of cancer.

pharmacology update.

effects on physical performance.

Hematol Oncol Clin North

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Am. 1996 ; 10 : 345-6347.

une fois par semaine à la dose de 2,25 μg/kg, et une fois toute les trois semaines à la dose fixe de 500 μg.

Seuils de traitement Faute d’études randomisées, il est difficile de déterminer de façon rigoureuse des règles de transfusion chez les patients atteints de cancers. Le seuil de 8 g/dL est classiquement retenu (critères Afssaps). Ce seuil peut être plus élevé s’il existe d’autres facteurs de gravité : âge supérieur à 65 ans, anémie symptomatique, comorbidités...

Objectifs et recommandations Il existe bon nombre d’arguments cliniques et biologiques ainsi qu’une suspicion de bénéfice en survie pour maintenir une Hb supérieure à 12 g/dL chez les patients atteints de cancer28. • Les objectifs du traitement par EPO sont d’améliorer la qualité de vie des patients et d’éviter les transfusions. • Les recommandations thérapeutiques29,30 sont d’instaurer le traitement par EPO à un taux d’Hb compris entre 9 et 11 g/dL et de poursuivre le traitement par EPO tant que le patient présente une amélioration symptomatique. Selon les recommandations de l’EORTC, l’Hb cible doit être de 12 à 13 g/dL ; en effet, le bénéfice maximal pour la qualité de vie a été observé à 12 g/dL.

L’érythropoïétine recombinante La synthèse et la mise sur le marché de l’érythropoïétine recombinante humaine (rHuEPO, EPO) a nettement amélioré la prise en charge des anémies dans l’insuffisance rénale chronique et les pathologies tumorales. Deux formes d’EPO, α et β, sont utilisées en clinique. Elles sont administrées classiquement par voie sous-cutanée à la dose de 150 à 300 U/kg trois fois par semaine. Des études récentes ont également démontré qu’une administration sous-cutanée de 30 000 à 40 000 unités une fois par semaine est d’action équivalente31. Aucune différence pharmacologique n’a été mise en évidence entre les deux formes α et β32. Une troisième forme plus récemment synthétisée, la darbepoetin α, plus riche en hydrates de carbone que les érythropoïétines recombinantes α et β, a une demi-vie plasmatique plus longue et peut être ainsi administrée

Les produits commercialisés et leur indication en cancérologie • Eprex® (époétine alpha) Indication : traitement de l’anémie et réduction des besoins transfusionnels chez les patients adultes traités par CT pour des tumeurs solides, des lymphomes malins ou des myélomes multiples et à risque de transfusion en raison de leur état général (état cardiovasculaire, anémie prééxistante). • Neorecormon® (époïétine bêta) Indication : traitement de l’anémie des adultes atteints de tumeurs solides et traités par CT à base de platine susceptible d’entraîner une anémie (CDDP : 75 mg/m2 par cycle ; CBDCA : 350 mg/m2 par cycle) et traitement de l’anémie des adultes atteints de myélome multiple, de lymphome non hodgkinien de bas grade ou de leucémie lymphoïde chronique, qui ont un déficit relatif en EPO et sont sous thérapie antitumorale. • Aranesp® (darbepoetin α) Indication : traitement de l’anémie chez des patients adultes atteints de pathologies malignes non myéloïdes et recevant une CT. Le taux d’Hb cible chez ces patients est d’environ 12 g/dL. Un taux d’Hb supérieur à 14 g/dL doit faire interrompre le traitement jusqu’à ce qu’une valeur de 12 g/dL soit atteinte.

Les différentes actions de l’érythropoïétine Effets protecteurs L’EPO agit principalement sur l’anémie, mais il est important de souligner qu’elle possède également d’autres propriétés, en particulier des effets protecteurs sur le tissu cardiaque et le système nerveux central33. Augmentation du taux d’Hb De nombreux essais cliniques ont utilisé l’EPO dans le traitement de l’anémie liée au cancer ou en prévention et en correction de l’anémie induite par une CT ou une RT. L’EPO augmente le taux d’hémoglobine et réduit le besoin de transfusions chez 50 à 60 % des patients cancéreux anémiques34.

Lexique CBDCA : carboplatine CDDP : cisplatine

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Cette action est également notable chez les patients dont l’anémie est liée à une CT à base de sels de platine35. Supplémentation en fer par voie IV ou per os ? Le rôle positif de la supplémentation en fer lors d’un traitement par EPO a été mis en évidence lors des corrections d’anémies provoquées par une CT36. Il s’agissait d’un essai contrôlé testant également l’impact du fer par voie intraveineuse par rapport à son administration orale. Le gain en hémoglobine était supérieur pour les patients supplémentés en fer par voie intraveineuse. L’absorption orale du fer est incomplète et variable mais l’administration intraveineuse de fer ajoute une contrainte supplémentaire. Avant tout, une stricte définition biologique du patient pouvant justifier d’une supplémentation intraveineuse en fer lors des traitements érythropoïétiques reste à définir. Impact sur la qualité de vie Plusieurs types de questionnaires de qualité de vie basés sur le niveau d’énergie, la fatigue et l’activité quotidienne ont été utilisés pour analyser l’impact de l’EPO sur la qualité de vie. De nombreuses études ont montré que l’EPO entraîne une nette amélioration de la qualité de vie, en particulier pour des anémies consécutives à une CT ou à une RT37. La qualité de vie s’améliore de façon linéaire avec l’augmentation du taux d’hémoglobine, plus particulièrement entre 8 et 12 g/dL et chez les patients dont l’hémoglobine s’élève de plus de 2 g/dL38. En revanche, il n’a pas été noté d’amélioration de la qualité de vie chez les patients qui ont obtenu une réponse objective au traitement sans augmentation du taux de l’hémoglobine. Action de l’EPO sur l’évolution tumorale Les données expérimentales disponibles ne permettent pas de conclure nettement en faveur ou non d’un effet stimulant de l’EPO sur la croissance tumorale. Ainsi une étude japonaise

Conséquences de l’anémie • Sur le système nerveux central – Diminution des fonctions cognitives – Humeur dépressive – Vertiges – Irritabilité • Sur le système cardiovasculaire – Tachycardie – Fatigue • Sur le système cardiopulmonaire – Dyspnée d’effort puis de repos – Décompensation cardiaque ou respiratoire

• Sur la peau – Hypoperfusion – Pâleur et froideur • Sur les reins – Perfusion réduite – Rétention hydrique • Sur l’appareil génito-urinaire – Troubles des règles – Perte de libido – Impuissance • Immunodépression

suggère qu’un peptide de synthèse apparenté à l’EPO favoriserait la croissance et l’angiogenèse tumorale27. Il a été établi qu’un taux bas d’hémoglobine avant traitement est un facteur de mauvais pronostic et qu’un traitement par EPO α supprime cet effet39. Une étude a rapporté chez 375 patients recevant une chimiothérapie sans platine qu’un traitement par EPO α amenait non seulement une amélioration du taux d’hémoglobine et de la qualité de vie mais également de la survie à 12 mois (60 % pour le bras EPO α versus 49 % pour le bras témoin)40. D’autres études ont également indiqué que l’EPO augmentait le contrôle local, la survie sans récidive et la survie globale41. Cependant, des travaux récents évoquent la possibilité d’un effet délétère de l’EPO. Leyland Jones42 rapporte dans un essai randomisé chez 939 patientes atteintes d’un cancer du sein métastatique que la maladie progressait plus vite dans le groupe EPO α et que la survie à 12 mois était meilleure dans le groupe témoin sans EPO (76 versus 70 %, p = 0,0117). Cependant, les facteurs de risques n’étaient pas également répartis dans cette étude : dans le bras EPO, l’âge était plus avancé, le statut de performance plus bas et les lésions plus étendues.

Les recommandations L’American Society of Clinical Oncology (ASCO), l’American Society of Hematology (ASH)43 et les Standards Options Recommandations de la Fédération française des centres de lutte contre le cancer44 ont proposé la conduite à tenir en cas d’anémie chez les patients cancéreux. Elle peut être résumée ainsi : • pour un taux d’hémoglobine situé entre 8 et 10 g/dL et en cas de nécessité d’une correction rapide (moins de 3 semaines), il faut commencer par une compensation par transfusion. Si un traitement carcinologique est en cours ou programmé, un traitement par EPO doit être instauré ; • si le taux d’hémoglobine est compris entre 8 et 10 g/dL et qu’aucun traitement carcinologique n’est en cours ou envisagé, un traitement par EPO est possible dans les tumeurs hématologiques et les tumeurs solides ; • pour un taux d’hémoglobine compris entre 10 et 12 g/ dL, il est possible de recourir d’emblée à l’érythropoïétine recombinante ou d’attendre une chute de ce taux en dessous de 10 g/dL ; • il n’y a pas d’indication d’un traitement par érythropoïétine si le taux d’hémoglobine est supérieur à 12 g/dL ; • l’administration d’EPO entraîne une augmentation des événements indésirables graves (événements thromboemboliques) notamment si le taux d’Hb atteint ou dépasse 13 g/dL. Gaël Lidouren, pharmacien assistant des hôpitaux, pharmacie centrale

Jean Martin, D’après Boogaerts M, Coiffier B, Kainz C. Impact of epoetin b on quality of life in patients with malignant disease. Br J Cancer. 2003 ; 88 (7) : 988-9548.

praticien hospitalier, Oncologie médicale CHU Dupuytren, Limoges (87)

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