Les lymphangiomes kystiques du mésentère et du méso-côlon. Prise en charge diagnostique et thérapeutique

Les lymphangiomes kystiques du mésentère et du méso-côlon. Prise en charge diagnostique et thérapeutique

Ann Chir 2002 ; 127 : 343-9 © 2002 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés S0003394402007708/FLA Article original Les...

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Ann Chir 2002 ; 127 : 343-9 © 2002 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés S0003394402007708/FLA

Article original

Les lymphangiomes kystiques du mésentère et du méso-côlon. Prise en charge diagnostique et thérapeutique J.Y. Mabrut1*, J.P. Grandjean2, L. Henry3, J.P. Chappuis4, C. Partensky5, X. Barth6, E. Tissot6 1 Service de chirurgie générale, digestive et de transplantation hépatique, hôpital de la Croix-Rousse, 103, Grande-rue-de-la-Croix-Rousse, 69317 Lyon Cedex 04, France ; 2service de chirurgie, clinique Sainte Marie-Thérèse, Bron, France ; 3service de radiologie digestive, pavillon H, hôpital Edouard Herriot, Lyon, France ; 4service de chirurgie pédiatrique, pavillon Tbis, hôpital Edouard-Herriot, Lyon, France ; 5service de chirurgie digestive, pavillon D, hôpital Edouard-Herriot, Lyon, France ; 6service de chirurgie d’urgences viscérales, pavillon G , hôpital Edouard-Herriot, Lyon, France

RE´SUME´ But de l’étude : Rapporter les aspects cliniques, diagnostiques et thérapeutiques des lymphangiomes kystiques localisés au méso-côlon et au mésentère. Matériel et méthodes : Quinze observations ont été colligées. Il s’agissait de cinq adultes (âge moyen : 36,8 ans, extrêmes : 26–46 ans) et de dix enfants (âge moyen : 23 mois, extrêmes : 0–5 ans). Une fois, le diagnostic a été porté en anténatal. Les signes cliniques étaient : douleurs abdominales (80 %), syndrome fébrile (20 %), masse abdominale (46 %), occlusion intestinale (33 %), ascite chyleuse une fois. Les lésions siégeaient dans le mésentère ou le méso-côlon droit (86 %) ou dans le méso-côlon gauche (13 %). Résultats : Une résection complète a été réalisée 11 fois (imposant dix fois une résection intestinale), une résection incomplète trois fois et une lésion a été traitée par injection intrakystique de doxycycline. Après un suivi moyen de cinq ans, un patient a récidivé après une résection complète, une lésion a évolué après exérèse incomplète et la patiente traitée par sclérothérapie locale est asymptomatique 3,5 ans après sa dernière injection. Conclusion : Le lymphangiome kystique du mésentère est une tumeur malformative bénigne du système lymphatique. Son diagnostic nécessite une confirmation histologique. Le traitement de choix est l’exérèse complète de la lésion. L’injection intrakystique de produit sclérosant est possible pour les lésions non résécables de la racine du mésentère. © 2002 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS

Reçu le 12 novembre 2001 ; accepté le 12 mars 2002. *Auteur correspondant. Tél. : +04-72-07-16-27 ; fax : +04-72-07-18-97. Adresse e-mail : [email protected] (J.Y. Mabrut).

Lymphangiome kystique / Mésentère / Méso-côlon / Diagnostic / Traitement

ABSTRACT Mesenteric and mesocolic cystic lymphangiomas. Diagnostic and therapeutic management. Study aim: Study of clinical, diagnostic and therapeutic aspects of mesenteric and mesocolic cystic lymphangiomas. Material and methods: 15 cases were retrospectively analysed: 5 adults (mean age 36.8 years, range 26 to 46) and 10 children (mean age 23 months, range 0 to 5 years). Diagnosis was prenatal in 1 case. Symptoms were: abdominal pain (80%), fever (20%), abdominal mass (46%), occlusive syndrome (33%), chylous ascitis 1 case. Tumours were mesenteric (86%) or mesocolic (13%). Results: Complete resection was performed in 11 cases (including 10 bowel resections), incomplete resections in 3 and doxycycline sclerotherapy once. Mean follow-up is 5 years. One recurrence occured 6 years after complete resection and 1 tumour increased after incomplete resection. Patient treated by sclerotherapy was non symptomatic with a 3.5 years follow-up after last injection. Conclusion: Mesenteric and mesocolic cystic lymphangiomas are congenital benign tumours. Complete resection should be performed whenever possible. Intracystic sclerotherapy with doxycyclin is possible for unresectable lymphangiomas. © 2002 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS Cystic lymphangioma / Mesenteric / Mesocolic / Diagnosis / Treatment

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Les lymphangiomes kystiques (LK) sont des tumeurs conjonctives malformatives vasculaires correspondant à une séquestration de tissu lymphatique secondaire à une anomalie de développement embryologique du système lymphatique [1]. La localisation craniofaciale, cervicale ou axillaire est la plus habituelle. Les formes intra-abdominales sont rares et se situent préférentiellement dans le mésentère [2]. Le but de ce travail a été, à partir d’une série de 15 observations, de préciser les connaissances actuelles concernant la pathogénie, la présentation clinique, l’imagerie et le traitement des LK de l’abdomen situés spécifiquement au niveau du mésentère ou du méso-côlon. MATÉRIEL ET MÉTHODE Cette étude rétrospective a porté sur 15 malades pris en charge entre 1973 et 1999 (Tableau 1). Il s’agissait de cinq adultes et de dix enfants âgés de moins de cinq ans. L’âge moyen au moment du diagnostic était de 36,8 ans pour les cinq adultes (quatre femmes et un homme) avec des extrêmes de 26 à 48 ans, et de 23 mois pour les dix enfants (sept garçons et trois filles) avec des extrêmes de 0 à 5 ans. Une fois, le diagnostic a été réalisé par échographie en anténatal. La présentation clinique au moment du diagnostic était la suivante : douleurs abdominales = 12 (80 %), syndrome fébrile = 3 (20 %), masse ou voussure de la paroi abdominale = 7 (46 %), occlusion intestinale aiguë = 5 (33 %). Une patiente a présenté une rupture spontanée de sa tumeur responsable d’une ascite et d’une pleurésie chyleuse. Les examens d’imagerie réalisés à visée diagnostique en préopératoire ont été : dix échographies (66 %), cinq tomodensitométries (33 %) et deux IRM (13,2 %) avec pour but de préciser la nature et/ou la localisation de la lésion décelée en échographie. Deux opacifications coliques ont été réalisées mettant une fois en évidence une compression colique extrinsèque. Quatre enfants ont été opérés sans examen radiologique complémentaire (en dehors d’une radiographie abdominale sans préparation) pour un syndrome occlusif aigu de l’intestin grêle. Une exploration chirurgicale (une fois par laparoscopie) a permis de confirmer le diagnostic suspecté par l’imagerie préopératoire ou d’établir le diagnostic chez 11 patients (73 %).

RÉSULTATS Tous les malades ont été opérés. Treize lésions (86 %) siégeaient dans le mésentère (dont deux dans le méso-côlon droit) et deux lésions (13 %) dans le méso-côlon gauche. La taille des lésions variait de 5 à 20 cm de diamètre. Onze (73 %) exérèses tumorales complètes ont été réalisées imposant dix résections intestinales : sept résections de grêle, trois résections coliques (deux hémicolectomies droites et une colectomie segmentaire gauche). Trois (20 %) exérèses macroscopiquement incomplètes ont été réalisées pour des lésions situées au contact des vaisseaux mésentériques. Une malade, pour laquelle l’atteinte de la racine du mésentère rendait toute résection impossible sans sacrifice intestinal étendu, a bénéficié d’un traitement local par injections sclérosantes itératives à base de doxycycline en peropératoire puis par voie percutanée. Le diagnostic a toujours été confirmé par un examen anatomopathologique. Trois fois (20 %), les lésions étaient surinfectées. Les complications ont concerné quatre malades. Un nourrisson opéré en état de choc sur occlusion intestinale aiguë est décédé au 4e jour d’une défaillance multiviscérale. Trois malades ont été réopérés à distance pour un syndrome occlusif (deux volvulus du grêle et une occlusion sur bride). Après exérèse complète, le suivi moyen était de cinq ans (deux mois à 16 ans) et une malade a présenté une récidive six ans après exérèse jugée macroscopiquement complète (ayant imposé une hémicolectomie droite). Elle a bénéficié d’une exérèse itérative. Sur les trois malades ayant bénéficié d’une exérèse partielle, un a présenté une récidive découverte par échographie de surveillance à deux mois. Le patient étant asymptomatique et les lésions de petite taille (2 cm) et stables durant une surveillance d’un an, le patient n’a pas été réopéré. Les deux autres n’ont pas présenté de récidive après un suivi de un et six ans. La malade traitée par plusieurs injections sclérosantes locales est actuellement asymptomatique trois ans et demi après la dernière injection percutanée. Elle a pu mener à terme une grossesse de façon normale avec un accouchement par voie basse. DISCUSSION Les LK sont des tumeurs situées au niveau des tissus sous-cutanés de la face et du cou (60 %), des

Tableau 1. Caractéristiques des 15 observations N°

Clinique

Diagnostic

Situation/taille

Traitement

Histologie

Suivi, événements

F

32 ans

F

35 ans

M

43 ans

Epiploon, Méso-côlon D 20 cm Mésentère, Méso-côlon D 20 cm Méso-côlon gauche

Omentectomie Colectomie D Colectomie D

3

Echographie, TDM Cœlioscopie Echographie Laparotomie Echographie

LK surinfecté

2

Douleurs, Masse Température Douleurs, Masse Température Douleurs

Suivi = 14 mois RAS (clinique + écho) Suivi = 6 ans Récidive = > Laparotomie Suivi = 1 an

4

F

48 ans

Douleurs

5

M

3 ans ½

6

M

2 mois

Occlusion postopératoire Occlusion du grêle

TDM Echographie TDM Laparotomie

7

M

5 ans

Occlusion du grêle

Laparotomie

8

M

18 mois

Occlusion du grêle

9

F

2 mois

Douleurs

10

M

5 mois

Douleurs, Masse Température

Lavement colique Laparotomie Echographie Laparotomie Echographie Laparotomie

5 cm Mésentère 5 cm Mésentère 10 cm Mésentère 5 cm Mésentère 12 cm Mésentère

11

M

3 ans ½

12

F

3 ans ½

13

M

18 mois

Masse Occlusion aiguë du grêle Douleurs Masse Périmètre ombilical

14

F

Naissance

15

F

26 ans

Laparotomie

Mésentère Méso-côlon gauche

LK surinfecté

Résection dôme saillant Curetage Résection

LK LK

Résection de grêle

LK

Résection de grêle

LK

Résection de grêle

LK surinfecté

Fenestration puis résection de grêle Résection de grêle Exérèse partielle Résection colique G segmentaire

LK LK LK surinfecté

Laparotomie

Mésentère

Résection de grêle

LK

Mésentère 6 cm Mésentère (malrotation intestinale)

Résection de grêle

LK

Résection de grêle

Diagnostic anténatal

Echographie, TDM Laparotomie Echographie anténatale IRM, Laparotomie Echographie

LK sur volvulus chronique LK

Douleurs Masse

Echographie, TDM Laparotomie

Mésentère 6 cm Mésentère Ascite + pleurésie chyleuse

Exérèse partielle Résection de grêle Sclérothérapie peropératoire (doxycycline)

LK

RAS (clinique) Suivi = 6 mois RAS (clinique + TDM) Suivi = 6 mois RAS (clinique) Décédé J4 Laparotomie itérative Suivi = 4 ans RAS (clinique) Suivi = 13 ans RAS (clinique) Suivi = 6 ans Volvulus du grêle Suivi = 16 ans Volvulus du mésentère Grêle court Suivi = 4 ans RAS (clinique)

Lymphangiomes kystiques du mésentère

Sexe Age

1

Suivi = 2 mois RAS (clinique) Suivi = 1 an Récidive échographique Suivi = 6 ans Occlusion sur bride Suivi = 5 ans et ½ Récidive, Sclérothérapie percutanée

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extrémités (20 %), du tronc (10 %) et des aisselles. Les localisations profondes abdominales (2 à 10 %), médiastinales ou thoraciques (5 %) sont plus rares [2-3]. Dans l’abdomen, les lésions atteignent préférentiellement le mésentère et l’épiploon mais également le foie, la rate, le pancréas, le rein et la surrénale, le côlon ou le duodénum [4-7]. Dans moins de 10 % des cas, les lésions sont diffuses et prennent un aspect de lymphangiomatose kystique péritonéale pouvant être confondue avec une carcinose péritonéale [8]. Dans sa localisation mésentérique, l’incidence est estimée à 1/100 000 autopsies et 1 à 8/100 000 hospitalisations, ce qui correspond à une fréquence de 1/100 000 chez l’adulte et de 1/20 000 chez l’enfant [9-11]. Il s’agit de la lésion tumorale kystique du mésentère la plus fréquente chez l’adulte (30 %) [1]. Le sexe ratio est de un chez l’adulte et, chez l’enfant, elle atteint les garçons 3 fois sur 4, ce que nous avons également observé dans notre série [5,6,10]. Le développement des LK serait expliqué par un arrêt du développement des connexions lymphaticoveineuses durant l’embryogenèse [12]. L’absence de drainage des sacs lymphatiques primitifs serait responsable de la formation d’une lésion kystique contenant de la lymphe. La persistance anormale du sac rétropéritonéal serait ainsi à l’origine des localisations rétropéritonéales et mésentériques ou mésocoliques après son attraction vers l’avant lors du développement des mésos. Cette théorie congénitale est renforcée par des observations de LK dépistés en période anténatale (un cas dans notre série) et par le fait que la majorité des LK abdominaux sont diagnostiqués avant l’âge de cinq ans (60 % dans la littérature, 66 % dans notre série) [13-14]. Cependant, le diagnostic peut être fait à tout âge [5,6]. Les formes cliniques sont polymorphes. Lorsque la lésion est symptomatique, les signes cliniques sont en rapport avec le volume tumoral ou avec une complication mécanique, infectieuse ou hémorragique. Aucun signe n’est spécifique du diagnostic et c’est le bilan d’imagerie qui orientera le diagnostic. La radiographie abdominale sans préparation, le plus souvent normale, peut mettre en évidence une opacité centrale refoulant les clartés digestives en périphérie, d’exceptionnelles calcifications en présence d’un kyste ancien remanié [15], des niveaux hydro-aériques intestinaux signant une occlusion, un

Fig. 1. Lymphangiome kystique du méso-côlon droit : aspect TDM (cas n°1).

niveau hydro-aérique intrakystique après une ponction à visée diagnostique ou lors d’une infection à germes anaérobies. En échographie, le LK se présente comme une lésion liquidienne kystique hypoéchogène, uni ou multiloculaire, à cloisons et à parois fines. En tomodensitométrie, la tumeur est liquidienne homogène, hypodense avant et après injection de produit de contraste (Fig. 1). Un contenu graisseux caractéristique de la présence de liquide chyleux peut être objectivé par une densité négative mais il ne permet pas toujours le diagnostic différentiel avec un tératome d’origine ovarienne. Une augmentation de la densité peut être observée en cas d’hémorragie intrakystique. Les parois et les cloisons sont visibles mais fines et ne se rehaussent pas après injection de produit de contraste [15]. En IRM, le contenu de la lésion peut être précisé de manière plus spécifique. En cas de contenu liquidien, il existe un hyposignal en T1, un hypersignal en T2 qui se renforce sur les échos tardifs en T2 (Figs. 2 et 3). Un signal graisseux dans le kyste est caractéristique et se traduit par un iso ou hypersignal en T1, un hypersignal en T2 diminuant en T2 tardif. Les cloisons et les parois sont en général en hyposignal aux deux séquences T1 et T2. Une prise de Gadolinium par la paroi et les cloisons peut cependant être observée [16]. La lymphographie bipédieuse a été utilisée pour le diagnostic des formes rétropéritonéales. L’espace rétropéritonéal se prolongeant en

Lymphangiomes kystiques du mésentère

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Fig. 3. Lymphangiome kystique du mésentère englobant l’artère mésentérique supérieure : IRM (T2) (cas n°15).

Fig. 2. Lymphangiome kystique du mésentère : IRM (hypersignal T2) (cas n°13).

avant entre les feuillets péritonéaux du mésentère et du méso-côlon, elle pourrait être intéressante dans le diagnostic des LK du mésentère et du méso-côlon. Cependant, une communication avec le système lymphatique est rarement mise en évidence limitant son intérêt [17]. La ponction à l’aiguille fine ramène un liquide chyleux ou séreux selon l’importance et l’ancienneté des connections avec le réseau lymphatique avec en cytologie la présence de lymphocytes et de lipides. Dans notre expérience, en l’absence d’indication opératoire en urgence, le bilan morphologique préopératoire a permis de poser le diagnostic de tumeur kystique du mésentère et de suspecter celui de lymphangiome kystique devant une lésion kystique à contenu liquidien hypoéchogène, hypodense comportant des cloisons. Cependant, une exploration chirurgicale a toujours été proposée pour traitement et confirmation histologique. Les principaux diagnostics différentiels sont représentés par les kystes de l’ovaire, les duplications digestives, les mucocèles appendiculaires voire les cystadénomes mucineux ou les pseudokystes en présence d’une lésion

située au contact du pancréas. Macroscopiquement, les lésions de LK apparaissent blanchâtres ou translucides. Elles peuvent être uniloculaires (25 %) ou polylobée multikystiques (75 %) avec des poches communicantes ou non. Elles siègent dans le mésentère ou le méso-côlon, au contact de l’intestin ou plus rarement à la racine des mésos posant alors un problème thérapeutique. Le contenu des kystes peut être séreux ou chyleux. Microscopiquement, les parois sont réduites à une surface endothéliale doublée extérieurement par du tissu conjonctif. Le diagnostic de LK peut donc être affirmé en présence en histologie : d’un endothélium à la surface des parois (confirmant une origine vasculaire) et de fibres musculaires lisses dans le tissu conjonctif des parois. Les kystes mésentériques d’origine mésothéliale représentent le principal diagnostic différentiel en histologie [1,9,18]. L’origine de la prolifération tumorale est souvent évoquée en microscopie optique avec l’absence de cellules musculaires dans la paroi du kyste et la présence d’un revêtement cubique à sa surface pour les kystes d’origine mésothéliale [19]. Dans les cas difficiles, la microscopie électronique et l’immunohistochimie permettent d’affirmer la nature mésothéliale de la lésion

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grâce à la négativité du facteur VIII et à la positivité des cytokératines. Le traitement des LK du mésentère est essentiellement chirurgical. La corticothérapie n’a jamais fait la preuve de son efficacité. L’exérèse chirurgicale complète représente le traitement de choix de cette tumeur bénigne en assurant une guérison définitive. Cependant, le caractère complet de l’exérèse peut être difficile à affirmer pour les lésions de la racine des mésos ou aucune marge de sécurité n’est possible, exposant le patient à un risque de récidive comme dans une de nos observations. En cas de tumeur peu volumineuse située à distance des viscères et de la racine des mésos, une énucléation est suffisante. Un traitement par laparoscopie a pu être réalisé par certains auteurs, en cas de localisation au niveau du côlon, de l’arrière cavité des épiploons et même du mésentère [20-22]. Cette voie d’abord nécessite toutefois une certitude diagnostique afin d’éviter un risque de dissémination en cas de lésion maligne notamment d’origine ovarienne. Une résection intestinale est nécessaire pour obtenir une exérèse totale en cas de lésion développée au contact des vaisseaux intestinaux ou la paroi du tube digestif (66 % de nos observations). Une résection partielle laissant en place le fond du kyste peut s’imposer en présence de rapports intimes avec les vaisseaux mésentériques, afin d’éviter une résection intestinale étendue non justifiée pour une tumeur bénigne. Le drainage percutané expose au risque d’écoulement lymphatique prolongé [9]. Les injections sclérosantes avaient été initialement proposées par voie percutanée pour le traitement de LK superficiels non résécables de la face. L’OK-432t (picibanil) a été utilisé avec succès au Japon et en Amérique du Nord [23] ; l’Ethibloct (zeïne) est actuellement utilisé en France en association avec de l’éthanol absolu [24]. L’efficacité des injections sclérosantes percutanées ayant été démontrée pour le traitement des lymphangiomes kystiques superficiels, Motlitch et al. ont été les premiers à appliquer cette méthode aux LK non résécables de localisation abdominale et pelvienne [25]. Ils ont obtenu des résultats après injections répétées de doxycycline dont l’efficacité sur les lymphocèles, les pleurésies et les péricardites chroniques était déjà connue [26]. Un traitement identique appliqué en peropératoire puis de façon itérative en percutané à permis, chez une de nos patientes, de contrôler une ascite et une pleurésie

chyleuses secondaires à un LK diffus non résécable de la racine du mésentère. Ces indications restent d’exception. La stratégie thérapeutique peut être orientée par le bilan iconographique préopératoire. En cas de lésion de petite taille située en périphérie sur le mésentère, le problème de la résécabilité ne se pose pas et le bilan préopératoire peut être limité à une échographie ou à une tomodensitométrie à visée diagnostique. Au contraire, s’il s’agit de lésions volumineuses ou situées à la racine des mésos, la résécabilité reste à démontrer. L’IRM, avec séquence vasculaire, nous paraît alors un examen intéressant pour préciser au mieux les rapports de la tumeur avec les vaisseaux mésentériques (Fig. 3). Cependant, seule l’exploration chirurgicale permettra d’apprécier le caractère résécable ou non des lésions. En cas de traitement symptomatique pour un LK non résécable en totalité, la meilleure option thérapeutique reste à définir. L’exérèse incomplète expose à un risque de récidive de 10 à 15 % [9,27] et les résultats des injections intrakystiques de produit sclérosant n’ont pas été évalués à long terme. L’utilisation de façon combinée de ces deux méthodes thérapeutiques paraît théoriquement possible même si aucune donnée n’est actuellement disponible dans la littérature. CONCLUSION Le LK du mésentère est une tumeur malformative toujours bénigne du système lymphatique. La symptomatologie clinique est polymorphe et non spécifique. Le diagnostic, évoqué par l’imagerie, peut être effectué dans la période anténatale ou au contraire tardivement à l’âge adulte, mais il nécessite une confirmation histologique. Le traitement de choix est chirurgical consistant en une exérèse complète de la lésion. L’injection intrakystique de produit sclérosant peut être utilisée à visée symptomatique, en cas de lésion diffuse de la racine du mésentère, non résécable sans sacrifice intestinal extensif. RE´ FE´ RENCES 1 2

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