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Actualités
Les actualités de DDES 4e trimestre 2016 Comité de rédaction de DDES Cabinet Devers, 23, rue des Belles-Feuilles, 75116 Paris, France Disponible sur Internet le 1 mars 2017
I – International 1. Lutte contre le paludisme 2. Vaccin contre la rougeole 3. Lutte contre les infections en chirurgie et contre les superbactéries 4. Assainissement et santé publique II – Droits fondamentaux 5. Défenseur des droits et lanceurs d’alerte 6. Traitement de données à caractère personnel du « dossier médical partagé » 7. Doctrine III – Éthique et bioéthique 8. Recherches impliquant la personne humaine 9. Recherches à finalité commerciale impliquant la personne humaine IV – Politiques publiques et réglementation des activités de santé 10. Stratégie nationale de santé 11. Déclaration des événements indésirables graves liés aux soins 12. Organisation territoriale de la veille et de la sécurité sanitaire 13. Permanence des soins 14. Référentiel de bonnes pratiques sur les applications et les objets connectés en santé 15. Doctrine
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V – Établissement de santé 16. Établissements de santé assurant le service public hospitalier 17. Information du patient sur le coût des prestations délivrées 18. Dispositifs de biovigilance et de vigilance en AMP 19. Évaluations des produits de santé 20. Réquisition de personnel en cas de grève 21. Mutation dans l’intérêt du service 22. Doctrine VI – Professions de santé 23. Code de déontologie des pédicures-podologues 24. Code de déontologie des infirmiers 25. La régulation du réseau des pharmacies d’officine 26. Profession d’assistant dentaire 27. Partage d’informations en dehors de l’équipe de soins 28. Contrôle de l’activité des professionnels libéraux 29. Recrutement impossible d’infirmières par une copropriété 30. Procédure IFSI VII – Droits sociaux 31. Licenciement d’un praticien attaché suite à une maladie professionnelle 32. Contestation de la notation et d’une sanction 33. Annulation d’une sanction disciplinaire déguisée et indemnisation 34. Doctrine VIII – Responsabilité 35. Obligation d’information et causalité 36. Information sur les risques exceptionnels mais graves 37. Perforation non fautive du grêle lors de la ponction d’ovocytes 38. Pédiatrie : faute et perte de chances à 100 % 39. Faute d’un SDIS et évaluation de la perte de chance 40. Faute dans la prise en charge d’un cancer, et perte de chance 41. Preuve d’une chute 42. Préjudice d’angoisse de mort 43. Affaire du Médiator (1) 44. Affaire du Médiator (2) 45. Doctrine IX – Santé mentale 46. Hospitalisation sous contrainte et compétence du juge judiciaire 47. Contrainte : Irrégularité éventuelle des mesures antérieures 48. Faute dans l’organisation du service et suicide 49. Administration anticipée de méthadone
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50. Décès soudain et absence de faute de surveillance 51. Doctrine
I – International 1. Lutte contre le paludisme 䊏 OMS, rapport de décembre 2016 Le Rapport 2016 sur le paludisme dans le monde de l’Organisation mondiale de la santé révèle que les enfants et les femmes enceintes en Afrique subsaharienne ont un plus large accès aux interventions efficaces de lutte contre le paludisme. Dans toute la région, on a signalé ces 5 dernières années une augmentation sensible des tests de diagnostic du paludisme chez l’enfant et des traitements préventifs administrés aux femmes enceintes. En outre, l’utilisation des moustiquaires imprégnées d’insecticide s’est rapidement élargie chez l’ensemble de la population exposée au paludisme. Toutefois, dans de nombreux pays de la région, des lacunes importantes subsistent en matière de couverture par les programmes. Les déficits de financement ainsi que les systèmes de santé fragiles sapent les progrès accomplis et mettent en péril la réalisation des cibles mondiales. Les tests de diagnostic permettent aux personnels soignants de détecter rapidement le paludisme et de prescrire un traitement salvateur. Selon les nouvelles conclusions présentées dans le rapport en 2015, environ la moitié (51 %) des enfants présentant de la fièvre et consultant un établissement de santé publique dans 22 pays africains ont été soumis à un test de diagnostic du paludisme, par rapport à 29 % en 2010. Afin de protéger les femmes vivant dans des zones à transmission modérée ou forte de paludisme, l’OMS recommande le traitement préventif intermittent pendant la grossesse par l’administration de sulfadoxine-pyriméthamine. Un financement durable et suffisant pour la lutte antipaludique constitue un grave problème. En dépit de la nette augmentation des investissements mondiaux en faveur de la lutte antipaludique entre 2000 et 2010, le financement stagne depuis cette période, à 2,9 milliards de dollars pour un objectif de 6,4 milliards de dollars. 2. Vaccin contre la rougeole 䊏 CDC/GAVI/UNICEF/OMS, 10 novembre 2016 Malgré une baisse de 79 % des décès dus à la rougeole dans le monde entre 2000 et 2015, près de 400 enfants meurent encore chaque jour de cette maladie, ont déclaré les principales organisations œuvrant dans le secteur de la santé dans un rapport publié aujourd’hui. Selon les estimations, des campagnes de vaccination antirougeoleuse de masse ainsi qu’une augmentation mondiale de la couverture par la vaccination antirougeoleuse systématique ont permis de sauver 20,3 millions de jeunes enfants entre 2000 et 2015, selon l’UNICEF, l’Organisation mondiale de la santé (OMS), l’Alliance GAVI, et les Centers for Disease Control and Prevention (CDC) des États-Unis. Dans nombre de pays, les flambées de rougeole, causées par des lacunes dans la vaccination systématique et dans les campagnes de vaccination de masse, continuent de poser de graves problèmes. En 2015, de grandes flambées épidémiques ont été signalées en Égypte, en Éthiopie,
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en Allemagne, au Kirghizistan et en Mongolie. Les flambées survenues en Allemagne et en Mongolie ont touché des personnes plus âgées, mettant en évidence la nécessité de vacciner les adolescents et les jeunes adultes qui n’ont pas de protection contre la rougeole. 3. Lutte contre les infections en chirurgie et contre les superbactéries 䊏 OMS, Étude, novembre 2016 Les Lignes directrices mondiales pour la prévention des infections sur le site opératoire (Global Guidelines for the Prevention of Surgical Site Infection) comportent une liste de 29 recommandations concrètes faites par 20 des plus éminents experts mondiaux à partir de 26 études des données les plus récentes. Ces recommandations ont été aussi publiées dans The Lancet Infectious Diseases et sont conc¸ues pour lutter contre la charge croissante des infections liées aux soins de santé qui pèse à la fois sur les patients et les systèmes de santé dans le monde entier. Dans les pays à revenu faible ou intermédiaire, 11 % des patients opérés sont infectés au cours de l’intervention. En Afrique, jusqu’à 20 % des femmes ayant une césarienne contractent une infection de la plaie, ce qui compromet leur santé et leur capacité de s’occuper de leurs enfants. Mais le problème des infections du site opératoire n’est pas réservé aux pays pauvres. Aux ÉtatsUnis, elles contribuent à plus de 400 000 journées supplémentaires d’hospitalisation, augmentant les dépenses totales de 900 millions de dollars (US $) par an. On trouve dans les lignes directrices 13 recommandations à appliquer avant l’intervention et 16 pendant et après l’acte chirurgical pour la prévention des infections. Elles vont de simples précautions, comme s’assurer que les patients se baignent ou prennent une douche avant l’opération ou décrire le meilleur moyen de se laver les mains pour les équipes chirurgicales, à des orientations sur les antibiotiques à utiliser en prévention, les désinfectants à employer avant les incisions et les sutures à faire. Point important, les lignes directrices recommandent de n’utiliser les antibiotiques pour la prévention des infections qu’avant et pendant l’opération seulement, une mesure cruciale pour arrêter la propagation de la résistance aux antimicrobiens. Il ne faut pas les utiliser après les interventions, comme c’est souvent le cas. 4. Assainissement et santé publique 䊏 OMS, aide-mémoire no 391, novembre 2016 En 2015, 68 % de la population mondiale avait accès à des installations d’assainissement améliorées, incluant des toilettes à chasse d’eau ou des latrines couvertes, contre 54 % en 1990. Quelque 2,4 milliards de personnes ne disposent toujours pas de toilettes ou de latrines. Parmi elles, 946 millions défèquent à l’air libre, par exemple dans les caniveaux, derrière des buissons ou dans des plans d’eau. Depuis 1990, la proportion de la population ayant accès à des installations améliorées est passée de 54 à 68 % mais quelque 2,4 milliards de personnes ne disposent toujours pas de toilettes ou de latrines couvertes. En 2010, l’Assemblée générale des Nations Unies a reconnu le droit à l’eau potable et à l’assainissement comme un droit de l’homme. Elle a appelé à faire davantage d’efforts au niveau international pour aider les pays à fournir à leur population de l’eau potable et des services d’assainissement accessibles et abordables.
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Chaque année, plus de 842 000 personnes dans les pays à revenu faible ou intermédiaire meurent à cause du manque d’eau, d’assainissement et d’hygiène, soit 58 % du total des décès par diarrhée. On pense que la cause principale réside dans les mauvaises conditions d’assainissement pour 280 000 d’entre eux. La diarrhée reste un facteur majeur de mortalité, pourtant en grande partie évitable. Par exemple, l’amélioration de l’approvisionnement en eau, de l’assainissement et de l’hygiène permettrait d’éviter chaque année la mort de 361 000 enfants de moins de 5 ans. La défécation à l’air libre entretient le cercle vicieux de la maladie et de la pauvreté. Les pays où cette pratique est la plus répandue atteignent aussi les niveaux les plus élevés pour ce qui est de la mortalité des enfants de moins de 5 ans, de la malnutrition, de la pauvreté, avec de fortes disparités dans la répartition des richesses.
II – Droits fondamentaux 5. Défenseur des droits et lanceurs d’alerte 䊏 Loi organique no 2016-1690 du 9 décembre 2016 En modification de la loi organique no 2011-333 du 29 mars 2011 relative au Défenseur des droits, la loi organique no 2016-1690 du 9 décembre 2016 donne mission au Défenseur des Droits « d’orienter vers les autorités compétentes toute personne signalant une alerte dans les conditions fixées par la loi, de veiller aux droits et libertés de cette personne ». Les personnes ayant saisi le Défenseur des droits ne peuvent faire l’objet, pour ce motif, de mesures de rétorsion ou de représailles. 6. Traitement de données à caractère personnel dénommé « dossier médical partagé » 䊏 Décret no 2016-1545 du 16 novembre 2016 Ce décret, pris en application de l’article 96 de la loi no 2016-41 du 26 janvier 2016, autorise la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés à créer et mettre en œuvre un traitement de données à caractère personnel, le « dossier médical partagé ». Ce traitement a pour finalité de favoriser la prévention, ainsi que la coordination, la qualité et la continuité des soins grâce : • au partage entre professionnels de santé de l’information sur un patient qu’ils prennent en charge dans les conditions définies aux articles R. 1111-38, R. 1111-39, R. 1111-41 et R. 1111-43 CSP ; • au versement dans le dossier médical partagé par les professionnels de santé des éléments prévus au premier alinéa de l’article L. 1111-15 CSP ; • au versement dans ce dossier par les organismes d’assurance maladie des données mentionnées au deuxième alinéa de l’article L. 1111-15 CSP. La possibilité offerte aux patients de créer eux-mêmes leur propre dossier médical partagé, conformément aux dispositions de l’article R. 1111-32 CSP, et d’y faire figurer les directives anticipées mentionnées à l’article L. 1111-11 du même code contribue à l’accomplissement de ces finalités. Le texte définit les catégories de données à caractère personnel utilisées par le traitement et la création d’un identifiant. Le titulaire d’un dossier médical partagé, ou son représentant légal pour les titulaires mineurs ou les titulaires majeurs faisant l’objet d’une mesure de protection juridique, a accès aux données
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contenues dans son dossier selon les modalités prévues aux articles R. 1111-35, R. 1111-40 et R. 1111-42 CSP. 7. Doctrine L. Fermaud, « Les droits des personnes en fin de vie », AJDA, no 38, 14 novembre 2016, p.2143. M. Bénéjat-Guerlin, « Droit pénal et fin de vie », AJ Pénal, no 11, 17 novembre 2016, p. 522. F. Vialla et P. Véron, « Fin de vie (loi du 2 février 2016) : légalité d’une décision arrêt des traitements », note sous TA Lyon, 9 novembre 2016, no 1607855, Recueil Dalloz, no 40, 24 novembre 2016, p. 2345. F. Vialla, « Penser sa mort ? », Recueil Dalloz, no 32, 29 septembre 2016, p. 1869. J.-M. Larralde, « Les États doivent prendre des mesures effectives et efficaces afin d’assurer des soins prénatals et néonatals d’une qualité suffisante », note sous CEDH, Aydogdu c./Turquie, 30 août 2016, no 40448/06, Essentiel Droit de la famille et des personnes, 1er décembre 2016, no 11, p. 2. P. Reigné, « L’intersexuation et la mention du sexe à l’état civil », Recueil Dalloz, no 32, 29 septembre 2016, p. 1915. J. Gaté, « Ordre public, moralité publique et dignité de la personne humaine : quels pouvoirs pour le maire ? Quelles obligations ? », AJCT, no 11, 14 novembre 2016, p. 540. C. Belporo, « Les enjeux contemporains de l’encadrement de la responsabilité des entreprises en matière de droits humains dans la chaîne d’approvisionnement : le cas pratique de la tragédie du Bangladesh », Revue Droit du travail, no 11, 28 novembre 2016, p. 722. B. Haftel : « Autorisation d’une insémination post-mortem, une décision de circonstance ? », note sous TA Rennes, 11 octobre 2016, no 1604451, Recueil Dalloz, no 40, 24 novembre 2016, p. 2392. A. Gogos-Gintrand, « Intersexualité : binarité des sexes, médecine et droit », RDSS, no 5, 4 novembre 2016, p. 920.
III – Éthique et bioéthique 8. Recherches impliquant la personne humaine 䊏 Décret no 2016-1537 du 16 novembre 2016 Ce décret, inclus aux articles R. 1121-3 s. CSP, précise les modalités de réalisation des recherches impliquant la personne humaine. Il précise notamment les définitions applicables aux différentes catégories de recherche, le fonctionnement des comités de protection des personnes et de la commission nationale des recherches impliquant la personne humaine ainsi que les règles applicables en matière de vigilance. Pour l’application du 2◦ du III de l’article L. 1121-16-1 CSP, le promoteur peut, dès lors qu’il dispose d’un avis favorable du comité de protection des personnes, demander aux ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale la prise en charge à titre dérogatoire par les caisses d’assurance maladie des médicaments expérimentaux ou auxiliaires autorisés ou produits faisant l’objet de la recherche, lorsqu’ils ne sont pas utilisés dans les conditions ouvrant droit au remboursement. Un arrêté de ces deux ministres pris après avis de la Haute Autorité de santé et de l’Union nationale des caisses d’assurance maladie, précise les données devant être communiquées par le promoteur à l’appui de sa demande de prise en charge.
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L’article R. 1123-23.-I. CSP fait évoluer le fonctionnement du comité de protection des personnes. L’article D. 1123-27 CSP traite de la commission nationale des recherches impliquant la personne humaine (CSP, art. L. 1123-1-1) et définit ses compétences. 9. Recherches à finalité commerciale impliquant la personne humaine 䊏 Décret no 2016-1538 du 16 novembre 2016 Le décret, inclus aux articles R. 1121-4 s CSP, précise les modalités selon lesquelles la mise en œuvre d’une recherche biomédicale à finalité commerciale dans un établissement, une maison ou un centre de santé donne lieu à une convention unique obligatoire. Cette convention détermine les modalités de remboursement des coûts et des surcoûts générés par la recherche et les modalités de leur comptabilisation. Par ailleurs, elle peut prévoir le versement par le promoteur de contreparties en sus du remboursement des coûts et surcoûts. Elle est exclusive de tout autre contrat onéreux relatif à la recherche concernée, notamment tout contrat entre l’investigateur et le promoteur. Lorsqu’une recherche à finalité commerciale (CSP, Art. L. 1121-1) est réalisée, elle fait l’objet d’une convention entre le représentant légal du lieu de la recherche et le représentant légal du promoteur de la recherche (CSP, Art. L. 1121-16-1). Le promoteur est tenu de fournir gratuitement les produits faisant l’objet de la recherche, ou de les mettre gratuitement à disposition pendant le temps de la recherche, sauf dans les cas où la loi en dispose autrement, et de prendre en charge les frais engagés par l’établissement de santé.
IV – Politiques publiques et réglementation des activités de santé 10. Stratégie nationale de santé 䊏 Décret no 2016-1621 du 28 novembre 2016 Ce décret, pris pour l’application des articles 1er et 2 de la loi no 2016-41 du 26 janvier 2016, inclus aux articles R. 1411-1 CSP, définit les domaines d’action prioritaires et les objectifs de la stratégie nationale de santé pour une durée maximale de dix ans. Chaque ministre arrête dans son champ de compétences les plans ou programmes opérationnels nécessaires à la mise en œuvre de cette stratégie nationale, à laquelle concourent également les projets régionaux de santé, les projets, plans et programmes déjà mentionnés dans les codes de la santé publique, de la sécurité sociale et de l’action sociale et des familles ainsi que ceux mis en œuvre par les organismes gestionnaires de l’assurance maladie et par les opérateurs de l’Etat. Le décret précise les modalités d’adoption ou de révision de la stratégie nationale de santé ainsi que les modalités du suivi de sa mise en œuvre et de son évaluation. La stratégie nationale de santé est définie par décret pour une durée qui ne peut excéder dix années. Ce décret précise les domaines d’action prioritaires et les objectifs d’amélioration de la santé et de la protection sociale contre les conséquences de la maladie, de l’accident et du handicap, poursuivis par la stratégie nationale de santé. Il comporte des dispositions relatives aux priorités de la politique de santé de l’enfant. Cette stratégie est élaborée au vu d’une analyse des principaux problèmes de santé de la population et des déterminants de son état de santé, tels que mentionnés au 1◦ de l’article L. 1411-1 CSP et des stratégies d’action envisageables.
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Préalablement à l’adoption ou à la révision de la stratégie nationale de santé, une consultation publique est organisée à l’initiative du ministre chargé de la santé, en lien avec la Conférence nationale de santé et le Haut Conseil de la santé publique. L’ensemble donne lieu à un suivi annuel ainsi qu’à des évaluations pluriannuelles permettant d’apprécier les résultats sanitaires obtenus et l’impact sanitaire, social et économique de ces plans et programmes au regard des ressources mobilisées, et d’en tirer les enseignements nécessaires à l’adaptation des politiques publiques. 11. Déclaration des événements indésirables graves liés aux soins 䊏 Décret no 2016-1606 du 25 novembre 2016 Ce décret, pris pour l’application de l’article 161 de la loi no 2016-41 du 26 janvier 2016 et inclus aux articles R. 1413-67 CSP, précise les modalités de déclaration par les professionnels de santé, les établissements de santé et les établissements ou services médico-sociaux des événements indésirables graves associés à des soins. Cette déclaration s’effectue en deux parties : une première partie effectuée sans délai, qui comprend les premiers éléments relatifs à l’événement puis, après analyse, une seconde partie effectuée dans les trois mois suivants, qui comprend les éléments de retour d’expérience ainsi que les mesures correctives prises ou envisagées. Le décret définit également l’organisation des structures régionales d’appui à la qualité des soins et à la sécurité des patients, qui sont mises en place par les agences régionales de santé pour apporter une expertise médicale, technique et scientifique aux établissements de santé, aux établissements ou services médico-sociaux et à tout professionnel de santé. Un événement indésirable grave associé à des soins réalisés lors d’investigations, de traitements, d’actes médicaux à visée esthétique ou d’actions de prévention est un événement inattendu au regard de l’état de santé et de la pathologie de la personne et dont les conséquences sont le décès, la mise en jeu du pronostic vital, la survenue probable d’un déficit fonctionnel permanent y compris une anomalie ou une malformation congénitale. Tout professionnel de santé quels que soient son lieu et son mode d’exercice ou tout représentant légal d’établissement de santé, d’établissement ou de service médico-social ou la personne qu’il a désignée à cet effet qui constate un événement indésirable grave associé à des soins le déclare au directeur général de l’agence régionale de santé au moyen du formulaire prévu à l’article R. 1413-70 CSP. La structure régionale d’appui à la qualité des soins et à la sécurité des patients aide les professionnels de santé concernés à analyser les déclarations des événements indésirables graves mentionnés à l’article R. 1413-67 CSP et contribue ainsi à éclairer le directeur général de l’agence régionale de santé sur les conclusions à en tirer (CSP, Art. R. 1413-75). Le directeur général de l’ARS désigne une ou des structures régionales d’appui à la qualité des soins et à la sécurité des patients, coordonnées entre elles, pour une durée de cinq ans renouvelable par tacite reconduction. Ces structures, dotées de la personnalité morale, se conforment à un cahier des charges défini par arrêté du ministre chargé de la santé. 12. Organisation territoriale de la veille et de la sécurité sanitaire 䊏 Décret no 2016-1644 du 1er décembre 2016 Ce décret, inclus aux articles R. 1413-59 CSP, définit l’organisation stratégique de la veille et de la sécurité sanitaire en région selon trois niveaux : l’organisation du recueil et du traitement de
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certains signalements par l’ARS, la mise en place par l’ARS d’une réunion régionale de sécurité sanitaire et la mise en place et l’animation par l’ARS du réseau régional de vigilances et d’appui. Ce texte est pris en application de l’article 160 de la loi no 2016-41 de modernisation de notre système de santé. Le directeur général de l’ARS organise le recueil et la transmission vers l’agence, et le traitement partagé des données relatives aux maladies notifiées ou signalées (CSP, Art. R. 3113-2 et R. 3113-4), des déclarations d’infections associées aux soins et d’événements indésirables graves liés aux soins (CSP, Art. L. 1413-14) et des signalements (CSP, Art. L. 1413-15). Le directeur général de l’ARS constitue et anime un réseau régional de vigilance et d’appui (CSP, Art. L. 1435-12 et R. 1413-62). 13. Permanence des soins 䊏 Décret no 2016-1645 du 1er décembre 2016 Ce décret tire les conséquences du rétablissement de la notion de service public hospitalier sur l’ensemble des textes réglementaires concernés. Il organise la permanence des soins en établissement de santé au sein d’un volet spécifique du schéma régional de santé et précise la procédure d’appel à candidatures. Il est pris pour l’application de l’article 99 de la loi no 2016-41 du 26 janvier 2016. Le directeur général de l’ARS, dans le cadre du schéma régional de santé, prévoit un volet dédié à l’organisation de la permanence des soins (CSP, Art. L. 1434-2, L. 6111-1-3 et Art. R. 611141). Ce volet évalue les besoins de la population et fixe des objectifs, pour les zones (CSP, Art. L. 1434-9). Dans les établissements de santé publics et privés d’intérêt collectif, la structure de médecine d’urgence est placée sous la responsabilité d’un praticien hospitalier de médecine polyvalente d’urgence ou d’un médecin justifiant d’une expérience professionnelle équivalente à au moins deux ans dans cette discipline et titulaire du diplôme d’études spécialisées complémentaires en médecine d’urgence (CSP, Art. D. 6124-6). 14. Référentiel de bonnes pratiques sur les applications et les objets connectés en santé (mobile Health ou mHealth) 䊏 HAS, 7 novembre 2016 La santé mobile offre de nouvelles possibilités pour améliorer la surveillance des maladies chroniques et permettre au patient d’être un acteur de sa prise en charge. Elle pourrait également contribuer au développement de la dimension préventive de notre système de santé. Dans ce contexte et à la demande de la Délégation à la Stratégie des Systèmes d’Information de Santé (DSSIS), la HAS a inscrit à son programme de travail l’élaboration du référentiel de bonnes pratiques portant sur les applications et les objets connectés en santé. Ce référentiel de bonnes pratiques qui s’adresse aux industriels et aux évaluateurs (structures d’évaluation, associations de consommateurs ou sociétés savantes médicales) vise à guider, à promouvoir l’usage et à renforcer la confiance dans les applications et les objets connectés. La HAS complétera prochainement ce travail avec des documents à destination des utilisateurs : professionnels de santé et usagers.
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15. Doctrine S. Blanot, « Comment médecins et magistrats peuvent-ils optimiser le prélèvement d’organes pédiatriques en situation d’obstacle médico-légal ? », Gazette du Palais, 15 novembre 2016, no 40, p. 19. S. Monnier, « L’obligation de prendre les décrets d’application de la loi Jardé », JCP Adm. et Coll., no 43–44, 2 novembre 2016, p. 2285. L. Franc¸ois, « Délit de publicité en faveur du tabac : nouvelle illustration jurisprudentielle de la rigueur de la chambre criminelle », note sous Crim. 18 mai 2016, no 15-80922, Revue Legipresse, no 342, octobre 2016, p. 549. B. Javaux, « Action de groupe en matière de santé : un décret source d’insécurité juridique », JCP Générale, no 40, 3 octobre 2016, p. 1033. S. De Silguy, « E-santé et protection de la vie privée : à la recherche d’un équilibre. », Lamy Droit civil, no 143, décembre 2016. E. Brosset, « Le droit à l’épreuve de la e-santé : quelle “connexion” du droit de l’Union européenne ? », RDSS no 5, 4 novembre 2016, p. 869.
V – Établissement de santé 16. Établissements de santé assurant le service public hospitalier 䊏 Décret no 2016-1505 du 8 novembre 2016 Ce décret, inclus dans le CSP aux articles R. 6112-4 s, définit, en application des articles L. 61121 s CSP, la procédure d’habilitation au service public hospitalier. Il vient par ailleurs préciser certaines obligations du service public hospitalier, qu’il s’agisse des modalités de participation des représentants des usagers du système de santé à la gouvernance des établissements habilités à assurer le service public hospitalier ou de la mise en œuvre des actions mentionnées au III de l’article L. 6112-2 CSP : développement d’actions en cas de carence, coopérations à la demande de l’ARS. Lorsqu’un établissement de santé privé est habilité à assurer le service public hospitalier (CSP, Art. L. 6112-3), il doit mettre en conformité ses statuts pour accueillir comme administrateur des représentants des usagers (CSP, Art. L. 1114-1). La durée du mandat des représentants des usagers et de leurs suppléants est identique à celle fixée pour les autres membres de l’instance. Les représentants des usagers ont accès aux mêmes informations et documents que les autres administrateurs. 17. Information du patient sur le coût des prestations délivrées par un établissement de santé 䊏 Décret no 2016-1471 du 28 octobre 2016 Pour toute prise en charge effectuée par un établissement de santé, le patient rec¸oit, au moment de sa sortie, un document l’informant du coût de l’ensemble des prestations rec¸ues. Le présent décret, inclus aux articles D. 1112-67-1 CSP a pour objet de préciser les conditions de délivrance de cette information. Ce document, remis au patient au plus tard à sa sortie de l’établissement, mentionne de manière distincte :
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• le cas échéant, le montant des frais pris en charge par le régime obligatoire d’assurance maladie auquel est affilié le patient ; • le cas échéant, le montant pris en charge par son organisme d’assurance maladie complémentaire ; • le cas échéant, la somme restant à la charge du patient. 18. Dispositifs de biovigilance et de vigilance en AMP 䊏 Décret no 2016-1622 du 29 novembre 2016 L’article 173 de la loi no 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé prévoit le transfert de la biovigilance pour le lait maternel, les organes, les tissus, les cellules et les préparations de thérapie cellulaire de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé à l’Agence de la biomédecine. Ce même article renvoie à un décret le soin de définir les modalités de ce transfert. Le présent texte modifie les dispositions actuelles relatives au dispositif de biovigilance, notamment en ce qui concerne les missions respectives des personnes morales et physiques intervenant dans ce dispositif. Par ailleurs, à cette occasion, les dispositions en vigueur du dispositif de vigilance en assistance médicale à la procréation sont harmonisées avec celles de la biovigilance. Selon l’article R. 1211-29.-I CSP, le dispositif de biovigilance porte sur : • les éléments et produits du corps humain et leurs dérivés utilisés à des fins thérapeutiques ainsi que sur les dispositifs médicaux les incorporant ; • les activités relatives à ces éléments, produits ou dérivés telles que mises en œuvre par les personnes mentionnées à l’article R. 1211-32 ; • les donneurs d’éléments ou de produits du corps humain, les patients et les receveurs qui ont recours à la greffe ou à l’administration à des fins thérapeutiques de ces éléments, produits ou dérivés. Selon l’article R. 1211-30 CSP, la biovigilance a pour objet de : • surveiller de fac¸on systématique tous les incidents et tous les effets indésirables ; • signaler sans délai les incidents graves et les effets indésirables inattendus au correspondant local de biovigilance ; • déclarer sans délai à compter de leur signalement les incidents graves et les effets indésirables inattendus à l’Agence de la biomédecine ; • analyser, évaluer et exploiter ces informations en vue de limiter la probabilité de survenue de tout nouvel incident grave ou effet indésirable inattendu ou d’en diminuer la gravité ; • réaliser toute investigation ou étude portant sur les incidents graves et les effets indésirables inattendus. Le texte fournit un certain nombre de définitions : • incident : accident ou erreur entraînant ou susceptible d’entraîner un effet indésirable, une perte de l’élément, produit ou dérivé ou défaut de qualité ou de sécurité de l’élément, produit ou dérivé ; • incident grave : tout incident entraînant ou susceptible d’entraîner un effet indésirable grave ou un effet indésirable inattendu, ou toute perte importante de l’élément, produit ou dérivé empêchant la réalisation de la greffe ou de l’administration du produit, toute fréquence anormalement élevée de survenue d’incidents ou d’effets indésirables attendus, et toute information concernant le donneur ou le don, découverte de fac¸on fortuite après le prélèvement et dont les conséquences sont susceptibles d’entraîner un risque pour la santé des patients et des receveurs ;
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• effet indésirable : réaction nocive liée ou susceptible d’être liée à un élément, produit ou dérivé ; • effet indésirable grave : effet indésirable ayant entraîné la mort ou ayant mis la vie en danger, entraîné une invalidité ou une incapacité, ou provoqué ou prolongé une hospitalisation ou tout autre état morbide ; • effet indésirable inattendu : effet indésirable grave ou non grave dont la nature, la sévérité, l’évolution n’est pas attendue au regard des critères définis par l’Agence de la biomédecine ; • surveillance : le fait pour les professionnels intervenant dans les activités mentionnées au 2◦ du I de l’article R. 1211-29 d’enregistrer tous les incidents et effets indésirables ; • signalement : le fait pour les professionnels intervenant dans les activités mentionnées au 2◦ du I de l’article R. 1211-29 d’informer le correspondant local de biovigilance de tout incident grave ou effet indésirable inattendu qu’ils ont repéré dans le cadre de leur mission de surveillance ; • déclaration : le fait pour les correspondants locaux de biovigilance ou, le cas échéant, pour tout professionnel intervenant dans cette activité, de porter à la connaissance de l’Agence de la biomédecine au moyen de la déclaration mentionnée au 9◦ de l’article R. 1211-33 les éléments d’information relatifs aux incidents graves ou effets indésirables inattendus permettant à cette agence de mettre en œuvre les actions nécessaires (CSP, art. R. 1211-33 et R. 1211-34). L’Agence de la biomédecine assure la mise en œuvre du dispositif de biovigilance (CSP, Art. R. 1211-33). Dans ce cadre, l’agence anime et coordonne les actions des différents intervenants, veille au respect des procédures, évalue les informations qui lui sont déclarée, met en œuvre les dispositions nécessaires (CSP. Art. R. 1211-34) et procède ou fait procéder, sous son contrôle, à des enquêtes épidémiologiques et à des études. Elle élabore, en lien avec l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé et les sociétés savantes, les critères destinés à aider les professionnels à identifier les effets indésirables attendus liés à ces activités. Les articles R. 2142-39 s CSP explicitent le dispositif de vigilance en assistance médicale à la procréation. 19. Évaluations des produits de santé 䊏 HAS, Guide pour les associations de patients et d’usagers, octobre 2016 Les patients disposent d’un savoir spécifique sur leur maladie. L’expérience sur le vécu de la maladie, les traitements existants, les parcours de soins, les besoins, enrichit l’évaluation des produits de santé. La HAS, qui évalue l’efficacité et l’efficience des produits de santé pour leur accès ou maintien au remboursement par l’assurance maladie, souhaite pouvoir prendre en compte plus systématiquement le point de vue des patients dans ses évaluations d’accès ou de maintien au remboursement des médicaments et des dispositifs médicaux. Toute association de patients ou d’usagers, agréée ou non peut soumettre une contribution, en utilisant le questionnaire dédié. Une seule contribution par association est acceptée. Les contributions par des patients ou aidants individuels ne sont pas acceptées. Les individus qui désirent communiquer des informations pour une évaluation donnée sont invités à travailler avec des associations de patients et d’usagers. Les contributions concernent les médicaments et les dispositifs médicaux pour lesquels une évaluation est planifiée, en inscription initiale ou en réévaluation. Seules les « procédures d’instruction complète » sont visées, c’est-à-dire les évaluations approfondies, qui peuvent porter sur un nouveau médicament, une nouvelle indication d’un médicament déjà pris en charge ou le réexamen d’un produit déjà disponible.
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20. Réquisition de personnel en cas de grève 䊏 CAA Nantes, 21 octobre 2016, no 15NT00372 Faits La fédération nationale des syndicats CFDT Santé-Sociaux a déposé un préavis de grève nationale pour l’ensemble des personnels des établissements sanitaires, sociaux et médicaux sociaux, publics et privés, du lundi 21 mars 2011 à 20 heures au mercredi 23 mars 2011 à 8 heures. Pour assurer un service minimum de certaines activités de soins dans le secteur sanitaire de Cholet, le préfet de Maine-et-Loire a, sur le fondement du 4◦ de l’article L. 2215-1 du code général des collectivités territoriales, prononcé par un arrêté du 22 mars 2011 la réquisition de onze membres du personnel de la polyclinique du Parc à Cholet pour la journée du 22 mars 2011, de 12 heures 30 à 18 heures. Procédure Le syndicat CFDT Santé-Sociaux Cholet 49 a demandé l’annulation de cet arrêté. Il a relevé appel du jugement du 17 décembre 2014 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. En droit Aux termes du 4◦ de l’article L. 2215-1 du code général des collectivités territoriales : « En cas d’urgence, lorsque l’atteinte au bon ordre, à la salubrité, à la tranquillité et à la sécurité publiques l’exige et que les moyens dont dispose le préfet ne permettent plus de poursuivre les objectifs pour lesquels il détient des pouvoirs de police, celui-ci peut, par arrêté motivé, pour toutes les communes du département ou plusieurs ou une seule d’entre elles, réquisitionner tout bien et service, requérir toute personne nécessaire au fonctionnement de ce service ou à l’usage de ce bien et prescrire toute mesure utile jusqu’à ce que l’atteinte à l’ordre public ait pris fin ou que les conditions de son maintien soient assurées. L’arrêté motivé fixe la nature des prestations requises, la durée de la mesure de réquisition ainsi que les modalités de son application ». Le droit de grève est un droit fondamental reconnu par le Préambule de la Constitution du 4 octobre 1958 auquel le pouvoir réglementaire et les autorités administratives peuvent apporter les limitations strictement nécessaires à la préservation de l’ordre public au nombre desquelles figurent les impératifs de santé publique. Le préfet, dans le cadre des pouvoirs qu’il tient du 4◦ de l’article L. 2215-1 CGTG, lorsque l’ordre public, la sécurité publique et la continuité des soins l’exigent et, en l’absence d’accord sur la mise en œuvre d’un service minimum dans un établissement de soins, peut légalement requérir les agents en grève d’un établissement de santé, même privé, dans le but d’assurer le maintien d’un effectif suffisant pour garantir la sécurité des patients et la continuité des soins. Ces mesures doivent être toutefois imposées par l’urgence, proportionnées aux nécessités de l’ordre public, et prises en tenant compte des redéploiements possibles d’activités vers d’autres établissements de santé du territoire de santé ou le fonctionnement réduit du service, et après avoir recherché si les besoins essentiels de la population pouvaient être autrement satisfaits compte tenu des capacités sanitaires du territoire de santé tel que défini par le schéma d’organisation des soins prévu aux articles L. 1434-7 et L. 1434-9 CSP. Analyse Le principe de la réquisition Le directeur de la polyclinique du Parc n’a pas été en mesure de mettre en place, à l’occasion du mouvement de grève prévu du lundi 21 mars 2011 à 20 heures au mercredi 23 mars 2011 à 8 heures, un service minimum pour les unités dont le fonctionnement ne pouvait, en aucun cas, être interrompu.
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Par ailleurs, la polyclinique du Parc était le seul établissement de santé à disposer d’une autorisation en chirurgie urologique sur le territoire de santé qui, en vertu des articles L. 1434-7 et L. 1434-9 CSP, est le seul échelon territorial pertinent à prendre en compte pour apprécier si l’activité touchée par un mouvement de grève peut être redéployée vers d’autres structures de soins, et qu’en cas d’urgence aucun recours à un autre établissement du territoire de santé de Cholet n’était possible. La polyclinique du Parc avait également une activité d’obstétrique de niveau 1 correspondant à environ 1200 accouchements par an et le centre hospitalier de Cholet, situé sur le même territoire de santé, n’était, selon le préfet pas en capacité d’absorber cette activité dans les conditions de sécurité requises. Dans ces conditions, la réquisition de membres du personnel de la polyclinique du Parc affectés dans les services de maternité, de chirurgie digestive et urologique, de chirurgie orthopédique et de soins de surveillance continue constituait, eu égard au caractère interventionnel de ses services qui ne pouvaient être interrompus en cas de soins impératifs, une solution nécessaire, dans l’urgence, à la préservation de la sécurité sanitaire de la population du territoire de santé de Cholet. Les modalités de la réquisition Le personnel requis par l’arrêté contesté du 22 mars 2011 comprenait six infirmières, trois aides-soignantes et un brancardier affectés aux seuls services de chirurgie digestive et urologique, de maternité et de chirurgie orthopédique susceptibles de devoir intervenir en urgence. Les effectifs très réduits ainsi concernés ne représentaient qu’une fraction minime de l’effectif total des services visés et de l’établissement en général. Ainsi la réquisition ordonnée par le préfet de Maine-et-Loire ne peut être regardée comme ayant eu pour objet ou pour effet de maintenir un fonctionnement normal du service, quand bien même les plannings opératoires prévus pour la journée du 22 mars 2011 auraient été maintenus en dehors des urgences non programmées. Les effectifs ainsi requis n’excédant pas celui des agents dont la présence était indispensable pour assurer le fonctionnement des seuls services qui ne pouvait en aucun cas être interrompus, la mesure n’a pas excédé les limites du maintien du service minimum nécessaire à la préservation de la sécurité sanitaire et n’a pas porté au droit de grève une atteinte disproportionnée en méconnaissance du 4◦ de l’article L. 2215-1 CGTG. 21. Mutation dans l’intérêt du service 䊏 CAA Nancy, 10 novembre 2016, no 15NC02086 Faits Une infirmière a été recrutée le 7 décembre 2010 par le centre hospitalier de Troyes en vue d’exercer ses fonctions au sein de l’unité de consultation et de soins ambulatoires du centre de détention de Villenauxe-la-Grande (Aube). Par une décision du 20 mars 2014, le directeur du centre hospitalier a prononcé son affectation au service d’accueil des urgences de l’établissement de santé, situé à Troyes, à compter du 2 juin suivant. Procédure L’infirmière a saisi le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d’une demande tendant à l’annulation de cette décision qui avait pour effet, notamment, de modifier sa résidence administrative. Elle relève appel du jugement du 7 juillet 2015 par lequel le tribunal administratif a rejeté sa demande.
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Analyse Il ressort des pièces du dossier, notamment du rapport présenté à la commission administrative paritaire du 12 mars 2014, que le comportement de l’infirmière au sein de l’unité de consultation et de soins ambulatoires était à l’origine de tensions qui faisaient obstacle, notamment, au recrutement de nouveaux personnels infirmiers et, par suite, compromettaient le bon fonctionnement du service. Ses notations des années 2012 et 2013 faisaient état de ses compétences professionnelles, mais elles relevaient également un comportement inadapté à l’égard des nouveaux collègues et un esprit d’équipe insuffisant. Les témoignages de soutien dont elle s’est prévalu, qui soulignent sa valeur professionnelle, ne sont pas de nature à contredire l’appréciation portée par l’administration sur les dysfonctionnements induits par son comportement dans le cadre de travail. Ainsi, l’infirmière n’est pas fondée à soutenir que la décision contestée aurait été prise dans un but étranger à l’intérêt du service ou serait entachée d’une erreur manifeste d’appréciation. 22. Doctrine I. Genot-Pok, N. Abenzoard, S. Morchid, « Place de l’usager à l’hôpital : vers un véritable partenariat ? », Revue hospitalière de France, septembre–octobre 2016, no 572, p. 10. M. Cormier, « Évolutions récentes du droit et des pratiques en matière d’autorisations sanitaires et médico-sociales. Points de vigilance », Revue Perspectives sanitaires & sociales, no 248, septembre/octobre 2016, p. 60. A. Malone, « Intégration et parcours de soins : Prendre en compte le point du vue des patients », Revue hospitalière de France, septembre–octobre 2016, no 572, p. 14. C. Mornat et J. Mornat, « Les praticiens hospitaliers plein temps et le cumul d’activités. Le rôle de l’Ordre des Médecins », Médecine & Droit, no 140, septembre–octobre 2016, p. 109.
VI – Professions de santé 23. Code de déontologie des pédicures-podologues 䊏 Décret no 2016-1591 du 24 novembre 2016 Ce décret procède à une mise à jour du Code de déontologie des pédicures-podologues visant à mettre en conformité certaines rédactions avec des évolutions législatives ou réglementaires. Aux termes de l’article R. 4322-27-1 CSP, lorsqu’un conseil régional ou interrégional de l’ordre constate qu’il existe une raison objective susceptible de remettre en cause son impartialité, lors de la réception d’une demande, il transmet immédiatement celle-ci au président du conseil national de l’ordre qui l’attribue sans délai à un autre conseil et en informe simultanément le demandeur concerné par tout moyen permettant d’apporter la preuve de sa date de réception. L’article R. 4322-73 traite de la communication par Internet. Toute diffusion par un pédicurepodologue d’information, directe ou indirecte et par quelque moyen que ce soit, notamment sur un site Internet, doit porter sur des données exactes, exhaustives, actualisées et objectives. Ces données informatives sont admises si elles présentent un caractère éducatif ou sanitaire, soit figurent parmi les mentions légales autorisées ou prescrites par l’article R. 4322-71, ou sont relatives aux conditions d’accès au lieu d’exercice et aux contacts possibles en cas d’urgence ou d’absence du professionnel.
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Le Conseil national de l’ordre émet des recommandations sur les modalités pratiques de diffusion d’information. 24. Code de déontologie des infirmiers 䊏 Décret no 2016-1605 du 25 novembre 2016 Ce décret se substitue au décret no 93-221 du 16 février 1993 « relatif aux règles professionnelles des infirmiers et infirmières », qui avait tout autant valeur de « Code de déontologie ». C’est un texte en grande continuation, conformes aux principes qui fonde la déontologie médicale et aux articles-clé du texte de 1993, comme le montre la lecture des articles principaux. Art. R. 4312-3. – L’infirmier, au service de la personne et de la santé publique, exerce sa mission dans le respect de la vie humaine. Il respecte la dignité et l’intimité du patient, de sa famille et de ses proches. Le respect dû à la personne continue de s’imposer après la mort. Art. R. 4312-4. – L’infirmier respecte en toutes circonstances les principes de moralité, de probité, de loyauté et d’humanité indispensables à l’exercice de la profession. Art. R. 4312-5. – Le secret professionnel s’impose à tout infirmier, dans les conditions établies par la loi. L’infirmier instruit les personnes qui l’assistent de leurs obligations en matière de secret professionnel. Art. R. 4312-6. – L’infirmier ne peut aliéner son indépendance professionnelle sous quelque forme que ce soit. Art. R. 4312-9. – L’infirmier s’abstient, même en dehors de l’exercice de sa profession, de tout acte de nature à déconsidérer celle-ci. En particulier, dans toute communication publique, il fait preuve de prudence dans ses propos et ne mentionne son appartenance à la profession qu’avec circonspection. Même continuité s’agissant des devoirs envers les patients Art. R. 4312-10. – L’infirmier agit en toutes circonstances dans l’intérêt du patient. Ses soins sont consciencieux, attentifs et fondés sur les données acquises de la science. Il y consacre le temps nécessaire en s’aidant, dans toute la mesure du possible, des méthodes scientifiques et professionnelles les mieux adaptées. Il sollicite, s’il y a lieu, les concours appropriés. Il ne doit pas, sauf circonstances exceptionnelles, entreprendre ou poursuivre des soins dans des domaines qui dépassent ses connaissances, son expérience, ses compétences ou les moyens dont il dispose. L’infirmier ne peut pas conseiller et proposer au patient ou à son entourage, comme salutaire ou sans danger, un remède ou un procédé illusoire ou insuffisamment éprouvé. Toute pratique de charlatanisme est interdite. Art. R. 4312-13. – L’infirmier met en œuvre le droit de toute personne d’être informée sur son état de santé dans le respect de ses compétences professionnelles. Cette information est relative aux soins, moyens et techniques mis en œuvre, à propos desquels l’infirmier donne tous les conseils utiles. Elle incombe à l’infirmier dans le cadre de ses compétences telles que déterminées aux articles L. 4311-1 et R. 4311-1 et suivants. Dans le cas où une demande d’information dépasse son champ de compétences, l’infirmier invite le patient à solliciter l’information auprès du professionnel légalement compétent. L’information donnée par l’infirmier est loyale, adaptée et intelligible. Il tient compte de la personnalité du patient et veille à la compréhension des informations communiquées.
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Seules l’urgence ou l’impossibilité peuvent dispenser l’infirmier de son devoir d’information. La volonté de la personne de ne pas être informée doit être respectée. Art. R. 4312-14. – Le consentement libre et éclairé de la personne examinée ou soignée est recherché dans tous les cas. Lorsque le patient, en état d’exprimer sa volonté, refuse le traitement proposé, l’infirmier respecte ce refus après l’avoir informé de ses conséquences et, avec son accord, le médecin prescripteur. Si le patient est hors d’état d’exprimer sa volonté, l’infirmier ne peut intervenir sans que la personne de confiance prévue à l’article L. 1111-6, ou la famille, ou à défaut, un de ses proches ait été consulté. L’infirmier appelé à donner des soins à un mineur ou à un majeur protégé s’efforce, sous réserve des dispositions de l’article L. 1111-5, de prévenir ses parents ou son représentant légal et d’obtenir leur consentement. En cas d’urgence, même si ceux-ci ne peuvent être joints, l’infirmier donne les soins nécessaires. Si l’avis de l’intéressé peut être recueilli, l’infirmier en tient compte dans toute la mesure du possible. Art. R. 4312-16. – Le consentement du mineur ou du majeur protégé doit être systématiquement recherché s’il est apte à exprimer sa volonté et à participer à la décision. Art. R. 4312-18. – Lorsque l’infirmier discerne qu’une personne auprès de laquelle il est amené à intervenir est victime de sévices, de privations, de mauvais traitements ou d’atteintes sexuelles, il doit mettre en œuvre, en faisant preuve de prudence et de circonspection, les moyens les plus adéquats pour la protéger. S’il s’agit d’un mineur ou d’une personne qui n’est pas en mesure de se protéger en raison de son âge, d’une maladie ou de son état physique ou psychique, l’infirmier doit, sauf circonstances particulières qu’il apprécie en conscience, alerter les autorités judiciaires, médicales ou administratives. Art. R. 4312-19. – En toutes circonstances, l’infirmier s’efforce, par son action professionnelle, de soulager les souffrances du patient par des moyens appropriés à son état et l’accompagne moralement. L’infirmier a le devoir, dans le cadre de ses compétences propres et sur prescription médicale ou dans le cadre d’un protocole thérapeutique, de dispenser des soins visant à soulager la douleur. Art. R. 4312-20. – L’infirmier a le devoir de mettre en œuvre tous les moyens à sa disposition pour assurer à chacun une vie digne jusqu’à la mort. Il a notamment le devoir d’aider le patient dont l’état le requiert à accéder à des soins palliatifs et à un accompagnement. Il s’efforce également, dans les circonstances mentionnées aux alinéas précédents, d’accompagner l’entourage du patient Art. R. 4312-21. – L’infirmier doit accompagner le mourant jusqu’à ses derniers moments, assurer par des soins et mesures appropriés la qualité d’une vie qui prend fin, sauvegarder la dignité de la personne soignée et réconforter son entourage. L’infirmier ne doit pas provoquer délibérément la mort. 25. La régulation du réseau des pharmacies d’officine 䊏 Rapport octobre 2016, Vincent Jaouen et Bruno Vincent (IGAS), Olivier Le Gall et Marie Magnien (IGF) La structuration du réseau officinal est avant tout le produit de l’histoire. Au regard des critères communaux actuels d’installation de nouvelles officines (une à partir de 2500 habitants, une
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supplémentaire par tranche de 4500 habitants), 91 % des officines sont dans des zones en surdensité officinale. Ces critères populationnels, répondant avant tout à une logique d’aménagement du territoire plutôt qu’à une stratégie locale concertée d’accès aux soins, ont pour effet de réduire depuis les années 2000 le nombre d’officines en France. Ces fermetures ne sont pas le reflet d’une crise économique majeure traversée par le secteur : le chiffre d’affaires des pharmacies n’a certes plus la croissance forte passée, mais les performances de gestion du secteur restent satisfaisantes. La quasi-totalité des fermetures surviennent dans des territoires au préalable en surdensité officinale. Néanmoins, la sortie progressive depuis 2008–2009 de la bulle intervenue sur le prix de cession des officines a pu mettre en difficultés certains pharmaciens ayant acheté trop cher leur officine dans un contexte de baisse des prix du médicament. In fine, 97 % de la population métropolitaine vit aujourd’hui à moins de 10 minutes en voiture d’une officine (0,5 % se situant à plus de 15 minutes), et, d’après les micro simulations de la mission, dans dix ans, 96 % de la population se situerait à moins de 10 minutes d’une officine (0,8 % à plus de 15 minutes). Il n’apparaît alors pas nécessaire de mener des actions nationales d’envergure sur le réseau. Il faut doter les agences régionales de santé de leviers d’intervention permettant de développer une véritable stratégie locale d’implantation des officines suivant une politique intégrée d’offre de soins de premier recours. La mission propose trois scénarios de régulation répondant à des objectifs différents et complémentaires, par ordre de priorité : • traiter les difficultés et spécificités locales dans une logique d’articulation accrue entre professionnels de santé ; • moderniser le réseau en faisant émerger des officines ayant une meilleure robustesse économique, une productivité accrue et une plus grande capacité à endosser de nouveaux services en lieu et place des officines les plus petites des territoires surdenses ; • dynamiser l’évolution du réseau via un assouplissement de la réglementation et une sécurisation juridique accrue des opérations engagées. 26. Profession d’assistant dentaire 䊏 Décret n – 2016-1646 du 1er décembre 2016 Ce décret, pris pour l’application de l’article 120 de la loi no 2016-41 du 26 janvier 2016 et inclus aux articles R. 4393-8 CSP, définit les activités que les assistants dentaires sont habilités à réaliser et détermine leurs conditions d’exercice. Il précise les conditions dans lesquelles les ressortissants de l’Union européenne et des États parties à l’accord sur l’Espace économique européen peuvent faire reconnaître leurs qualifications pour exercer la profession d’assistant dentaire, ainsi que les conditions dans lesquelles les étudiants en chirurgie dentaire peuvent exercer la profession d’assistant dentaire et les modalités d’enregistrement des titres de formation. Sous la responsabilité et le contrôle effectif du chirurgien-dentiste ou du médecin exerc¸ant dans le champ de la médecine buccodentaire, l’assistant dentaire est habilité à pratiquer les activités suivantes dans le respect des règles d’hygiène et de sécurité : • l’assistance du chirurgien-dentiste ou du médecin exerc¸ant dans le champ de la médecine buccodentaire dans la réalisation des gestes avant, pendant et après les soins ; • l’accueil des patients et la communication à leur attention ; • l’information et l’éducation des patients dans le champ de la santé buccodentaire ;
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• l’entretien de l’environnement de soins, des matériels liés aux activités et la gestion du risque infectieux ; • la gestion et le suivi du dossier du patient ; • le recueil, la transmission des informations, la mise en œuvre de la trac¸abilité dans le cadre de la structure de soins ; • l’accueil, l’accompagnement des assistants dentaires en formation ou nouveaux arrivants dans la structure et l’amélioration des pratiques professionnelles. Les étudiants en chirurgie dentaire peuvent être autorisés à exercer la profession d’assistant dentaire en tant que remplac¸ant lorsqu’ils ont validé le 1er cycle des études odontologiques. 27. Partage d’informations en dehors de l’équipe de soins 䊏 Décret no 2016-1349 du 10 octobre 2016 Ce décret, pris pour l’application de l’article 96 de la loi no 2016-41 du 26 janvier 2016 et inclus aux articles D. 1110-3 s. CSP, précise les conditions et modalités dans lesquelles le consentement de la personne prise en charge doit être recueilli et peut être modifié ou retiré par la personne, en vue du partage, entre des professionnels ne faisant pas partie de la même équipe de soins, d’informations nécessaires à sa prise en charge. Lorsqu’une personne est prise en charge par un professionnel relevant des catégories de professionnels mentionnées à l’article R. 1110-2 et ne faisant pas partie de l’équipe de soins au sens de l’article L. 1110-12, ce professionnel recueille le consentement de la personne pour partager ces données dans le respect des conditions suivantes (CSP, Art. D. 1110-3-1) : • la personne et, le cas échéant, son représentant légal, est dûment informée, en tenant compte de ses capacités, avant d’exprimer son consentement, des catégories d’informations ayant vocation à être partagées, des catégories de professionnels fondés à en connaître, de la nature des supports utilisés pour les partager et des mesures prises pour préserver leur sécurité, notamment les restrictions d’accès ; • le consentement préalable de la personne, ou de son représentant légal, est recueilli par tout moyen, y compris de fac¸on dématérialisée, après qu’elle a rec¸u les informations prévues au 1◦ . L’information préalable de la personne est attestée par la remise à celle-ci, par le professionnel qui a recueilli le consentement, d’un support écrit, qui peut être un écrit sous forme électronique, reprenant cette information. Le consentement est recueilli par tout moyen, y compris sous forme dématérialisée, sauf en cas d’impossibilité ou d’urgence. Dans ce cas, il procède au recueil du consentement lorsque la personne est de nouveau en capacité ou en situation de consentir au partage d’informations la concernant. Il en est fait mention dans le dossier médical de la personne. Le consentement est valable tant qu’il n’a pas été retiré par tout moyen. Il est strictement limité à la durée de la prise en charge de la personne. 28. Contrôle de l’activité des professionnels libéraux 䊏 Civ. 2e , 3 novembre 2016, no 15-22719 Faits À la suite d’un contrôle portant sur la facturation des actes infirmiers dispensés auprès d’une assurée du 3 février 2003 au 16 juin 2004, la CPAM a notifié à un infirmier libéral un indu au titre de prestations réglées entre les 24 février 2005 et 19 mai 2006, suivi, le 15 avril 2010, d’une mise en demeure. L’infirmier a saisi d’un recours une juridiction de sécurité sociale.
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Délai de prescription L’action en recouvrement d’indu pour inobservation des règles de tarification ou de facturation par les professionnels de santé se prescrit par trois ans, sauf en cas de fraude, à compter de la date de paiement de la somme indue (CSS, Art. L. 133-4, alinéa 5). Ayant analysé chacun des manquements aux règles de tarification applicables et appréciant souverainement les éléments de fait et de preuve soumis à son examen, la cour d’appel a pu en déduire que les montants réclamés à l’infirmier résultaient d’une fraude, de sorte que celui-ci ne pouvait se prévaloir de la prescription triennale prévue à l’article L. 133-4 CSS pour s’opposer à la demande de remboursement de la caisse. Condition d’une acceptation tacite (cotation) L’infirmier fait grief à l’arrêt de le condamner à payer à la caisse la somme de 29 907, 26 euros, alors qu’en ne recherchant pas si la circonstance que la caisse avait été conduite à admettre par le passé, à la faveur d’une demande d’entente préalable, le remboursement de plus de trois « AMI 15 » par jour, n’était pas au minimum de nature à exclure, sinon toute irrégularité, du moins toute fraude. Or, la demande d’entente préalable était datée du 15 décembre 2000 et portait sur l’administration à la patiente de deux produits différents, et cette demande ne permettait pas de retenir une autorisation tacite qu’aurait donné la caisse de facturer plus de trois actes cotés AMI 15 par jour, de sorte que la circonstance invoquée était indifférente dans l’appréciation de la fraude. Condition d’une acceptation tacite (Indemnités kilométriques) La caisse, après avoir dans un premier temps refusé le paiement de telles indemnités, avait ensuite accepté de les prendre en charge compte tenu des circonstances particulières de l’espèce, ce qui ne pouvait que retirer à l’irrégularité constatée son caractère prétendument frauduleux. Paris et Nanterre ne font pas partie de la même agglomération et la circonstance qu’après les avoir refusées, la caisse aurait accepté de prendre en charge les indemnités kilométriques réclamées, ne supprimait pas le caractère irrégulier de la facturation litigieuse, la cour d’appel a pu en déduire que la fraude devait être retenue. Commentaire La fraude se déduit de la simple facturation jugée irrégulière des indemnités kilométrique dans un cas non prévu par la NGAP et la reconnaissance de la fraude dans cette affaire, où finalement la caisse a acquiescé, paraît bien extensive. 29. Recrutement impossible d’infirmières par une copropriété 䊏 Civ. 3e , 1 décembre 2016, no 15-12114, Publié Faits La résidence Château d’Arcadie à destination des personnes âgées est soumise au statut de la copropriété. L’article 41-3 du règlement de copropriété précise notamment que la destination plus particulière de l’ensemble immobilier est de constituer une résidence pour les personnes dites du « troisième âge » et accessoirement, une résidence de vacances et de loisirs, et qu’il est conc¸u et équipé en vue de cette destination. L’article 42 IX de ce règlement prévoit que l’ensemble immobilier comporte des locaux et installations destinés à être le siège et le moyen de divers services particuliers et notamment des locaux et installations du service de santé (infirmerie, salle de gymnastique et de kinésithérapie), locaux et installations du service alimentaire (cuisine collective, et dépendance, office, resserres,
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chambre froide, magasin à vivres, salle à manger et bar), et que les services prévus dans ces locaux sont assumés par le syndicat des copropriétaires du Château d’Arcadie, depuis l’assemblée générale du 29 juin 1978. Avant d’être licenciées, le 20 avril 2011, quatre infirmières diplômées d’État gérées par le syndicat des copropriétaires assuraient au sein de la résidence une présence 24 h sur 24, les salaires, charges et frais induits par ce service constituant des charges générales de copropriété. En droit L’article 41-1 de la loi du 10 juillet 1965 tel qu’il résulte de la rédaction issue de l’article 95 de la loi du 13 juillet 2006 (loi ENL) dispose que « le règlement de copropriété peut étendre l’objet d’un syndicat des copropriétaires à la fourniture, aux occupants de l’immeuble, des services spécifiques notamment de restauration, de surveillance, d’aide ou de loisirs. Ces services peuvent être procurés en exécution d’une convention conclue avec les tiers. Le statut de la copropriété est incompatible avec l’octroi de soins ou d’aide et d’accompagnement exclusivement liés à la personne qui ne peuvent être fournis que par des établissements et des services relevant du § I de l’article L. 312-1 du Code de l’action sociale et des familles ». Il s’agit de dispositions d’ordre public qui s’appliquent immédiatement, et il ne peut y être dérogé par contrat. En conséquence, les résidences services qui prévoyaient avant l’entrée en vigueur de la loi du 13 juillet 2006, la fourniture de services de soins ou d’aide et d’accompagnement exclusivement liés à la personne aux résidents doivent se mettre en conformité avec ces dispositions, ce qui suppose la modification du règlement de copropriété, en ce sens. Les articles L. 7231-1 et s. et D. 7231 et s. du Code du travail ouvrent la possibilité pour les résidences de services d’être agréées au titre des services à la personne pour les services d’aide à domicile rendus aux résidents, ces services d’aide comprenant notamment les services d’assistance aux personnes âgées, aux personnes handicapées ou aux autres personnes qui ont besoin d’une aide personnelle à leur domicile ou d’une aide à la mobilité dans l’environnement de proximité favorisant leur maintien à domicile. L’article 2 de l’arrêté du 24 novembre 2006 pris pour l’application des articles précités du code du travail précise que les services d’assistance comprennent notamment l’accompagnement et l’aide aux personnes dans les actes essentiels de la vie quotidienne (mobilisation, déplacements, toilette, habillage, alimentation fonctions d’élimination garde malade soutient des activités intellectuelles, sensorielles et motrices, transport. . .), ainsi que dans les actes de soins relevant d’actes médicaux ou réalisés sur prescription médicale sont exclus des services d’assistance ouvrant droit à agrément, au titre des services à la personne. Commentaire Au regard des dispositions de l’article 41-1 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1965, dès lors que le syndicat des copropriétaires emploie des infirmières qui exécutent des actes de soins relevant d’actes médicaux ou réalisés sur prescription médicale, il doit être mis fin à ce service sans que les copropriétaires aient à prendre une décision en assemblée générale. En revanche, les résidences services, si elles ont préalablement obtenu l’agrément au titre des services à la personne, peuvent proposer des services d’assistance tels que définis ci-dessus, à l’exclusion des services de soins. 30. Procédure IFSI 䊏 Conseil d’État, 17 octobre 2016, no 394001 Faits Par décision du 16 juillet 2015, le directeur de l’institut de formation en soins infirmiers du centre hospitalier Pierre Oudot a prononcé l’exclusion définitive d’un étudiant.
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Par ordonnance du 25 septembre 2015, le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble a relevé que « les moyens tirés de l’irrégularité de la procédure contradictoire, de 1’erreur de droit et de l’erreur de fait étaient de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée » et a suspendu cette mesure. En droit Aux termes de l’article L. 521-1 du Code de justice administrative : « Quand une décision administrative, même de rejet, fait l’objet d’une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d’une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l’exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l’urgence le justifie et qu’il est fait état d’un moyen propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ». S’il rejette la demande de suspension dont il est saisi en application de ces dispositions, le juge des référés peut, après avoir analysé les moyens des parties dans les visas ou les motifs de sa décision, se borner à relever qu’aucun des moyens ne paraît, en l’état de l’instruction, propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée. En revanche, lorsqu’il décide en application de ces mêmes dispositions, de la suspension de l’exécution d’une décision, il lui appartient, afin notamment de mettre le juge de cassation en mesure d’exercer son contrôle, de désigner avec précision le moyen dont il considère qu’il lui paraît, en l’état de l’instruction, de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de cette décision. En fait Pour ordonner la suspension de l’exécution de la décision du 16 juillet 2015, le juge des référés a relevé que « les moyens tirés de l’irrégularité de la procédure contradictoire, de 1’erreur de droit et de 1’erreur de fait » étaient de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée. Dès lors qu’étaient soulevés, à l’encontre de la décision en cause, plusieurs moyens de légalité externe ou interne invoquant l’erreur de droit, l’inexacte qualification juridique des faits ou l’inexactitude matérielle des faits, cette motivation de l’ordonnance ne désigne pas avec une précision suffisante celui ou ceux de ces moyens dont le juge des référés a considéré qu’ils créaient un doute sérieux quant la légalité de la décision attaquée. Le juge des référés ayant insuffisamment motivé son ordonnance, le centre hospitalier PierreOudot est fondé à en demander l’annulation. Pour demander la suspension de l’exécution de la décision du 16 juillet 2015, l’étudiant soutient que : • elle est entachée d’incompétence en ce que son signataire n’a pas été régulièrement désigné ; • elle est entachée d’illégalité en ce qu’elle a été prise à l’issue d’une procédure irrégulière dès lors que, d’une part, il a été porté atteinte au caractère contradictoire de la procédure et au respect des droits de la défense et que, d’autre part, le rapport adressé au conseil pédagogique était insuffisamment motivé ; • elle est entachée d’erreur de droit et d’inexacte qualification juridique des faits en ce qu’elle se fonde sur des motifs erronés ou inopérants ; • elle est entachée d’inexactitude matérielle et d’inexacte qualification juridique des faits en ce qu’elle retient qu’il a commis des actes incompatibles avec la sécurité des personnes prises en charge ; • elle prononce, pour les faits qu’elle retient, une mesure d’exclusion définitive qui est disproportionnée ; • elle est entachée d’erreur de droit en ce qu’elle méconnaît les dispositions de l’article 58 du décret du 31 juillet 2009 qui ouvrent droit à redoublement en cas de non-validation d’un stage.
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En l’état de l’instruction et eu égard à l’office du juge des référés, aucun de ces moyens n’est propre à créer de doute sérieux sur la légalité de la décision attaquée. Par suite, l’étudiant n’est pas fondé à demander la suspension de l’exécution de la décision du 16 juillet 2015. Commentaire Impossible de se prononcer sur le fond, les pièces n’étant pas connues, mais s’agissant de la procédure, la solution retenue est un classique, montrant à quel point il est difficile d’utiliser la seule procédure réellement efficace en la matière.
VII – Droits sociaux 31. Licenciement d’un praticien attaché suite à une maladie professionnelle 䊏 CAA Marseille, 11 octobre 2016, no 15MA04266 et 15MA04322 Faits Une praticienne attachée à l’hôpital Font Pré de Toulon, au service de médecine nucléaire, a été victime, le 23 mars 2011, d’un accident de travail. Elle a par ailleurs appris le 12 mai 2011 avoir contracté la maladie de Bowen (cancer cutané), induite par des rayonnements ionisants. Elle a été licenciée par une décision du 14 décembre 2011, aux motifs d’une inaptitude liée à ses fonctions et de son refus d’accepter le poste aménagé proposé par son employeur. Elle a saisi le tribunal administratif de Toulon, d’une part, aux fins de condamnation du centre hospitalier à lui verser une indemnité de licenciement et l’indemnisation du préjudice patrimonial qu’elle a subi en conséquence de la décision de licenciement. Le tribunal administratif de Toulon a condamné le centre hospitalier à lui verser la somme de 2692,67 euros au titre du solde de son indemnité de licenciement et rejeté le surplus des demandes. Légalité de la procédure En droit Aux termes de l’article R. 6152-629 du CSP : « Lorsque, à l’issue des différents congés maladie, longue maladie, longue durée, accident du travail, le praticien attaché bénéficiant d’un contrat de trois ans ou d’un contrat à durée indéterminée est déclaré définitivement inapte par le comité médical prévu à l’article R. 6152-36, il est licencié ». Analyse Le comité médical a été saisi de la situation de cet agent et a rendu un avis le 13 décembre 2011, dont le courrier du 14 décembre 2011 notifiant le licenciement faisait état et dont une copie, revêtue de la signature de son président, a été versée au dossier de première instance. La circonstance que la requérante, qui n’a pas exercé son droit d’accès aux documents administratifs, n’ait pas eu communication de cet avis durant la procédure de licenciement pour en vérifier l’authenticité est sans incidence sur la régularité de la procédure de licenciement, les dispositions précitées n’imposant pas de notification de l’avis du comité médical à l’agent ; que le tribunal a pu, à juste titre, écarter le moyen tenant au vice de procédure entachant la légalité du licenciement. Légalité de la décision de licenciement Un avis médical du 8 septembre 2011 a constaté que l’intéressée était apte au service, sous réserve, d’une part, de ne pas être exposée aux rayons et radionucléides et, d’autre part, de limiter, pendant une durée de trois mois, la station debout.
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Compte tenu de la nature des missions prises en charge par un service de médecine nucléaire, cet avis excluant l’exposition aux rayons impliquait l’inaptitude de l’agent à occuper son poste au sein de ce service. Par suite, la décision de licenciement, motivée par une « inaptitude liée à la fonction et refus de poste aménagé proposé par l’administration » ne présente pas de contradiction avec l’avis médical. Sur le statut des praticiens attachés En droit Aux termes des premier et quatrième alinéas de l’article R. 6152-610 CSP, dans sa rédaction antérieure au 1er octobre 2010, les praticiens attachés sont recrutés pour un contrat d’une durée maximale d’un an, renouvelable dans la limite d’une durée totale de vingt-quatre mois. À l’issue de cette période de vingt-quatre mois, le renouvellement s’effectue par un contrat de trois ans renouvelable de droit, par tacite reconduction. Le décret du 29 septembre 2010 portant dispositions relatives aux praticiens contractuels, aux assistants, aux praticiens attachés et aux médecins, pharmaciens et chirurgiens-dentistes recrutés dans les établissements publics de santé a donné au quatrième alinéa la rédaction suivante : « À l’issue de cette période de vingt-quatre mois, le renouvellement s’effectue par un contrat de trois ans, renouvelable de droit, par décision expresse. À l’issue du contrat triennal, le renouvellement s’effectue par un contrat à durée indéterminée ». En l’absence de dispositions transitoires, ces dispositions nouvelles, prises à l’effet de transposer à la situation particulière des praticiens attachés la directive 1999/70/CE du Conseil du 28 juin 1999, sont applicables aux praticiens attachés qui, à la date de publication du décret du 29 septembre 2010, étaient employés par un établissement hospitalier dans le cadre d’un contrat de trois ans renouvelable de droit par tacite reconduction, conformément aux dispositions antérieures du quatrième alinéa de l’article R. 6152-610. Il résulte de ces dispositions que, par dérogation au principe selon lequel l’agent public dont le contrat arrive à son terme n’a pas de droit à son renouvellement, le praticien attaché, engagé au terme d’un contrat de trois ans faisant suite à une période initiale de recrutement de vingtquatre mois, doit être regardé, s’il poursuit son engagement, comme lié par un contrat qui, du fait des dispositions nouvelles de l’article R. 6152-610 CSP, ne peut être qu’un contrat à durée indéterminée conclu sur décision expresse du directeur de l’établissement. Analyse Le médecin a été employée sur la base de quatre contrats successifs d’une année chacun et à compter de 2003 jusqu’à la date de son licenciement, elle a été employée sur la base de contrats triennaux, le dernier, en cours à la date du 29 septembre 2010, couvrant la période 2008–2011, expirant au 31 décembre 2011. Par suite, elle n’aurait pu prétendre au bénéfice des dispositions précitées de l’article R. 6152-610 CSP qu’après un éventuel renouvellement de son contrat au-delà du 31 décembre 2011. Son licenciement ayant été prononcé le 14 décembre 2011, elle était donc à cette date engagée sous contrat à durée déterminée. Sur l’obligation de reclassement En droit Il résulte du principe général du droit, applicable aux agents contractuels de droit public recrutés dans le cadre d’un engagement à durée déterminée, dont s’inspirent tant les dispositions du code du travail relatives à la situation des salariés qui, pour des raisons médicales, ne peuvent plus occuper leur emploi, que les règles statutaires applicables dans ce cas aux fonctionnaires, que lorsqu’il a été médicalement constaté qu’un salarié se trouve de manière définitive atteint d’une inaptitude physique à occuper son emploi, il appartient à l’employeur de le reclasser dans un autre
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emploi et, en cas d’impossibilité, de prononcer, dans les conditions prévues pour l’intéressé, son licenciement. Analyse Il résulte des pièces du dossier, et notamment du courrier du 21 septembre 2011, dont l’objet était « reprise d’activité » qu’un poste a été proposé à ce médecin au sein du pôle pharmacie, et qu’elle l’a refusé par courrier du même jour, pour des motifs liés à la quotité de travail proposée qui lui semblait insuffisante. Or, la teneur de ce courrier ne permet pas de regarder la proposition qui lui a été soumise comme un aménagement provisoire de son service. Compte tenu des indications contenues dans ce courrier, la mention de cette reprise d’activité ne peut être regardée que comme une proposition de reclassement, laquelle présente, dans le contexte de l’affaire, un caractère suffisant. La requérante soutient qu’elle aurait pu être réaffectée dans un autre service, et que d’autres formes de reclassement auraient pu lui être proposées, mais elle n’établit pas qu’il existait des postes vacants que le centre hospitalier aurait omis de lui proposer. Par suite par suite, l’établissement doit être regardé comme ayant satisfait à son obligation de reclassement avant de constater le refus de l’intéressée et de prononcer son licenciement pour inaptitude physique. Il convient donc de rejeter les conclusions aux fins d’annulation de la décision de licenciement du 14 décembre 2011, de réintégration, et de condamnation à lui verser une somme correspondant aux traitements non perc¸us. Responsabilité du centre hospitalier La praticienne demande la condamnation de l’établissement à lui verser une indemnisation correspondant aux préjudices consécutifs à la perte d’emploi. En droit, l’administration n’est tenue à la réparation des conséquences dommageables de ses actes que dans la mesure où celles-ci présentent un lien de causalité direct avec ses agissements. Les fautes invoquées par la requérante, consistant en la méconnaissance par l’hôpital de son obligation d’assurer la sécurité de ses agents, en l’insuffisant équipement de ses services en poubelles plombées pour déchets radioactifs et en une négligence dans la prise en compte du risque de contracter la maladie de Bowen. Ces fautes, à les supposer établies, ne présentent pas de lien direct avec la perte d’emploi dont la praticienne demande 32. Contestation de la notation et d’une sanction 䊏 CAA Bordeaux, 15 novembre 2016, no 14BX02565 Faits et procédure Une infirmière titulaire au centre hospitalier de Cadillac, a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d’annuler une décision du 20 septembre 2013 par laquelle le directeur de l’établissement a rejeté son recours gracieux contre la décision du 11 juin 2013 lui infligeant un blâme et contre sa notation relative à l’année 2012, d’enjoindre à l’administration de lui accorder la note de 17,25 pour l’année 2012 et de supprimer l’appréciation figurant sur sa feuille de notation, enfin, de condamner l’établissement à réparer le préjudice financier occasionné par la diminution de sa note. Par un jugement du 26 juin 2014, le tribunal a annulé le blâme et la notation contestés, a enjoint à l’autorité administrative de procéder à une nouvelle notation pour l’année 2012, puis a rejeté les conclusions indemnitaires.
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L’hôpital a formé appel. Légalité de la notation En droit Selon l’article 17 de la loi du 13 juillet 1983, les notes et appréciations générales attribuées aux fonctionnaires et exprimant leur valeur professionnelle leur sont communiquées. Selon le premier alinéa de l’article 65 de la loi du 9 janvier 1986, le pouvoir de fixer les notes et appréciations générales exprimant la valeur professionnelle des fonctionnaires dans les conditions définies à l’article 17 du titre Ier du statut général est exercé par l’autorité investie du pouvoir de nomination, après avis du ou des supérieurs hiérarchiques directs – Les commissions administratives paritaires ont connaissance des notes et appréciations, et à la demande de l’intéressé, elles peuvent en proposer la révision. Les modalités de cette notation sont fixées par l’arrêté du 6 mai 1959 relatif à la notation du personnel des établissements d’hospitalisation, de soins et de cure publics. L’article 1er de cet arrêté prévoit que pour les infirmiers, les éléments à prendre en compte sont : 1. Connaissances professionnelles ; 2. Application dans l’exécution du travail ; 3. Esprit d’initiative ; 4. Aptitude psychologique à l’exercice des fonctions ; 5. Tenue générale et ponctualité. En fait La note chiffrée attribuée au titre de l’année 2012, abaissée de 17,25 à 17, est assortie d’une appréciation littérale selon laquelle « des rapports récents font apparaître que les difficultés dans les relations interrelationnelles se sont significativement aggravées au détriment du patient. . . ces éléments interrogent sur sa capacité à prendre en charge des patients vulnérables ». L’évaluation du critère « Esprit d’initiative » a été abaissée de 3,45 à 3,40 (−0,05), celle de l’aptitude psychologique à l’exercice de la fonction de 3,45 à 3,30 (−0,15) et celle de la « Tenue générale et ponctualité » de 3,45 à 3,40 (−0,05). L’autorité administrative s’est fondée sur un rapport établi le 15 octobre 2012 par le cadre de santé supérieur, lui-même fondé sur les rapports établis les 20 et 28 juin 2012 par un cadre de santé. La matérialité du grief tiré de la sévérité excessive à l’égard de deux stagiaires, qui ont validé leur stage avec des évaluations positives, n’est établie ni par le témoignage d’une infirmière affectée dans cette unité seulement quatre jours en juin 2012 selon lequel l’infirmière était « très dure » avec les stagiaires, ni par celui d’une étudiante, contredit par d’autres témoignages évoquant les difficultés personnelles de ces stagiaires, non imputables à l’attitude des tutrices. Ce même témoignage ne suffit pas davantage à établir que l’infirmière aurait sciemment appris à un patient à répondre des grossièretés. En revanche, la matérialité du grief tiré du ton agressif envers le chef de pôle et le cadre de santé supérieur lors de deux réunions au sein de l’unité de soins peut être regardée comme établie, l’infirmière ayant d’ailleurs elle-même admis avoir pu manquer de diplomatie en les interrogeant, lors de la première réunion sur les conditions de vie des patients. Il a ensuite été reproché à l’infirmière d’avoir, après l’incendie de son véhicule par un patient, tenu « un discours témoignant de son opposition au retour de ce patient dans l’unité de soins », puis, le 20 juin 2012, évoquant un autre patient privé de sortie qui avait pris la fuite, d’avoir déclaré : « Je vais me le faire celui-là ». Compte tenu des précisions apportées par l’intéressée, qui invoque notamment pour expliquer ses propos la fatigue et le stress entraînés tant par ses trois nuits consécutives de travail que par la fugue du patient, ces incidents ponctuels ne justifiaient pas une dégradation de sa notation. L’usage, même excessif, des mots « cadrage » et « recadrage » ne révèle par lui-même aucun manquement aux devoirs d’une infirmière psychiatrique, d’autant que l’infirmière indique qu’elle entendait rappeler aux patients le cadre thérapeutique.
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Dans les circonstances de l’affaire, compte tenu également des quinze témoignages de collègues attestant du professionnalisme de l’infirmière, dont certains évoquent les répercussions psychologiques et financières que l’incendie de son véhicule lui a occasionnées, d’autres, les difficultés personnelles des deux stagiaires non imputables à l’attitude des tutrices, la notation en cause doit être regardée comme entachée d’une erreur manifeste dans l’appréciation de la manière de servir de cet agent. Légalité de la sanction Pour infliger un blâme à l’infirmière, l’autorité disciplinaire s’est fondée sur l’atteinte aux droits des personnes malades garantis par la loi du 4 mars 2002 et sur les manquements aux obligations fixées par les articles R. 4312-2, R. 4312-25 et R. 4312-26 CSP, garantissant le respect de la dignité du patient, la dispense de soins à toute personne avec la même conscience et la prise en compte en toute circonstance de l’intérêt du patient. Elle a retenu les motifs suivants : « attitudes agressives et coercitives dans la prise en charge de patients et propos irrespectueux à leur égard notamment le 20 juin 2012, ton agressif lors de réunions vis-à-vis de ses responsables et encadrement inadapté des étudiants en stage ». Quand bien même la matérialité de l’ensemble des faits reprochés serait établie, ces faits ponctuels ne peuvent être regardés, dans les circonstances de l’affaire, comme constitutifs d’une faute pouvant légalement justifier une sanction. 33. Annulation d’une sanction disciplinaire déguisée et indemnisation 䊏 CAA Versailles, 6 décembre 2016, no 15VE00338 Faits Une agent d’hôtellerie et de restauration d’un établissement de santé a été réaffectée à compter du 1er juillet 2010 sur un poste de polyvalent de restauration et de self par une décision de la directrice des ressources humaines de cet établissement du 28 juin 2010. Procédure Par un jugement du 23 juin 2014, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé cette décision au motif que ce changement d’affectation constituait une sanction déguisée. L’agent a recherché la responsabilité du centre hospitalier raison de l’illégalité fautive de cette décision. Elle relève appel du jugement du 19 décembre 2014 par lequel le tribunal administratif de CergyPontoise a limité à la somme de 2000 euros l’indemnisation. Préjudice L’agent a été placée en arrêt de travail par son médecin traitant à compter du 5 juillet 2010 à raison d’un « syndrome anxieux lié au travail ». Le médecin, ayant procédé à deux contre-visites le 25 août et le 16 septembre 2010, a toutefois conclu que l’arrêt de travail n’était pas médicalement justifié. Une expertise psychiatrique menée le 2 novembre 2010 a conclu que les symptômes de l’intéressée étaient en lien avec un contexte professionnel conflictuel et qu’un arrêt de travail était justifié jusqu’au 3 janvier 2011. Le comité médical départemental du Val d’Oise a émis un avis favorable à l’octroi à l’agent d’un congé de longue maladie du 12 juillet 2010 au 11 juillet 2011, puis d’un congé de longue durée à compter du 12 juillet 2011, qui a été renouvelé jusqu’au 27 juillet 2014. Toutefois, le comité médical supérieur a estimé, lors de sa séance du 1er juillet 2014, que les avis rendus par le comité médical départemental étaient « non conformes » et a rendu un avis défavorable à l’octroi à l’intéressée d’un congé de longue maladie suivi d’un congé de longue durée.
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Dans ces conditions, la pathologie de l’agent, à supposer même qu’elle soit liée à la sanction déguisée dont elle a fait l’objet, ne peut être regardée comme l’ayant privée de la possibilité d’exercer ses fonctions d’agent d’hôtellerie et de restauration et de percevoir la rémunération correspondant à cet emploi. Ainsi, la faute commise par le centre hospitalier ne pouvant être considérée comme la cause des pertes de revenus, la demande tendant à l’indemnisation d’un préjudice financier ne peut qu’être rejetée. Préjudice moral La décision de changer l’intéressée d’affectation sans mettre en œuvre une procédure disciplinaire contradictoire et lui donner l’opportunité de s’expliquer sur les faits qui lui étaient reprochés, et alors qu’il ne résulte pas de l’instruction que le centre hospitalier aurait pris la même sanction s’il avait mis en œuvre une procédure disciplinaire régulière, est à l’origine d’un préjudice moral pour la requérante, qui doit être évalué à hauteur de 2000 euros. 34. Doctrine F. Dumayrou, « Le reflux de la protection de l’emploi du salarié malade », Revue Droit du travail, no 11, 28 novembre 2016, p. 678. C. Dupré, « Le respect de la dignité humaine : principe essentiel du droit du travail », Revue Droit du travail, no 11, 28 novembre 2016, p. 670. S. Fantoni et al., « La santé au travail après la loi du 8 août 2016 », Revue Droit social, no 11, 14 novembre 2016, p. 921. L. Hantrais et M.-T. Letablier, « Le rôle de la protection sociale dans la compensation des inégalités économiques entre femmes et hommes après divorce : une analyse comparative », RDSS, no 5, 4 novembre 2011, p. 885. M. Deguergue : « Sauvons notre système de santé et d’assurance maladie », RDSS, no 5, 4 novembre 2016, p. 995. M. Michalletz et L. Fournier-Gatier, « Accident du travail et faute inexcusable de l’employeur : la Cour de cassation a-t-elle pris la mesure de la portée des arrêts des 5 et 26 novembre 2015 ? », note sous Civ., 2e , 5 novembre 2015, no 13-28373 et Civ., 2e , 26 novembre 2015, no 14-26240, JCP Social, no 45, 15 novembre 2016, p. 1378. L. Paggetti et al., « Retour à l’emploi après un accident de travail : une coordination entre médecin du travail et médecin-conseil d’assurance est-elle possible ? », Santé publique, no 5, septembre–octobre 2016.
VIII – Responsabilité 35. Obligation d’information et causalité 䊏 Conseil d’État, 19 octobre 2016, no 391538 Faits Une patiente a subi le 23 janvier 2007 au centre hospitalier Paul-Ardier d’Issoire une anesthésie locale dont elle a conservé des séquelles sensitives et motrices à la jambe gauche. Par un jugement du 15 octobre 2013, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a estimé que le centre hospitalier n’avait pas informé la patiente du risque opératoire qui s’était réalisé et lui avait ainsi fait perdre une chance d’éviter le dommage qui en est résulté. Le tribunal a, en conséquence, mis à la charge de l’assureur du centre une somme destinée à réparer à hauteur
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de 50 % le dommage corporel subi et a, sur le fondement des dispositions de l’article L. 11421 du Code la santé publique, mis le solde de la réparation à la charge de l’ONIAM au titre de la solidarité nationale. Par un arrêt du 30 avril 2015, la cour administrative d’appel de Lyon a maintenu le principe de la réparation par le centre hospitalier du préjudice résultant de la perte de chance de subir le dommage ainsi que le principe de l’indemnisation par l’ONIAM de la part du dommage non réparée par le centre hospitalier. En droit Texte Selon les termes de l’article L. 1111-2 CSP, « toute personne a le droit d’être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu’ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus ». Cette information incombe à tout professionnel de santé dans le cadre de ses compétences et dans le respect des règles professionnelles qui lui sont applicables. Seules l’urgence ou l’impossibilité d’informer peuvent l’en dispenser. Jurisprudence En application de ces dispositions, doivent être portés à la connaissance du patient, préalablement au recueil de son consentement à l’accomplissement d’un acte médical, les risques connus de cet acte qui, soit présentent une fréquence statistique significative, quelle que soit leur gravité, soit revêtent le caractère de risques graves, quelle que soit leur fréquence. Il suit de là que la circonstance qu’un risque de décès ou d’invalidité répertorié dans la littérature médicale ne se réalise qu’exceptionnellement ne dispense pas les médecins de le porter à la connaissance du patient. Toutefois, en cas d’accident, le juge qui constate que le patient n’avait pas été informé du risque grave qui s’est réalisé doit notamment tenir compte, le cas échéant, du caractère exceptionnel de ce risque, ainsi que de l’information relative à des risques de gravité comparable qui a pu être dispensée à l’intéressé, pour déterminer la perte de chance qu’il a subie d’éviter l’accident en refusant l’accomplissement de l’acte. Analyse Pour juger qu’un défaut d’information imputable au centre hospitalier avait fait perdre à la patiente une chance de se soustraire au risque qui s’est réalisé, la cour administrative d’appel a retenu que des paralysies transitoires pouvaient survenir à la suite d’anesthésies locales telles que celle pratiquée en l’espèce dans 0,1 % des cas et des paralysies définitives dans 0,02 à 0,03 % des cas. La cour en a déduit qu’alors même qu’ils ne se réalisaient qu’exceptionnellement, ces risques connus constituaient des risques graves normalement prévisibles au sens des dispositions de l’article L. 1111-2 CSP et auraient dû, par suite, être portés à la connaissance de la patiente. 36. Obligation d’information sur les risques graves mais exceptionnels 䊏 CAA Marseille, 1er décembre 2017, no 14MA04687 Faits Une femme, qui a chuté en montagne le 19 octobre 2004, a été victime d’une fracture fermée du quart inférieur du tibia qui a été traitée le lendemain à la polyclinique Saint Roch de Cabestany, par ostéosynthèse par plaque associée à une ostéosynthèse du fragment intermédiaire par vis.
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La patiente, qui a présentée des douleurs et des réactions cutanées, a consulté au CH de Perpignan, qui a posé le diagnostic d’ostéite, puis au CHU de Montpellier le 27 juin 2005, qui a confirmé le diagnostic et programmé une prise en charge chirurgicale, comprenant une première intervention dès le 5 juillet 2005 suivie de six autres jusqu’au 22 décembre 2005. Obligation d’information En droit En application des dispositions de l’article L. 1111-2 CSP, lorsque l’acte médical envisagé, même accompli conformément aux règles de l’art, comporte des risques connus de décès ou d’invalidité, le patient doit en être informé dans des conditions qui permettent de recueillir son consentement éclairé. Si cette information n’est pas requise en cas d’urgence, d’impossibilité ou de refus du patient d’être informé, la seule circonstance que les risques ne se réalisent qu’exceptionnellement ne dispense pas les médecins de leur obligation. Un manquement des médecins à leur obligation d’information engage la responsabilité de l’hôpital dans la mesure où il a privé le patient d’une chance de se soustraire au risque lié à l’intervention en refusant qu’elle soit pratiquée. C’est seulement dans le cas où l’intervention était impérieusement requise, en sorte que le patient ne disposait d’aucune possibilité raisonnable de refus, que les juges du fond peuvent nier l’existence d’une perte de chance. Analyse Le patient, s’il reconnaît avoir été informé par le praticien du programme chirurgical indiqué, portant sur la réalisation, étalée sur plusieurs mois, de plusieurs interventions, indique ne pas l’avoir été des risques liés aux opérations prévues et n’avoir pas disposé d’un délai de réflexion d’une durée suffisante avant que ne soit effectuée la première intervention. L’établissement de santé, auquel il incombe d’apporter, par tout moyen, la preuve que l’information a été délivrée à l’intéressé dans les conditions prévues par les dispositions de l’article L. 1111-2 CSP, ne produit aucun commencement de justification de l’accomplissement de son obligation de nature à établir que le patient a été mis en mesure de donner un consentement éclairé au programme d’interventions qui lui avait été proposé et dont la réalisation ne présentait pas un caractère d’urgence. Dès lors, la responsabilité de l’établissement public de soins est engagée à ce titre. 37. Perforation non fautive du grêle lors de la ponction d’ovocytes 䊏 CAA Douai, 18 octobre 2016, no 14DA01277 Faits Une patiente, suivie depuis 2000 pour une stérilité primaire, a fait l’objet, sans succès, de plusieurs inséminations intra-utérines, puis, à partir de l’année 2003, de plusieurs ponctions d’ovocytes dans le but de réaliser une fécondation in vitro. Une septième ponction a été réalisée le 15 décembre 2008 au centre hospitalier de Lens, au terme de laquelle la patiente a ressenti des douleurs abdominales. Après que l’intéressée a été réadmise au centre hospitalier le 17 décembre, l’équipe médicale a diagnostiqué une péritonite par perforation de l’intestin grêle, nécessitant une suture et un nettoyage abdominal. Sur la responsabilité En droit Selon les termes du I de l’article L. 1142-1 CSP, « Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d’un défaut d’un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la
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quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d’actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu’en cas de faute ». Analyse Si l’expert désigné par le tribunal qualifie de « maladresse » la perforation de l’intestin grêle de la requérante survenue au cours de l’intervention, il ne relève aucun manquement par le praticien aux règles de l’art, et souligne que le prélèvement d’un nombre élevé d’ovocytes, destiné à accroître les chances de succès d’une septième tentative de fécondation in vitro, rendait le geste chirurgical plus difficile. Ainsi, cette perforation ne peut être regardée comme trouvant son origine dans une faute médicale de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier de Lens sur le fondement des dispositions de l’article L. 1142-1 CSP. 38. Pédiatrie : faute et perte de chances à 100 % 䊏 CAA Nantes, 21 octobre 2015, no 15NT01969 Faits Une enfant, née le 11 octobre 2005, a été hospitalisée en urgence le 26 novembre 2005 au CH du Mans pour une diarrhée aiguë et une déshydratation évaluée à 6 % et a été admise dans l’unité de réanimation pédiatrique où une réhydratation par perfusion a été administrée. Elle a ensuite été transférée le 28 novembre 2005 dans l’unité de pédiatrie où le traitement a été poursuivi, sans amélioration notable. Une aggravation de l’état de santé s’est produite dans la nuit du 1er au 2 décembre 2005 avec la survenance d’une déshydratation aiguë consécutive à l’interruption de la perfusion entre le 1er décembre 2005 à 20 heures et le 2 décembre 2005 à 16 heures, lorsque l’enfant a été à nouveau transférée dans l’unité de réanimation. Après une amélioration de son état de santé, des signes neurologiques ont été observés le 5 décembre 2005. Les examens pratiqués, en particulier un scanner cérébral réalisé le 7 décembre 2005, ont mis en évidence l’existence d’un accident vasculaire cérébral sylvien gauche. Le 8 décembre 2005, l’enfant a été transférée au CH de Tours à la demande des parents, où sa prise en charge s’est poursuivie jusqu’au 20 décembre 2005, date de sortie de l’enfant. L’enfant conserve des séquelles psychomotrices d’une hémiplégie droite prédominant au membre supérieur et des troubles cognitifs. Procédure Responsabilité Le CH du Mans a contesté, dans sa requête sommaire, l’existence d’un lien de causalité entre la déshydratation sévère subie par l’enfant entre le 1er et le 2 décembre 2005 et l’accident vasculaire cérébral sylvien gauche survenu le 5 décembre. Or, l’établissement a commis une erreur dans la prise en charge de l’enfant en lui laissant une alimentation lactée, même avec le lait de la mère. En effet, les diarrhées persistaient malgré l’existence d’un traitement par réhydratation veineuse qui paraissait satisfaisant. Ceci a conduit à une aggravation de la situation, laquelle s’est dramatiquement dégradée dans la nuit du 1er au 2 décembre 2005 à la suite d’une négligence fautive lors de l’arrêt de la perfusion le 1er décembre à 20 heures jusqu’à la reprise de la perfusion par un cathéter central seulement le 2 décembre vers 16 heures et ce, malgré les demandes répétées de la mère qui était présente toute la nuit et a signalé l’aggravation de l’état de l’enfant.
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Par ailleurs, l’accident vasculaire cérébral dont a été victime l’enfant, le 5 décembre 2005 a été causé par la déshydratation profonde de celui-ci laissé sans perfusion pendant 20 heures. Les différents manquements ainsi relevés dans la prise en charge de l’enfant révèlent une faute de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier. Sur la perte de chance En droit Dans le cas où la faute commise lors de la prise en charge ou le traitement d’un patient dans un établissement a compromis ses chances d’obtenir une amélioration de son état de santé ou d’échapper à son aggravation, le préjudice résultant directement de la faute commise par l’établissement et qui doit être intégralement réparé n’est pas le dommage corporel constaté, mais la perte de chance d’éviter ce dommage. La réparation qui incombe à l’hôpital doit alors être évaluée par le juge à une fraction du dommage corporel déterminée en fonction de l’ampleur de la chance perdue. En fait Le centre hospitalier du Mans conteste le taux de perte de chance de 100 % retenu par le tribunal et relève que l’expert a estimé, dans les conclusions définitives de son rapport du 1er juillet 2013, que ce taux devait être évalué à 60 %. L’expert a estimé que « s’agissant d’un enfant de quelques semaines la perte de chance doit être tempérée en l’absence de références indubitables sur le développement ». Mais il a également relevé que la déshydratation profonde était la cause exclusive de l’accident vasculaire cérébral et a écarté les hypothèses avancées par les médecins conseils de l’établissement d’une cause multifactorielle de l’accident vasculaire cérébral, telle qu’une origine virale par le rotavirus responsable de la gastroentérite dont souffrait l’enfant ou l’existence d’anomalie antérieure. Par suite, il n’apparaît pas que l’accident vasculaire cérébral aurait pu survenir ou être favorisé par une autre cause, même partiellement identifiable, que celle tenant à la déshydratation profonde dont l’enfant a été victime. Il y a lieu, par suite, de confirmer le taux de perte de chance de 100 %. Commentaire Il s’agit d’une hypothèse rare de taux de perte de chance de 100 %, parfaitement motivée. 39. Faute d’un SDIS et évaluation de la perte de chance 䊏 CAA de Marseille, 17 octobre 2016, no 12MA00033 Faits Le 4 juillet 2006, vers 18 heures 45, un patient âgé de 41 ans, a ressenti des douleurs thoraciques irradiantes aux membres supérieurs. Le service départemental d’incendie et de secours (SDIS) des Pyrénées-Orientales, alerté par l’intéressé à 21 heures 22, a fait intervenir sur les lieux une équipe composée d’un véhicule d’assistance et de secours aux victimes (VASV) et d’un médecin. Ce dernier a décidé le transfert du patient vers le centre hospitalier de Perpignan pour un bilan complémentaire en raison d’une suspicion de troubles d’origine cardiaque. À environ 8 kilomètres de l’arrivée, le médecin a quitté le véhicule. À 500 mètres, le patient a perdu connaissance. Lors de l’arrivée au centre hospitalier, le patient qui n’avait pas repris conscience a présenté des convulsions et une fibrillation ventriculaire. Malgré la prise en charge dont il a fait l’objet et qui a permis le rétablissement d’une activité cardiaque normale, il a présenté des séquelles neurologiques importantes et irréversibles liées à une anoxie cérébrale. Il a vécu dans un état végétatif majeur jusqu’à son décès survenu le 26 janvier 2012.
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Responsabilité du SDIS En droit Selon l’article L. 1424-1 du Code général des collectivités territoriales, il est créé dans chaque département un établissement public, dénommé service départemental d’incendie et de secours, qui comporte un corps départemental de sapeurs-pompiers et comprend un service de santé et de secours médical. Selon l’article L. 1424-2 4◦ du même code, les services d’incendie et de secours sont chargés des secours d’urgence aux personnes victimes d’accidents, de sinistres ou de catastrophes ainsi que leur évacuation. Selon l’article R. 1424-24 1◦ du même code, le service de santé et de secours médical participe en outre aux missions de secours d’urgence définies par l’article L. 1424-2 et par l’article 2 de la loi no 86-11 du 6 janvier 1986 relative à l’aide médicale urgente et aux transports sanitaires, devenu l’article L. 6311-1 CSP, selon lequel l’aide médicale urgente a pour objet, en relation notamment avec les dispositifs communaux et départementaux d’organisation des secours, de faire assurer aux malades, blessés et parturientes, en quelque endroit qu’ils se trouvent, les soins d’urgence appropriés à leur état. Analyse Lors du transport du patient vers le centre hospitalier de Perpignan et après que le médecin ait quitté le véhicule de secours et d’assistance aux victimes, l’équipage de ce véhicule a débranché l’oscilloscope pour pouvoir placer le patient qui venait de perdre connaissance, en position latérale de sécurité. Si la lecture d’un électrocardiogramme ne relève pas de la compétence d’une équipe secouriste, le débranchement de cet appareil ne permettait plus de déceler le trouble du rythme cardiaque du patient alors que l’équipage ne pouvait ignorer que le transport avait été ordonné en raison d’une suspicion de troubles d’origine cardiaque. En outre, l’équipage s’est abstenu de solliciter des instructions téléphoniques auprès du SAMU et, après avoir stoppé le véhicule pendant approximativement cinq minutes, à 500 mètres environ du centre hospitalier, n’a repris le transport qu’à vitesse réduite alors qu’il était impératif, pour permettre le rétablissement de la perfusion cérébrale dans les plus brefs délais et réduire la durée de l’anoxie, d’amener le patient au service des urgences dans les plus brefs délais. Le départ du médecin du véhicule lors du transfert de ce patient vers le centre hospitalier de Perpignan et l’interruption prématurée de la surveillance médicale constituent une faute, non détachable du service, de nature à engager la responsabilité du SDIS. Sur la perte de chance La perte de connaissance du patient pendant le transport a pour origine un bas débit sanguin cérébral en rapport avec une tachycardie ventriculaire résultant d’un infarctus du myocarde en cours de constitution. Une prise en charge adaptée, lors de la perte de connaissance pendant le transport, nécessitait de pratiquer sans délai des massages cardiaques et d’administrer des chocs électriques à l’aide du défibrillateur semi-automatique dont était équipé le véhicule. Le SDIS soutient que le taux de perte de chance d’éviter les séquelles neurologiques est de 35 %, en s’appuyant sur l’expertise. Cet expert a conclu que, selon les données de la littérature médicale, l’absence de prise en charge adaptée lors de la perte de connaissance a entraîné une perte de chance de 35 à 40 %. Toutefois, ces études et documents sur lesquels il se fonde ne peuvent pas être regardés comme appropriés à la situation, s’agissant d’évaluations de personnes victimes d’arrêt cardiaque hors milieu hospitalier alors que, lorsqu’il a perdu connaissance, le patient aurait dû être sous contrôle d’un médecin et bénéficier de la mise en œuvre immédiate de techniques de réanimation cardiaques.
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Eu égard à l’impossibilité de déterminer, avec une certitude raisonnable, si la seule mise en œuvre des moyens techniques disponibles à bord du véhicule aurait permis de rétablir une activité cardiaque à même d’assurer une perfusion cérébrale suffisante jusqu’à une prise en charge par le service des urgences susceptible d’empêcher la survenue de séquelles neurologiques, la perte de chance ne peut être évaluée au taux de 100 %, en dépit d’un autre rapport d’expertise dont se prévaut la famille. Compte tenu de la faible distance séparant le véhicule du centre hospitalier et du délai anormalement long qui a été nécessaire pour parvenir à l’hôpital, il y a lieu de fixer le taux de perte de chance du patient d’éviter une aggravation de son état de santé à 80 %. Par ailleurs, il résulte de l’instruction et notamment du compte rendu d’hospitalisation au centre de réadaptation de Coubert du 26 janvier 2012 et du certificat médical du même jour que le risque vital du patient, qui faisait l’objet d’une trachéotomie depuis le 19 juillet 2006, était engagé à la suite d’épisodes de détresse respiratoire survenus dès la fin de l’année 2007. Ainsi, le décès du patient, le 26 janvier 2012, plus de cinq ans après la consolidation de son état, est la conséquence directe des fautes commises par le SDIS des Pyrénées-Orientales. Dès lors, il y a lieu de fixer également à 80 % le taux de perte de chance de survie dont a été victime le patient. Commentaire Circonstance rare dans cette affaire, avec le médecin urgentiste qui abandonne le patient, un faute certaine, mais qui n’est pas qualifiée de détachable, car elle reste liée à l’organisation du service. 40. Faute dans la prise en charge d’un cancer et perte de chance 䊏 CAA Nancy, 13 octobre 2016, no 15NC02445 Faits Un patient a été admis au service des urgences du centre hospitalier de Belfort-Montbéliard le 21 septembre 2005, puis à nouveau le 26 septembre 2005, en raison de violentes douleurs hypogastriques. Une échographie abdominale ayant révélé une vésicule biliaire lithiasique ainsi que des polypes vésicaux au niveau de la vessie, le patient a subi, le 2 octobre 2005, une cholécystectomie afin de traiter la pathologie liée à la vésicule biliaire, sans qu’il soit procédé à aucun examen complémentaire concernant les polypes observés sur la vessie. Le patient, à nouveau hospitalisé le 21 juillet 2006 en raison de douleurs épigastriques et d’une hématurie macroscopique récidivante, a subi, le 23 novembre 2006, une intervention chirurgicale permettant l’ablation de la vessie et de la prostate, suivie, jusqu’en juillet 2007, de cures de chimiothérapie et de séances de radiothérapie. Procédure Par un jugement du 29 juillet 2013, le tribunal administratif de Besanc¸on a retenu la responsabilité du centre hospitalier de Belfort-Montbéliard dans le retard de diagnostic et de prise en charge du cancer de la vessie dont le patient était atteint, a estimé que la faute de l’hôpital était à l’origine d’une perte de chance, évaluée au taux de 20 %, d’échapper aux conséquences de ce cancer. Préjudice Si le patient souffrait, dès sa prise en charge le 21 septembre 2005, de lésions cancéreuses à la vessie et à la prostate qui nécessitaient d’être soignées, il ne résulte pas de l’instruction qu’en l’absence de retard dans la prise en charge du cancer de la vessie, le traitement de ses pathologies
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aurait exigé en tout état de cause une cystectomie et une prostatectomie, ainsi que l’ensemble des soins dont le patient a effectivement fait l’objet. Il ressort suffisamment des éléments produits à l’instance et notamment des attestations établies le 2 octobre 2013 et le 28 juin 2016 par le médecin conseil de la caisse primaire d’assurance maladie, que les préjudices dont la réparation est demandée, constitués des pertes de revenus avant consolidation et des dépenses de santé, sont imputables au retard fautif de l’établissement de santé. 41. Preuve d’une chute 䊏 CAA Bordeaux, 28 novembre 2016, no 15BX00037 Faits Une patiente, alors âgée de 78 ans, souffrant de vertiges, de ballonnements intestinaux et de reflux gastro-œsophagiens, a été hospitalisée au centre hospitalier du Marin le 16 septembre 2010. Un bilan de kinésithérapie, justifié par des troubles de l’équilibre accompagnés de chutes, a été réalisé le 30 septembre 2010 et a mis en évidence un déficit musculaire dans les membres inférieurs et une tétraparésie. Les 5 et 15 octobre suivants, un scanner cervical puis un examen d’imagerie par résonance magnétique ont fait apparaître une hernie discale C3-C4 comprimant la moelle. Procédure La patiente soutient avoir subi une aggravation de son état de santé due à une chute survenue le 3 octobre 2010 au cours de son hospitalisation et impute cette chute à une faute de l’établissement dès lors que, contrairement aux préconisations du bilan établi par un kinésithérapeute le 30 septembre 2010, elle n’a pas bénéficié d’un déambulateur et n’a pas fait l’objet d’une prescription médicale d’interdiction de se lever. Il s’agit donc autant d’un cas de faute médicale au sens de la loi que d’une faute dans l’organisation ou le fonctionnement du service. Analyse La patiente affirme avoir été relevée par des infirmières, mais cela n’est pas mentionné dans les feuilles de soins infirmiers ni dans les transmissions infirmières. L’expert a indiqué : « il semble qu’une chute se soit produite le 3 octobre 2010 ; la patiente dit être tombée en allant aux toilettes », mais il n’a pas formellement admis la réalité de cette chute. Par ailleurs, la patiente souffrait de tétraparésie antérieurement à son admission et présentait des troubles de l’équilibre dus à une hernie discale. En admettant qu’elle ait présenté, au cours de son hospitalisation, une décompensation à la suite d’une chute, ni l’expertise, ni aucun autre élément de l’instruction ne permet de corroborer, en l’absence, notamment, d’aggravation brutale de son état de santé après le 3 octobre 2010, que cette chute se soit produite dans l’établissement. Aucun élément de l’instruction ne permet, en particulier, d’écarter l’hypothèse d’une décompensation liée à une chute survenue plusieurs jours auparavant, antérieurement à son admission dans l’établissement le 16 septembre 2010 ni d’estimer qu’une chute survenue après l’admission dans l’établissement serait la cause la plus probable de l’aggravation de l’état de santé de la patiente au cours de son hospitalisation. De telle sorte, la faute n’est pas établie. Commentaire Le débat n’a pas porté sur la qualification d’une faute, mais sur l’existence des faits. La juridiction examine les indices réunit, mais estime que la preuve de la chute n’a pas été rapportée.
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42. Préjudice d’angoisse de mort 䊏 Crim., 27 septembre 2016, no 15-83309, Publié Le 27 juillet 2007, un couple a été victime d’un accident de la circulation occasionné par un autre véhicule. L’époux est décédé après un temps de coma. L’épouse prétend à une indemnité en réparation d’un préjudice de vie perdue subi par son mari dans les heures qui ont suivi l’accident, avant son décès, préjudice qui serait entré dans son patrimoine dont elle est devenue héritière. Pour rejeter cette demande tendant à l’indemnisation des souffrances morales et psychologiques nées de l’angoisse d’une mort imminente qu’aurait ressenties son mari entre la survenance de l’accident et celle de son décès, préjudice qui serait entré dans son patrimoine dont elle est devenue héritière, l’arrêt retient que la victime n’ayant pas repris conscience, n’avait pas pu se rendre compte de la gravité de son état et de l’imminence de sa mort. Commentaire Le préjudice d’angoisse de mort imminente ne peut exister que si la victime est consciente de son état, ce qui n’était pas le cas. 43. Affaire du Médiator (1) 䊏 Conseil d’État, 9 novembre 2016, no 393904 Faits La société les Laboratoires Servier a obtenu en 1974 une autorisation de mise sur le marché de sa spécialité Médiator, ayant pour principe actif le benfluorex, initialement indiquée dans certaines hypercholestérolémies et hypertriglycéridémies endogènes de l’adulte et comme adjuvant du régime dans le diabète asymptomatique avec surcharge pondérale. En dépit d’une structure chimique différant pour partie de celle des fenfluramines, le benfluorex est transformé, lors de son absorption, en plusieurs métabolites, dont la norfenfluramine, qui est également le principal métabolite des fenfluramines. Le danger des fenfluramines, dérivés de l’amphétamine utilisés pour leurs propriétés anorexigènes, était suffisamment établi en 1995 pour que les autorités sanitaires franc¸aises décident de restreindre leur prescription, puis, en 1997, suspendent les autorisations de mise sur le marché des spécialités à base de ce principe actif. Toutefois, il n’a été procédé à la suspension puis au retrait de l’autorisation de mise sur le marché du Médiator qu’en novembre 2009 et juillet 2010. Procédure Par jugement du 7 août 2014, le tribunal administratif de Paris a jugé que l’absence de suspension ou de retrait de l’autorisation de mise sur le marché du Médiator était constitutive d’une carence fautive de l’Agence franc¸aise de sécurité sanitaire des produits de santé de nature à engager la responsabilité de l’État à partir du 7 juillet 1999 et a rejeté la demande d’une requérante tendant à la désignation d’un expert et à l’octroi d’une provision au motif qu’elle avait été exposée au Médiator en 1996 et 1997. Par un arrêt du 31 juillet 2015, la cour administrative d’appel de Paris a rejeté l’appel formé contre ce jugement. En droit En vertu de l’article L. 601 CSP alors applicable, une spécialité pharmaceutique ne pouvait être distribuée sans avoir rec¸u au préalable une autorisation de mise sur le marché, délivrée par le ministre chargé de la santé pour une durée de cinq ans renouvelable, subordonnée à la justification
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par le fabricant, notamment, qu’il avait fait procéder à la vérification de l’intérêt thérapeutique du produit et de son innocuité dans des conditions normales d’emploi, et susceptible d’être suspendue ou retirée. La loi du 4 janvier 1993 relative à la sécurité en matière de transfusion sanguine et de médicament a transféré cette compétence à la nouvelle Agence du médicament qu’elle a créée et a inséré dans le Code de la santé publique un article L. 567-2 disposant que cette agence était notamment chargée : • 1◦ de participer à l’application des lois et règlements relatifs : (a) Aux essais, à la fabrication, à l’importation, à l’exportation, à la mise sur le marché des médicaments à usage humain (. . .) ; • 3◦ de recueillir et d’évaluer les informations sur les effets inattendus ou toxiques des médicaments et produits mentionnés au (a) du 1◦ (. . .) ; • 7◦ de procéder à toutes expertises et contrôles techniques relatifs à la qualité : (a) des produits et objets mentionnés au présent article (. . .) ; • 10◦ de recueillir les données, notamment en terme d’évaluation scientifique et technique, nécessaires à la préparation des décisions relatives à la politique du médicament et de participer à l’application des décisions prises en la matière (. . .). L’article L. 793-1 du même code, issu de la loi du 1er juillet 1998 relative au renforcement de la veille sanitaire et du contrôle de la sécurité sanitaire des produits destinés à l’homme, entré en vigueur le 9 mars 1999, a substitué à l’Agence du médicament un nouvel établissement public, l’Agence franc¸aise de sécurité sanitaire des produits de santé, en prévoyant notamment que celleci « procède à l’évaluation des bénéfices et des risques liés à l’utilisation [des médicaments] à tout moment opportun et notamment lorsqu’un élément nouveau est susceptible de remettre en cause l’évaluation initiale ». Son article L. 793-2 prévoyait, en outre, que cette agence « procède ou fait procéder à toute expertise et à tout contrôle technique » relatifs, notamment, aux médicaments et qu’elle « recueille et évalue les informations sur les effets inattendus, indésirables ou néfastes » des médicaments. Enfin, selon la période considérée, le ministre chargé de la santé ou le directeur général de ces agences, agissant au nom de l’Etat en vertu successivement des articles L. 567-4 et L. 793-4 CSP, pouvait décider de suspendre ou de retirer l’autorisation de mise sur le marché d’un médicament pour les motifs précisés à l’article R. 5139 CSP, notamment « lorsqu’il apparaît que la spécialité pharmaceutique est nocive dans les conditions normales d’emploi ou que l’effet thérapeutique fait défaut ». Analyse Eu égard tant à la nature des pouvoirs conférés par ces dispositions aux autorités chargées de la police sanitaire relative aux médicaments, qu’aux buts en vue desquels ces pouvoirs leur ont été attribués, la responsabilité de l’État peut être engagée par toute faute commise dans l’exercice de ces attributions. La cour a fait mention, pour apprécier la responsabilité de l’État au cours de la période allant de l’autorisation de mise sur le marché du Médiator, en 1974 à l’année 1994, des moyens de contrôle à la disposition de l’administration et de sa méconnaissance des risques liés à la prise de ce médicament, selon le régime de la faute simple. En 1995, la proximité pharmacologique entre le benfluorex et les fenfluramines restait mal connue et les autorités sanitaires ne disposaient pas d’information sur l’existence d’effets indésirables en lien avec le benfluorex. A compter de la mi-1999, compte tenu des nouveaux éléments d’information dont disposaient alors les autorités sanitaires, notamment sur les effets indésirables du benfluorex et sur la concentration sanguine en norfenfluramine à la suite de son absorption, les dangers du benfluorex et le déséquilibre entre les bénéfices et les risques tenant à l’utilisation du
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Médiator comme suffisamment caractérisés pour que l’abstention de prendre les mesures adaptées, consistant en la suspension ou le retrait de l’autorisation de mise sur le marché du Médiator, constitue une faute de nature à engager la responsabilité de l’État. Le benfluorex, molécule distincte des fenfluramines, a été présenté par la société les Laboratoires Servier, dès les années soixante-dix, comme ayant des propriétés métaboliques et cliniques différentes de celles des fenfluramines, et son autorisation de mise sur le marché a été sollicitée et obtenue pour des indications thérapeutiques distinctes. S’il ressort du compte rendu d’une réunion du comité technique de pharmacovigilance de l’Agence du médicament tenue en juillet 1995 que le centre régional de pharmacovigilance de Besanc¸on avait relevé que le benfluorex possédait « une structure voisine de celle des anorexigènes », il n’en résulte pas que le métabolisme de cette molécule ait été alors mieux connu. Ainsi, il n’existait pas, en 1995, d’élément nouveau sur la parenté pharmacologique entre les amphétamines et le Médiator. Il se déduit de cette circonstance et de l’absence d’effets indésirables graves connus résultant de la prise du Médiator que le défaut de mesure de suspension ou de retrait de l’autorisation de mise sur le marché de la spécialité, toutefois soumise depuis mai 1995 à une enquête de pharmacovigilance portant sur ses effets indésirables, ne constituait pas, dès 1995, une faute de nature à engager la responsabilité de l’Etat. 44. Médiator (2) 䊏 Conseil d’État, 9 novembre 2016, no 393902 Eu égard tant à la nature des pouvoirs conférés par le code de la santé publique aux autorités chargées de la police sanitaire relative aux médicaments qu’aux buts en vue desquels ces pouvoirs leur ont été attribués, la responsabilité de l’État peut être engagée par toute faute commise dans l’exercice de ces attributions. Lorsque sa responsabilité est engagée sur le fondement de la faute, l’État ne peut s’exonérer de l’obligation de réparer intégralement les préjudices trouvant directement leur cause dans cette faute en invoquant les fautes commises par des personnes publiques ou privées avec lesquelles il collabore étroitement dans le cadre de la mise en œuvre d’un service public. Toutefois, il n’en va pas de même lorsque l’État invoque la faute d’une personne privée qui est seulement soumise à son contrôle, ou à celui d’une autorité agissant en son nom. De telle sorte, les agissements fautifs des laboratoires Servier ont pour effet d’exonérer l’État de tout ou partie de l’obligation de réparer les dommages liés à la prise du Médiator. 45. Doctrine M. Bacache, « Infections nosocomiales : le retour de la responsabilité pour faute », Dalloz, no 41, 1er décembre 2016, p. 2437. I. Gallmeister, « Infection nosocomiale grave : pas d’exclusivité du rôle de l’ONIAM », Dalloz, no 41, 1er décembre 2016, p. 2439. V. Maleville, « Infections nosocomiales : la fin annoncée de la faute caractérisée ? », Civ. 1re , 28 septembre 2016, no 15-16117, Revue générale du droit des assurances, no 11, 1er novembre 2016, p. 553. F. Tesson, « Précisions sur l’obligation d’information du patient », JCP Adm. et Coll., no 43-44, 2 novembre 2016, p. 842. J.-M. Pontier, « Dépakine : un nouveau fonds », AJDA, no 37, 7 novembre 2016, p. 2065.
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R. Bigot, « Responsabilité de l’avocat ayant privé un patient d’une chance d’être indemnisé de l’aggravation de son dommage corporel », Lamy Droit civil, no 141, octobre 2016. D. Asquinazi-Bailleux, « Pas d’action subrogatoire de la caisse contre l’établissement de soins en cas d’intervention de l’ONIAM au titre de la solidarité nationale », JCP Social, no 39, 4 octobre 2016, p. 1334. J. Landel, « La victime, non tenue de limiter son préjudice dans l’intérêt du responsable, peut refuser les soins préconisés pour améliorer sa santé », note sous Crim., 27 septembre 2016, no 15-83309, Revue générale du droit des assurances, no 11, 1er novembre 2016, p. 525. M. Richard-Piauger et al., « L’expertise en responsabilité hospitalière dans le secteur public : l’exemple de l’AP–HP », Médecine & Droit, no 140, septembre–octobre 2016, p. 125.
IX – Santé mentale 46. Hospitalisation sous contrainte et compétence du juge judiciaire 䊏 CAA Nantes, 7 octobre 2016, no 15NT00985 Faits Un homme, âgé de 37 ans, a été admis le 11 juin 2012 dans le service de psychiatrie du centre hospitalier de Bayeux sous le régime de l’hospitalisation librement consentie. Par un arrêté du 29 juin 2012, le préfet du Calvados a décidé son hospitalisation sans consentement en soins psychiatriques au sein de l’unité spécialisée du même établissement. Par une ordonnance du 12 juillet 2012, le juge des libertés et de la détention près le tribunal de grande instance de Caen a rejeté la demande de mainlevée de cette mesure. Au vu d’un certificat médical du 26 juillet 2012 sollicitant le maintien de l’hospitalisation, le préfet du Calvados a, par un arrêté du 27 juillet 2012, maintenu la mesure de soins psychiatriques pour une durée de trois mois. Toutefois, au vu de l’avis motivé du médecin psychiatre sollicitant une hospitalisation en soins psychiatriques en ambulatoire sans consentement et du programme de soins établis le 18 septembre 2012 par ce même praticien, le préfet du Calvados a, le 19 septembre 2012, pris un nouvel arrêté prévoyant la prise en charge en soins ambulatoires du patient avec intégration dans un foyer où il bénéficierait d’une prise en charge complète avec suivi médical et traitement par injection de retard. Le patient a ainsi été pris en charge le 24 septembre 2012 au sein du foyer « L’espérance », établissement d’hébergement social pour adultes et familles en difficulté. Le 26 septembre 2012, l’intéressé était admis aux urgences du CHU de Caen à la suite d’une tentative de suicide par défenestration. Il y est décédé le 27 septembre 2012. La famille a engagé un recours contre le centre hospitalier de Bayeux. En droit L’autorité judiciaire est seule compétente pour statuer sur les conséquences dommageables de la mesure prise par le représentant de l’État, au vu d’un avis médical établi par le médecin psychiatre du centre hospitalier dans lequel est admis le patient qui n’est pas détachable de cette mesure, en vue de déterminer ou de modifier la forme de la prise en charge de ce patient. Analyse La famille a demandé devant le tribunal administratif de Caen la réparation des conséquences dommageables de la décision, prise le 19 septembre 2012 par le préfet du Calvados, de placer
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leur proche en soins ambulatoires dans le cadre d’un programme de soins psychiatriques sans consentement. De telles conclusions ne pouvaient être formulées que dans le cadre d’une action engagée devant le juge judiciaire. 47. Contrainte : Irrégularité éventuelle des mesures antérieures 䊏 Civ. 1re , 19 octobre 2016, no 16-18849 Faits Une patiente a été admise en soins psychiatriques sans consentement, le 25 février 2016, sous le régime de l’hospitalisation complète, en application d’une décision du directeur d’établissement prise sur le fondement de l’article L. 3212-3 CSP. Le 7 mars, le juge des libertés et de la détention a autorisé le maintien de cette hospitalisation, et le 22 mars, la patiente a formé une demande de main levée de la mesure. Cour d’appel L’ordonnance déférée faisait état d’irrégularités des certificats médicaux ayant justifié la mesure d’hospitalisation complète dont avait fait l’objet la patiente. Cependant, force était de constater qu’après examen du dossier, et contrairement aux indications contenues dans cette ordonnance, la mesure de soins sans consentement avait été ordonnée au vu d’un certificat médical daté du 26 février 2016, indiquant que la patiente était mutique et le dialogue impossible, et concluant que son état de santé nécessitait des soins psychiatriques sans consentement. Certificat n’était entaché d’aucune irrégularité et avait été établi le jour de l’admission de la patiente. Il contenait toutes les mentions légales. L’erreur matérielle contenue dans le document de notification de la décision d’admission, relativement à la date dudit certificat, n’était pas de nature à vicier la procédure, et ce d’autant qu’il avait été validé par l’ordonnance du juge de la liberté et de la détention en date du 7 mars 2016, ayant ordonné la poursuite de l’hospitalisation complète. L’ordonnance devait dès lors être infirmée. Sur le fond, les certificats médicaux du 26 février 2016 et celui du 27 février 2016 indiquent que l’état de la patiente nécessitait le maintien de soins psychiatriques sans consentement en hospitalisation complète, la patiente étant dans un contexte de rupture de suivi et de traitement et d’un environnement familial très hostile, le médecin précisant la nécessité d’une surveillance constante en milieu hospitalier. Un praticien, dans son certificat daté du 30 mars 2016, notait une dégradation de l’état psychique de la patiente, marquée par une réticence à tout entretien, sous tendu par des idées délirantes de persécution et refusant le traitement sous prétexte qu’il l’empoisonnait. Ce médecin en concluait que son était faisait obstacle à son audition par le juge des libertés et de la détention. L’état de santé ne s’était pas amélioré depuis cette date, puisque à l’audience, elle était mutique et que toute communication avec elle s’était avérée impossible. Dans ces conditions, au vu des certificats médicaux concordants, la patiente devait être maintenue sous le régime de l’hospitalisation complète sous contrainte. Cour de cassation À peine d’irrecevabilité, aucune irrégularité de la procédure de soins psychiatriques sans consentement, antérieure à une audience à l’issue de laquelle le juge des libertés et de la détention se prononce sur la mesure, ne peut être soulevée lors d’une instance ultérieure devant ce même juge. Ayant constaté que la décision initiale d’hospitalisation complète avait été soumise au contrôle de plein droit du juge des libertés et de la détention, le premier président a, par ces seuls motifs,
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exactement décidé que la procédure avait été validée par l’ordonnance de ce juge prescrivant la poursuite de la mesure. M. Douchy-Oudot, « Maintien d’une hospitalisation d’office : l’ordonnance du JLD vaut purge », note sous Civ., 1re , 19 octobre 2016, no 16-18849, JCP Générale, no 46, 14 novembre 2016, p. 1212. 48. Faute dans l’organisation du service et suicide 䊏 CAA Nantes, 7 octobre 2016, no 15NT01576 Faits Un homme, né en 1993, a été admis en août 2012 à la clinique psychiatrique universitaire de Saint-Cyr-sur-Loire (Indre), service rattaché au CHRU de Tours, pour des troubles liés à l’autisme pour lequel il était pris en charge depuis l’âge de deux ans. Le 16 avril 2013, vers 21 h 20, son corps inanimé a été retrouvé dans la baignoire de la salle de bain commune du service. Les manœuvres de réanimation ayant été vaines et le décès a été constaté à 22 h 10. Procédure Une enquête pénale a été ouverte afin de déterminer les causes de la mort. Sa mère a saisi le tribunal administratif d’Orléans d’une demande tendant à la condamnation du CHRU de Tours à l’indemniser des préjudices subis du fait du décès de son fils. Analyse Le décès du patient a été causé par noyade, et la présence dans le sang de la victime de deux médicaments, à une concentration trois fois supérieure à la dose thérapeutique habituelle pourrait être à l’origine d’un syndrome parkinsonnien gravissime et d’un coma selon les termes du rapport d’expertise toxicologique. Ainsi, la noyade de la victime pourrait être consécutive à un état de conscience altéré et apparaît comme d’origine accidentelle. Le 16 avril 2013 au soir, le patient, qui circulait librement dans le service, s’est rendu à 20 h 45 min au bureau infirmier pour demander un magazine qui lui a été remis. Il s’est alors dirigé vers sa chambre. Il n’avait jamais manifesté auparavant le souhait d’aller, le soir, dans la salle de bain commune au service, laquelle était ouverte aux patients de 18 h à 21 h 20 et dont l’accès n’était pas visible depuis le bureau infirmier. Par ailleurs aucune consigne particulière de surveillance n’avait été mentionnée à son égard. Ainsi, le comportement de la victime, retrouvée à 21 h 20 dans la salle de bain à l’occasion de la ronde de l’équipe de nuit, apparaît comme imprévisible. Toutefois, l’accès libre à la salle de bain pourvue d’une baignoire, localisée de surcroît dans un couloir non visible du bureau infirmier, à des patients dont la pathologie impose un accompagnement infirmier lors de la prise du bain, comme c’était le cas de la victime insuffisamment autonome, révèle des conditions d’organisation du service ne permettant pas de garantir la sécurité des soins. Par suite, les conditions dans lesquelles le patient a pu se rendre à la salle de bains commune et utiliser la baignoire s’y trouvant, dans laquelle il a été retrouvé noyé en raison d’un état de conscience altéré par la prise du traitement médicamenteux prescrit, caractérise une faute dans l’organisation et le fonctionnement du service de nature à engager la responsabilité du CHRU de Tours.
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49. Administration anticipée de méthadone 䊏 CAA Douai, 15 novembre 2016, no 15DA00651 Un patient été admis au sein du service psychiatrique du centre hospitalier d’Abbeville à compter du 17 avril 2008 pour addiction à l’alcool et aux produits stupéfiants. Le patient a présenté dès, le 20 avril 2008 une encéphalopathie anoxique résultant d’une anoxie cérébrale survenue à l’occasion d’un état de coma associé à des troubles respiratoires. Il en est résulté de fortes séquelles neurologiques. Analyse Cette anoxie cérébrale a été provoquée, les 18 et 19 avril 2008, par l’administration d’une dose de 40 mg de Méthadone. L’équipe médicale a décidé de prescrire de la Méthadone sur la base des seules déclarations du patient, lors de sa demande d’admission auprès du service d’accueil des urgences et du service de psychiatrie, faisant état de sa dépendance notamment à l’héroïne et à la cocaïne, sans attendre les résultats du dépistage urinaire des produits stupéfiants réalisé le 18 avril. Or ceux-ci, rendus le lendemain, n’ont finalement pas révélé d’addiction de l’intéressé à l’héroïne. Ainsi en administrant de la Méthadone et en optant pour une posologie trop élevée de 40 mg, alors que ce traitement substitutif n’était pas médicalement indiqué, a constitué une faute médicale de nature à engager sa responsabilité ainsi que l’a jugé le tribunal. 50. Décès soudain et absence de faute de surveillance 䊏 Crim., 8 novembre 2016, no 15-87712 Faits Dans la nuit du 3 au 4 mai 2008, un homme âgé de 32 ans, s’étant présenté au centre d’accueil psychiatrique de l’hôpital Maison Blanche Hauteville, établissement où il avait déjà été hospitalisé. Il a été accueilli par l’infirmier de garde qui a constaté qu’il était en état d’ébriété, puis par une infirmière qui l’a conduit auprès du médecin de garde. Celui-ci, à l’issue de la consultation, a prescrit de le conduire dans une chambre, de fermer la porte à clé pour éviter qu’il ne tente de rejoindre une amie hospitalisée dans l’établissement et d’exercer une surveillance. Une aide-soignante a vérifié vers 6 heures du matin, en regardant par l’oculus, que le patient respirait. Vers 8 heures 10 l’équipe du matin l’a découvert inconscient, le décès étant constaté après des tentatives de réanimation infructueuses. Procédure À l’issue d’une enquête ouverte pour recherche des causes de la mort, et le procureur de la République ayant notifié à la mère du défunt, sa décision de classement sans suite, la mère a déposé une plainte avec constitution de partie civile contre personne non dénommée pour homicide involontaire. Le juge d’instruction ayant rendu une ordonnance de non-lieu et rejeté la demande de contreexpertise demandée par la partie civile, celle-ci a interjeté appel. Analyse Le décès est intervenu du fait d’une asphyxie par œdème aigu du poumon secondaire à une pneumopathie d’inhalation au décours d’une alcoolisation importante. La défaillance respiratoire n’a pu qu’intervenir de fac¸on brutale et imprévisible, le patient ne présentant pas de signes dans le cadre de l’entretien avec le personnel, la prise de constantes et la surveillance effectuée.
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Lors de son admission à l’hôpital, la patient a été rec¸u par un médecin qui s’est entretenu avec lui, a constaté son état clinique puis consulté son dossier médical, dès lors qu’il s’agissait d’un patient connu du service pour y avoir déjà séjourné. Au regard de l’état d’ébriété de la victime et de son absence de trouble somatique, l’hypothèse d’une intoxication médicamenteuse était exclue, et la prescription du docteur médecin de garde consistant en une abstention médicamenteuse, jusqu’au lendemain, avec surveillance habituelle du patient et enfermement dans sa chambre était en adéquation avec la situation et conforme aux bonnes pratiques. Les surveillances exercées par les infirmières ont été opérées à un rythme normal et de fac¸on appropriée, l’utilisation de l’oculus permettant une surveillance efficace sans avoir besoin de réveiller le patient. Pour éviter le décès, il aurait fallu être présent à la seconde même où la fausse route s’est produite et compte tenu du caractère très exceptionnel de ce genre d’accident, il n’est pas dans la pratique médicale de mettre en place un dispositif de surveillance permanente en présence d’un patient en état d’ébriété. Ainsi, il n’existe pas de charges suffisantes contre aucun des professionnels de santé ayant pris en charge le patient d’avoir commis un homicide involontaire ni toute autre infraction. 51. Doctrine F. Vialla, « Contention, isolement et soins psychiatriques », note sous CA Versailles, 24 octobre 2016, no 16/07393, JCP Générale, no 46, 14 novembre 2016, p. 1211. L. Ouassin et A. de Broca, « Quelle autonomie pour le majeur sous tutelle dans le domaine médical, et plus particulièrement en situation de fin de vie ? », Éthique & santé, vol 13, no 3, septembre 2016. E. Péchillon, « Contrôle juridictionnel du refus d’un directeur d’établissement de santé d’accéder à une demande de levée de la contrainte formulée par le tiers demandeur : l’importance de l’avis du psychiatre », CP Adm. et Coll., no 43-44, 2 novembre 2016, p. 2286. D. Noguéro, « Pour la protection à la franc¸aise des majeurs protégés malgré la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées », RDSS, no 5, 4 novembre 2011, p. 964.