L’accidentologie des sports de montagne en France : un état des lieux basé sur l’exploitation de données secondaires

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SCISPO-3100; No. of Pages 11 Science & Sports (2017) xxx, xxx—xxx

Disponible en ligne sur

ScienceDirect www.sciencedirect.com

MISE AU POINT

L’accidentologie des sports de montagne en France : un état des lieux basé sur l’exploitation de données secondaires Accidentology of mountain sports in France: A situation review-based on secondary data sets B. Soulé a,∗, B. Lefèvre a, E. Boutroy a, V. Reynier b a

Laboratoire sur les vulnérabilités et l’innovation dans le sport, université de Lyon, bâtiment Raphaël-Dubois, campus de la Doua, boulevard du 11-Novembre-1918, 69022 Villeurbanne cedex, France b Laboratoire sport & environnement social, université de Grenoble, domaine universitaire de St-Martin-d’Hères, rue de la Piscine, 38042 Grenoble cedex, France Rec ¸u le 28 octobre 2016 ; accepté le 14 avril 2017

MOTS CLÉS Accidentologie ; Sports de montagne ; Accidents ; Risques



Résumé Objectifs. — L’objectif est de dresser un état des lieux de l’accidentologie des sports de montagne : mieux connaître l’ampleur du phénomène accidentel, les profils des victimes, les circonstances propices à l’occurrence de ces accidents, ainsi que la mortalité générée. Actualités. — L’importance supposée de l’accidentalité sportive en montagne nécessite un diagnostic élaboré sur des bases rigoureuses, car les enjeux soulevés sont multiples, en termes de santé publique, de prévention et de prise en charge des victimes d’accidents. Perspectives et projets. — L’état de l’art présenté résulte du recensement et du croisement des données produites, en France essentiellement, mais aussi à l’étranger, sur les accidents sportifs en montagne. Il est agrémenté d’une revue de littérature internationale et ambitionne in fine l’identification de zones d’ombre constitutives de pistes d’amélioration de l’accidentologie. C’est en effet en prenant appui sur une connaissance affinée du déroulement des accidents sportifs en montagne que l’on pourra progresser en termes de mesures, de discours et de pratiques préventifs. Conclusion. — Les synthèses ponctuant chaque partie des résultats mettent en exergue des éléments peu connus (comme l’exposition particulièrement forte des pratiques de randonnée

Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (B. Soulé).

http://dx.doi.org/10.1016/j.scispo.2017.04.008 0765-1597/© 2017 Elsevier Masson SAS. Tous droits r´ eserv´ es.

Pour citer cet article : Soulé B, et al. L’accidentologie des sports de montagne en France : un état des lieux basé sur l’exploitation de données secondaires. Sci sports (2017), http://dx.doi.org/10.1016/j.scispo.2017.04.008

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B. Soulé et al. hors-sentier), voire contre-intuitifs (comme le fait que les accidents en montagne concernent davantage des sportifs confirmés que des novices). Le caractère éclaté des sources, combiné à la complexité des phénomènes observés, doit cependant inciter à la prudence à propos des interprétations formulées. En raison de la fragmentation des sources, l’étude des accidents sportifs en montagne semble en tout état de cause perfectible ; de nombreuses données existent, fournissant d’intéressants éléments de cadrage, mais les connaissances se révèlent actuellement dispersées et parfois incomplètes, du fait notamment de méthodologies hétérogènes ne permettant pas toujours de disposer d’une vision d’ensemble. © 2017 Elsevier Masson SAS. Tous droits r´ eserv´ es.

KEYWORDS Accidentology; Mountain sports; Accidents; Risks

Summary Objectives. — This papers aims to provide a large overview of accidents related to sporting activities in the mountain areas. The situation review presented here in results from the collection and cross-referencing of existing data, mainly in France but also abroad, concerning sporting accidents in the mountains. It intends to improve our knowledge of the scope of the phenomenon, victim profiles and the explanatory factors and contexts that favor accident occurrence. Actuality. — The supposed importance of mountain sport accidentality, sometimes the subject of rather alarmist interpretations, must be analyzed meticulously, since the implications are many, both in terms of public health, prevention and the treatment of victims. Perspectives & projects. — This situation review aims to get as much as possible from the existing data, while identify any shady areas that may constitute improvement areas for accidentology. Conclusion. — In spite of numerous initiatives, or perhaps because of the fragmentation of sources, there appears to be room for improvement regarding the study of sporting accidents in the mountains; a multitude of data exists, providing interesting framing elements, but current knowledge remains dispersed and sometimes incomplete, due in particular to heterogeneous methodologies that do not always provide an overall vision. Prevention should be based on detailed knowledge of the frequency of accidents, their circumstances and risk factors, which represent the pillars of accidentology, in the sense of the scientific study of accidents. The prevention of risks related to mountain sports requires more detailed knowledge of the accident mechanisms. Such progress will enable us to make progress in terms of preventive measures, information and practices. © 2017 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

1. Introduction Une accidentalité1 et une létalité importantes constituent des traits caractéristiques des sports de montagne [1,2]. L’appréhension du phénomène est toutefois difficile, tant quantitativement que qualitativement, du fait de la fragmentation des sources d’information, de l’hétérogénéité des modes de recueil et de la faible diffusion des données sur les accidents [3,4]. Le Système national d’observation de la sécurité en montagne (SNOSM) est un observatoire interministériel qui a pour mission de produire des données sur les opérations de secours assurées en territoire de montagne. Selon l’InVS, il répond correctement à l’objectif de recensement de l’activité des services de secours, notamment grâce à une

1 Empruntée aux spécialistes de la sécurité routière, cette notion est un taux qui rapporte un nombre d’accidents à une variable qui peut être une population le nombre de pratiquants d’un sport, par exemple) ou un volume de pratique (en heures par exemple ; on parlera alors aussi d’exposition).

remontée d’information satisfaisante de la part des acteurs de terrain. Le système renseigne par contre peu le profil des personnes assistées (âge, sexe), tout comme les circonstances et la nature des sinistres [5,6]. Strictement basé sur les interventions de secours, il passe par ailleurs à côté d’une partie non négligeable des accidents n’occasionnant pas de prise en charge par des services spécialisés [7]. Pour être efficace, toute démarche de prévention doit s’appuyer sur une connaissance approfondie de la fréquence des accidents et de leurs circonstances [8,9]. Dans le but de dépasser les limites soulignées supra, nous avons entrepris un état des lieux, sur le territoire franc ¸ais, des accidents traumatiques liés aux pratiques sportives de montagne (hors domaines skiables alpins et nordiques). L’objectif est de faire état de cette accidentologie, entendue au sens de l’étude des accidents, du point de vue de leurs causes comme de leurs effets. Après avoir présenté la méthodologie et décrit les sources mobilisées, les résultats seront déclinés en quatre parties : • mortalité traumatique ; • accidentalité par activité ;

Pour citer cet article : Soulé B, et al. L’accidentologie des sports de montagne en France : un état des lieux basé sur l’exploitation de données secondaires. Sci sports (2017), http://dx.doi.org/10.1016/j.scispo.2017.04.008

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Accidentologie des sports de montagne en France • profil des victimes ; • circonstances accidentelles. Les trois activités les plus accidentogènes (randonnée pédestre, alpinisme et ski de randonnée) [1,2] feront l’objet de développement spécifique.

2. Méthodologie Afin de baser cette analyse secondaire sur un recueil de données le plus large possible, nous avons dans un premier temps sollicité l’ensemble des parties prenantes de la prévention des risques, de la formation, du secours et de la prise en charge médicale des victimes : Association nationale pour l’étude de la neige et des avalanches (ANENA), Centre national d’instruction au ski et à l’alpinisme de la gendarmerie (CNISAG), Centre national d’entraînement à l’alpinisme et au ski (CNEAS), Système national d’observation de la sécurité en montagne (SNOSM), Conseil supérieur des sports de montagne (CSSM), Groupe de montagne des sapeurspompiers (GMSP), centres hospitaliers, Institut de formation et de recherche en médecine de montagne (IFREMMONT), Association des médecins de montagne (AMM), Secours ¸aise de la montagne et de spéléologie, Fédération franc l’escalade (FFME), Fédération franc ¸aise des clubs alpins et de montagne (FFCAM), Fédération franc ¸aise de randonnée pédestre (FFRP), Fédération franc ¸aise de spéléologie (FFS), Union des centres de plein air (UCPA), Syndicat national des guides de montagne (SNGM), Union internationale des activités d’alpinisme (UIAA). Une représentativité fonctionnelle [10] a ainsi été atteinte. Des entretiens ont été réalisés auprès des acteurs sollicités (n = 46) afin de disposer d’éléments de connaissance précis relatifs à la genèse des différentes informations communiquées : • recensement des sources à disposition et des données de diverses natures générées sur les accidents par l’acteur/institution ; • origine et objectifs de cette démarche de production de données ; • explicitation de la méthodologie adoptée (processus constitutifs des informations produites, événements et/ou populations inclus ou exclus du périmètre) ; • autocritique sur le niveau de précision, d’exhaustivité et les éventuels biais ; • publicité, circulation et mise en commun de ces éléments avec d’autres parties prenantes ; • usages concrets faits de ces données (sur les plans préventif et pédagogique notamment) ; • recensement des autres sources d’information dont l’acteur a connaissance, avis sur ces autres sources (mode de production, intérêt, limites) ; • propositions et expression de besoins pour améliorer la connaissance des accidents. Ces entretiens ont permis d’affiner la sélection des sources d’information considérées comme les plus fiables et représentatives, du fait du nombre de cas traités, du degré d’exhaustivité du recueil et/ou du niveau de détail des informations. Au final, sur la vingtaine de sources identifiées,

3 seules huit sont ici mises à contribution. Pour un aperc ¸u de l’intégralité des sources auxquelles nous avons eu accès (périmètre couvert, méthodologie déployée, etc.), il est possible de consulter un rapport sur le site de la Fondation Petzl (www.petzl.com/fondation/projets/accidentologiesport-montagne?language=fr#.WA9r8jLpPw4). Le Tableau 1 fournit des précisions méthodologiques relatives au périmètre des événements et populations couverts par les huit bases de données retenues. Enfin, afin de valider notre bonne compréhension des informations transmises, les parties prenantes consultées ont ultérieurement participé à plusieurs tables rondes2 . Audelà du simple accès aux données brutes produites sur les accidents, nous avons ainsi été en mesure, au terme de ce processus, de procéder à une synthèse raisonnée, mais aussi au retraitement, au croisement et à l’interprétation des éléments qui nous ont été communiqués. Dans les développements ci-dessous, le recours à chaque source figurant dans le Tableau 1 est signalé par un renvoi entre crochets (par exemple, {1} pour l’étude PrevRisk Mont-Blanc réalisée par l’association La Chamoniarde).

3. Mortalité traumatique liée aux sports de montagne Plusieurs sources permettent de quantifier les décès, puis de se livrer à quelques interprétations statistiques.

3.1. Évocation en valeur brute En France, les services de l’état recensent avec une certaine précision les décès constatés suite au déclenchement des moyens de secours en zone de montagne. Pour l’année 2012, 172 décès et 33 disparitions (pour 3385 blessés) ont été déplorés par le SNOSM (pour rappel, les domaines des stations de ski ne sont pas inclus dans le périmètre de cette étude) (Tableau 2). Les conditions météorologiques et d’enneigement faisant varier ces bilans chaque année, il est nécessaire d’étendre la période considérée. Sur dix ans, le massif du Mont-Blanc (côté franc ¸ais) concentre à lui seul plus de 30 % des décès liés à la pratique d’un sport de montagne en France {1}, dont près de la moitié en alpinisme (26 morts par an en moyenne de 2003 à 2012). La mortalité en avalanche est à l’origine de moins de 20 % des décès. Depuis 30 ans, la moyenne annuelle est de 22 accidents mortels pour 32 décès {2}. Elle est stable, en dépit de l’accroissement du nombre de randonneurs à ski et de pratiquants de la glisse hors-piste, particulièrement exposés.

2

Séminaire « Accidentologie et prévention des risques liés à la pratique des sports de montagne », co-organisé avec la Coordination montagne et la Fondation Petzl, Toulouse, CREPS Midi Pyrénées, 3—14 février 2014.

Pour citer cet article : Soulé B, et al. L’accidentologie des sports de montagne en France : un état des lieux basé sur l’exploitation de données secondaires. Sci sports (2017), http://dx.doi.org/10.1016/j.scispo.2017.04.008

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B. Soulé et al. Tableau 1

Référencement et méthodologie des données secondaires exploitées.

Source

Périmètre et méthode

1

Étude PrevRisk Mont-Blanc (association La Chamoniarde)

2

ANENA : base de données des accidents d’avalanche ayant donné lieu à secours

3

SNOSM (Système national d’observation de la sécurité en montagne)

4

Base du Secours en montagne de la Direction générale de la gendarmerie nationale (DGGN) (2008—2012) Trauma system du réseau Nord Alpin des urgences (TRENAU)

Analyse secondaire des interventions du Peloton de gendarmerie de haute montagne (PGHM) sur le massif du Mont-blanc (côté franc ¸ais) de 2003 à 2012 (soit plus de 11 000 victimes). Étude restreinte aux pratiques sportives de montagne hors domaine skiable (ces données ne couvrent que les 4 mois d’été—juin à septembre) Base de données intégrant l’ensemble des accidents mortels s’étant produits en France depuis 40 ans (20 par an en moyenne faisant 30 victimes), ainsi que 40 à 80 incidents et/ou accidents non mortels par année http://www.anena.org/5041-bilan-des-accidents.htm Agrégation à l’échelon national des interventions en zone montagne assurées par les différents services de secours spécialisés. Ces derniers communiquent leurs bilans aux préfectures des départements de montagne, qui transmettent à leur tour au SNOSM. Ce n’est cependant que depuis 2012 que l’ensemble des départements fait effectivement et systématiquement remonter ces statistiques Recensement de l’ensemble des interventions de secours réalisées en zone de montagne par les secouristes appartenant aux PGM et PGHM sur le territoire franc ¸ais (30 830 victimes secourues sur les 5 années retenues, soit 6166 par an en moyenne) Recensement depuis 2011 d’environ 300 traumas graves annuels (Injury Severity Score > 15), suite à des accidents sportifs en montagne (domaines skiables des stations inclus, représentant 70 % de ces cas), pris en charge dans l’un des 15 centres des alpes du Nord (Isère, Savoie, Haute-Savoie) faisant partie de ce réseau hospitalier. Données disponibles sur la mortalité intrahospitalière, mais pas sur les circonstances accidentelles Travail réalisé par Pierre Pelcener (CNEAS) sur les circonstances des 159 décès (moyenne de 26,5/an) survenus lors de la pratique de sports de montagne dans le département de l’Isère entre 2001 et 2006 (Sources : télégrammes d’intervention des CRS ; analyse des PV du PGHM de l’Isère ; mains courantes ; rapports de procédures) Quatre cent trente et un sinistres déclarés à l’assureur de la fédération sur la période 2010—2012. Brève explication des circonstances accidentelles, avec un niveau de détail très variable selon les cas. Pour les accidents particuliers (en termes de conséquences ou de facteurs contributifs), les déclarations sont parfois assorties d’un commentaire d’expert Réunions annuelles permettant des restitutions collectives d’incidents/accidents s’étant produits dans le cadre professionnel. Parallèlement, étude détaillée, en comité plus restreint, de 8 à 10 accidents par an (mortels, et/ou avec des impacts judiciaires conséquents en suspens) afin de remonter à la source de ces événements (approche clinique pour identifier des facteurs récurrents de risque à aborder en formation ou recyclage)

5

6

Circonstances des décès en montagne en Isère (2001—2006)

7

Déclarations d’accidents des licenciés de la Fédération franc ¸aise de la montagne et de l’escalade

8

Procédures de retour d’expérience du Syndicat national des guides de montagne

3.2. Fréquence de la mortalité par activité Pour chaque activité, les informations recueillies {3—4} permettent d’établir le pourcentage de décès parmi l’ensemble des accidentés (c’est-à-dire le cumul des décédés et blessés) enregistrés par les services de secours (Tableau 3). Ce Tableau 3 signifie que pour 100 pratiquants impactés en BASEjump (exclusion des éventuels malades, disparus et indemnes) donnant lieu à intervention des secours, 47 décès sont constatés. Un résultat cohérent avec les travaux désignant la létalité comme un trait caractéristique de cette activité [11]. Pour chaque activité, de telles données fournissent une première appréciation de la gravité des impacts corporels générés.

3.3. Conclusion intermédiaire : limites des données sur la mortalité traumatique Le nombre d’adeptes de chaque activité, leur fréquence et durée de pratique n’étant pas connus avec précision, il n’est pas possible d’estimer le taux de décès (rapporté à un volume d’activité). Par ailleurs, les données sont généralement restreintes à la mortalité primaire. Or, si celle-ci est largement majoritaire, la mortalité intrahospitalière (décès des suites de blessures critiques) est loin d’être négligeable : elle intervient dans 6 à 11 % des cas d’accidents très graves (Injury Severity Score supérieur à 15) pris en charge médicalement {5}. À ce jour, hors sports d’hiver, on ne dispose cependant pas de suffisamment de données pour détailler et

Pour citer cet article : Soulé B, et al. L’accidentologie des sports de montagne en France : un état des lieux basé sur l’exploitation de données secondaires. Sci sports (2017), http://dx.doi.org/10.1016/j.scispo.2017.04.008

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Accidentologie des sports de montagne en France Tableau 2 Bilan 2012 des interventions de secours en France. Extraction décès et disparus (hors domaines des stations). (Source : Système national d’observation de la sécurité en montagne). Activités

Nombre de décès traumatiques

Randonnée à pied 38 Alpinisme 35 Randonnée à ski 11 Parapente/delta 10 Randonnée raquettes 5 Escalade/falaise 5 VTT 1 Canyonisme 1 Spéléologie 2 Via ferrata 2 Cascade de glace 1 Autres activités sportives 16 Totaux 127

Nombre de décès non traumatiques

Nombre de disparus

29 4 2 0 2 0 4 3 0 0 0 1 45

15 8 0 1 0 1 0 0 0 0 0 8 33

Tableau 3 Proportion décès/accidentés (hors disparus & indemnes) pour chaque activité. (Source : Base du secours en montagne—BSM 2008—2012). Type d’activité

Taux de décès sur la population (décédés + blessés) (%)

Base jump ULM Sports d’eaux vives Spéléologie Chasse-peche-champignons Alpinisme sur terrain neige Randonnée pédestre hors sentier Cascade de glace Raquettes Alpinisme sur terrain mixte Deltaplane Alpinisme sur terrain rocher Via ferrata Alpinisme sur terrain neige/glace Randonnée à ski Escalade en falaisea Parapente Canyonisme Randonnée pédestre sur sentier Escalade en site écoleb

47 38 35 33 23 20 15 15 13 13 12 10 10 10 8 8 8 6 4 2

a À titre indicatif, environ 10 % des impactés en escalade secourus dans le comté de boulder (Colorado, États-Unis) décèdent (10). b Un site de type « école » est une paroi d’escalade offrant des ascensions très bien aménagées et offrant un équipement normalisé.

5 différencier la mortalité secondaire en fonction de l’activité à l’origine de l’accident [12].

4. Éléments d’accidentalité sportive en montagne Après cette focalisation sur les décès, le propos est élargi à la quantification de l’ensemble des accidents sportifs survenant en montagne.

4.1. Évocation en valeur brute La quantification des accidents s’appuie essentiellement sur le recensement des opérations de secours. En 2012, 5389 interventions ont été enregistrées suite à un accident en montagne (hors sports d’hiver), pour un total de 6362 victimes (en moyenne, chaque intervention de secours concerne 1,2 personne) {3} (Tableau 4). Ces informations minimisent la réalité accidentelle, car des accidents échappent à ce décompte. Pour preuve, 56 % des patients qui consultent les services d’urgences des hôpitaux du Pays du Mont-Blanc, suite à un accident sportif survenu en montagne, s’y rendent par leurs propres moyens ; 25 % y sont acheminés en ambulance hors SMUR [13]. Trente-six pour cent des personnes assistées par les services de secours sont par ailleurs indemnes{3}. Le fait qu’il y ait intervention de secours n’implique donc pas que des décès et/ou blessures soient constatés. Les secouristes font état d’opérations de plus en plus fréquentes pour venir en aide à ce qu’ils appellent des « bloqués techniques ». En France, aucune source ne permet à ce jour le dépassement de la première limite évoquée ci-dessus. En conséquence, il est impossible de savoir exhaustivement combien d’accidents se produisent effectivement lors de la pratique d’activités sportives en montagne.

4.2. Spécificités de chaque activité Avec plus de 30 000 personnes secourues de 2008 à 2012, les données de la DGGN {4} permettent de croiser les activités renseignées et l’état des victimes (décès traumatique, décès non traumatique, blessé, malade, indemne ou disparu). Plusieurs ratios instructifs peuvent être calculés (Tableau 5). En moyenne, sur 100 personnes secourues par les gendarmes en VTT, 92 sont blessées (niveau de gravité non renseigné), 5 sont indemnes (perdues, bloquées, victimes de casse matérielle), 1 malade et 1 décédée. Un faible ratio blessés/secourus peut s’expliquer par une proportion élevée d’indemnes (cas de la via ferrata, de la randonnée pédestre hors-sentier ou de l’alpinisme sur rocher) et/ou de décédés (cas de la spéléologie, voire de l’alpinisme sur neige/glace). Pour échapper à l’influence trompeuse des chiffres bruts, on peut analyser l’intensité de la liaison entre les différents états des victimes et chaque activité (raisonnement en valeur relative). Cette intensité — le pourcentage de l’écart maximal (PEM) — va de −100 % (nette sous-représentation de l’état de la personne secourue pour l’activité) à +100 % (nette surreprésentation) (Fig. 1). Interprétation : l’état typique d’un vététiste secouru est blessé ; en randonnée pédestre, décédé non traumatique

Pour citer cet article : Soulé B, et al. L’accidentologie des sports de montagne en France : un état des lieux basé sur l’exploitation de données secondaires. Sci sports (2017), http://dx.doi.org/10.1016/j.scispo.2017.04.008

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B. Soulé et al. Tableau 4

Nombre d’interventions de secours en montagne pour 2012. (Source : SNOSM).

Activités

Interventions héliportées

Interventions terrestres

Total

Dont recherche

Randonnée à pied VTT Alpinisme Parapente/deltaplane Randonnée à ski Canyonisme Randonnée raquettes Escalade en falaise Via ferrata Cascade de glace Spéléologie Autres activités sportives Totaux

1842 251 478 202 206 125 87 87 40 19 1 848 4186

413 377 39 107 24 31 33 20 23 7 4 125 1203

2 255 628 517 309 230 156 120 107 63 26 5 973 5 389

15 0 8 1 0 0 0 1 0 0 0 8 33

Tableau 5

Ratios entre les états constatés par les secouristes. (Source : BSM 2008—2012).

Activités

Ratio indemne/secouru (%)

Ratio malade/secouru (%)

Ratio blessé/secouru (%)

Ratio décédé/secouru (%)

VTT Escalade école Parapente Deltaplane Canyonisme Rando sur sentier Cascade de glace Base jump Alpinisme neige Escalade falaise Alpinisme neige/glace Alpinisme rocher Alpinisme mixte Raquettes Rando hors sentier Via ferrata Spéléologie

5 7 36 35 38 27 42 24 35 57 41 66 60 56 68 70 49

1 0 0 0 1 14 0 0 14 1 15 2 5 9 3 4 15

92a 91 58 58 57 56 50 40 38 38 37 29 29 29 24 22 19

1 2 5 8 4 3 9 36 13 3 6 4 5 6 5 3 17

a

Le taux de blessés en VTT est même évalué à 96 % par le SDIS 74 {5}.

et malade dominent légèrement, là où l’état indemne ressort plus nettement en spéléologie ou en via ferrata. À l’opposé de ces surreprésentations (valeurs positives), on remarque aussi d’importantes sous-représentations (valeurs négatives) : l’état décédé traumatique est légèrement sous-représenté chez les randonneurs secourus, largement sous-représenté chez les adeptes du canyonisme, et très largement sous-représenté chez les vététistes.

des montagnes franc ¸aises ne le permettent pas, car les activités considérées se déroulent pour l’essentiel hors cadre fédéral et dans des lieux dont l’accès n’est soumis à aucune forme de régulation. À défaut, la réalisation (voire le croisement) d’études de type victimation sur des populations ciblées (dans une institution, sur un territoire délimité. . .) permettrait de disposer de repères partiels instructifs.

4.3. Conclusion intermédiaire : les perspectives de progrès en termes d’accidentalité

5. Profils sociodémographique et sportif des victimes d’accidents

Pour faire progresser le versant quantitatif de l’accidentologie des sports de montagne, il faudrait pouvoir rapporter un nombre fiabilisé d’accidents (numérateur) à une population mère et/ou à un volume de pratique (dénominateur). Les informations disponibles à l’échelle

Certaines activités techniquement accessibles et massivement pratiquées (randonnée pédestre, VTT) génèrent de nombreux accidents, mais un taux de mortalité traumatique relativement peu élevé. D’autres, plus confidentielles, techniquement exigeantes (alpinisme) et/ou en relatif essor (ski

Pour citer cet article : Soulé B, et al. L’accidentologie des sports de montagne en France : un état des lieux basé sur l’exploitation de données secondaires. Sci sports (2017), http://dx.doi.org/10.1016/j.scispo.2017.04.008

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Figure 1 Intensité des liaisons entre états constatés par les secouristes et activités. Plus la case est rouge, plus l’état de la victime secourue est caractéristique de l’activité pratiquée. Plus la case est bleue, moins l’état de la victime secourue est caractéristique de l’activité pratiquée. Source : SNOSM 2012.

de randonnée), sont à l’origine d’accidents graves et/ou mortels impliquant le plus souvent des pratiquants expérimentés. La surexposition masculine est à noter. Parmi les victimes secourues sur le massif du Mont-Blanc, les hommes sont non seulement surreprésentés (74 %), mais aussi surexposés au risque de décès (81 % des décédés) {1}. Outre le fait que cette surreprésentation masculine constitue une caractéristique forte de la population mère (en alpinisme, cascade de glace, etc.), cela laisse aussi à penser que les modalités de pratique masculines sont plus engagées.

5.1. Profil des accidentés en randonnée pédestre L’âge élevé des victimes d’accidents en randonnée pédestre [2—13] reflète la démographie de cette activité et le vieillissement de ses adeptes. Les hommes sont les plus touchés. Ainsi, en Isère, les randonneurs de 40 à 60 ans sont particulièrement exposés au risque mortel {6}. À l’échelle du massif du Mont-Blanc, les randonneurs hommes les plus âgés sont également ceux qui ont le plus d’accidents mortels ; inversement, en dessous de 47 ans, ils sont moins concernés {1}. Le constat diffère chez les femmes : pratiquant presque autant que les hommes, elles décèdent largement moins que ces derniers (3,5 décès masculins pour 1 féminin). Par ailleurs, le pic de vulnérabilité des femmes se situe plus jeune, entre 48 et 57 ans, et dans une moindre mesure de 38 à 47 ans {1}. Sensibilisés aux risques liés à l’environnement montagnard, relativement expérimentés et souvent adeptes de parcours techniques [14], les licenciés de la FFME

accidentés en randonnée pédestre ont plus de 40 ans dans 78 % des cas (37 % ont plus de 60 ans) {7}. Les blessures se produisent majoritairement sans encadrement par un club (56 %), mais ce dernier ne garantit pas l’absence d’accident.

5.2. Profil des accidentés en alpinisme Les accidents mortels d’alpinisme touchent un public plus jeune qu’en randonnée. Les victimes masculines sont largement plus nombreuses que les femmes. Chez les hommes, les 28—37 ans, et a fortiori les 48—57 ans sont particulièrement exposés aux décès accidentels. Chez les femmes, la tranche des 28—37 ans est la plus impactée {1}. Au sein de la FFME, les déclarations d’accidents en alpinisme concernent les 18—40 ans à hauteur de 71 %, et les 41—60 ans pour 22 %. Les pratiquants de niveau confirmé sont les plus concernés (60 %), devant les experts (22 %) et les débutants (18 %) {7}. Les décès déclarés touchent essentiellement les personnes expérimentées. Enfin, les accidents en alpinisme sur le massif du MontBlanc présente une particularité : ils concernent à plus de 50 % des étrangers {1}, contre 38 % sur le territoire franc ¸ais dans son ensemble {4}.

5.3. Profil des accidentés en ski de randonnée Les personnes expérimentées sont particulièrement exposées aux accidents mortels en ski de randonnée, notamment suite à ensevelissement {7}. Pourtant, la plupart des accidentés en avalanche disposaient de connaissances nivologiques les rendant capables de réaliser des tests d’aide à la décision {2}. Ce constat pose la question de

Pour citer cet article : Soulé B, et al. L’accidentologie des sports de montagne en France : un état des lieux basé sur l’exploitation de données secondaires. Sci sports (2017), http://dx.doi.org/10.1016/j.scispo.2017.04.008

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B. Soulé et al. Tableau 6 Lieu de résidence principale des randonneurs à ski décédés suite à ensevelissement (résidents en France uniquementa ). (Source : ANENA — Association nationale pour l’étude de la neige et des avalanches). Lieu de résidence principale des randonneurs à ski décédés suite à ensevelissement (depuis 30 ans) Région

Pourcentage (%)

Département

Pourcentage (%)

Rhône Alpes PACA Midi Pyrénées Languedoc Roussillon Région parisienne Aquitaine

56,5 17,7 5,5 4,3 4,3 3,7

Savoie Isère Hautes-Alpes Haute-Savoie Rhône Alpes-maritimes Haute-Garonne Hérault Pyrénées-Atlantiques Paris Alpes-de-Haute-Provence Doubs Tarn-et-Garonne Hauts-de-Seine

21,9 18,3 12,2 12,2 4,3 3,7 3,1 3,1 3,1 3,1 1,2 1,2 1,2 1,2

a

Pour mieux circonscrire l’origine géographique des décédés résidant sur le territoire franc ¸ais, les 18,8 % de décédés en avalanche résidant à l’étranger ont été retranchés du décompte.

l’attitude du pratiquant face à risque identifié (changement d’itinéraire, renoncement, etc.). L’origine géographique des randonneurs à ski ensevelis a également son importance (Tableau 6). La surreprésentation des résidents en départements de montagne est nette parmi les décédés en avalanche lors de la pratique du ski de randonnée.

5.4. Profil des victimes d’ensevelissement en avalanche Sans se limiter aux seuls randonneurs à ski, le profil des accidentés en avalanche peut être précisé. L’ANENA dispose à ce propos d’une base de données dont nous avons exploité la période 2000—2010 (419 victimes pour 289 décès) {2}. Les hommes sont largement surreprésentés (plus de 86 % des ensevelis). L’âge moyen des personnes ensevelies augmente de manière continue : 35 ans dans les années 1980, 37 ans dans les années 1990, puis 40 ans dans les années 2000 {2}. La proportion de skieurs de randonnée (pratique par ailleurs en augmentation) est en baisse parmi les personnes décédant en avalanche : 50 % sur la période 1972—1994 ; 42 % sur la période 1972—2012. Le ski et le snowboard hors-piste ont pris le relais (33 % des décès sur la période 1972—1994, contre 41 % sur la période 1972—2012) {2}. Les alpinistes ne représentent que 10 % des décès recensés en avalanche. Sur la décennie 2000, la répartition est la suivante (Fig. 2). En termes d’équipement, la situation évolue : 50 % des randonneurs à ski ensevelis disposaient du triptyque DVA/pelle/sonde en 2000, contre 60 % en 2005 et 80 % en 2010. En ski et snowboard hors-piste, l’évolution est moins nette : on est passé de 30 % à 44 % de taux d’équipement {2}. Disposer de cet équipement ne constitue en rien une assurance-vie : nombreuses sont les personnes décédées en avalanche qui étaient relativement bien équipées (Fig. 3). La hausse d’équipement a sans doute pour effet d’augmenter la proportion des secours réalisés par les

Figure 2 Décès en avalanche selon la pratique (2000—2010). Source : base de données ANENA sur les victimes d’ensevelissement en France.

compagnons de la ou des personne(s) ensevelie(s) (passée de 25 % dans les années 1980 à 44 % dans les années 2000) {2}.

5.5. Conclusion intermédiaire : effets dominants de l’âge, du sexe et de l’expérience Les profils des populations mères (en termes d’âge, de sexe, de lieu de résidence. . .), pondérés par leur niveau d’exposition (fréquence de pratique, seuil d’engagement. . .) se répercutent sur les profils d’accidentés. Ainsi, le vieillissement de la population des randonneurs à pied ou l’ancrage local des randonneurs à ski, sont perceptibles lorsque l’on cherche à établir le profil des victimes d’accidents. On peut retenir de cette exploration des profils des victimes d’accidents sportifs en montagne un effet sexe très marqué, un effet d’âge important, mais aussi un effet lié à l’expérience (surreprésentation des pratiquants confirmés ou experts) qui s’avère contre-intuitif. Les mécanismes accidentels en cause restent à comprendre.

Pour citer cet article : Soulé B, et al. L’accidentologie des sports de montagne en France : un état des lieux basé sur l’exploitation de données secondaires. Sci sports (2017), http://dx.doi.org/10.1016/j.scispo.2017.04.008

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Figure 3 Possession d’équipement des victimes décédées (années 2000). Source : base de données de l’ANENA sur les victimes d’ensevelissement en France.

6. Mécanismes et circonstances accidentels Dans de nombreux cas, les accidents se produisent sur des passages a priori peu exigeants sur le plan technique. Ce constat n’épargne ni les amateurs, ni les professionnels {8}. Afin de ne pas céder au simplisme, il convient de préciser que sur des secteurs décrits comme relativement faciles, certaines techniques d’assurage élaborées (en mouvement, par exemple) sont parfois nécessaires. Par ailleurs, un passage aisé dans de bonnes conditions météorologiques peut s’avérer problématique si celles-ci se dégradent. La chute (provoquée par une glissade ou un dévissage3 ) est à l’origine de 65 à 70 % des cas d’interventions de secours pour un motif traumatique {4}. Les dangers dits « objectifs » (ensevelissement en avalanche, chute en crevasse, cassure de corniche, chute de pierres, de glace. . .) se matérialisent moins fréquemment.

6.1. Événements type et facteurs contributifs des accidents en randonnée pédestre En randonnée pédestre, la plupart des accidents traumatiques se produisent à la descente, chez les débutants [15] comme les pratiquants expérimentés. La chute, souvent consécutive à une glissade, représente de loin la circonstance la plus fréquente des accidents mortels {1}. Elle se produit notamment sur sol humide, dans une moindre mesure sur des zones verglacées ou enneigées, ou suite à des trébuchages {7}. Certaines modalités de pratique sont particulièrement propices aux accidents : la randonnée hors-sentier, et, dans une moindre mesure, la randonnée en solitaire {6}. Cumuler ces deux modalités s’avère donc particulièrement dangereux.

6.2. Événements type et facteurs contributifs des accidents en alpinisme et escalade en terrain d’aventure Les accidents mortels sont en premier lieu causés par des chutes au sol (50 % des cas), suite à des dévissages et glissades {1—4}. Ils ont majoritairement lieu à la descente (61 %

3 Dans la terminologie des secouristes, la différence entre dévissage et glissade tient au fait que la personne est encordée (dévissage) ou non (glissade).

des cas). Les dangers habituellement qualifiés « d’objectifs » n’interviennent que dans une faible proportion des accidents mortels (3 % des causes de décès pour les chutes en crevasse, autant pour les chutes de sérac) {1—4}. Certains lieux surexposent toutefois aux chutes de pierre ou de sérac [16]. La traversée du couloir du Goûter, « point noir » bien connu de l’ascension du Mont-Blanc par sa voie normale, concentre 47 % des accidents se produisant entre le refuge de Tête rousse et le refuge du Goûter. Entre ces deux refuges, les dévissages (49 %) précèdent de très peu les chutes de pierre (30 %) comme cause principale et identifiée de l’accident. C’est la conséquence d’un nombre important de passages sur un itinéraire très prisé, qui, comme d’autres secteurs de haute montagne, est le lieu de chutes de pierre fréquentes. La majorité des accidents mortels en alpinisme se produit sur des terrains peu difficiles, souvent en l’absence d’assurage {6}. Des erreurs d’itinéraire sont aussi en cause, rendant les points d’ancrage difficiles à trouver, et plac ¸ant les pratiquants en présence de rochers moins fiables. Les circonstances des rares accidents mortels ayant touché des alpinistes licenciés à la FFME (entre 2009 et 2012) confirment cette tendance : perte d’équilibre d’un alpiniste non longé sur un relais, en bas de rappel ; faux pas d’un alpiniste dans un groupe non encordé sur un passage sans risque apparent.

6.3. Événements type et facteurs contributifs des accidents en ski de randonnée Sur l’ensemble des massifs franc ¸ais, 12 % des interventions de gendarmes (PGM et PGHM) auprès de randonneurs à ski font suite à une avalanche. Ce pourcentage passe à 55 % pour les accidents mortels. La glissade ou la chute représente un tiers des interventions (31 %), mais 15 % des secours suite à accident mortel {4}. Relativement rare, l’ensevelissement constitue donc de loin l’événement qui engendre le plus de décès{7}. Au total, 4 accidents sur 5 se produisent lors de la descente. Les chutes sont à l’origine de la majorité de ces accidents (58 %), notamment quand des conditions de neige particulières rendent la descente techniquement difficile. Des problèmes de fixation (non-déclenchement suite à une chute ou déclenchement intempestif) sont assez fréquemment mentionnés (16 % des cas). Les rares accidents se produisant à la montée (13 %) sont essentiellement liés à des dévissages et glissades sur secteur pentu {7}.

Pour citer cet article : Soulé B, et al. L’accidentologie des sports de montagne en France : un état des lieux basé sur l’exploitation de données secondaires. Sci sports (2017), http://dx.doi.org/10.1016/j.scispo.2017.04.008

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Figure 4 Répartition des victimes ensevelies selon leur état et leur équipement de sécurité. Source : ANENA.

Une différence notable existe entre activités quant à l’issue, fatale ou non, de l’avalanche : en ski de randonnée, on compte 42 % de personnes vivantes parmi les victimes d’accidents d’avalanche, contre 46 % en ski alpin et seulement 35 % en snowboard. Enfin, la possession d’un DVA influe positivement les chances de survie {2} (Fig. 4). La proportion de décès parmi l’ensemble des victimes ensevelies a tendance à baisser (de 77 % dans les années 1980 à 60 % dans les années 2000), alors que les blessées sont passés de 9 % à 29 % sur la même période {2}.

7. Conclusion intermédiaire : de nécessaires approfondissements qualitatifs Au sein des bases de données consultées, les circonstances accidentelles ne sont pas systématiquement renseignées, ce qui rend difficile l’identification des contextes et mécanismes accidentels. La tendance est de surcroît à l’évocation d’un facteur explicatif unique, alors que des circonstances entremêlées se trouvent fréquemment à l’origine des accidents. Enfin, une certaine porosité des catégories doit être soulignée : l’événement non souhaité et les circonstances ayant contribué à son occurrence sont peu différenciés.

8. Discussion et perspectives Bien que l’état des lieux présenté soit national, un contrepoint provenant d’autres pays majeurs de la pratique des sports de montagne permet de disposer d’éléments de comparaison. La nette surexposition masculine aux accidents et à la létalité se vérifie en Autriche (où plus de 80 % des décédés sont des hommes, alors qu’ils ne représentent que 65 % des blessés) (Alpine Sicherheit) et au Canada (où 88 % des décédés en avalanche sont des hommes) (Canadian Avalanche Center). La vulnérabilité particulière des pratiquants de bon niveau technique, disposant d’un vécu important en montagne, est également constatée en Autriche et aux États-Unis : le portrait-type du grimpeur accidenté dans le Yosemite National Park renvoie à

B. Soulé et al. une personne experte, pratiquant assidûment les activités ascensionnistes (un homme dans 88 % des cas) [17]. En termes de facteurs de risque et de circonstances accidentelles, les données nord-américaines et suisses confirment le poids peu important des dangers dits objectifs (chutes de pierres et de blocs de glace, par exemple) et la forte prévalence des chutes dans les accidents constatés (American Alpine Club ; Club Alpin Suisse). La dangerosité de la descente, en randonnée pédestre ou suite à une course d’alpinisme, est confirmée en Autriche (63 % des sinistres recensés, contre 27 % à la montée) (Alpine Sicherheit). En alpinisme et lors d’escalades en terrain d’aventure, dans un nombre important de cas, les accidents se déroulent sur des passages considérés comme faciles au regard du niveau des victimes. Le dépassement des capacités techniques [17] et l’exposition excessive (American Alpine Club) n’interviennent que dans un nombre limité de cas. Beaucoup d’accidents se produisent quand les pratiquants en ont terminé avec la partie techniquement difficile de leur ascension, sur des secteurs sans grand danger apparent. L’hétérogénéité des sources mobilisées, combinée à la complexité des phénomènes observés, incite à la prudence à propos des interprétations formulées. Rappelons également que les faits portés à la connaissance des analystes ne reflètent qu’une faible proportion des accidents se produisant. Là encore, le constat n’est pas propre à la France : entre 1984 et 1987, sur 220 patients traités au centre médical du Yosemite National Park, 27 % seulement avaient été secourus par les sauveteurs (les autres s’y étant rendus par leurs propres moyens) [17]. Pour conclure, une perspective d’amélioration de l’accidentologie est proposée. Compte tenu d’importantes disparités en termes de nombre de pratiquants, les observations relatées dans cet article ne permettent pas de tirer des conclusions sur les risques respectifs de chaque activité [2]. L’accidentalité ou exposition permet de souligner le caractère plus ou moins accidentogène d’une activité, d’un site ou d’une période, dépassant les interprétations imparfaites basées sur des données exprimées en valeur brute. Lorsque l’ascension d’un sommet est soumise à autorisation, achat de permis ou enregistrement préalable, il est possible de connaître avec une certaine précision le nombre et la composition des expéditions. Dès lors, on est en mesure de cerner l’exposition des candidats à l’Everest ou à l’Annapurna I [18], à l’Aconcagua [19], ou encore à certains sommets nord-américains [20,21]. Malheureusement, cette démarche n’est pas transposable, pour l’heure, aux massifs européens qui sont des espaces libres d’accès. Une exploitation affinée des données fédérales permettrait d’améliorer sensiblement la connaissance des populations mères de pratiquants, rendant in fine possible des estimations de l’exposition au risque d’accident, activité par activité, en lien direct avec les bases de déclarations d’accidents. Des priorités pourraient de la sorte émerger en matière de prévention.

Déclaration de liens d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.

Pour citer cet article : Soulé B, et al. L’accidentologie des sports de montagne en France : un état des lieux basé sur l’exploitation de données secondaires. Sci sports (2017), http://dx.doi.org/10.1016/j.scispo.2017.04.008

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Remerciements Cette recherche a bénéficié du soutien de la Fondation Petzl.

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Pour citer cet article : Soulé B, et al. L’accidentologie des sports de montagne en France : un état des lieux basé sur l’exploitation de données secondaires. Sci sports (2017), http://dx.doi.org/10.1016/j.scispo.2017.04.008