Pathologie Biologie 52 (2004) 228–233 www.elsevier.com/locate/patbio
Les stents actifs : enfin une prévention totale de la resténose ? Active stents: towards total prevention of restenosis? B. Chevalier Centre cardiologique du Nord, 32–36, avenue des Moulins-Gémeaux, 93207 Saint-Denis, France Reçu le 4 décembre 2003 ; accepté le 28 janvier 2004 Disponible sur internet le 20 février 2004
Résumé Dans le but de prévenir la resténose intra-stent, les nouvelles endoprothèses actives, permettent, grâce aux propriétés des polymères qui les recouvrent, de délivrer localement des substances cytostatiques (sirolimus, paclitaxel). Les études cliniques déjà réalisées permettent ainsi de réserver ce type de stents à des sous-groupes de patients à haut risque de resténose, tels que les sujets diabétiques, les lésions longues, les petits vaisseaux et les sténoses de l’artère interventriculaire antérieure proximale. © 2004 Publié par Elsevier SAS. Abstract To avoid in-stent restenosis, a new technologic approach with « coated » stents may deliver local cytostatic products (sirolimus, paclitaxel, tacrolimus...). At this time, present clinical studies validate the importance of these active coated stents in sub-groups of patients with diabetes, long lesions, small vessels and proximal left anterior descending coronary lesions. © 2004 Publié par Elsevier SAS. Mots clés : Resténose intrastent ; Stent actif Keywords: In-stent restenosis; “Coated” stent
La resténose constituait l’un des talons d’Achille de l’angioplastie au ballon. En effet, après angioplastie au ballon, dans 30 à 50 % des cas, la sténose se reconstituait dans les six mois responsable d’un taux de réintervention qui était de l’ordre de 25 à 50 %. Le mécanisme de cette resténose après ballon était triple : retour élastique après déflation du ballon, remodelage de l’artère, hyperplasie intimale secondaire au processus cicatriciel. L’endoprothèse agit mécaniquement en traitant le retour élastique et le remodelage chronique. Cet effet positif est plus important que l’effet négatif de majoration d’hyperplasie qu’elle induit, responsable d’une inflammation chronique et d’une hyperprolifération intimale. Ainsi, globalement le bénéfice de l’endoprothèse est net et son usage diminue de moitié les réinterventions à moyen terme (nouvelle dilatation ou pontage coronaire) par son effet strictement mécanique. Adresse e-mail :
[email protected] (B. Chevalier). © 2004 Publié par Elsevier SAS. doi:10.1016/j.patbio.2004.01.010
1. La resténose intrastent : définition et évaluation Lorsqu’il s’agit de démontrer l’efficacité d’une technique ou d’un médicament pour prévenir la resténose, la détection repose habituellement sur l’existence d’une sténose de plus de 50 % en angiographie quantitative lors d’un contrôle angiographique systématique. Cependant, une sténose de plus de 50 % peut ne pas être responsable d’une ischémie myocardique chez un patient notamment lorsqu’elle se situe dans la tranche des 50 à 60 %. Ainsi dans la pratique quotidienne cardiologique, il est plus courant d’utiliser la notion de resténose clinique qui correspond au nombre de réinterventions justifiées, par dilatation ou par pontage coronaire, en raison d’une resténose angiographique documentée responsable d’une récidive d’angor ou d’une ischémie myocardique documentée. Ainsi, le taux de resténose clinique est plus faible que le taux resténose angiographique et il existe dans la plupart des études un ratio de 1,5 à 2 entre ces deux valeurs.
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De plus, il est d’usage d’associer revascularisation avec infarctus et décès pour définir les événements cardiaques majeurs ou « MACE » anglo-saxon. Il faut insister sur le fait que cette notion associe des événements de gravité très différente et qu’on ne peut comparer la bénignité d’une redilatation pour resténose avec la gravité d’un infarctus pour thrombose tardive. Il est donc important d’analyser également et de façon isolée, décès et infarctus. 2. La resténose intrastent : position du problème Le taux de resténose intrastent angiographique est considéré comme allant de 15 à 40 % en fonction du risque de la lésion et du patient. Cette resténose se fait purement par un mécanisme d’hyperplasie intimale lorsqu’elle se situe à l’intérieur de l’endoprothèse et par un mécanisme mixte rappelant la resténose postballon lorsqu’elle se situe au bord de l’endoprothèse. On distingue les resténoses courtes ou focales (moins de 10 mm de long), des resténoses diffuses et/ou prolifératives (plus de 10 mm de long) et des resténoses occlusives. Les resténoses focales sont notées dans environ 40 % des cas de resténose. Elles s’associent à un risque de réintervention tertiaire plus limité. La resténose intrastent est favorisée par des facteurs cliniques (âge, diabète : qui est un facteur particulièrement important), angiographiques, et les deux facteurs les plus importants sont la grande longueur de la lésion et le petit diamètre du vaisseau dilaté, mais aussi la localisation (comme le tronc commun et l’IVA proximale), et les facteurs procéduraux liés en particulier à la qualité du résultat initial. 3. Prévention de la resténose De nombreuses études cliniques ont été réalisées jusqu’à la fin des années 1990 utilisant des médicaments par voie orale ou des médicaments par délivrance locale à partir de cathéter dans le but de prévenir la resténose. La quasi-totalité de ces études sont négatives et les seules qui ont été positives n’ont pu être reproduites ultérieurement. Ce phénomène de type prolifératif a induit l’évaluation de thérapeutiques antiprolifératives. La brachythérapie ou irradiation endocoronaire endoluminale est efficace dans le traitement curatif de la resténose intrastent quelles que soient les études réalisées. Le développement des stents à libération de substance cytostatique relève d’une approche similaire utilisant l’endoprothèse comme un système de délivrance locale régulée par les propriétés du polymère qui la recouvre. Actuellement, cinq substances antiprolifératives ont été ou sont utilisées à l’occasion d’études cliniques de validation de sécurité et/ou d’efficacité : le sirolimus, le paclitaxel, l’actinomycine D, le tacrolimus, et un analogue du sirolimus codé ABT 578. Seules les deux premières substances ont actuellement bénéficié d’un large programme de validation clinique multiple ayant conduit à un processus de marquage CE [4]. Il faut noter que des approches non cytostatiques comme la dexaméthasone ou l’estradiol sont en cours d’évaluation clinique.
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4. Endoprothèse à libération de sirolimus 4.1. Le concept Il s’agit d’une molécule connue, produite par les laboratoires Wyett-Léderlé, et actuellement approuvée et utilisée dans la prévention du rejet de greffe après transplantation rénale. Elle est théoriquement cytostatique, agissant à la phase G1 du cycle cellulaire, et anti-inflammatoire. La dose choisie pour l’implantation humaine (185 mcg) a été validée par une seule étude animale publiée, réalisée sur l’aorte de lapin. Une dose triple a été validée chez le cochon comme non toxique. La drogue est fixée sur la prothèse par l’intermédiaire de deux polymères non biodégradables différents déjà largement utilisés pour d’autres systèmes médicaux. La cinétique de relargage a été choisie après réalisation de l’étude humaine dite « First In Man » (cf. infra). Le support métallique est l’endoprothèse BX Velocity* (Cordis, Miami, Floride, États-Unis). L’ensemble drogue + polymères + endoprothèse constitue le système Cypher*. 4.2. Études cliniques La première étude clinique avec l’endoprothèse recouverte de sirolimus : « First In Man ». Il s’agit d’une étude bicentrique réalisée sur 45 patients porteurs de lésions coronaires non complexes. L’étude a montré l’absence de resténose chez les patients traités. Son intérêt majeur est de nous fournir le suivi clinique le plus long connu actuellement avec cette endoprothèse qui est de deux ans et qui montre la parfaite stabilité des résultats dans le groupe « slow release » et la survenue d’une resténose tardive sur quinze patients entre un an et deux ans dans le groupe « fast release ». Ces deux groupes correspondent au largage de la même quantité de sirolimus mais à travers deux cinétiques différentes en fonction de la constitution des couches de polymère. Il n’est pas noté de thrombose tardive dans cette étude. 4.2.1. L’étude RAVEL Randomisée en double insu, elle portait sur une population proche de celle de l’étude First In Man. Il s’agissait de monodilatations chez des patients mono– ou pluritronculaires et portant sur des lésions non complexes. Elle met en évidence l’absence de resténose clinique et angiographique dans le groupe sirolimus par rapport au groupe traité. Ce résultat obtenu à sept mois est maintenu à un an. 4.2.2. L’étude SIRIUS C’est une étude randomisée en double insu entre le stent sirolimus et le stent métallique dans les mêmes critères que RAVEL à l’exception des lésions courtes (moins de 15 mm) qui correspond à un groupe théoriquement plus à risque de resténose que RAVEL. Les résultats préliminaires mettent en évidence un bénéfice en terme de resténoses clinique et angiographique et ne reproduisent pas le taux de 0 % observé précédemment puisque le taux de resténose angiographique est de 9,2 % et de resténose clinique est de 4,7 % dans le
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groupe sirolimus. Les mêmes taux sont de 32,3 % et de 16,7 % dans le groupe témoin (p < 0,001). On note que le taux de resténose clinique du groupe témoin de SIRIUS est plus faible que celui de RAVEL (22,9 %) bien que les lésions soient plus à risque. Ceci souligne encore le caractère artificiel du taux de réintervention de RAVEL. 4.2.3. L’étude « First In Man Restenose » Il s’agit là encore d’un registre bicentrique de faisabilité qui a montré dans des resténoses relativement simples de bons résultats dans le centre brésilien, mais la survenue d’événements cardiaques majeurs nombreux dans le centre hollandais avec notamment trois cas de thrombose tardive. Ces résultats ont été communiqués lors des congrès récents. Ils concernent donc des resténoses intrastent complexes. Il faut signaler que cette série est néanmoins importante car elle est la seule à présenter des cas d’occlusions tardives comparables à ceux observés avec la brachythérapie. 4.3. Marquage CE Le texte d’indication pour le marquage CE est : l’endoprothèse Cypher à libération de sirolimus est indiquée pour l’agrandissement du diamètre luminal coronaire chez des patients souffrant d’insuffisance coronaire symptomatique imputable à des lésions de novo de moins de 30 mm de long sur un vaisseau de référence allant de 2,25 mm à 5 mm au niveau des artères coronaires natives. 4.4. Questions non résolues 4.4.1. L’effet à long terme Les études animales ont montré qu’après la disparition du sirolimus de l’endoprothèse, il existait un échappement progressif du contrôle du processus de resténose alors que l’endoprothèse reste en place ainsi que ses polymères. Cet effet n’est pas actuellement reproduit par les études cliniques concernant la formulation dite « slow release » qui est commercialisée. Cependant, le recul à deux ans avec cette endoprothèse ne porte que sur 30 patients. Par ailleurs, l’effet cytostatique antiprolifératif n’est pas clairement sélectif sur les cellules musculaires lisses et peut donc freiner le processus de ré-endothélialisation de la prothèse qui prévient normalement le risque de thrombose tardive. Il n’existe pas de cas documenté, dans les essais randomisés, de thrombose tardive dans les lésions de novo mais il existe plusieurs cas décrits dans le traitement des resténoses intrastent. Dans tous les cas le maintien d’une thérapie anti-plaquettaire lourde (clopidogrel + aspirine) pendant trois ou six mois est requis. L’absence de données à long terme sur ces deux points sur de grandes cohortes de patients nécessitent une procédure d’enquête observationnelle de surveillance visant à vérifier entre autre l’absence d’événement clinique tardif. Cette approche pourrait également étudier l’impact médicoéconomique de l’utilisation de cette endoprothèse. 4.4.2. Stratégie de revascularisation dans l’étude RAVEL Le groupe témoin de RAVEL s’accompagne d’un taux inhabituellement élevé de réinterventions de revascularisa-
tion comparé aux taux de resténose angiographique. Cette pratique est liée à la survenue d’un nombre important (presque la moitié) de réinterventions non justifiées par une ischémie clinique ; ainsi le bénéfice médicoéconomique de l’endoprothèse est à prendre en compte en fonction des seules revascularisations légitimes pratiquées dans l’étude. En effet, la pratique du contrôle angiographique systématique a amené les investigateurs à réaliser des redilatations en l’absence de récurrence angineuse ou ischémique. Cet effet décrit pour des études antérieures, comme Benestent II, a été amplifié dans RAVEL. 4.4.3. L’effet de bord Jusqu’à présent non documenté, il apparaît pour la première fois dans les résultats préliminaires de SIRIUS et pourrait s’expliquer par une technique de pose différente aux États-Unis. Cependant, il n’existe pas de données claires soutenant cette hypothèse. L’étude SIRIUS conforterait l’opinion relativement répandue que l’utilisation d’une endoprothèse active devrait s’associer à une couverture complète de la lésion. Cependant, la sécurité des endoprothèses superposées l’une sur l’autre aux extrémités n’est pas actuellement formellement établie. 4.4.4. Mal apposition des endoprothèses à libération de sirolimus Il s’agit d’une augmentation significative de la fréquence de zone de non-apposition des mailles du stent actif, par rapport au stent nu, lors du contrôle échographique tardif. Ce fait connu avec la brachythérapie sous le nom de « trous noirs » et considéré comme facteur de thrombose tardive ne semble pas, ici, associé à des événements cliniques tardifs. On pourrait évoquer un effet direct de la drogue sur un remodelage artériel positif, un effet toxique de la drogue responsable de plages de nécrose ou une non colonisation, par inhibition de la prolifération, des zones initialement mal apposées ou siège de thrombi lysés. D’autres études échographiques en série sont nécessaires pour mieux appréhender ce phénomène et son impact. 4.4.5. Questions issues des registres d’utilisation du Cypher* dans « le monde réel » L’utilisation en routine du Cypher a révélé deux problèmes jusque là non suspectés dans les essais cliniques : la survenue de thromboses précoces alors qu’on aurait pu les imaginer tardives, l’existence de resténoses intrastent hyperfocales pour lesquelles la fragilité du polymère et le défaut de couverture du Cypher* ont été mises en cause [7,8]. Il faut noter que le taux de resténose est de 16 % dans le suivi de routine de Lemos et al. dont 70 % sont constituées par ces resténoses courtes intrastent. Dans la série du registre de Milan, le taux de resténose est beaucoup plus bas, elles sont toutes focales ou multifocales (5 mm de long en moyenne) et sont intrastent pour 75 % d’entre elles. Le particularisme éventuel des thromboses de stent actif reste l’objet d’un débat passionné sans que l’on puisse trancher entre ce qui relève de la sélection des cas, des propriétés mécaniques du stent ou de
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l’effet du médicament [9]. Ceci souligne l’impérative nécessité de registres de suivi, l’évidence fondée sur les essais cliniques ne pouvant résumer à elles seules les connaissances médicales [10]. 4.5. Indications fondées de l’endoprothèse à libération de sirolimus Ce choix fait logiquement la part aux points positifs, issus notamment de RAVEL et SIRIUS, tenant compte de la spectaculaire réduction des réinterventions après angioplastie coronaire, et des points non éclaircis déjà détaillés. L’impact économique ne peut être exclu de ces choix. On pourrait, au nom de la médecine fondée sur les preuves, dire que ce système est indiqué dans les critères d’inclusion de RAVEL et SIRIUS et contre-indiqué dans les critères d’exclusion de ces études. Cependant, la discussion des indications ne peut être découplée de l’étendue du bénéfice clinique en termes de diminution de revascularisation, qui est plus marquée dans les sous-groupes à risque de resténose, confrontée à l’importance du surcoût d’utilisation. Il apparaît donc plus efficace de réserver initialement, eu égard aux moyens à disposition des centres de cardiologie interventionnelle, l’usage de ce type de produit de santé aux sous-groupes à risque ayant fait preuve d’une plus grande efficacité. Cette approche qui relève d’une logique collective, à l’échelle d’un centre de cardiologie interventionnelle, peut néanmoins être remise en cause à l’échelon individuel après une discussion cas par cas de l’ensemble des conditions qui interfèrent dans le choix de la stratégie thérapeutique. À ce titre, l’approche du Groupe athérome et cardiologie interventionnelle a été de sélectionner quatre sous-groupes de patient/lésion à risque : les diabétiques, les petits vaisseaux, les lésions longues et les sténoses de l’IVA proximale [1]. En l’absence de validation clinique des autres indications éventuelles de ce groupe défini comme à haut risque de resténose, il ne paraît pas recommandé actuellement de proposer l’utilisation de cette endoprothèse dans d’autres indications ou de façon plus générale aux patients « à risque ». Le flou total de cette dénomination pourrait conduire à un dérapage des implantations avec des conséquences médicales et économiques : implantations dans des indications jusque-là non étudiées, absence de données de sécurité à long terme au-delà des deux ans, création d’une disparité importante d’accès à cette technologie entre les centres à remboursement à l’acte et les centres à dotation globale. 5. Endoprothèses à libération de paclitaxel 5.1. Le concept Il s’agit d’une molécule connue, produite par la société canadienne Angiotech* et co-distribué par les laboratoires Cook* d’une part, Boston Scientific Corporation* d’autre part. Elle est actuellement approuvée et utilisée dans le traitement des cancers de l’ovaire et du sein. Elle est théorique-
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ment cytostatique, agissant après la phase G2 du cycle cellulaire en bloquant la mitose au moment de l’arrangement architectural des microtubules et anti-inflammatoire. Cette molécule hautement lipophile a été utilisée suivant deux concepts : fixation directe sur la surface luminale des mailles du stent pour Cook, fixation par chargement d’un polymère enrobant l’ensemble des mailles pour Boston Scientific. Ainsi, les doses et les cinétiques de relargage sont différentes pour ces programmes, d’autant que Boston a poursuivi chez l’homme, l’étude de deux cinétiques de relargage dit « modéré » et « lent ». Dans tous les cas, des programmes extensifs de validation animale ont été présentés. Le support métallique est l’endoprothèse V-Flex* (Cook, Bloomington, Indiana, États-Unis) ; Boston Scientific* (Minneapolis, Minnesota, États-Unis) a utilisé successivement le NIRconformer puis l’Express*. L’ensemble drogue + endoprothèse constitue le système Taxus*. Il faut noter que le paclitaxel est utilisé en injection systémique, comme antimitotique, avec un solvant lipidique allergisant l’ensemble constituant le taxol* (Laboratoires BristolMyers-Squibb). Il s’agit d’un composé différent du paclitaxel pur qui lui-même diffère également du composé (taxane) utilisé à très forte dose (> 10 fois la dose des systèmes sus-décrits) dans le programme Quanam. Ce système médical comportait de volumineux anneaux polymériques autour du stent et a présenté dans l’étude SCORE des résultats inquiétants avec une augmentation paradoxale des « MACE » et des resténoses à moyen terme. L’évaluation de ce système a été arrêtée. 5.2. Études cliniques 5.2.1. Programme Cook* Deux études cliniques randomisées ont été publiées sur la base d’études de doses (deux doses pour ASPECT réalisée en Asie et quatre doses croissantes pour ELUTES réalisée en Europe). Ces études ont montré une bonne tolérance des stents actifs avec une réduction de l’hyperplasie intimale qui est linéairement croissante en fonction de la dose aboutissant à une quasi-disparition de celle-ci pour une dose avoisinant les 3 mcg/mm2 de maille de stent. Le profil des lésions abordées est surperposable à celui de l’étude RAVEL. Par ailleurs, un registre pilote dans la resténose intrastent a permis de montrer un bon profil de sécurité et des résultats encourageants lorsque toute la zone agressée est couverte par la(les) endoprothèse(s) active(s). 5.2.2. Programme Boston* L’étude randomisée pilote TAXUS I a montré une bonne sécurité et une absence de resténose dans une cohorte très limitée. L’étude TAXUS II menée en Europe a comparé un groupe témoin à deux cinétiques différentes d’une même dose de paclitaxel. Les résultats de cette étude montrent une réduction hautement significative du taux de resténose angiographique (de 20,2 à 2,3 %) et du taux de réintervention (de 17,7 à 6,2 %). L’amplitude du bénéfice, de l’ordre de 50 à 70 % de réduction est comparable avec ce qui a déjà été
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démontré avec les autres programmes. Il n’y a pas de différence notable d’effet entre les deux cinétiques et ce, bien qu’elles soient radicalement différentes. 5.3. Problèmes non résolus 5.3.1. Effets à long terme Il n’existe pas de données connues au-delà de la première année ni en terme de sécurité ni en terme de maintien d’efficacité. Le suivi à un an des études montre la stabilité du résultat à l’exception du groupe haute dose d’ASPECT qui montre une perte du bénéfice clinique et angiographique entre 6 et 12 mois, le TLR passant de 4,2 à 8,4 %. 5.3.2. Effet de bord et de mal apposition Ni l’un ni l’autre ne sont clairement démontrés. En particulier, les données angiographiques et échographiques des études ELUTES et ASPECT ne sont pas en faveur d’un phénomène de remodelage positif. En particulier, il n’existe pas de perte tardive négative dans le groupe haute dose d’ELUTES. L’étude échographique d’ASPECT [5] ne montre pas de mal apposition mais le sous-groupe échographique de TAXUS II montre une augmentation significative des mal appositions secondaires. L’effet du paclitaxel sur le remodelage artériel est donc controversé. L’étude TAXUS II ne retrouve pas d’effet de bord. L’analyse échographique de sous-groupe d’ASPECT plaide contre l’effet de bord avec même une possible réduction de l’hyperplasie sur les marges du stent qui pourrait traduire une diffusion longitudinale du paclitaxel. 5.3.3. Effets de réduction de l’hyperplasie Même s’il est significatif dans toutes les études, il est jusqu’à ce jour moins marqué qu’avec l’endoprothèse Cypher qui s’accompagne le plus souvent d’une absence quasitotale de prolifération intimale. En effet, une perte tardive de 0,1 à 0,3 mm, en valeur absolue, est notée dans les études angiographiques. Les effets cliniques du maintien d’un degré minime d’hyperplasie sont actuellement inconnus : un rôle bénéfique via une meilleure couverture des mailles et une recolonisation des espaces de mal apposition n’est qu’une hypothèse. A contrario, cette moins bonne réduction de la prolifération ne semble pas associé à un effet clinique ou angiographique moindre : à ce titre, on note un degré de sténose résiduelle au contrôle angiographique, comparable dans RAVEL, ELUTES et TAXUS I. 5.3.4. Rôle du polymère L’absence de différence nette entre les résultats initiaux des programmes Cook (sans polymère) et Boston Scientific (avec polymère) ne permet pas de trancher entre ces deux approches. Le polymère fournit théoriquement un meilleur contrôle de la cinétique de largage alors que l’absence de polymère non résorbable évite l’effet inflammatoire potentiel de celui-ci. 5.4. Indications potentielles Les différents programmes évoqués partagent les mêmes limitations que le Cypher avec l’étude RAVEL concernant la
Tableau 1 Résultats des sous-groupes de l’étude TAXUS II Sous-groupes TAXUS II (resténose binaire) (%) Vaisseau < 2,5 mm 2,5 < Vaisseau < 3 mm Vaisseau > 3 mm Diabétiques
Groupe témoin
Groupe Paclitaxel
32,4 19 14,3 20,5
9,1 2,5 8,6 8,3
sélection des patients et des lésions. Les seuls sous-groupes à risque étudiés sont les diabétiques et les petits vaisseaux. L’étude TAXUS II, par ses études de sous-groupe, confirme les données antérieures d’ELUTES et ASPECT et permet de retenir deux sous-groupes à haut risque : les patients diabétiques et les lésions courtes sur une artère de 2,5 à 3 mm (Tableau 1). La publication récente des résultats de TAXUS IV [6] permet d’ajouter l’IVA et les lésions longues ; cette étude retrouve une particulière efficacité de cette plateforme chez le diabétique. L’état actuel des connaissances ne permet pas d’aller au-delà en terme de suggestions d’utilisation dans des sousgroupes à risque. Les raisons de cette sélection sont communes avec le stent à libération de sirolimus et s’intègre dans une vision collective. Ceci n’exclut pas l’usage ponctuel, après confrontation de l’ensemble des données, dans des sous-groupes à plus faible risque, sous réserve de rester dans le cadre du marquage CE. 6. Les autres endoprothèses actives À court ou moyen terme, les résultats d’approches non cytostatiques viendront compléter la panoplie des immunosuppresseurs et des antimitotiques en cours d’évaluation clinique. L’approche antimigratoire utilisant une antimétalloprotéinase n’a pas montré de supériorité évidente sur un stent classique dans l’étude BRILLANT I. Le stent à libération de dexaméthasone (Abbott Vascular Devices*, Chicago, Illinois, États-Unis) a d’ores et déjà été évalué dans le registre STRIDE. L’avantage majeur est le long passé de cette drogue, y compris en usage local dans le système vasculaire, qui a montré sa sécurité d’emploi. Les résultats initiaux montrent une faible perte tardive, en particulier dans l’angor instable. Les résultats actuels sont insuffisants pour savoir si cet outil viendra se placer à mi-chemin entre les stents métalliques et les stents actifs sus-décrits. Une problématique proche pourrait être discutée pour le stent habillé de 17-bêta estradiol (Abbott Vascular Devices, Chicago, Illinois, États-Unis). 7. Tous les stents actifs sont-ils équivalents ? L’existence d’une réelle concurrence a soulevé la question, déjà classique pour les endoprothèses métalliques, de l’équivalence ou de la différence de performances entre elles. Les enjeux sont majeurs et la question doit être abordée avec
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prudence. Le débat porte actuellement plus sur le degré d’inhibition de l’hyperplasie qu’il est souhaitable d’obtenir que sur les résultats cliniques ou les performances mécaniques. La mesure de cette inhibition se fait par la mesure de la perte tardive (« late loss » des anglo-saxons). Certains stents ont une perte proche de zéro alors que pour d’autres elles s’élèvent jusqu’à 0,4 mm à moyen terme, ce qui n’affecte en rien le taux de resténose angiographique ou clinique. D’aucuns pensent que l’inhibition la plus totale est le garant de meilleurs résultats cliniques dans les lésions à haut risque de resténose alors que d’autres pensent qu’un certain degré de recouvrement des mailles ne peut être que bénéfique pour venir combler les espaces morts, dus à la nécrose ou au remodelage ou à la lyse de thombi (notamment dans les syndromes coronariens aigus) ; ainsi, cette hyperplasie tolérée permettrait de garder à l’angioplastie coronaire son effet stabilisant. L’année 2004 sera le début des études comparant les stents actifs, non plus au même stent métallique mais à un stent actif de référence. La lecture de ces essais devra être attentive car le risque de voir apparaître des critères de jugement principal exotiques n’est pas négligeable et il faudra garder à l’esprit que ces nouveaux outils doivent être évalués, avant tout, sur leurs performances cliniques à court et moyen terme. 8. Quelle place pour les endoprothèses passives ? La question du pourcentage acceptable d’implantation des stents actifs a donc été au cœur des réunions nationales ou internationales en 2003. Comme d’habitude, et l’exemple français le montre bien, chaque pays a répondu à cette offre de soins en fonction de ses particularismes en terme d’économie de la santé. Il y a cependant, des éléments de réponse strictement médicaux à cette question. La synthèse du GACI publiée en 2003 reste d’actualité et constitue une base de discussion. Cette approche sélective, dirigée vers les lésions et patients à haut risque de resténose, est partagée avec d’autres sociétés savantes comme le montre le rapport du NICE au Royaume-uni ou la position de la Society for Cardiac Angiography and Interventions [1–3]. Il reste donc un champ théorique d’application large aux endoprothèses métalliques d’autant que, sur le plan purement technique, la délivrance de celles utilisant les nouveaux alliages (et donc des mailles fines) s’avère nettement plus facile que pour les stents actifs. Cette part se réduira avec le temps en fonction de l’amélioration technique des stents actifs, de la validation de nouvelles indications et de l’amélioration nécessaire du rapport coût efficacité. Cette dernière question a également fait l’objet de travaux nombreux, notamment ceux de Cohen qui concluaient à l’intérêt du stent actif lorsque le risque de TLR dépasse 12 % ce qui confirme la logique d’une sélection des patients par le risque resténotique [11–14].
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9. Le futur ? Le succès des stents actifs fait fleurir les projets de nouvelles plateformes. Si le paclitaxel reste isolé, même s’il est repris par plusieurs compagnies, le sirolimus s’accompagne maintenant d’une véritable classe thérapeutique, fondée sur la déclinaison des variations d’un même radical de la molécule originelle. L’éverolimus et l’ABT 578 ont montré une efficacité à travers leurs études pilotes randomisées qui montrent une perte tardive respective de 0,12 et 0,33 mm [15,16]. Leur validation par de larges essais cliniques est en cours pendant que d’autres « limus » frappent à la porte. Au-delà, la recherche se développe dans de nombreuses voies : nouveaux alliages, nouveaux polymères biodégradables, associations médicamenteuses, endoprothèses actives dédiées par exemple pour les diabétiques. Références [1] [2] [3]
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