Le procès disciplinaire ordinal

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CHRONIQUES Le procès disciplinaire ordinal Gilles DEVERS Avocat au Barreau de Lyon Résumé Les dernières années ont été celles du renouveau des ordre...

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CHRONIQUES

Le procès disciplinaire ordinal Gilles DEVERS Avocat au Barreau de Lyon

Résumé Les dernières années ont été celles du renouveau des ordres professionnels. Ces corps intermédiaires ont à nouveau le vent en poupe. Après les professions de masseur-kinésithérapeute et de pédicure-podologue, c’est la profession infirmière qui est concernée. Parmi les missions ordinales, rendre la justice disciplinaire est la plus marquante. Le procès disciplinaire ordinal répond à un régime commun aux instances professionnelles, avec un rôle-clé tenu par les règles jurisprudentielles.

Le 13 juin 2006, l’Assemblée nationale a adopté en première lecture la proposition de loi créant un Ordre des infirmiers. Une étape si longtemps attendue que le vote a presque surpris. Le Sénat vient de se prononcer. Il restera et au gouvernement, ensuite, à publier les décrets d’application. Un long chemin, qui rencontre ici l’enthousiasme, là les plus vives résistances, souvent l’indifférence. Auparavant il n’y avait que le débat. Désormais, le processus législatif est en cours, mais le débat se poursuit. L’Ordre en passe d’être voté puise dans le droit commun ordinal, dont l’ordre des médecins est la figure de proue. C’est dire que non encore né, l’Ordre infirmer bénéficie déjà d’un environnement jurisprudentiel, issu de la pratique des ordres depuis soixante ans. À l’évidence, s’il y a matière à innover et à s’affirmer, il ne s’agit pas d’écrire une page blanche. La jurisprudence rendue à propos des autres instances professionnelles balise le domaine de toute institution ordinale nouvelle, déjà créée comme pour les masseurs-kinésithérapeutes ou les pédicures-podologues, où à venir, pour les infirmiers. La compétence emblématique, et la plus délicate aussi, est l’exercice du droit disciplinaire : juger les collègues, au nom de la discipline. Mission ô combien sensible, car il n’existe pas de grande ou de petite justice, mais seulement la justice. Les enjeux, à la vérité, sont décisifs, le contentieux disciplinaire ayant pour objet direct le prononcé de sanctions remettant en cause la capacité à exercer la profession, et pour objet indirect, l’affirmation de la déontologie, par le biais jurisprudentiel. Septembre 2006, vol. 6, n° 3

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CHRONIQUES Il est aussi très intéressant de tracer le cadre de cette mission légale, à travers une étude du droit disciplinaire ordinal, centrée sur la pratique du contentieux et la connaissance de la jurisprudence.

I – L’exclusion du principe de légalité L’exclusion du principe de légalité résulte de l’analyse fondamentale de l’instance disciplinaire (A), mais elle apparaît aussi dans les textes (B).

A – Une approche globale Cette approche globale, conséquence de la saisine in hominem (1) a conduit à placer l’approche disciplinaire sous l’autorité des principes qui fondent la déontologie (2).

1 – La conséquence de la saisine in hominem Selon un principe constant, la légalité des délits ne trouve pas application en droit disciplinaire. La règle fondamentale du droit pénal1 est écartée dans ce contentieux disciplinaire, qui est pourtant répressif. L’article 41 du décret du 28 décembre 1977, relatif à la procédure disciplinaire au sein de l’Ordre des architectes retient à cet égard une formule très explicite, transposable à l’ensemble du contentieux disciplinaire : « Toute violation des lois, règlements ou règles professionnelles, toute négligence grave, tout fait contraire à la probité ou à l’honneur commis par un architecte peut faire l’objet de sanctions disciplinaires ». L’article 2 du code de déontologie médicale qui vise les notions de « respect de la vie humaine, de la personne et de sa dignité » s’inscrit dans la même approche. La règle trouve son fondement dans la nature du contentieux disciplinaire : la plainte, même si elle vise des faits précis, ne lie pas le juge disciplinaire. Celuici n’est pas saisi in rem, c’est-à-dire par rapport à des faits qu’il doit qualifier, mais in hominem, c’est-à-dire par rapport à un homme qu’il doit juger. A partir de cet acte initial, il doit apprécier, dans le cadre du contradictoire, l’ensemble du comportement tel qu’il résulte de la procédure. C’est un principe général : le droit disciplinaire ne connaît pas le principe de légalité des incriminations. Le code de déontologie, quand il existe, inclut des notions extrêmement larges, telles que l’honneur ou la probité. Dès lors, le juge peut donner aux faits une définition autre que celle proposée par le plaignant. Le commissaire du gouvernement Dondoux sur l’arrêt 1. Beccaria reste la référence : Rappelant que « tout châtiment qui ne découle pas d’une nécessité absolue est tyrannique » Beccaria en tire la conséquence « Les lois seules peuvent déterminer les délits et les peines et ce pouvoir ne peut exister qu’en la personne du législateur, qui représente toute la société unie par un contrat social. Des délits et des peines », Flammarion, 1992.

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Lebard, rendu par le Conseil d’État le 6 février 1981 précise explicitement : « Non seulement le juge disciplinaire est saisi de l’ensemble du comportement du praticien poursuivi mais encore il est tenu d’épuiser le litige ». C’est cette approche globale, qui vise à statuer sur une personne et non sur des faits, qui conduisent à exclure du principe de légalité. L’absence de définition légale des infractions disciplinaires signifie que le juge peut sanctionner tous les comportements qu’il estime contraires à la déontologie. Il doit motiver sa décision pour préciser en quoi le comportement mérite sanction, mais la référence au code de déontologie, contrairement à ce qui reste une idée reçue, n’est pas une obligation. Le juge a plénitude de juridiction.

2 – L’autorité des principes qui fondent la déontologie Cette donnée a trouvé un aboutissement retentissant avec l’affaire Milhaud, jugée par le Conseil d’État en assemblée le 2 juillet 1993. Cette affaire, largement connue, concernait des expérimentations pratiquées sur un sujet en état de mort cérébrale.2 Les références juridiques sont certaines mais en érigeant en règles supérieures les « principes déontologiques fondamentaux relatifs au respect de la personne humaine », le Conseil d’État fixe comme mission supérieure au juge disciplinaire de veiller au respect des valeurs fondamentales. Dans ses conclusions, le commissaire du gouvernement, D. Kessler, avait été explicite, rappelant que les principes déontologiques que l’Ordre a pour mission d’appliquer, ne sont pas limités aux seules prescriptions du code de déontologie : « Il vous revient de rappeler qu’en matière de déontologie professionnelle, il n’a jamais été de règle que tout ce qui n’est pas expressément interdit soit permis. Le médecin n’est pas tout-puissant. À vous, en fixant la juste proportion entre les nécessités de la science et le respect des hommes jusque dans leur corps lorsque ces hommes ne sont plus, de lui indiquer quelles sont ces limites. »

B – Un rôle créateur reconnu par les textes C’est au juge qu’il revient de définir les fautes disciplinaires et toute faute est susceptible d’être appréciée sur le plan disciplinaire. La meilleure formulation relevait de l’article R. 5015-26 du code de la santé publique, (aujourd’hui abrogé), relatif à l’Ordre des pharmaciens qui utilisait une formule explicite : « Les pharmaciens doivent s’interdire de solliciter la clientèle par des procédés et moyens contraires à la dignité de leur profession, même lorsque ces procédés et 2. CE, Assemblée, 2 juillet 1993, Richard, D. 1994, 74 note Peyrical, JCP 1993, II, 22133, note Gonod ; RTDSS. 1994, 52, Concl. Kessler. Septembre 2006, vol. 6, n° 3

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CHRONIQUES moyens ne sont pas expressément prohibés par la législation en vigueur. »3 Le principe est resté.

II – Les procédés du juge disciplinaire A – La notion jurisprudentielle de faute Non tenu par le principe de légalité, le juge est guidé par sa mission : dire la déontologie. Dans cette mesure, s’il est amené à définir les contours de la faute, il n’a pas à définir de degré dans les fautes, ni à qualifier les fautes. Les juridictions s’en tiennent à la notion de faute, qui ne peut être définie autrement que comme « tout fait de nature à justifier une sanction ». C’est une constante du droit disciplinaire que de reconnaître par principe toute faute, sans degré de gravité. Le particularisme en droit disciplinaire est que cette règle est un principe, mais le droit civil, le droit administratif ou le droit pénal connaissent cette faute légère, que l’on distingue à peine de l’erreur. La simple erreur matérielle n’est pas fautive, mais la légèreté, au degré le plus faible de l’imprudence, est suffisante pour caractériser la faute déontologique. La règle se retrouve fréquemment en matière de contentieux du contrôle technique. Pour retenir qu’il ne s’agit que d’une erreur, la section des assurances sociales estime le caractère isolé ou non des cotations inexactes.4 La section disciplinaire a reconnu la faute d’un praticien qui exerçait des responsabilités importantes dans une clinique depuis plusieurs années pour ne pas avoir pris les précautions nécessaires permettant d’éviter qu’une réunion qu’il organisait ne revête un caractère publicitaire, en l’occurrence pour ne pas avoir interdit l’entrée d’une équipe de télévision dans la salle d’opération.5 La bonne foi du praticien ne suffit pas à écarter le caractère fautif.6 Le fait fautif doit être analysé, en lui-même, indépendamment de ces conséquences. Il est toutefois certain que des conséquences graves, mettant en cause l’intégrité de la personne, pèseront sur l’analyse de la juridiction disciplinaire. À l’inverse, l’absence de conséquences néfastes est indifférent. En matière de responsabilité médicale, les médecins, concernés par les infractions de blessures involontaires et d’homicide involontaire, sont habitués à la prise en compte de la gravité des conséquences comme premier élément d’appréciation. Mais le droit pénal cherche à défendre des valeurs sociales et en l’occurrence l’intégrité physique de l’être humain. En matière disciplinaire, c’est la logique 3. La nouvelle rédaction, figurant à l’article R 5015-22, est plus sobre mais a la même signification : « Il est interdit aux pharmaciens de solliciter la clientèle par des procédés et moyens contraires à la dignité de la profession ». 4. SDAS, 6 juin 1985, Bull. CNOM, déc. 1986, p. 340. 5. SD, 25 sept. 1985, Bull. CNOM, déc. 1986, p. 325. 6. CE, 3 avril 1991, Bull. CNOM, déc. 1992, p. 216. Voir pour les affaires de publicité : SD, 21 mars 1995, Bull. CNOM, déc. 1994, p. 206 ; SD, 31 mars 1995, Bull. CNOM, déc. 1994, p. 207.

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interne qui l’emporte : l’attitude est sanctionnée pour elle-même et non pour ses conséquences.

B – La référence à la loi S’applique en matière disciplinaire, le principe de présomption de connaissance de la loi (1), et c’est la loi applicable au moment des faits qui est la référence (2).

1 – Présomption de connaissance de la loi Le principe « nul n’est censé ignorer la loi » s’applique en matière disciplinaire. Le médecin, comme tout citoyen, est juridiquement présumé avoir connaissance de la loi. On pourrait objecter le caractère succinct de l’apprentissage juridique dispensé au cours des études médicales et celui, embryonnaire, apporté par la formation continue. La règle de présomption de connaissance de la loi est pourtant certaine, et s’applique avec plus de vigueur pour des professionnels. La pratique relève pourtant d’évidentes difficultés. La difficulté est réelle pour le médecin de connaître exactement la règle déontologique : les principes fixés par la loi sont très partiels, le code est souvent évasif et la jurisprudence est mal connue. La meilleure référence est le code de déontologie commenté, diffusé par le conseil national, et la question d’un enseignement est nécessairement posée. En outre, pour connaître la règle déontologique, il faut s’intéresser à l’ensemble du droit. Et tout usager se heurte de surcroît au phénomène trop connu de l’inflation des lois. Le code pénal a pris acte de la fragilité de la présomption de la connaissance de loi en reconnaissant l’effet exonérateur de l’erreur de droit, lorsqu’elle est invincible.7 Ceci étant, la déontologie doit relever d’une réflexion et d’une curiosité personnelles. La mauvaise connaissance de la loi renvoie à une mauvaise appréciation des devoirs, et à une insuffisante réflexion, condamnable. La situation est différente lorsque le médecin se trouve confronté à une réglementation complexe diffuse et souvent changeante. L’illustration parfaite est celle du contentieux du conventionnement, avec les imbroglios nés de l’annulation des arrêtés approuvant les conventions, hypothèse que l’on rencontre de manière étonnamment fréquente.8 Ces principes reçoivent une application rigoureuse 7. Code pénal article 122-3 : « N’est pas pénalement responsable la personne qui justifie avoir cru, par une erreur de droit qu’elle n’était pas en mesure d’éviter, pouvoir légitimement accomplir l’acte. » 8. SD, 28 mai 1979, Bull. CNOM, 1981, p. 27. Le médecin peut alors être tenté de se référer à l’interprétation donnée par une organisation professionnelle ou syndicale. Ce souci d’information témoigne d’une forme d’attention, mais ne peut valoir cause exonératoire. CE, 30 juin 1993, Ausina, Rec. p. 188 ; SDAS, 7 fév. 1991, Bull. CNOM, déc. 1992, p. 196. Le fait que le praticien ait été induit en erreur par des indications données par une organisation professionnelle, n’est pas de nature à faire disparaître la faute, mais reste un élément d’appréciation de la sanction. Septembre 2006, vol. 6, n° 3

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CHRONIQUES dans le cadre du contentieux du contrôle technique, et la prétendue ignorance des textes est systématiquement écartée9.

2 – Application de la loi au moment des faits Le juge doit appliquer les textes en vigueur au moment des faits. La jurisprudence est certaine.10 La règle n’est écartée que si la loi a expressément effacé une infraction disciplinaire. Cette règle est peu satisfaisante dans un contentieux de nature répressive. Dans son principe, elle n’est pas injustifiée car on ne peut sanctionner au regard d’infractions non connues au moment de leur commission. Mais la règle mériterait de mieux prendre en compte l’absence de principe de légalité des incriminations, et la logique du droit disciplinaire devrait conduire dans un esprit de confraternité, à renoncer à poursuivre des fautes qui, au moment où la juridiction statue, ne sont plus considérées comme répréhensibles. Elle répond mal à la finalité de l’instance disciplinaire. En effet, dès qu’est apparu nécessaire de modifier la règle déontologique, il est sans grand intérêt d’apprécier l’attitude d’un professionnel par rapport à des règles jugées par ailleurs dépassées. Sans doute, la juridiction tiendra compte de cette situation mais la règle pourrait être légalement inversée, sans que soit mis en péril l’édifice déontologique.

III – Les textes de référence du juge disciplinaire Le juge n’est pas livré à lui-même dans la recherche des fautes : il fonde sa démarche sur les textes. Deux textes sont décisifs : les codes de déontologie (A) et la nomenclature (B).

A – Les codes de déontologie Ces codes, lorsqu’ils existent, ne sont des textes simples qu’en apparence. Ils ont l’avantage de se présenter comme des textes complets, brefs et lisibles. 9. Voir : SDAS, 4 mai 1983, Bull. CNOM avr. 1984, p. 34 (double facturation) ; SDAS, 4 mai 1983, Bull CNOM, avr. 1984 p. 27 (cotations inexactes) ; CE, 13 mai 1977, Bull. CNOM, déc. 1978, p. 561 ; SDAS, 4 mai 1986, Bull. CNOM, juin 1987, p. 35 (erreurs répétées) ; SDAS, 9 mars 1988, Bull. CNOM, juin 1989, p. 27. Dans ses décisions, la section des assurances sociales prend soin de relever la durée d’exercice du praticien1. De même, un praticien poursuivi ne peut invoquer valablement le fait que la pratique qui lui est reprochée serait d’un usage courant dans la profession. SDAS, 4 déc. 1991, Bull. CNOM 1992, p. 188 ; SD, 5 juil. 1994, Bull. CNOM, déc. 1995, p. 263. Poursuivi pour avoir facturé des actes non effectués, un chirurgien-dentiste avait prétendu justifier son comportement en évoquant des pratiques analogues censées être habituelles dans la profession, et les assurances qui lui aurait été données lors de son installation par un dentiste conseil de la Sécurité sociale. Cette argumentation est rejetée par la juridiction qui relève que le praticien « ne pouvait ignorer les règles de cotations applicables, ni se méprendre sur leur sens et leur portée. » SDAS, 24 nov. 1983, Bull. CNOM, avr. 1984, p. 29. 10. CE, 15 avril 1983, Bull. CNOM, avr. 1984, p. 55.

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Cependant, leur nature juridique est très inhabituelle11. Un droit répressif, comme l’est le droit disciplinaire, n’a pas à définir les devoirs, mais à énoncer des règles permettant de sanctionner les comportements antisociaux. Le caractère directif des codes de déontologie marque leur originalité. Ces textes se révèlent d’un maniement d’autant plus délicat qu’ils contiennent des formules très larges telle que la dignité du malade, la probité, la moralité, la conscience personnelle… Tous les codes permettent, en des termes, très extensifs, de sanctionner des faits extérieurs à la profession, dès lors qu’ils portent atteinte à la dignité ou à la moralité de la profession.12 Définir juridiquement un devoir est une gageure, et le maintien de dispositions aussi extensives témoigne de la volonté de laisser l’opportunité aux ordres de sanctionner les comportements qu’ils souhaitent.13 Il n’en reste pas moins que les codes ont l’autorité d’un décret, et sont d’application générale. Dès lors, ne prendre pour référence déontologique que le code d’une profession comme s’il s’agissait d’un texte exhaustif est une faute. C’est une analyse comparative des textes à vocation déontologique qui doit être effectuée.14 Savoir si les dispositions des codes de déontologie peuvent être directement appliquées par les autres juridictions, dès lors que leur contenu était de nature interne, est une interrogation aujourd’hui résolue. Les juridictions civiles et répressives visent les dispositions des codes de déontologie dès lors qu’elles sont suffisamment précises pour répondre aux critères de juridicité.

B – La nomenclature La nomenclature générale des actes médicaux est la référence en matière de contentieux du contrôle technique15. C’est l’acte général de codification des 11. Malgré une forte implication des professionnels dans conception de ces textes, ceux-ci ne sont pas de nature contractuelle : « Leur contenu s’impose à l’ensemble des membres et ont vocation à durer davantage que chacun d’eux ». J. Maugeon,, La répression administrative, LGDJ, 1967, p. 24. 12. Code de déontologie, art. 31. Voir : CE, 15 mai 1974, Carpentier, Rec. p. 284 (Distribution d’un tract) ; CE, 19 mars 1982, Ageron, Rec. p. 127 (Interview polémique) ; CE, 9 nov. 1979, Rec. T. p. 867 (vie privée) ; CE, 20 mars 1981, Bull. CNOM, avr. 1982 p. 60 (gestion d’une clinique) ; id : CE, 15 avril 1983, Bull. CNOM, avr. 1984, p. 55 ; CE, 4 juin 1993, Bull. CNOM, déc. 1994, p. 234 ; CE, 23 juil. 1983, Bull. CNOM, déc. 1994, p. 241 ; SD, 23 avr. 1986, Bull. CNOM, 1987, p. 5. Ce type de disposition existe dans toutes les professions. Notamment les magistrats, le 2 juillet 1994, par le Conseil Supérieur de la magistrature du principe selon lequel « il incombe à tout juge d’observer une réserve rigoureuse et d’éviter tout comportement de nature à entraîner le risque que son impartialité puisse être mise en doute ». CSM, 2 juil. 1992 et 20 juil. 1994, rapport officiel, Documentation française, 1996. 13. Voir l’article 2 du code : « Le médecin doit, en toutes circonstances, respecter les principes de moralité, de probité et de dévouement indispensable à l’exercice de la médecine ». 14. Un exemple parlant existe en matière de prescription médicale. Le code de déontologie médicale se contente de préciser que la prescription doit être précisée « avec toute la clarté indispensable » (art. 34). Or, ce sont les décrets n° 93-221 du 16 février 1993, définissant les règles professionnelles des infirmières, et n° 02-117 du 11 février 2002, relatif aux actes infirmiers, qui définissent précisément la prescription faisant référence à l’écrit, à la date, à la signature. 15. Voir cass, art L. 133-4. Septembre 2006, vol. 6, n° 3

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CHRONIQUES actes médicaux, qui constitue le lien entre exercice libéral et les institutions de Sécurité sociale. Paiement et remboursement interviennent au vu de cette tarification. Les dispositions de la nomenclature générale des actes professionnels sont des dispositions réglementaires qui s’appliquent à tous les médecins, qu’ils soient conventionnés ou non, dans leurs relations avec les assurés sociaux. Cette nomenclature a pour objet de permettre aux caisses, sans violer le secret médical, de procéder aux remboursements auxquels elles sont tenues.16 Ceci étant, les sections des assurances sociales sont compétentes pour toute faute commise par un praticien dès lors que sont en cause les soins dispensés aux assurés sociaux. Par ailleurs, le médecin qui n’entend pas se placer sous le régime de la convention ne se situe par pour autant dans un régime d’irresponsabilité à l’égard de la Sécurité sociale. En effet, tout médecin, conventionné ou non, doit respecter l’ensemble de la nomenclature dès lors que les soins sont dispensés à des assurés sociaux.17 Les juridictions veillent au strict respect de la nomenclature, même si celleci peut paraître inadaptée.18

IV – La concurrence avec l’action pénale Le principe d’indépendance de l’action disciplinaire (A) n’est remis en cause qu’exceptionnellement à travers les règles de l’autorité de la chose jugée au pénal (B)

A – L’indépendance 1 – Des poursuites concurrentes Le principe est général et classique : les poursuites disciplinaires sont indépendantes des poursuites pénales. Il n’y a aucune confusion juridique, tout au plus une confusion dans la perception sociale.19 La référence lointaine est la 16. La section des assurances sociales a rappelé ces principes en faisant le lien avec une annulation de la convention : « Les dispositions de la Nomenclature générale des actes professionnels sont au nombre des dispositions réglementaires qui s’appliquent obligatoirement aux médecins, qu’ils soient ou non conventionnés, dans leurs relations avec les assurés sociaux pour permettre aux caisses sans violer le secret médical de procéder aux remboursements auxquels elles sont tenues. Par suite la circonstance que l’arrêté interministériel du 27 mars 1990 approuvant la Convention nationale avec les médecins ait été annulée par le Conseil d’État est, en tout état de cause, sans influence sur l’opposabilité aux médecins de la Nomenclature, SDAS, 8 sept. 1994, Bull. CNOM, déc. 1995, p. 274. 17. CE Section, Syndicat des médecins du Bas-Rhin, 1er mars 1974, Rec. p. 157, Dr. Soc. 1975, p. 89, note F. Moderne, RTDSS 1976, p. 94, concl. Dondoux ; CE, Conseil national de l’Ordre des médecins, 13 juillet 1962, Rec. p. 479, RDP, 1962, p. 739, concl. G. Braibant ; SDAS, 18 mai 1977, Bull. CNOM, déc. 1978, p. 552. 18. SDAS, 3 nov. 1983, Bull. CNOM, déc. 1984, p. 210. 19. Une condamnation pénale ne fait pas obstacle à ce qu’une sanction disciplinaire soit prononcée pour les mêmes faits. CE, 5 janv. 1951, Favre, RDP 1951, p. 935 ; CE, 2 oct. 1963, Boussard Biller, Rec. p. 470 ; Crim, 6 nov. 1952, D. 1953 p. 38 ; Cass. Civ. 1ère 2 avr. 1997, D. 1997 IR p. 108 « La distinction des poursuites pénales et disciplinaires n’est en rien contraire à la convention européenne des droits de l’homme ni au pacte des nations unies relatif aux droits civils et politiques ».

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règle non bis in idem, soit la prohibition de poursuites successives pour un même fait. Cet adage est la traduction d’un principe général de notre propre droit processuel, selon lequel nul ne peut être sanctionné deux fois à propos d’un même fait répréhensible.20 Or, avec le pénal et le disciplinaire, existent deux poursuites de nature différente, résultat d’initiatives différentes. Ceci posé, faut-il confondre ou cumuler les sanctions prononcées lorsqu’elles seront du même type ? Très souvent, le juge pénal se contente de prononcer une peine d’emprisonnement avec sursis ou une peine d’amende, laissant ainsi le champ libre au droit disciplinaire qui est susceptible de prononcer une mesure de suspension d’exercer, alors que la loi lui en donne le droit, à titre de peine complémentaire.21 S’il a déjà prononcé à titre complémentaire une peine d’interdiction, le juge disciplinaire est-il fondé à prononcer une nouvelle peine d’interdiction qui se cumulerait ? Dans cette confrontation entre le pénal et le disciplinaire, la règle est le cumul. Les sanctions prononcées sont de nature différente, et si la juridiction disciplinaire peut tenir compte du prononcé de la sanction pénale, il n’y a là aucune obligation. En effet, la sanction disciplinaire n’est ni une peine accessoire ou complémentaire de la sanction pénale, ni une incapacité ou une déchéance subséquente à celle-ci. L’appréciation doit être indépendante : c’est la seule constante.

2 – L’affirmation récente d’un principe d’indépendance Dès lors qu’une instance pénale est en cours, le juge disciplinaire peut-il ou doit-il surseoir à statuer ? La jurisprudence a évolué depuis un arrêt du 28 janvier 1994, à l’occasion duquel le Conseil d’État a retenu la motivation suivante : « S’il appartenait à la section disciplinaire d’ordonner, le cas échéant, toutes mesures d’instruction en vue de compléter son information, elle ne pouvait, sans méconnaître sa compétence, subordonner comme elle l’a fait sa décision sur l’action disciplinaire à l’intervention d’une décision définitive du juge pénal ». Cette motivation ne constitue pas une rupture mais une confirmation des principes établis.22 En effet, le Conseil d’État ne rallie pas une nouvelle thèse qui serait celle de l’autonomie absolue de l’instance disciplinaire. Il précise la règle ancienne : le juge disciplinaire ne peut surseoir à statuer que si les éléments du dossier disciplinaire ne lui permettent pas de se prononcer. Les éléments du dossier pénal deviennent une source d’éclaircissement pour le juge disciplinaire, mais dès lors que les informations suffisantes sont apparues, la juridiction professionnelle doit se prononcer sans attendre l’issue définitive du procès. Le Conseil d’État, jusqu’alors, avait simplement fixé pour limite que 20. R. Merle et A. Vitu, précité. 21. Code pénal, article 131-11 22. CE, 28 janv. 1994, Conseil départ. de Meurthe et Moselle, Bull. CNOM, déc. 1995, p. 299 ; Septembre 2006, vol. 6, n° 3

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CHRONIQUES la juridiction disciplinaire ne pouvait se contenter de la seule référence à la décision pénale et qu’elle devait apporter sa propre appréciation. La règle jurisprudentielle nouvelle, au titre de laquelle la juridiction disciplinaire ne peut subordonner sa décision à l’intervention d’une décision définitive du juge pénal, est une clarification et non un revirement. La juridiction disciplinaire a plénitude de juridiction : cette règle n’est pas sujette à revirement de jurisprudence.23

B – L’autorité de la chose jugée au pénal Ce principe établi est aujourd’hui contesté (1) et son application tend à devenir exceptionnelle (2).

1 – La contestation d’un principe établi Le principe de l’autorité de la chose jugée au pénal sur le civil a pendant très longtemps été considéré établi. L’idée empruntait les habits de l’évidence. La primauté du pénal sur le civil ou le disciplinaire n’est pas contestable : les enjeux en cause intéressent la société tout entière. Dès lors, paraît s’imposer comme un phénomène naturel l’autorité de la chose jugée au pénal et l’obligation de surseoir à statuer dans l’attente d’une décision pénale définitive. Or, le principe de l’autorité de la chose jugée au pénal ne repose sur aucun fondement textuel. Il est apparu dans la jurisprudence judiciaire.24 Le juge administratif a accepté de s’incliner devant cette règle jurisprudentielle, reconnaissant ainsi l’autorité du juge judiciaire. Mais ce principe jurisprudentiel est aujourd’hui discuté. En effet, une juridiction ne peut abandonner une part de son appréciation à une autre instance. La Cour de Strasbourg a dénié l’indépendance du Conseil d’État dans la mesure où, s’agissant de l’interprétation d’un traité, il s’en remettait à l’analyse faite par le pouvoir exécutif.25 Le Conseil d’État a par la suite modifié sa jurisprudence 23. La jurisprudence est abondante : CE, 23 juil. 1993, Bull. CNOM, déc. 1994, p. 240 ; SD AS, 12 juil. 1989, Bull. CNOM, déc. 1990, p. 175 ; CE, 13 mai 1974, Carpentier, Rec. p. 284 ; E, 9 nov. 1979, Buisson, Rec. p. 869 et Dr. adm. 1979, p. 402 ; CE, 19 mai 1994, Bull. CNOM, déc. 1959, p. 254 ; CE, 24 janv. 1968, Persatre, Rec. p. 54. 24. Ce principe fait l’objet de très nombreuses études. P. Hebraud, L’autorité de la chose jugée au criminel sur le civil, thèse Toulouse 1929 ; A. Pirovano, Faute civile et faute pénale, Travaux des journées francobelgo-luxembourgeoises de 1967, Rev. Dr. Pen. et de Crim. 1967 p. 634. A. Chavanne, Les effets du procès pénal sur le procès engagé devant le tribunal civil, Rev. Sc. Crim. Comp. 1954 p. 239. G. Stéfani, Rev. Ind. Dr. Pen. 1955 p. 473 ; R. Merle et A. Vitu, Traité, tome II, n° 1514, Cujas. G. Stéfani, G. Levasseur, et Bouloc, Procédure pénale, Dalloz. 25. CEDH, 24 nov. 1994, Beaumartin, Bull. inf. C. Cass. N° 405, 15 mars 1995 p. 3 n° 269 ; Justices, n° 1, 1995, p. 163s, obs. G. Cohen-Jonathan et J-F. Flauss ; JCP, éd. G. 1995, I, 3823, n° 25, obs. F. Sudre. Il y a violation de l’art. 6 §1, Conv. DH chaque fois qu’une juridiction s’en remet à une décision administrative pour apprécier une situation de fait, par exemple pour apprécier un degré de handicap, CEDH, 28 juin 1990 « Obermeier c/ Autriche, série , n° 179, 69, ou se prononcer sur les effets d’une pollution sur l’environnement, Comm. EDH, rapport du 5 avril 1995, « Terra Woningen c/ Pays-Bas » ; Justices n° 3, janv./juin 1996, p. 231s, obs. G. Cohen-Jonathan et J-F. Flauss ; CEDH, 17 déc. 1996, Justices, n° 5, janv./mars 1997, p. 192s, obs. G. Cohen-Jonathan et J-F. Flauss).

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par l’arrêt Gisti du 29 juin 199026 : une juridiction ne peut s’estimer tenue par ce qu’a jugé une autre. Selon l’expression de S. Tunc, le principe de l’autorité de la chose jugée au pénal a été « tourné, détourné, contourné et retourné de toutes manières ».27 La jurisprudence fait preuve de retenue, si ce n’est de circonspection. S’il a toujours été retenu qu’il existait une réelle marge entre le pénal et le disciplinaire, il n’en reste pas moins qu’une étape devra être franchie pour respecter l’esprit du droit.

2 – Une application de nature exceptionnelle L’autorité de la chose jugée s’applique aux constatations relatives à l’existence des faits, et le juge disciplinaire reste libre de la qualification des faits.28 Les faits reconnus par les motifs décisoires d’un jugement pénal définitif ne peuvent être mis en cause devant la juridiction professionnelle. Il s’agit là d’une des conséquences classiques de la primauté du contentieux pénal, primauté qui résulte de la nature de ce contentieux29. La juridiction pénale statue après une enquête disposant de moyens d’investigations approfondis qui vont très au-delà de ce qui peut être obtenu dans une procédure civile ou disciplinaire. Ainsi, une décision disciplinaire qui dénierait l’existence d’agissements condamnés par un jugement pénal passé en force de chose jugée serait entachée de nullité.30 En revanche, une décision de relaxe n’empêche pas une condamnation disciplinaire dès lors que cette relaxe n’est pas fondée sur l’inexistence matérielle des faits.31 Un médecin relaxé par la juridiction pénale de la prévention d’escroquerie peut être sanctionné par la formation disciplinaire pour l’emploi d’une thérapeutique dangereuse.32 Le principe est certain mais on doit s’interroger sur la portée de l’appréciation disciplinaire notamment dans l’hypothèse d’une lourde condamnation disciplinaire.33 S’agissant d’une ordonnance de non-lieu rendue par un juge 26. CE, 29 juin 1990 Gisti, Rec. p. 471. La Cour de cassation jugeait déjà dans le même sens, Cass. 1ère Civ. 19 déc. 1995, Bull. n° 470 RDIP 1996, p. 468, note B. Oppetit. 27. A. Tunc, Obs. RTDC, 1961 p. 693. 28. Voir pour un rappel de ces règles : « L’autorité absolue de la chose jugée au pénal ne s’attache qu’aux faits dont la matérialité a été constatée par le juge pénal dans les motifs de son jugement et qui sont le support nécessaire de son dispositif, mais non à l’appréciation qu’il a porté sur ces faits », SD, 21 déc. 1994, Bull. CNOM, déc. 1995, p. 254. 29. Pour des facturations de visites fictives : SDAS, 13 nov. 1986, Bull. CNOM, juin 1987, p. 42. Pour la délivrance irrégulière d’un certificat de travail : SD, 19 sept. 1987, Bull. CNOM, mars 1988, p. 22. Pour l’établissement irrégulier d’une ordonnance : SDAS, 20 nov. 1980, Bull. CNOM, avr. 1981, p. 21. Pour un certificat médical de complaisance : SD, 19 sept. 1979, Bull. CNOM, mars 1980, p. 22. Pour un exercice illégal de la médecine : SD, 28 mai 1980, Bull. CNOM, avr. 1981, p. 28. Pour des falsifications de pièces par un comptable : CE, 30 janv. 1963, Schaltin, Rec. p. 60. 30. CE, 15 juil. 1959, CPAM de Sécurité sociale de Nantes, Rec. T. p. 1088. 31. CE, 19 oct. 1956, Princeteau, Rec. p. 378. 32. CE, 24 juil. 1987, Bull. 1988, p. 53. CE, 30 janv. 1963, ADJA, 1963, II, p 432. 33. Un arrêt du Conseil d’État a validé une procédure au terme de laquelle le médecin relaxé par la juridiction pénale avait fait l’objet d’une suspension de trois ans par la juridiction disciplinaire, mais il est vrai que le Conseil d’état ne se prononce pas sur l’importance de la sanction. CE, 4 fév. 1976, Bull. CNOM, déc. 1976, p. 422. Est posée la question de l’effectivité du droit d’accès au juge. Septembre 2006, vol. 6, n° 3

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CHRONIQUES d’instruction, la marge d’appréciation de la juridiction disciplinaire est entière. Une telle ordonnance ne bénéficie pas de l’autorité de la chose jugée. Elle est toujours provisoire, l’instruction pouvant être réouverte si apparaissent des faits nouveaux.34 Dès lors que les faits visés par la juridiction disciplinaire dans ses motifs décisifs sont acquis, la juridiction disciplinaire doit qualifier les faits selon ses critères propres et prononcer la sanction qui lui semble adaptée.35 Ainsi, sans contradiction de motifs, la juridiction disciplinaire peut exposer qu’elle est liée par la constatation des faits opérés par la juridiction répressive, tout en qualifiant les faits sur le plan déontologique.36 Une décision disciplinaire qui serait fondée directement sur la qualification retenue par le juge pénal serait annulée.37 La juridiction disciplinaire doit motiver sa décision en visant les faits qui sont à l’origine des condamnations pénales et non la condamnation elle-même. Une déduction automatique encourt l’annulation.38 Une amnistie pénale ne remet pas en cause la nécessité d’un examen disciplinaire.

V – La recherche contradictoire des preuves Il convient d’analyser la charge de la preuve (A) et les procédés de la preuve (B).

A – La charge de la preuve Le respect du contradictoire est inhérent à la notion de procès. L’objet des règles de procédure, à travers ses phases d’instruction et d’audience est que puisse être débattus en connaissance de cause tous les faits et 34. SDAS, 9 fév. 1989, Bull. CNOM Déc. 1990, p. 175. SD, 15 mai 1991, Bull. CNOM déc. 1992, p. 166 ; CE, 11 mai 1956, Chomat, D. 1956, p. 469. 35. CE, 21 janv. 1983, Bull. CNOM, avr. 1984, p. 55. 36. CE, 18 mars 1983, Omphalius, Rec. p. 119. 37. CE, 15 mars 1989, Bull. CNOM déc. 1990, p. 201. CE, 16 oct. 1957, Gopée, Rec. p. 534. CE, 30 avr. 1986, Bull. CNOM, juin 1987, p. 80. SD, 22 oct. 1980, Bull. CNOM, avr. 19891, p. 7. 38. SDAS, 29 nov. 1978, Bull. CNOM, mars 1980, p. 30. Le 18 octobre 1989, le Conseil d’État a jugé une affaire particulièrement éclairante. Pour infliger la sanction de la radiation du tableau de l’Ordre, la juridiction disciplinaire s’était appuyée sur des faits dont la constatation matérielle par le juge pénal était établie, donc revêtue de l’autorité de la chose jugée. Ce praticien ne pouvait utilement discuter devant la section disciplinaire la réalité de ces faits. Ces faits consistaient en la simulation d’un cambriolage suivie d’une fausse déclaration de vol à la police et aux assureurs. La section disciplinaire n’a pas abordé cet aspect pénal mais a relevé que ces faits constituaient une violation des principes de moralité et de probité, au maintien desquels l’Ordre est chargé de veiller. La section disciplinaire n’est pas estimée liée par la qualification juridique retenue par le juge pénal et a précisé sa propre qualification déontologique des agissements de l’intéressé. CE, 18 oct. 1989, Bull. CNOM, déc. 1990, p. 210.

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griefs.39 La charge de la preuve incombe à la partie poursuivante.40 Si les faits reprochés ne peuvent être établis, la plainte est écartée. La juridiction doit veiller à ne pas renverser la charge de la preuve en amenant la personne poursuivie à combattre de simples allégations. Le praticien mis en cause n’a pas, en droit, à rapporter la preuve de l’inexistence de ces faits qui sont seulement allégués.41 La bonne foi du praticien poursuivi est présumée, règle qui est une conséquence du caractère répressif du contentieux disciplinaire42, mais elle est une cause d’atténuation de la sanction et non pas de disparition de la faute.43. La personne poursuivie doit combattre les éléments établis à son encontre et de fait, le débat devient très vite égalitaire preuve contre preuve, et ce sont les éléments les plus précis qui l’emporteront.44 Le doute profite au praticien incriminé, ce qui est une conséquence du caractère répressif de la procédure.45

B – Les procédés de la preuve en contentieux du contrôle technique 1 – Données de base Sur le plan des principes, le cadre reste constant : la caisse doit apporter les éléments de preuve permettant de justifier ses griefs et le médecin combat après coup ces preuves. La juridiction forme sa conviction en appréciant au vu des pièces du dossier et de la valeur des témoignages fournis à l’appui de la plainte.46 39. « Le juge disciplinaire fonde sa conviction sur les éléments de l’instruction dont il lui appartient d’apprécier la valeur probante sans être tenu à une procédure particulière hormis l’obligation de communiquer ses éléments au praticien poursuivi, qui doit être mis à même de présenter sur chacun d’eux ses observations en défense ». SD, 23 fév. 1989, Bull. CNOM, déc. 1990, p. 167. 40. CE, 7 fév. 1994, Bull. CNOM, déc. 1995, Rec. p. 302. Plainte d’un particulier : SD, 27 nov. 1986, Bull. CNOM, juin 1987, p. 19. Plainte d’une caisse de Sécurité sociale: CE, 10 juil. 1972, Colin Guilbert, p. 543 ; SDAS, Bull. CNOM, déc. 1986, p. 342 ; CE, 10 nov. 1969, CPCAM région parisienne, Rec ; T. p. 1163. 41. La juridiction doit former sa conviction concernant la matérialité des actes au vu des pièces du dossier, de la valeur des témoignages après le cas échéant avoir entendu les personnes intéressées ou les tiers. Mais la juridiction ne peut mettre à la charge du praticien la preuve de l’inexactitude des faits. CE, 26 fév. 1982, Gontard, Rec. p. 83. 42. L’auteur de la plainte doit présenter un ensemble d’éléments concordants au vu desquels le juge, s’il y a lieu, après mesure d’instruction complémentaire, formera son opinion tant sur la matérialité des faits que sur le caractère fautif des faits. SDAS, 21 mai 1986, Bull. CNOM, juin 1987, p. 30 ; SDAS, 7 déc. 1988, Bull. CNOM, juin 1989, p. 26. 43. L’adage « nul n’est censé ignorer la loi » s’impose et un praticien ne pourrait se contenter d’invoquer sa bonne foi pour expliquer qu’il ne connaît pas l’existence de telle ou telle disposition d’ordre déontologique ou réglementaire. CE, 30 janv. 1987, Bull. CNOM, juin 1988, p. 43. 44. CE, 30 avr. 1987, Bull. CNOM, 1987, p. 80. 45. SD, 21 mai 1986, Bull. CNOM, juin 1987, p. 45 ; CE, 22 oct. 1993, Bull. CNOM, déc. 1994, p. 246 ; CE, 12 fév. 1988, Bull. CNOM, juin 1989, p. 34 ; SDAS, 8 sept. 1982, Bull. CNOM, avr. 1983, p. 35 ; SDAS, 10 juil. 1986, Bull. CNOM, juin 1987, p. 54 ; SD, 6 avr. 1994, Bull. CNOM, déc. 1995, Rec. p. 261. 46. Le fait que le praticien ne justifie pas de l’inexactitude des déclarations matérielles d’un agent enquêteur ou du patient n’est pas suffisant pour établir la preuve. CE, 22 oct. 1993, Bull. CNOM, déc. 1994, p. 246 ; SDAS, 14 juin 1989, Bull. CNOM, déc. 1990, p. 177. Septembre 2006, vol. 6, n° 3

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CHRONIQUES La particularité de la procédure est liée à l’action de la caisse qui n’est pas dans la situation courante d’un plaignant mais dispose de pouvoirs et d’éléments d’information : contrôle systématique des ordonnances, établissement des tableaux statistiques d’activité, enquêtes non contradictoires diligentées par les services. La référence à ces données objectives est indispensable mais elle doit être corroborée par d’autres éléments de fait.47 Pour apprécier les conditions d’exercice d’un médecin, la formation disciplinaire doit rapprocher les statistiques des activités de tous les éléments caractéristiques et notamment des horaires de travail, la composition de la clientèle, de l’activité générale du cabinet.48 La caisse doit procéder à une enquête préalable qui n’est alors pas soumise aux exigences de la procédure disciplinaire. Le fait qu’elle ne soit pas contradictoire ne remet pas en cause la validité de la saisine de la formation disciplinaire, mais la juridiction ne peut fonder sa conviction que sur des éléments contradictoirement débattus. D’une manière générale, la question est celle de la loyauté des preuves.49 Le caractère contradictoire ne vise que la procédure elle-même et non pas les éléments antérieurs. Dès lors, si les éléments antérieurs à la saisine de la juridiction disciplinaire voire même ceux ayant conduit à la saisine de la juridiction, ont été recueillis ou établis de manière non contradictoire, ce seul fait ne suffit pas à remettre en cause la régularité de la procédure. Il revient à la juridiction d’apprécier, après un débat contradictoire, la portée exacte des griefs.50 Ces règles sont certaines et légitimes. Elles n’en posent pas moins de réels problèmes pratiques et les limites jurisprudentielles paraissent très favorables aux caisses eu égard aux exigences habituellement retenues pour l’établissement 47. Une plainte de la caisse qui ne repose que sur l’utilisation des données des TSAP doit être rejetée par application de l’article 2 de la loi du 6 janvier 1978. Les TSAP doivent être corroborés par d’autres éléments. CE, 17 juil. 1988, Rec. p. 311 et RDP 1978, p. 580 ; SDAS, 7 fév. 1991, Bull. CNOM, déc. 1992, p. 194 ; SDAS, 21 fév. 1985, Bull. CNOM, déc. 1986, p. 311 ; SDAS, 21 mai 1986, Bull. CNOM, déc. 1987, p. 37. 48. SDAS, 3 mars 1982, Bull. CNOM, avr. 1983, p. 32 ; SDAS, 12 fév. 1981, Bull. CNOM, avr. 1982, p. 28 ; SDAS, 21 mai 1986, Bull. CNOM, juin 1987, p. 30. 49. A. Leborgne, L’impact de la loyauté sur la manifestation de la vérité ou le double visage d’un grand principe, RTD civ. 1996 p. 535, note 44. 50. Cette règle est rappelée pour écarter les contestations formées sur le caractère non contradictoire des enquêtes des caisses d’assurance maladie en matière du contentieux du contrôle technique. Voir CE, 26 avr. 1967, Galy Gasparou, Rec. p. 179 ; CE, 4 juin 1993, Bull. CNOM, déc. 1992, p. 234 ; SDAS, 19 nov. 1981, Bull. CNOM, avr. 1982, p. 25 ; SDAS, 10 mars 1993, Bull. CNOM, déc. 1994, p. 217 ; CE, 5 mars 1982, Bull. CNOM, avr. 1983, p. 58. La chambre criminelle de la Cour de Cassation admet certaines preuves non loyales : « Aucune disposition légale ne permet au juge répressif d’écarter les moyens de preuve produits par les parties, au seul motif qu’ils auraient été obtenus de façon illicite ou déloyale ». Crim. 26 avr. 1987, Bull. n° 173 ; Crim 6 avril 1993, JCP 1993 II, 22144, note M.L. Rassat, Crim. 15 juin 1993, Bull. n° 210.

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de témoignages en justice.51 La caisse, est certainement en droit de vérifier si les prestations qu’elle délivre le sont dans des conditions conformes aux lois et règlements.52 Mais l’importance pratique de ces enquêtes mériterait une autre approche légale et jurisprudentielle, ce d’autant plus que le Conseil d’État, juge de cassation, n’a pas qualité pour se prononcer sur l’appréciation portée par la juridiction disciplinaire quant la valeur des attestations. Il ne contrôle qu’une éventuelle dénaturation des faits.53

2 – Les moyens d’investigation complémentaires Le conseil régional peut, avant de statuer sur le fond ordonner un supplément d’enquête, d’office ou à la demande des parties. La décision qui ordonne cette enquête indique les faits sur lesquels elle doit porter et décide suivant les cas si l’enquête aura lieu devant le conseil ou devant un membre du conseil qui se transportera sur les lieux.54 Elle peut également être ordonnée lorsque les débats orientent la formation disciplinaire à apprécier les faits reprochés au regard d’un grief différent de celui retenu dans la plainte55 ou si la formation disciplinaire prend compte de faits survenus depuis l’origine de la plainte, notamment lorsque le praticien affirme avoir remédié aux travers qui lui sont reprochés.56 La juridiction peut décider d’une mesure d’expertise, notamment pour apprécier si le praticien poursuivi est ou non atteint de troubles de nature à affecter son comportement ou à atténuer cette responsabilité, mais cette expertise est indépendante de celle prévue par l’article L. 4113-13.57

VI – La tenue de l’audience Sont prévues un ensemble de mesures techniques, de nature formelle de manière à permettre la bonne tenue de l’audience (A), alors que d’autres, largement 51. CE, 30 juin 1993, Bull. CNOM, déc. 1994, p. 238 ; CE, 21 juin 1991, Bull. CNOM, déc. 1992, p. 220 ; CE, 4 fév. 1994, Bull. CNOM, déc. 1995, Rec. p. 300. Une décision de la section disciplinaire des assurances sociales mérite d’être citée : « la circonstance que les enquêteurs ont, en l’espèce, utilisé un modèle pré-établi de questionnaire, ont rempli dans certains cas eux-mêmes ce document, se bornant faire signer aux assurés les déclarations qu’ils disent avoir recueillies est sans influence sur la validation de l’enquête dès lors que lesdites déclarations apparaissent bien comme recueillies sous cette forme. Il appartient seulement à la juridiction d’apprécier si les déclarations ainsi recueillies établissent, du fait de leur nombre, des précisions qu’elles contiennent et de tous les éléments de concordance, les faits dont la cause fait état ». SDAS, 9 déc. 1988, Bull. CNOM, juin 1989, p. 16. Dans le même sens, une enquête effectuée auprès d’étrangers illettrés a été reconnue valable… SDAS, 18 fév. 1987, Bull. CNOM, juin 1988, p. 24. 52. SDAS, 10 déc. 1987, Bull. CNOM, juin 1988, p. 22. Voir deux annulations de décisions de premier degré du fait de l’insuffisance des preuves : SDAS, 18 fév. 1987, Bull. CNOM, juin 1988, p. 21. 53. CE, 7 déc. 1988, Bull. CNOM, juin 1989, p. 47. 54. L’objet de cette enquête peut être de vérifier l’existence de fait allégués mais insuffisamment établis. SD, 18 juil. 1985, Bull. CNOM, déc. 1986, p. 327. 55. SD, 25 juin 1986, Bull. CNOM, juin 1987, p. 23. 56. SD, 10 fév. 1982, Bull. CNOM, avr. 1983, p. 15 ; CE, 18 juin 1986, Bull. CNOM, juin 1987, p. 85. 57. SD, 23 fév. 1989, Bull. CNOM, déc. 1990, p. 166 ; SDAS, 8 nov. 1989, Bull. CNOM, déc. 1990, p. 188. Septembre 2006, vol. 6, n° 3

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CHRONIQUES issues de la pratique et de la jurisprudence, cherchent à garantir la part de l’oralité dans cette procédure écrite (B).

A – Les garanties formelles 1 – La comparution Si le praticien mis en cause, régulièrement convoqué, ne se présente pas, l’affaire peut être jugée sur pièce après audition du rapporteur. Selon la formule retenue dans d’autres législations ordinales, le conseil apprécie souverainement « s’il doit ou non passer outre aux débats ». Malgré le caractère écrit de la procédure, le défaut de comparaître rend le jugement susceptible d’opposition.58 La régularité de la convocation établit le caractère contradictoire de l’audience.59 Si de plus, un mémoire a été produit en défense, la procédure est complète.60 Le médecin ou son avocat peut demander le renvoi de l’affaire mais la juridiction n’est jamais tenue d’accorder ce report, pas plus qu’elle ne le serait au seul motif de l’indisponibilité de l’avocat du praticien.61 La demande de renvoi doit être explicite et formée avant l’audience, mais la formation disciplinaire n’a pas à se prononcer par une décision distincte.62 L’audience doit être reportée s’il apparaît que le médecin poursuivi n’a pas bénéficié d’un délai raisonnable pour organiser sa défense.63

2 – La direction des débats Le président dirige les débats. Il donne tout d’abord la parole au rapporteur pour la lecture du rapport. Il interroge ensuite l’intéressé et tout membre du conseil régional peut poser des questions avec l’autorisation du président.64 Aux termes de l’article 13 du décret, le président, s’il le juge 58. CE, 17 mai 1968, Andrei, Rec. p. 321. 59. CE, 16 janv.1957, Aveline, Rec. p. 36 ; CE, 7 oct. 1964, B., Rec. p. 450. 60. SD, 29 nov. 1978, Bull. CNOM, mars 1980, p. 115 ; CE, 23 juin 1978, Marchal, Bull. CNOM, déc. 1978, p. 387 ; SDAS, 24 mars 1994, Bull. CNOM, déc. 1995, p. 275. 61. CE, 4 fév. 1994, Bull. CNOM, déc. 1995, p. 301. 62. CE, 11 fév. 1970, Maschi, Rec. p. 101 ; CE, 1er oct. 1965, Fournier, Rec. p. 484 ; CE, Assemblée, 18 avr. 1980, Mac Nair, Rec. p. 189. 63. Le Conseil d’État a eu à se prononcer à propos d’un médecin incarcéré. La section disciplinaire était passé outre la demande de renvoi et la juridiction suprême a censuré cette décision avec la motivation suivante : « En estimant trouver au dossier les éléments nécessaires pour se prononcer sans même rechercher si la demande du Docteur Grenom enregistrée la veille de la date fixée par l’audience revêt ou non un caractère dilatoire ni s’il y avait lieu de demander son extraction, la section disciplinaire n’a pas mis ce médecin à même d’exercer la faculté d’être personnellement présent à l’audience qui lui est reconnue par les textes. » CE, 11 juin 1993, Grenom, Rec. T. p. 998 ; voir aussi : CE, 6 nov. 1991, Bull. CNOM, déc. 1992, p. 224. 64. Le conseil peut décider de l’audition de toute personne et notamment de celle dont la plainte a provoqué la saisine du conseil, ce qui suppose la suspension des débats et la tenue d’une nouvelle audience. CE, 25 nov.1987, Bull. CNOM, juin 1988, p. 554 ; SD, 11 mars 1987, Bull. CNOM, juin 1988, p. 4.

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nécessaire dans l’intérêt des débats, peut retirer son droit de parole à quiconque en abuse.65 Le praticien incriminé doit toujours avoir la parole en dernier. Pour se prévaloir de la privation de ce droit, il lui revient de démontrer que cette possibilité lui a été refusée ce qui suppose d’exiger une mention au dossier ou de procéder au dépôt d’un mémoire d’incident avant la clôture des débats.66

B – Le concours de l’écrit et de l’oral Si le principe est celui du caractère écrit de la procédure, les textes et la jurisprudence consacrent l’importance de l’oralité des débats. Le Conseil d’État se prononçant sur la légalité des mesures réglementaires instituant cette oralité a estimé que celles-ci étaient conformes à la légalité dès lors qu’elle n’enlevait pas à la procédure son caractère premier, l’écrit.67 La présence d’observations orales par le plaignant ou le médecin mis en cause n’est pas de nature à entacher d’irrégularité la décision.68 Le conseil n’est pas tenu de consigner par écrit les observations orales.69 Reste encore la possibilité pour le praticien d’adresser à la juridiction un mémoire en cours de délibéré.70 Plus délicate est la situation lorsque ces observations orales sont contraires aux pièces. La juridiction disciplinaire doit alors préciser dans sa décision quels sont les éléments nouveaux ou contradictoires qui servent de support à sa décision. Ainsi, les explications orales présentées à l’audience par un médecin peuvent 65. Sur la très sensible question des délits d’audience : A. Damien, La répression des délits d’audience commis par les avocats après la loi du 15 juin 1982, Gaz. Pal., 1982 ; D. 514 ; Obs. Brunois, ALD, 1983.7. 66. L’utilisation du magnétophone pour enregistrer les débats est une cause d’annulation de la décision. La loi du 2 février 1981 modifiant la loi du 29 juillet 1981 sur la liberté de la presse interdit « dès l’ouverture de l’audience des juridictions administratives ou judiciaires l’emploi de tout appareil permettant d’enregistrer, de fixer ou de transmettre la parole ou l’image ». Pour une application jurisprudentielle, CE, 11 juin 1993, RTDSS janv. 1994, p. 38. Les possibilités d’enregistrement audiovisuelles ou sonores des audiences publiques des juridictions peuvent intervenir dans des conditions exceptionnelles. Voir loi n° 85699 du 11 janv. 1986. 67. CE, 2 fév. 1957, Jockel, Rec. p. 82. 68. CE, 23 avr. 1958, Beurekdjian, Rec. p. 227. 69. SD, 21 mai 1981, Bull. CNOM, avr. 1982, p. 24 ; CE, 20 mai 1981, Wurch, Bull. CNOM, avr. 1982, p. 61, D. 82 IR 273, obs., J. Penneau et G.P 1981, J. p. 320. Se pose le difficile problème du contrôle de la réalité des propos tenus. L’obligation de motiver entraîne pour le juge celle de citer les faits qui servent de soutien à sa décision. Le jugement n’énumère pas tous les arguments débattus. Il doit répondre aux moyens afin de permettre le contrôle par le juge d’appel ou de cassation. Il doit répondre à l’ensemble des moyens, mais n’a pas à suivre le praticien mis en cause dans le détail de son argumentation. Ainsi, le praticien et son avocat doit, s’il estime utile, rédiger et déposer au cours des débats des mémoires de donner acte ou des mémoires contenant des moyens nouveaux. 70. CE, 27 janv. 1982, Benhamou, Rec. T. p. 735. Septembre 2006, vol. 6, n° 3

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CHRONIQUES être retenues à son encontre.71 Dès lors que le praticien a pu fournir immédiatement, au cours de l’audience des explications orales, cette réponse exclut la nécessité de recourir à une instruction complémentaire.72 Le dialogue direct qui s’établit lors de l’audience s’avère souvent éclairant et complémentaire de l’écrit.73 Toutefois, la prééminence reste l’écrit et les observations orales ne peuvent remplacer le dépôt d’un mémoire.74 S’agissant non pas des déclarations de la personne mise en cause mais des témoins, la jurisprudence retient de manière régulière que la section disciplinaire n’est pas tenue de dresser un procès-verbal des dépositions des témoins entendus en cours d’audience.75

VII – Les sanctions A – Le principe de légalité Le droit disciplinaire rejoint ici le droit pénal : les peines disciplinaires sont soumises au principe de légalité. Les sanctions doivent être préalablement définies et elles doivent l’être par la loi. Ce principe affirmé doit cependant être soumis à un examen critique. En effet, la loi, en l’occurrence, ne prévoit aucune corrélation entre les infractions et les sanctions. Les infractions ne connaissent que des définitions très larges, laissant une marge d’opportunité et d’appréciation considérable à la juridiction, et chaque infraction peut être assortie de l’une quelconque des sanctions, ce sans aucune corrélation. Ainsi, la garantie objective apportée par le principe de légalité se révèle très formaliste.76 71. Le Conseil d’État censure une décision contraire aux pièces du dossier qui ne rapportent pas les propos nouveaux tenus à l’audience et servant de soutien à la décision. CE, 2 fév. 1957, Jockel, Rec. p. 82 ; CE, 4 oct. 1961, Locussol, Rec. p. 542 ; CE, 18 déc. 1957, Monod, Rec. p. 687 ; SD, 12 oct. 1980, Bull. CNOM, avr. 1981, p. 4. 72. CE, 27 janv. 1982, Bull. CNOM, avr. 1983, p. 60. 73. « Il résulte de l’instruction que les faits reprochés au Docteur X, et qui consistent à avoir ouvert puis maintenu un cabinet secondaire à ... alors qu’il n’en avait pas reçu l’autorisation, n’ont pas cessé après le 21 mai 1981. Il a d’ailleurs confirmé au cours de ses observations orales lors de l’audience, devant la section disciplinaire, qui avait conservé un local médical dans cette ville et que sa plaque professionnelle mentionnant ses heures de consultation et l’existence de son cabinet principal à... était toujours en place. Par la suite, les faits reprochés ne peuvent être regardés comme commis antérieurement au 22 mai 1981 et n’entrent pas dans le champ d’application de la loi d’amnistie du 4 août 1981. » SD, 20 janv. 1982, Bull. CNOM, avr. 1983, p. 6. 74. Un praticien s’était borné à demander par lettre à être entendu le jour de l’audience pour assurer luimême sa défense “si défense, il y avait”. En l’absence de moyen de défense formulé dans un mémoire produit devant la section disciplinaire et alors que par ailleurs il n’est pas contesté que le requérant ait été entendu en ses observations orales, le médecin en cause ne peut invoquer un défaut d’analyse de ses moyens de défense. CE, 7 oct. 1964, Bereaud, Rec. p. 450. 75. SD, 19 mai 1994, Bull. CNOM, déc. 1995, p. 255. 76. Le Code pénal a abandonné la notion du minima qui n’avait pas de signification réelle dès lors que par le jeu des circonstances atténuantes le juge peut aller en deça du seuil minima. En revanche, il n’existe pas d’infraction pénale qui ne soit assortie d’un maximum légal.

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B – Les différentes sanctions Il convient de distinguer les sanctions prévues dans le cadre du contentieux général (1) et celles définies pour le contentieux du contrôle technique (2).

1 – Les sanctions disciplinaires S’agissant du contentieux général, c’est l’article L. 4124-6 du code de la santé publique qui détermine les sanctions applicables, à savoir : l’avertissement, le blâme, l’interdiction temporaire ou permanente d’exercer ou une plusieurs ou la totalité des fonctions médicales confiées ou rétribuées par l’État, les départements, les communes, les établissements publics, les établissements reconnus d’utilité publique ou les fonctions médicales accomplies en application des lois sociales, l’interdiction temporaire d’exercer la médecine, cette interdiction ne pouvant être assortie du sursis et ne pouvant excéder trois ans,77 la radiation du tableau de l’Ordre. Si, pour des faits commis dans un délai de cinq ans à compter de la notification d’une sanction assortie d’un sursis, la juridiction prononce une nouvelle sanction de suspension, elle peut décider que la partie assortie du sursis, devient exécutoire. Les deux périodes de sanction se cumulent alors. La suspension ou la radiation interdisent la réalisation de tout acte médical, hormis l’obligation légale d’assistance à personne en danger.78 Un médecin interdit ne peut se faire remplacer. Si le conseil départemental estime que la suspension du médecin interdit est de nature à causer un préjudice à la santé publique, il prend, après entente avec le médecin inspecteur départemental de la santé, les dispositions permettant de faire assurer les soins de la population par d’autres médecins. Le prononcé de ces sanctions emporte des effets accessoires : le blâme ou l’avertissement entraîne l’inéligibilité pour une durée de trois ans ; la suspension temporaire ou la radiation, une inéligibilité définitive. La suspension temporaire ne supprime pas l’inscription au tableau, ni la qualité d’électeur. Le médecin suspendu reste tenu de respecter les dispositions du code de déontologie.

2 – Les sanctions en matière du contentieux du contrôle technique Ces sanctions répondent au même régime, à savoir une définition légale assortie d’une totale liberté au sein de la gamme des sanctions par chaque juridiction. Les règles sont définies par l’article L. 145-2 du Code de la Sécurité sociale qui définit les sanctions de manière classique, soit : l’avertissement, le 77. Le sursis a été introduit par l’article 67 de la loi du 4 mars 2002. 78. Le non-respect d’une mesure d’interdiction est constitutive du délit correctionnel d’exercice illégal de la médecine et peut en outre justifier de nouvelles poursuites disciplinaires pour non-respect d’une décision. La sanction d’exercice illégal n’est pas transposable au contentieux du contrôle technique. Septembre 2006, vol. 6, n° 3

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CHRONIQUES blâme avec ou sans publication, l’interdiction temporaire ou permanente de donner des soins aux assurés sociaux, cette sanction pouvant être depuis l’ordonnance 96-345 du 24 avril 1996 prononcée avec sursis.79 La suspension est instituée sans durée légale maximum. Cette absence de limite est tout à fait exorbitante et sa constitutionalité douteuse80. La période du sursis est de cinq ans. Si pour des faits commis dans un délai de cinq ans à compter de la notification au médecin d’une sanction définitive assortie du sursis, la section est amenée à prononcer une nouvelle sanction d’interdiction temporaire permanente, elle peut décider que la sanction pour la partie assortie du sursis devient exécutoire sans préjudice de l’application de la nouvelle sanction. Il n’y a aucune automaticité et la seconde sanction peut également être prononcée avec sursis. Si dans le même délai de cinq ans le praticien n’a pas connu de nouvelle sanction, le sursis est considéré comme non avenu. La publication de la décision est une particularité du contentieux du contrôle technique. La juridiction doit fixer elle-même la durée de la publication mais il appartient à la caisse, et non pas à la juridiction, de déterminer les conditions dans lesquelles aura lieu la publication de la décision. Ce partage est peu satisfaisant.81 Enfin, depuis l’ordonnance du 24 avril 1996, les sanctions prononcées au titre du contentieux général ne sont plus cumulables avec celles prononcées au titre du contentieux général et seule la sanction la plus forte peut être mise à exécution. Le même texte, modifiant l’article L. 145-2-4 du code de la Sécurité sociale, a autorisé comme peine accessoire le remboursement du trop-perçu et le reversement du trop-remboursé.82 Ces mesures peuvent être prononcées en l’absence de condamnation mais la juridiction doit avoir été saisie d’une demande en ce sens.83 La mesure peut être ordonnée d’office par la juridiction.84 Il n’est 79. Le fait que cette modification législative ait été introduite par voie d’ordonnance suscite nécessairement l’intérêt. Le rapport au Président de la République se montre discret se contentant d’affirmer : « afin de permettre à la section des assurances sociales de l’Ordre des médecins de mieux remplir ses missions, l’article 15 de l’ordonnance donne la possibilité d’assortir les peines prononcées d’un sursis et augmente le nombre des juges suppléants ». 80. La situation est d’autant plus anormale qu’en application des règles fondamentales du contentieux disciplinaire, le juge du contentieux du contrôle technique peut légalement tenir compte de l’ensemble du comportement du praticien et fonder une sanction y compris sur des faits et des griefs non dénoncés dans la plainte dès lors que l’intéressé a été mis à même de prendre connaissance de ces faits et griefs et de présenter sa défense. Toutefois, la disposition n’ayant pas été soumise en son temps à l’examen du Conseil constitutionnel et sa légalité ne peut plus être mise en cause. CE, 29 janv. 1997, RTDSS 1997 n° 475. 81. SDAS, 18 fév. 1987, Bull. CNOM, juin 1988, p. 24 ; SDAS, 7 nov. 1989, Bull. CNOM, déc. 1990, p. 184 ; SDAS, 19 mars 1992, Bull. CNOM, déc. 1993, p. 225. 82. Dans la rédaction précédente, l’article L. 145-2 deuxième alinéa du Code de la Sécurité sociale n’ouvrait cette possibilité qu’au profit de l’assuré. Désormais le texte est général et la juridiction peut prononcer, dans le cas d’abus d’honoraires, le remboursement à l’assuré du trop-perçu ou le remboursement aux organismes de Sécurité sociale du trop remboursé même s’il n’est prononcé aucune sanction disciplinaire. 83. CE, 26 fév. 1960, Ministère du Travail et de la Sécurité sociale, Rec. p. 152. 84. CE, 6 fév. 1981, Bull. CNOM, avr. 1982, p. 53.

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pas nécessaire que la caisse ait reçu de mandat des assurés mais les assurés doivent avoir été identifiés et le montant des réclamations déterminé.85 Cette mesure complémentaire, distincte dans son fondement et ses modalités de la sanction disciplinaire, n’est pas concernée par une éventuelle amnistie. Il peut y avoir amnistie et prononcé d’une mesure de remboursement.86

VIII – L’exécution du jugement A – Notification Les règles de notification pour le contentieux du contrôle technique fixées par l’article R.145-24 du Code de la Sécurité sociale, confirment l’ouverture sociale de ce contentieux. Les décisions doivent être notifiées dans les quinze jours qui suivent le prononcé par lettre recommandé avec demande d’avis de réception : au praticien en cause, au syndicat requérant, à l’organisme d’assurance maladie, à la caisse de mutualité sociale agricole, à l’organisme assureur et au praticien conseil requérant, au directeur régional des affaires sanitaires et sociales, au chef du service régional de l’inspection du travail, au ministre chargé de la sécurité sociale et à celui chargé de l’agriculture, et au conseil national de l’Ordre intéressé. Outre cette notification, la loi prévoit des modalités de publicité, qui témoignent de la différence de nature que le législateur fait entre le contentieux disciplinaire et le contentieux du contrôle technique. La publicité ne peut intervenir que lorsque la décision est définitive, toute voie de recours épuisée. Les textes prévoient trois régimes distincts. En cas d’interdiction temporaire ou définitive, la publicité est une obligation légale. Les modalités sont fixées par les caisses en application des articles L. 145-2 et R. 145-26 du Code de la Sécurité sociale. En cas de prononcé d’un blâme, la juridiction peut prononcer une mesure de publicité et elle en fixe alors la durée. L’avertissement ne peut jamais faire l’objet de publicité.

85. SDAS, 10 nov. 1985, Bull. CNOM, déc. 1986, p. 334 ; CE, 6 fév. 1981, Bull. CNOM, avr. 1982, p. 53 ; CE, 20 janv. 1984, CPAM région parisienne, p. 16 ; CE, 31 mars 1978, Ordre des chirurgiensdentistes des Ardennes, Rec. T. p. 92. Les abus sont appréciés par référence au tarif préférentiel. Si le médecin n’est pas soumis au tarif préférentiel, la section des assurances sociales peut alors réduire les honoraires pratiqués pour méconnaissance des dispositions de l’article 40 du Code de déontologie à savoir la détermination des honoraires avec tact et mesure avant d’ordonner, en fonction des chiffres ainsi obtenus, ce remboursement. CE, 26 fév. 1960, Ministre du Travail et de la Sécurité sociale, Rec. p. 152 ; SDAS, 10 oct. 1985, Bull. CNOM, déc. 1986, p. 330 ; SDAS, 17 déc. 1986, Bull. CNOM, juin 1987, p. 36 ; SDAS, 8 oct. 1987, Bull. CNOM, juin 1988, p. 20 ; 86. CE, Section, 18 fév. 1977, Hervouët, Rec., p. 98, concl. Dondoux et AJDA, 1977, II, p. 271, Chron. Nauwelaers et Fabius ; CE, 10 juillet 1972, Colin Guibert, Rec. p. 543. Septembre 2006, vol. 6, n° 3

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B – Caractère exécutoire Les règles sont différentes selon qu’il s’agit des décisions du conseil régional (1) ou de celles de la section disciplinaire (2).

1 – Décision du conseil régional Les décisions du conseil régional ne deviennent définitives que lorsque l’ensemble des personnes ou autorités à qui a été notifiée la décision et qui sont titulaires du droit de former appel, se sont abstenues. Des difficultés sérieuses peuvent apparaître du fait de l’imprécision des textes. En effet, aucune disposition ne prévoit que les autorités ordinales doivent déclarer que la décision est devenue définitive et il n’est pas non plus prévu la délivrance de “certificat de non-appel”, habituel et très utile. Il reste à chacune des parties intéressées et spécialement au praticien mis en cause à effectuer une démarche personnelle auprès du secrétariat du Conseil national de l’ordre, organisme habilité à recevoir les appels, ou le cas échéant, auprès de celui de la juridiction qui s’est prononcée et qui est susceptible de recevoir l’inscription d’une opposition. Le conseil régional est désormais invité à fixer une date d’effet relativement éloignée ou à informer officiellement le praticien de la décision devenue exécutoire et que la peine doit donc être effectuée.87

2 – Décision de la section disciplinaire Les décisions de la section disciplinaire ne sont pas susceptibles des voies de recours ordinaires. Elles sont exécutoires dès leur notification, sauf mention contraire explicite en application de l’article 30 du décret du 26 octobre 1948. Ainsi, lorsque la décision rendue est une mesure d’interdiction d’exercer, la juridiction doit fixer elle-même la date à compter de laquelle elle devra être effectuée.88 L’engagement d’un recours en cassation à l’encontre d’une décision de la section disciplinaire n’est pas suspensif mais le praticien peut joindre à son recours une demande de sursis à exécution.89 Les principes sont constants, et tout est question d’espèce. La première condition du préjudice irréparable est acquise dès lors qu’a été prononcée une peine de suspension d’exercice d’une certaine durée.90 La seconde condition, relative à l’existence d’un moyen 87. CE, 7 fév. 1994, Bull. CNOM, déc. 1995, p. 302. 88. CE, 3 juin 1983, Rialland, Rec. p. 232 ; CE, 4 oct. 1991, Bull. CNOM, déc. 1992, p. 221. 89. Le succès de cette demande est lié à la réunion des deux conditions fixées par le décret du 30 juillet 1963 à l’article 54, quatrième alinéa soit : l’exécution immédiate doit être de nature à causer un trouble irréparable dans l’activité professionnelle de l’intéressé et un des moyens d’annulation du recours en cassation doit apparaître comme sérieux. Le Conseil d’État avait lui-même élaboré la règle avant qu’elle ne soit reprise par le texte. CE, 20 nov. 1959, Jaouen, Rec. p. 619. 90. En cas d’annulation de la décision de suspension ou de radiation par le Conseil d’État, la sanction aurait été totalement ou partiellement effectuée sans aucun fondement et le praticien serait dans l’impossibilité d’obtenir réparation du préjudice subi du fait de l’absence de responsabilité des juridictions. Voir : – une interdiction d’une durée de trois mois : CE, Ass., Tomatis, 13 juil. 1968, Rec. p. 466 ; – une interdiction d’une durée de six mois : CE, 23 juil. 1974, Sultan, Rec. p. 458 ; – une radiation : CE, Section, 15 avr. 1966, Pennec, Rec. p. 261.

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sérieux de nature à justifier l’annulation de la décision est analysée par le Conseil d’État.91 La demande de sursis à exécution n’est pas elle-même suspensive. Dès lors l’exercice pendant cette période constitue un cas d’exercice illégal de la médecine pouvant justifier d’une sanction disciplinaire.92 Généralement, les lois d’amnistie instituent le caractère suspensif de la demande d’amnistie mais laissent aux juridictions la possibilité par une décision motivée d’écarter ce caractère suspensif.93 Lorsque la sanction disciplinaire confirme ou modifie une sanction disciplinaire d’interdiction ou de radiation, elle doit fixer une nouvelle date d’effet.94

C – La contravention aux sanctions Le non-respect d’une sanction disciplinaire est une faute déontologique justifiant du prononcé d’une nouvelle sanction (1). En outre, dans le cadre du contentieux général, le non-respect d’une mesure d’interdiction est constitutif de l’infraction correctionnelle d’exercice illégal de la médecine (2).

1 – Le retour à la voie disciplinaire Le non-respect d’une mesure d’interdiction est une faute disciplinaire susceptible de justifier l’engagement d’une nouvelle plainte disciplinaire.95 La suspension et la radiation interdisent la réalisation de tout acte médical hormis l’obligation d’assistance et le cas d’urgence.96 Le médecin interdit ne peut organiser son remplacement quelles que soient les modalités de ce remplacement.97 Le fait qu’il exerce gratuitement ou encore qu’il avertisse ses clients qu’ils ne seront pas remboursés ne supprime pas la faute.98 En matière de contentieux du 91. CE, Assemblée, 13 juillet 1968, Tomatis, Rec. p. 466. Sur cette question, on doit citer les conclusions de Rigaud, Commissaire du Gouvernement sur l’arrêt rendu par le Conseil d’État, en section le 15 avril 1966, dans l’affaire Pennec, précité. 92. CE, 1er oct. 1987, Bull. CNOM, juin 1988, p. 11. 93. Le législateur laisse aux juridictions disciplinaires la possibilité d’assurer une application effective et immédiate de la sanction dans les hypothèses où elles estiment que les faits sont suffisamment graves et caractérisés pour justifier une exécution immédiate. La section disciplinaire doit justifier cette décision par référence à la gravité des fautes commises. La jurisprudence est abondante : SD, 23 avr. 1986, Bull. CNOM, juin 1987, p. 24 ; SD, 25 fév. 1988, Bull. CNOM, juin 1989, p. 10 ; CE, 26 juil. 1985, Bull. CNOM, déc. 1986, p. 377 ; CE, 12 fév. 1988, Bull. CNOM, juin 1989, p. 34 ; SD, 21 juil. 1982, Bull. CNOM, avr. 1983, p. 13 ; CE, 20 sept. 1991, Bull. CNOM, déc. 1992, p. 220. 94. CE, 19 déc. 1952, Bourgoin, Rec. p. 596 ; CE, 21 janv. 1983, Bull. CNOM, avr. 1984, p. 53. 95. SDAS, 12 fév. 1981, Bull.CNOM, avr. 1982, p. 35 ; SDAS, 18 fév. 1987, Bull. CNOM, juin 1988, p. 28 ; SD, 4 mai 1994, Bull. CNOM, déc. 1995, p. 260 ; CE, 24 juil. 1987, Bull. CNOM, juin 1988, p. 54 (cette décision concernant une infirmière). 96. CE, 24 juillet 1987, RTDSS 1988, p 238, note L. Dubouis. 97. CE, 30 juin 1993, Bull. CNOM, déc. 1994, p. 238. Ainsi, est irrégulier l’exercice en association dans le cabinet d’un confrère frappé d’une interdiction du droit de donner des soins aux assurés sociaux. SDAS, 3 fév. 1994, Bull. CNOM, déc. 1995, p. 284. Septembre 2006, vol. 6, n° 3

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CHRONIQUES contrôle technique, la sanction de l’interdiction temporaire du droit de donner des soins aux assurés sociaux n’interdit pas la réalisation d’actes médicaux. Mais les soins ne sont pas remboursés.99

2 – Le recours aux sanctions externes L’article L. 4161-1 du code de la santé publique qualifie d’exercice illégal de la médecine le fait pour un médecin inscrit au tableau d’exercer son art pendant une période de suspension ou alors qu’il a fait l’objet d’une mesure de radiation. La poursuite de l’exercice professionnel ne constitue l’infraction que si sont réunies deux conditions : la décision doit avoir été notifiée et la juridiction pénale doit vérifier la régularité de cette notification au praticien, ou au moins que le praticien en ait eu connaissance100 ; la décision doit être exécutoire, c’est à dire non susceptible d’un recours à effet suspensif.101 Il n’est pas nécessaire que le délit ait été prolongé. Un seul acte médical pratiqué en dehors du cas d’urgence ou le devoir d’humanité constitue le délit.102 Comme pour les autres formes d’exercice illégal, le conseil de l’Ordre, dans sa formation départementale, peut user de la citation directe devant le tribunal correctionnel pour engager l’action répressive.103 Le contentieux du contrôle technique ne connaît pas cette sanction pénale d’exercice illégal de la médecine.104 En revanche, l’article L. 145-3 prévoit une sanction financière par le remboursement de toutes les sommes versées par caisse sous la seule réserve que le montant en soit calculé par la caisse. C’est la section des assurances sociales qui est compétente et qui

98. SD, 16 déc. 1992, Bull. CNOM, déc. 1993, p. 213. Les juridictions apprécient très sévèrement une telle attitude. Alors qu’il ne s’agissait que d’un manquement isolé, un conseil régional avait prononcé une sanction d’un an ramenée à six mois par la section disciplinaire. Après avoir adopté la solution inverse, le Conseil d’État retient désormais que de tels manquements sont contraires à l’honneur et se trouvent exclus du champ de la loi d’amnistie. CE, 20 oct. 1993, Sam Ouen, Rec. T. 1002 ; Voir de même : CE, 10 déc. 1993, Rec. T. 1002. Le Conseil d’État retenait auparavant une règle contraire : CE, 11 fév 1970, Pech, Rec. p. 103. Toutefois, le Conseil d’État rejette la notion de manquement non-amnistiable par nature. CE, 10 déc. 1993, Rec. T., Traissac, 1002. 99. La juridiction ne réserve que « les circonstances d’urgence qui auraient justifiées, à titre exceptionnel, en l’absence d’autres praticiens disponibles à proximité, une intervention » ; SDAS, 27 mai 1993, Bull. CNOM, déc. 1994, p. 204. 100. Cass. Crim., Nemegyei, 24 mai 1955, Bull. Crim., p. 474. 101. Si l’appel est toujours suspensif, le recours en cassation ne l’est pas, sauf décision contraire de sursis à exécution du Conseil d’État, la demande de sursis n’étant pas suspensive par elle-même : Cass. Crim., 28 mars 1950, D. 50, p. 302 ; Cass. Crim., 4 nov. 1953, D. 54, p. 46. 102. Les infractions peuvent également être constituées par un médecin qui exerce dans un autre département en ayant demandé son transfert de résidence professionnelle sans l’avoir encore obtenu. Cass. Crim., 5 oct. 1960, Bull. Crim. N° 428. 103. Il s’agit d’une situation exceptionnelle où le conseil de l’Ordre peut poursuivre lui-même devant le tribunal correctionnel un membre de l’Ordre, prévue par l’article L. 4161-1. Le texte prévoit en outre la possibilité de la confiscation du matériel. Cass. Crim., 9 déc. 1959, Bull. Crim., N° 541, p. 1042. Sanction très indulgente. 104. Grenoble, 29 janv. 1997, précité.

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ne dispose comme seule opportunité que de vérifier la réclamation de la caisse.105

IX – L’amnistie Tradition républicaine, c’est désormais tous les cinq ans – quinquennat oblige – qu’interviennent les lois d’amnistie.

A – Le régime général 1 – Les effets généraux de l’amnistie L’amnistie relève de la notion de nécessaire apaisement. En l’occurrence, l’amnistie est la seule possibilité pour un médecin mis en cause d’espérer un oubli par la juridiction. Chaque amnistie résulte d’une loi et chaque loi a son contenu propre106. On peut cependant relever l’existence d’un corps de règles formant le droit commun de l’amnistie.107 En règle générale les lois d’amnistie entraînent « la remise de toutes les peines principales, accessoires ou complémentaires », et la jurisprudence retient avec une mesure remarquable que les « mesures de police et de sécurité » – telles les interdictions d’exercice prononcées au pénal – échappent à l’amnistie108. Les lois d’amnistie sont marquées par un double effet, rétroactif et général.109 La condamnation amnistiée est réputée n’avoir jamais existé et elle ne peut être la cause d’aucune restriction de droits.110 Les lois d’amnistie prévoient 105. SDAS, 4 mai 1983, Bull. CNOM, avr. 1984, p. 32. Le remboursement doit être effectué auprès de la caisse. Les assurés ne peuvent utiliser ce recours pour demander le remboursement des honoraires, une telle demande ne pouvant être formulée que selon la procédure générale de l’article L. 145-2. CE, 9 mars 1979, CPAM région parisienne, Rec. p. 11 ; CE, 5 juil. 1978, Bull. CNOM, avr. 1978, p. 384 ; CE, 21 mars 1980, CPAM région parisienne, Rec. p. 157. 106. Qui se concilie avec le droit commun, dont le régime est exposé aux articles 133-9 et suivants du Code pénal. 107. Voir lois des 31 juillet 1959, 18 juin 1966, 30 juin 1969, 21 décembre 1972, 16 juillet 1974, 4 août 1981, 20 juillet 1988. Les dernières lois sont les n° 95-884 du 3 août 1995 et 2002-1062 du 6 août 2002. Voir B. Mercadal « L’amnistie des interdictions professionnelles », D. 1993, p. 141. 108. Jurisprudence confirmée par le ministère de la justice qui, dans la circulaire du 20 juillet 1988 accompagnant la loi d’amnistie du 20 juillet 1988 expose « La loi ne revient pas sur la notion de mesures de police et de sécurité publique dégagée par la jurisprudence et ayant pour effet d’exclure du bénéfice de l’amnistie certaines peines réglementaires ou accessoires ». Voir pour les mesures jugées non amnistiables par la jurisprudence : Paris, 6 janv. 1941, Gaz. Pal 1941.1.193 (interdiction d’exercer la profession bancaire) ; Crim. 10 novembre 1965, Bull. crim., n° 229 (interdiction de diriger une société) ; 25 octobre 1967, JCP 1968.II.15375, note Michaud (interdiction d’exercer la profession de pharmacien) ; 12 juin 1968, Bull. crim., n° 189 (interdiction d’exploiter un hôtel) ; 16 déc. 1975, Bull. crim., n° 281 (interdiction d’exercer la profession de pharmacien) ; 23 nov. 1982, Bull. crim., n° 265 ; Gaz. Pal. 1984.1.127, note Alauze (suspension du permis de chasser) ; 10 oct. 1986, D. 1984 IR.226, obs.. Roujou de Boubée ; 10 mai 1989, Bull. crim., n° 183 (fermeture d’un débit de boissons). 109. Si des faits amnistiables dans leur principe se sont poursuivis au-delà de la date d’effet, les poursuites disciplinaires restent possibles. SDAS, 7 mars 1991, Bull. CNOM, déc. 1992, p. 198. 110. CE, 13 juil. 1961, Cotard, Rec ; p. 477 ; CE, 29 avr. 1970, Agard Lafon, Rec. p. 282. Septembre 2006, vol. 6, n° 3

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CHRONIQUES souvent que lorsque coexistent une sanction pénale et une sanction disciplinaire, l’amnistie de la sanction disciplinaire est liée à celle de la sanction pénale.111 Si la sanction pénale n’est pas amnistiée, la sanction disciplinaire ne pourra l’être. La loi d’amnistie effaçant les sanctions qui entrent dans son champ d’application, elle oblige à faire disparaître les mentions des condamnations amnistiées de tous les dossiers et documents dans lesquels elle figure.112 De manière régulière, le respect de cette règle générale est assortie de sanction pénale : toute référence à une sanction ou à une condamnation amnistiée est punie d’une amende113. L’amnistie d’une condamnation pénale n’interdit pas à la juridiction disciplinaire de se référer aux faits relevés par le juge pénal. On retrouve ici une application du principe général d’indépendance de l’action pénale et de l’action disciplinaire.114 L’amnistie n’est par contre d’aucun effet sur les décisions administratives.115 Un refus d’inscription ne peut se fonder sur la sanction pénale mais sur les agissements auxquels s’est livré le praticien, la loi d’amnistie effaçant le caractère pénal ou disciplinaire des faits, mais pas les faits eux-mêmes. Sur le plan civil ou administratif, les faits fautifs restent sources de responsabilité quand bien même une condamnation pénale ne serait plus possible du fait de l’amnistie. En revanche, un conseil de l’Ordre ne peut refuser une inscription pour le simple fait qu’une déclaration amnistiée n’ait pas été déclarée alors que justement l’amnistie a pour effet d’effacer des condamnations.116 111. Voir : loi du 6 août 1995, art. 14 al 2, loi du 6 août 2002, art. 11 al 3. CE, 30 janv. 1963, Schaltin, Rec. p. 60. 112. Les personnes ayant fait l’objet d’une décision rentrant dans le champ d’amnistie ont qualité pour demander aux autorités chargées de leur dossier de procéder aux mesures d’effacement que commande la loi d’amnistie. CE, 18 déc. 1964, Dailheu Geoffroy, Rec. p. 648, JCP 1965, II, 14068, concl. Rigaud, AJDA 1965, p. 409 ; CE, 4 déc. 1964, Corcos, Rec. p. 620 ; CE, 28 juil. 1952, Nithollon, Rec. p. 408. Il arrive qu’une décision amnistiée figure encore dans le dossier examiné par la juridiction disciplinaire. Le Conseil d’État estime que la décision rendue n’est annulable que si la condamnation amnistiée a été prise en compte par la juridiction disciplinaire. CE, 7 oct. 1967, Beraud, Rec. p. 460. 113. Voir : loi du 6 août 1995, art. 28 al 2, loi du 6 août 2002, art. 15 al 3. 114. CE, 9 sept. 1994, Bull. CNOM, déc. 1995, p. 309 ; SD, 5 mai 1994, Bull. CNOM, déc. 1995, p. 253 ; CE, 13 juil. 1961, Betrand, Rec. p. 478 ; CE, 21 mars 1958, Tussau, Rec. p. 192 ; CE, 28 mars 1983, Omphalius, Rec. p. 119 ; CE, 5 juil. 1967, Reynaud, Rec. p. 300. 115. Les mesures arrêtées sur le fondement de l’article L. 4113-14 du Code de la santé publique (ancien art. L. 460) ne sont pas des sanctions, pas plus que le remboursement des honoraires indûment perçus dans le cadre du contentieux du contrôle technique ou qu’un refus d’inscription. CE, 26 fév. 1960, Ministre du travail/ Conseil national de l’Ordre des médecins, Rec. p. 152 ; CE, 18 fév. 1977, Hervouët, Préc. ; CE, 10 juil. 1972, Colin Guilbert, Rec. p. 542. 116. Reste l’appréciation des faits sur le plan administratif. La section disciplinaire du Conseil national avait prononcé la radiation d’un praticien en relevant que celui-ci avait commis une faute grave en ne mentionnant pas sur le questionnaire joint à sa demande d’inscription au tableau de l’Ordre des condamnations pénales qui lui avaient été infligées et qui s’étaient trouvées ultérieurement amnistiées. L’amnistie ayant pour effet d’effacer les condamnations sur lesquelles elle porte, ce praticien ne pouvait être tenu de mentionner sur le questionnaire précité des condamnations amnistiées qu’il aurait subies. Ainsi, aucune dissimulation susceptible de motiver l’application d’une sanction disciplinaire ne pouvant de ce chef être imputée : CE, 2 oct. 1963, Vuillemot, Rec ; p. 470 ; CE, 31 mai 1963, Bourbouloux, Rec. p ; 339 ; CE, 8 avr. 1970, Tarpal, Rec. p. 225.

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2 – La mise en œuvre de l’amnistie Les sanctions amnistiées doivent être effacées. Les instances ordinales, chacune à leur niveau, doivent prendre à cet égard toute les dispositions utiles : arrêt de la sanction en cours, suppression des mentions dans les dossiers.117 Dans un premier temps les lois ne comprenaient aucune disposition expresse et le Conseil d’État avait posé pour principe que dans le silence de la loi il n’existait pas de recours juridictionnel tendant à obtenir la reconnaissance du bénéfice de l’amnistie.118 Dans un second temps, les lois d’amnistie ont prévu un recours juridictionnel ad hoc.119 La juridiction doit apporter une appréciation d’ensemble mais il ne s’agit nullement d’un recours en interprétation. La juridiction n’est pas tenue par le fait que la décision n’aurait pas fait mention que les faits étaient contraires à la probité ou à l’honneur. Il appartient à la juridiction de s’assurer que les faits qui ont précédemment motivé la sanction disciplinaire ne sont pas de ceux qui sont exceptés du bénéfice de l’amnistie. La constatation à laquelle procède la juridiction doit tenir compte de l’ensemble des circonstances de l’affaire qui lui a été précédemment soumise et non pas seulement des motifs de la décision.120 Le conseil départemental, qui ne dispose d’aucune compétence de nature juridictionnelle, est sans qualité pour contester l’amnistie d’une décision.121 Vient ensuite le cas des procédures en cours. Les contestations relatives au bénéfice de l’amnistie sont soumises à l’autorité ou à la juridiction saisies de la poursuite. L’amnistie est une question d’ordre public de sorte que la juridiction disciplinaire est réputée s’être prononcée sur l’amnistie, même lorsque la loi d’amnistie est intervenue entre le délibéré et la lecture de la décision.122 Il revient au praticien de déposer lui-même des conclusions tendant à 117. CE, 29 avr. 1953, Schaaf, Rec. p. 201. 118. CE, 15 juil. 1957, Fabas Gregorowicz, Rec. p. 482 ; CE, 23 janv. 1959, Derambure, Rec. p. 69, concl. G. Braibant. 119. Dans la loi du 6 août 1995, c’est l’article 16 qui prévoyait la procédure. Dans la loi du 6 août 2002, la procédure est défini à l’article 13. Elle répond au même schéma. L’engagement d’un recours supposant l’existence d’une contestation, le praticien doit commencer par une demande auprès de la juridiction qui a rendu la décision. La juridiction compétente pour statuer sur le bénéfice de l’amnistie est la juridiction qui en premier ressort ou en appel a eu à se prononcer au fond et a apprécié la nature et la gravité des faits reprochés. Ainsi, lorsqu’en appel la section disciplinaire s’est bornée à rejeter la requête sur la forme, la demande d’amnistie doit être présentée devant le conseil régional qui a rendu la décision d’origine. SD, 17 janv. 1990, Bull. CNOM, déc. 1991, p. 166. La demande d’amnistie ne peut être demandée directement devant le conseil d’État, juge de cassation, faute d’avoir été portée préalablement devant la juridiction qui a prononcé la sanction disciplinaire définitive. CE, 14 nov. 1990, Bull. CNOM, déc. 1991, p. 198 ; CE, 17 avr. 1989, Bull. CNOM, déc. 1990, p. 202 ; CE, 4 juin 1993, Bull. CNOM, déc. 1994, p. 235. 120. CE, 24 janv. 1968, Persatre, Rec ; p. 54 ; Voir : CE, 16 mai 1969, Hait Hin, Rec. p. 254 ; CE, 27 mai 1987, Bull. CNOM, juin 1988, p. 46 ; SDAS, 29 sept. 1988, Bull. CNOM, juin 1989, p. 21 ; pour les difficultés procédurales : CE, 14 mai 1971, Ferreux, Rec. p. 363 ; CE, 14 nov. 1969, Bargiarelli, Rec ; p. 504. 121. SD, 4 mai 1983, Bull. CNOM, avr. 1984, p. 26. 122. CE, 28 juil. 2000, Laniel, Req. N° 179445, Juris-Data, 061095. Septembre 2006, vol. 6, n° 3

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CHRONIQUES faire constater le bénéfice de la loi.123 Toutefois, la loi d’amnistie étant d’ordre public, la juridiction disciplinaire doit l’appliquer d’office. Si elle prononce une sanction, elle a nécessairement estimé que les faits n’étaient pas amnistiables.124 Lorsque la juridiction disciplinaire retient le bénéfice de l’amnistie, elle constate que la procédure en cours devient sans objet, qu’il n’y a plus lieu à statuer. Cette règle s’applique sans restriction pour la procédure de premier degré, le conseil régional constatant que l’amnistie est acquise et rendant alors une décision de non-lieu à statuer, les frais restant à la charge de la partie poursuivante.125 L’amnistie peut être acquise à l’occasion d’un recours en appel126, en cas de renvoi de la section disciplinaire devant le conseil régional127 ou encore en cas de pourvoi devant le Conseil d’État.128 Un certain nombre de données juridictionnelles peuvent conduire à la poursuite de l’instance et notamment : le paiement des frais129, la persistance des agissements130, l’insuffisance du dossier car la juridiction doit statuer sur les questions de l’honneur et la probité.131

B – Les limites de l’amnistie 1 – L’honneur et la probité De manière habituelle, sont écartées du champ de l’amnistie, les fautes professionnelles considérées comme contraires à la probité, ou à l’honneur profes123. CE, 18 juin 1986, Bull.CNOM juin 1987, p. 85. 124. Le praticien qui saisirait alors la juridiction disciplinaire pour demander le bénéfice de l’amnistie se verrait opposer l’autorité de chose jugée. SD, 17 janv. 1990, Bull. CNOM, déc. 1991, p. 166 ; CE, 29 juil. 1994, Bull. CNOM, déc. 1995, p. 306 ; SDAS, 4 déc. 1991, Bull. CNOM, déc. 1992, p. 185. 125. CE, 24 janv. 1971, Lebris, Rec. p. 152. 126. CE, 27 juin 1960, Briault, Rec. p. 427 ; CE, 4 mars 1977, Prince, Rec. p. 127 ; CE, 8 juil. 1955, Royet, Rec. p. 401 ; SD, 1er juin 1983, Bull. CNOM, avr. 1984, p. 6. 127. CE, 20 mars 1957, De Massia, Rec. p. 190. 128. Si la procédure suivie est irrégulière, le Conseil d’État statue et sanctionne par l’annulation de la décision critiquée mais il peut alors se prononcer sans renvoi, les frais étant mis à la charge de la partie poursuivante. CE, 18 déc. 1953, Roueche, Rec. p. 561 ; CE, 9 nov. 1955, Dijon, Rec. T. p. 784 ; CE, 10 avr. 1957, Conseil départemental de l’Ordre des médecins de la Haute Vienne, Rec. p. 259 ; CE, 9 nov. 1956, Pouillon, Rec. p. 423. 129. Si les frais ont été payés antérieurement à l’intervention de la loi d’amnistie, le recours devant le Conseil d’État conserve un objet et il y a lieu à statuer, la juridiction devant procéder à un examen d’ensemble du dossier. CE, 12 avr. 1957, Devé, Rec. p. 266 ; CE, 12 nov. 1975, Teboul, Rec. p. 564 ; CE, 8 nov. 1968, Chevreuil, Rec. p. 554 ; CE, 18 nov. 1966, Chabaud, Rec. p ; 611 ; CE, 22 déc. 1967, Glaichenhaus, D’Oelsnitz et Roubault, Rec. p. 520. 130. La juridiction saisie ne peut faire droit à une demande d’amnistie si les faits se sont poursuivis après la date d’effet fixée par la loi. CE, 7 juil. 1972, Arene, Rec. p. 521 ; CE, 8 févr. 1985, Castet, Rec. p. 31, concl. Pauti ; SDAS, 7 mars 1991, Bull. CNOM, déc. 1992, p. 198 ; CE, 3 oct. 1973, Caux, Rec. p. 337 ; CE, 10 avr. 1974, Decazes, Rec p. 224 ; CE, 23 déc. 1970, Chevreuil, Rec. p. 789. 131. Le Conseil d’État doit renvoyer devant les juges du fond dans l’hypothèse où l’état du dossier ne lui permet pas de préciser si les faits sont établis, ni s’ils bénéficient de l’amnistie. CE, 12 mai 1958, Demaret, Rec. T. 1002 ; CE, 19 avr. 1968, Conseil départemental de l’Ordre des médecins du Puy de Dôme, Rec. p ; 254 ; CE, 25 mars 1985, Boileau, Rec. p. 234 ; CE, 18 janv. 1961, Hervé, Rec. p. 42.

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sionnel.132 L’appréciation de ces très vagues notions relève des juridictions disciplinaires et celles-ci se voient ainsi confier un moyen considérable pour influer sur-le-champ d’application exact de la loi d’amnistie. L’appréciation des juges du fond contrôlée par le Conseil d’État, doit selon la formule de G. Braibant, « concilier la volonté amnistiante du législateur et les préoccupations disciplinaires des Ordres », le Commissaire du Gouvernement affirmant à cet égard que la jurisprudence du Conseil d’État n’a pas toujours été « absolument constante ».133 Le législateur confie au juge le soin de définir le champ d’application de la loi, et il est bien difficile de tracer les limites. La jurisprudence, particulièrement abondante, donne une idée du foisonnement des appréciations. Le même fait disciplinaire peut, selon les circonstances, être qualifié ou non d’amnistiable. La jurisprudence apprécie la notion « compte tenu des circonstances » se réservant ainsi de sanctionner les faits les plus significatifs, malgré l’intervention de la loi d’amnistie.134 La probité est appréciée comme un rapport sain à l’argent, et les comportements intéressés ne sont pas amnistiables. S’agissant de l’honneur, la question est plus incertaine. Dans ses conclusions précitées, G. Braibant soulignait toute la difficulté : « Le Conseil d’État s’efforce de se tenir à égale distance du laxisme et de l’excès de rigueur. Il n’est guère possible de réduire à quelques propositions la diversité des situations et des nuances de votre jurisprudence. Il est certain, comme le rappelle le Conseil national de l’Ordre, que la notion d’honneur inscrite dans les lois d’amnistie couvre aussi bien l’honneur professionnel que l’honneur personnel ». Par ailleurs, il est tenu compte du caractère frauduleux de la faute, de la nature ou l’importance des dommages qu’elle entraîne ou risque d’entraîner. La seule règle certaine est qu’il n’existe pas de faute disciplinaire qui soit par nature contraire à l’honneur, y compris l’infraction d’exercice illégal de la médecine. Les fautes liées à une infraction pénale sont souvent jugées contraires à l’honneur. Notamment, le refus de porter secours à une personne en danger,135 le fait d’avoir frappé l’épouse d’un client136 ou la complicité de vol à l’égard d’une coopérative pharmaceutique,137 des avortements illégaux,138 l’émission de chèque sans provision139 ou la complicité d’exercice illégal de la médecine.140 132. Voir : J. Savoye, « La notion de manquement à l’honneur, à la probité et aux bonnes mœurs », D. 1968, Chr. p. 103. 133. CE, 13 déc. 1971, Virapin Apou, Rec., p. 779. 134. CE, Ass, 12 avril 1957, Devé, Rec. p 266 ; D. 1957.336, concl. F. Gazier ; AJDA 1957, II N° 321, p 317, p 274, chr. Fournier et Braibant. 135. CE, 12 mars 1976, Raynal, Rec. p. 154 et RTDSS 1977, p. 38, concl. D. Labetoule, note F. Moderne. 136. CE, 11 juin 1975, Barbet, Rec. T. p. 1236. 137. CE, 16 oct. 1957, Gopée, Rec. p. 534. 138. CE, 3 mai 1971, Richand, Rec. p. 281. 139. CE, 20 juil. 1971, Mulot, Rec. T. p. 11081. 140. CE, 9 mai 1973, Bensadoun, Rec. p. 342 ; SDAS, 10 nov. 1982, Bull. CNOM, avr. 1983, p. 36 ; CE, 24 janv. 1968, Dionnet, p. 56. Septembre 2006, vol. 6, n° 3

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CHRONIQUES S’agissant des faux certificats, la juridiction accorde le bénéfice de l’amnistie si elle relève que le médecin a été abusé.141 Par contre, dès qu’il a eu un intérêt effectif, l’amnistie n’est plus acquise. Pour ce qui est du secret professionnel la juridiction se montre très rigoureuse.142 Dans le cadre des rapports avec l’Ordre, a été jugé non contraire à l’honneur professionnel le refus de payer des cotisations ordinales.143 Il n’en est pas de même du fait de ne pas avertir l’Ordre de la dénonciation d’un contrat entre médecins,144 du défaut de communication d’un contrat,145 de dispositions contractuelles prévoyant un mode de rémunération contraire aux règles déontologiques,146 d’un remplacement sans respecter les formalités.147 Le refus d’exécuter une sanction de suspension a été analysé, selon les cas, contraires ou non contraires à l’honneur.148 Le refus de régler à un remplaçant les rémunérations dues sous prétexte d’un départ sans préavis est amnistiable.149 De même, le fait de procéder au licenciement d’un confrère sans avoir recherché une conciliation devant le Conseil de l’Ordre150 alors que ne serait pas amnistiable la violation d’un engagement de non-concurrence151 ou la mauvaise exécution, exprimée par une intention malveillante, d’une convention entre confrères.152 Le caractère abusif des honoraires peut selon le cas être jugé contraire ou non à l’honneur et à la probité. La juridiction disciplinaire tient compte du montant des honoraires mais également du contexte et des soins pratiqués. L’amnistie a été refusée pour la perception d’honoraires indus avec double facturation pour des actes répétés alors que le fait est amnistiable s’il ne s’agit pas d’une pratique systématique.153 141. SD, 28 mars 1990, Bull. CNOM, déc. 1991, p. 167 ; SD, 22 janv. 1992, Bull. CNOM, déc. 1993, p. 211. 142. CE, 22 sept. 1993, Bonnefond, Rec ; p. 252 ; SD, 22 janv. 1992, Bull. CNOM, déc. 1993, p. 211 ; SD, 23 janv. 1991, Bull. CNOM, déc. 1992, p. 171. 143. CE, 3 juil. 1968, Pennec, Rec. ; p. 413. 144. SD, 6 janv. 1983, Bull. CNOM, avr. 1984, p. 11. 145. SD, 25 janv. 1989, Bull. CNOM, déc. 1990, p. 169 ; SD, 25 nov.1982, Bull. CNOM, avr. 1983, p. 10. 146. SD, 26 janv.1983, Bull. CNOM, avr. 984, p. 10. 147. SD, 29 juin 1983, Bull. CNOM, avr. 1984, p. 10. 148. CE, 24 janv. 1968, Persatre, Rec ; p. 54 ; SD, 14 sept. 1982, Bull. CNOM, avr. 1983, p. 5. Dans un sens contraire : CE, 11 fév. 1970, Pech, Rec. p. 103. 149. CE, 12 juil. 1977, Cuche, Rec. T. p. 950. 150. SD, 15 déc. 1982, Bull. CNOM, avr. 1983, p. 11. 151. CE, Section, 8 févr. 1985, Castet, Rec. p. 31, concl. Pauti et AJDA 1985, p. 234, note J.Moreau. 152. SD, 16 déc. 1982, Bull. CNOM, avr. 1983, p. 9. 153. CE, Assemblée, 11 juillet 1984, Subrini, Rec. p. 259 et 7 déc. 1984, Rec. p. 411 ; SD, 20 mars 1985, Bull. CNOM, déc. 1986, p. 322 ; SD, 23 janv. 1992, Bull. CNOM, déc. 1992, p. 176 ; SDAS, 17 mai 1989, Bull. CNOM, déc. 1990, p. 184 ; SD, 15 mai 1991, Bull. CNOM, déc. 1992, p. 176 ; SDAS, 6 juin 1991, Bull. CNOM, déc. 1992, p. 194 ; CE, 9 nov. 1968, Veillet, Rec. p. 608.

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Le recours à une publicité indue peut être jugé amnistiable ou non.154 Par contre, l’amnistie n’est pas acquise pour une publicité effectuée dans des journaux à grande diffusion, l’objet étant l’accroissement d’une clientèle.155 Les pratiques commerciales sont contraires à l’honneur professionnel, ce pour toute sorte de commission, participation à des activités commerciales, ou partage d’honoraire.156 Pour ce qui est de la pratique professionnelle, le critère essentiel est celui du danger créé à l’égard de patients.157 Des visites non limitées au strict nécessaire sont amnistiables158 alors que s’agissant de la prescription d’un traitement incohérent ou dangereux, l’amnistie est refusée dès qu’il y a eu diagnostic établi à la légère et recherche d’intérêt.159 Les fautes professionnelles mettant en cause la sécurité des personnes sont jugées non amnistiables,160 de même qu’une opposition de principe aux vaccinations,161 qui se trouve en cela rapprochée de pratiques charlatanesques.162 Un emprunt auprès d’une malade malgré un remboursement tardif est exclu du bénéfice de l’amnistie,163 de même qu’un défaut de tenue d’un dossier médical empêchant le suivi correct d’un patient.164 Des certificats médicaux constituant une immixtion dans les affaires de la famille peuvent être reconnus amnistiables.165 Dans le cadre du contentieux du contrôle technique, il n’existe pas non plus de faute qui soit par nature amnistiable ou non. La juridiction procède à un examen au cas par cas. L’amnistie est accordée en cas de comportement isolé relevant de l’erreur ou de l’inadvertance alors qu’elle est refusée lorsqu’il y a un 154. – La diffusion d’un prospectus publicitaire : CE, 12 juillet 1955, Grunberg, Rec. p. 407, concl. J. Guonin. La diffusion d’auto-colants mentionnant le numéro de téléphone de l’association d’urgence : SD, 22 mars 1989, Bull. CNOM, déc. 1990, p. 173. Des encarts publicitaires dans une brochure municipale et dans un annuaire de poche : SD, 24 oct. 1990, Bull. CNOM, déc. 1991, p. 171 ; SD, 23 janv. 1982, Bull. CNOM, avr. 1983, p. 17. L’envoi d’une lettre circulaire informant d’une permanence : CE, 17 déc. 1971, Virapin Apou, Rec. p. 779. La distribution de cartes professionnelles : CE, 28 mars 1984, Aubry, Req. N° 43379. plaque professionnelle de dimension excessive : SD, 25 janv. 1989, Bull. CNOM, déc. 1990, p. 173. mention irrégulière de titres : SD, 2 juin 1982, Bull. CNOM, avr. 1983, p. 21. 155. CE, 2 fév. 1977, Bull. CNOM, déc. 1977, p. 563. 156. Commissions perçues par des chirurgiens-orthopédistes auprès de sociétés commerciales fabriquant des appareils de prothèse : SD, 19 nov. 1993, Bull. CNOM, déc. 1993, p. 212. Décisions contraires : la participation à des activités commerciales dans un centre de chirurgie dentaire : CE, 20 janv. 1971, Scalie, Rec. p. 61 ; des honoraires abusifs et un recouvrement critiquable : CE, 18 mars 1963, Nemegey, Rec. T. p. 976 ; partage d’honoraires est contraire à l’honneur professionnel : CE, 18 déc. 1957, Monod, Rec. p. 687, concl ; Monsieur Grevisse, Commissaire du gouvernement. 157. SD, 9 juil. 1992, Bull. CNOM, déc. 1993, p. 219 ; SDAS, 14 juin 1989, Bull. CNOM, déc. 1990, p. 185 ; SDAS, 14 juin 1989, Bull. CNOM, déc. 1990, p. 187 ; SD, 15 sept. 1982, Bull. CNOM, avr. 1983, p. 20 ; CE, 16 juin 1971, Picouret, Rec. p. 44 ; CE, 19 oct. 1979, Darlet, Rec. p. 380. 158. CE, 9 fév. 1979, Arnaud, Rec. T. p. 868. 159. CE, 27 juin 1962, Briault, Rec. p. 427. 160. CE, 23 mars 1962, Boileau, Rec. p. 205. 161. SD, 25 avr. 1990, Bull. CNOM, déc. 1991, p. 169. 162. CE, 2 oct. 1959, Raynaud, Rec. p. 484. 163. SD, 23 janv. 1991, Bull. CNOM, déc. 1992, p. 172. 164. SD, 22 sept. 1993, Bull. CNOM, déc. 1994, p. 204. 165. CE, 5 juil. 1985, Guillot, Rec. p. 221 ; SD, 22 juin 1982, Bull. CNOM, avr. 1983, p. 7 ; SD, 1er juin 1983, Bull. CNOM, avr. 1984, p. 6. Septembre 2006, vol. 6, n° 3

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CHRONIQUES comportement systématique ou recherche d’un profit financier et, d’une manière générale, attitude frauduleuse.166

2 – L’amnistie décrétale Les lois instituent de manière traditionnelle la possibilité d’amnistie individuelle prise sous forme d’un décret du Président de la République. Cette procédure permet l’examen de circonstances particulières justifiant une extension exceptionnelle du régime général de la loi. La mesure vise à contourner une jurisprudence trop restrictive de l’Ordre167 et le régime, dans ses effets, est celui de l’amnistie. La nature du recours s’approche du droit de grâce. La requête est adressée au Président de la République qui fait procéder à une instruction par le service de la direction des affaires criminelles et des grâces du ministère de la santé publique. La décision intervient sous la forme d’un décret présidentiel. Un refus n’est pas susceptible de recours. Ce mode d’amnistie individuelle renvoie au pouvoir régalien du Président de la République. Elle n’est en rien de nature juridictionnelle.168 La loi fixe le principe de l’amnistie et reconnaît à l’Ordre la possibilité d’en limiter les effets mais elle laisse à l’initiative du chef de l’État d’extraire de la répression ordinale des situations particulières.

166. – Abus d’actes : SDAS, 6 fév. 1991, Bull. CNOM, déc. 1992, p. 191 ; SDAS, 24 avr. 1991, Bull. CNOM, déc. 1992, p. 191 ; SDAS, 24 avr. 1991, Bull. CNOM, déc. 1992, p. 187 ; SDAS, 7 fév. 1990, Bull. CNOM, déc. 1991, p. 176. Cotations abusives : SDAS, 8 fév. 1990, Bull. CNOM, déc. 1991, p. 177 ; SDAS, 16 mai 1990, Bull. CNOM, déc. 1991, p. 177 ; SDAS, 4 mai 1983, Bull. CNOM, avr. 1984, p. 27 ; SDAS, 13 nov. 1986, Bull. CNOM, juin 1987, p. 42 ; CE, 23 mars 1994, Bull. CNOM, déc. 1995, p. 304 ; SDAS, 15 juin 1989, Bull. CNOM, déc. 1990, p. 182. Attestations d’actes fictifs : SDAS, 7 mars 1991, Bull. CNOM, déc. 1992, p. 193 ; SDAS, 9 janv. 1992, Bull. CNOM, déc. 1993, p. 227 ; SDAS, 19 mars 1992, Bull. CNOM, 1993, p. 226 ; SDAS, 22 mai 1986, Bull. CNOM, juin 1987, p. 60. Actes non exécutés personnellement : CE, 12 fév. 1988, Bull. CNOM, juin 1989, p. 34 ; SDAS, 16 mai 1990, Bull. CNOM, déc. 1991, p. 176 ; CE, 30 sept. 1988, Bull. CNOM, juin 1989, p. 44 . Honoraires abusifs : SDAS, 9 mars 1992, Bull. CNOM, déc. 1993, p. 229 ; Des honoraires abusifs fondés sur les exigences particulières des patients, mais n’étant pas fixés avec tact et mesure, jugés amistiables : SDAS, 7 mars 1991, Bull. CNOM, déc. 1992, p. 193 ; Voir de même à l’occasion d’un exercice en secteur privé à l’hôpital : SDAS, 6 juin 1991, Bull. CNOM, déc. 1992, p. 194 ; De même pour un médecin de secteur II ayant librement fixé ses honoraires alors qu’il assurait un service de garde : CE, 26 avr. 1993, Bull. CNOM, déc. 1994, p. 232 ; Amnistie accordée pour une fixation abusive d’honoraires liés à une mauvaise interprétation de la convention : CE 26 mai 1989, Bull. CNOM, déc. 1990, p. 204. Non-respect des sanctions : Le refus intentionnel de respecter une décision d’interdiction de donner des soins aux assurés sociaux est jugé non amnistiable : CE, 20 oct. 1993, Sam Oeun, Rec. T. p. 1003 ; On relève l’existence d’une décision retenant une solution différente : CE, 11 fév. 1970, Pech, Rec. p. 103. 167. L’article 14 alinéa 3 de la loi du 6 août 1995 reprend une disposition qui est devenue une sorte de règle générale de l’amnistie professionnelle : « Sauf mesure individuelle accordée par décret du Président de la République sont exceptés du bénéfice de l’amnistie prévue par le présent article les faits constituant des manquements à la probité, aux bonnes mœurs ou à l’honneur ». 168. Sur le régime des amnisties décrétales : CE, 24 nov. 1961, Assemblée Electricité de Strasbourg/Schaub, Rec. p. 660 ; CE, 1er juin 1962, Electricité de Strasbourg/Hotz, Rec. p. 366 ; CE, 31 janv. 1986, Legrand, D. 1986, p. 468, note Plouvin, AJDA 1986, p. 396, note Richer.

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