Les infiltrations périradiculaires : faut-il les réaliser de façon plus précoce ou les abandonner ?

Les infiltrations périradiculaires : faut-il les réaliser de façon plus précoce ou les abandonner ?

J Radiol 2008;89:743-4 © Éditions Françaises de Radiologie, Paris, 2008 Édité par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés éditorial Les infiltrati...

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J Radiol 2008;89:743-4 © Éditions Françaises de Radiologie, Paris, 2008 Édité par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés

éditorial

Les infiltrations périradiculaires : faut-il les réaliser de façon plus précoce ou les abandonner ? C Cyteval

es radiculalgies, en particulier lombaires, motifs communs de consultation médicale, sont actuellement un problème de santé publique considérable. En France, entre 1992 et 2002, le nombre d’épisodes lombo-radiculaires a triplé et l’incidence de la hernie discale est estimée de 0,1 à 0,5 % par an dans une population âgée de 25 à 65 ans (1). Le coût d’indemnisation de ce motif d’invalidité a également présenté une progression fulgurante puisqu’il a été multiplié par 27 pendant cette période alors que celui de toutes les autres pathologies confondues n’était multiplié que par 3,5. Ces données épidémiologiques expliquent que la prise en charge de cette pathologie constitue aujourd’hui une préoccupation majeure de la population médicale. Les infiltrations péri-rachidiennes sont un recours de pratique courante dans la prise en charge des radiculalgies depuis les années 50 (2), avec pour but de diminuer la dose de corticoïdes reçue par le patient en l’administrant directement au niveau du site responsable de l’irritation ou de l’inflammation radiculaire. De nombreuses études ouvertes montrent leur effet bénéfique sur la douleur radiculaire mais leur place exacte reste toujours discutée en 2008, même si le nombre de leur réalisation ne cesse d’augmenter. L’article de C. Riboud, et al publié dans ce numéro (3) est de ce fait, extrêmement actuel car il se propose de préciser les indications et l’efficacité de ce geste très courant en évaluant une pratique professionnelle. Les auteurs ont été confrontés aux problèmes liés à cette pathologie qui regroupe des populations très hétérogènes (cause de la radiculalgie, localisation, temps écoulé avant le geste) et une prise en charge actuellement non harmonisée (injections intra-canalaires ou foraminales, uniques ou multiples ?) ce qui rend l’analyse des résultats difficile du fait des faibles effectifs des groupes homogènes. Les résultats rapportés dans cet article sont concordants avec ceux de la littérature et attestent d’une amélioration de la radiculalgie (4) avec une efficacité très élevée à court terme (Vad 84 %, Schaufele 70 %) (5, 6). L’efficacité de la méthode particulièrement élevée dans cette étude (97 % de patients améliorés durablement) montrent bien l’intérêt majeur qu’il existe à sélectionner les patients qui pourront bénéficier de ce geste ; les auteurs n’ont en effet inclus que 3 patients présentant des atteintes dégénératives pour lesquelles on reconnaît une efficacité moindre. Les résultats sont plus controversés après 3 mois avec pour certains l’absence de modification de l’histoire naturelle de la maladie à long terme (7) et le recours à la chirurgie pour le même nombre de patients si l’on considère une période de 3 ans (8). Nous avons montré que les infiltrations péri-rachidiennes sont plus efficaces quand elles sont réalisées dans un délai relativement rapproché du début des symptômes (9). C’est peut-être le caractère

L

Service d’Imagerie Médicale, Hôpital Lapeyronie, 371, avenue du Doyen G. Giraud, 34295 Montpellier. Correspondance : C Cyteval E-mail : [email protected]

plus aigu des douleurs qui explique l’efficacité supérieure de l’infiltration dans les radiculalgies dont l’origine est une hernie discale par rapport aux débords disco ostéophytiques de processus dégénératifs (86,1--vs 60 %) (10). Le délai classique minimum de 3 semaines à un mois de traitement médical bien conduit et bien suivi par le patient semble actuellement être raccourci par de nombreux praticiens et les infiltrations sont proposées dès la fin de la première semaine d’une sciatique hyperalgique dont le bilan d’imagerie montre un conflit disco-radiculaire et ne cédant pas au traitement. Cette mise en pratique rapide d’un geste est logique si l’on considère que les lombalgies non résolutives dans les 3 mois conduisent à une morbidité supérieure. Il reste à démontrer l’apport éventuel d’infiltrations successives tant sur l’optimisation de l’efficacité à court terme du geste que sur l’éventuelle pérennisation de l’amélioration à plus long terme. Un rapport d’experts conseillait en 2000 de réaliser 3 infiltrations à 2 jours d’intervalle chez les patients présentant un résultat partiel après le premier geste (11) mais à ce jour, aucune étude randomisée n’a prouvé l’avantage de répéter de façon systématique le geste. Le problème majeur actuel est la multiplication des faits cliniques récents rapportant des complications graves neurologiques (paraplégies, tétraplégies) (12-20). Ce type de complication est bien connu avec les infiltrations foraminales cervicales mais peut aussi survenir de façon exceptionnelle après infiltration foraminale lombaire. Une enquête est actuellement menée par l’AFSSAPS sur plusieurs cas rapportés en France ces 3 dernières années, la majorité des cas s’étant produit sur des rachis lombaires opérés. Une origine vasculaire ischémique est évoquée (21-23), avec un rôle éventuel de la taille des particules de corticoïdes administrés en cas d’injection intravasculaire (24). En France, les deux glucocorticoïdes indiqués aujourd’hui par voie épidurale sont l’Hydrocortancyl® et l’Altim® dont aucun effet indésirable n’est mentionné dans les RCP et pour lesquels il n’existe pas de données publiées relatives à la taille de leurs particules (25). Le rapport bénéfice risque de ces gestes doit donc être pesé, d’autant que ces complications ont conduit certaines assurances à ne pas couvrir les risques liés à ces infiltrations. Le patient doit être informé de ces complications graves et de l’histoire naturelle de la radiculalgie (guérison spontanée dans la majorité des cas mais avec délai). À la lumière de ces faits récents, il s’avère indispensable afin de minimiser les risques de suivre un protocole strict de réalisation de l’examen. Le premier point étant d’utiliser une aiguille de calibre de 22G minimum afin d’éviter le cathétérisme d’une artériole et une tubulure qui diminue le risque de déplacement secondaire. La vérification du placement extravasculaire doit être systématique par la méthode de reflux/aspiration (test moyennement sensible) et une injection de produit de contraste iodé. Le geste sera effectué sous contrôle scopique ou TDM même si les complications vasculaires graves restent imprévisibles. Le contrôle scopique permet le suivi en temps réel des opacifications vasculaires (mais difficile-

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ment d’une branche radiculo-médullaire) alors que la TDM vérifie au mieux la position de l’aiguille mais permet le suivi en temps réel de l’opacification vasculaire que si l’on réalise une hélice vasculaire. Le type de corticoïde doit également être pris en compte et il est recommandé d’administrer des corticoïdes à petites particules afin de réduire le risque d’occlusion en cas d’injection intravasculaire (Dexaméthasone) (25). Enfin, en cas de rachis lombaire opéré, il faudra discuter une autre voie d’abord (hiatus sacro-coccygien). Au total, l’efficacité, au moins transitoire, des infiltrations de corticoïdes guidées par l’imagerie est indiscutée aujourd’hui. Elles pourraient même s’intégrer dans une prise en charge précoce des radiculalgies pour éviter la pérennisation des douleurs. Toutefois il est nécessaire de faire le point en colligeant de façon précise ses complications graves pour évaluer le danger réel d’un geste considéré jusqu’ici comme anodin et de suivre de ce fait un protocole strict de réalisation de la procédure.

Références 1. 2. 3.

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6.

7.

8.

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