Cancer/Radiothérapie 16 (2012) 123–127
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Article original
Lymphœdème du membre supérieur après traitement du cancer du sein Upper limb lymphedema after breast cancer treatment H. Ben Salah a,∗ , M. Bahri a , B. Jbali a , M. Guermazi b , M. Frikha c , J. Daoud a a
Service de radiothérapie carcinologique, CHU Habib-Bourguiba, 3029 Sfax, Tunisie Service de gynécologie obstétrique, CHU Hédi-Chaker, Sfax, Tunisie c Service de carcinologie médicale, CHU Habib-Bourguiba, 3029 Sfax, Tunisie b
i n f o
a r t i c l e
Historique de l’article : Rec¸u le 15 juin 2011 Rec¸u sous la forme révisée le 8 septembre 2011 Accepté le 12 octobre 2011 Mots clés : Lymphœdème secondaire Cancer du sein Facteurs de risque
r é s u m é Objectif. – Étudier la fréquence et les facteurs favorisant l’apparition du lymphœdème du membre supérieur à travers une série de patientes traitées pour cancer du sein. Patientes et méthodes. – Il s’agit d’une étude rétrospective à propos de 222 patientes traitées pour cancer du sein entre février 1993 et décembre 2003 au centre hospitalier universitaire de Sfax (Tunisie). L’âge moyen des patientes était de 51 ans (27–92 ans). Cinquante-neuf pour cent des patientes étaient atteintes d’une tumeur classée T2. Toutes les patientes avaient eu un curage axillaire. Le carcinome canalaire infiltrant était le type histologique le plus fréquent (88 % des cas) avec prédominance du grade II de Scarff, Bloom et Richardson (SBR) (62 %). Le curage axillaire a ramené en moyenne 12 ganglions (2–33 ganglions) et il y avait chez 124 patientes une atteinte ganglionnaire histologique. Deux cents patientes avaient été irradiées et parmi elles 30 avaient eu une irradiation axillaire. Le suivi moyen des patientes était de 68 mois (12–120 mois). Résultats. – Un lymphœdème du membre supérieur homolatéral a été noté chez 51 patientes (23 % des cas). Le lymphœdème est apparu 14 mois en moyenne après la chirurgie. Il intéressait le bras (17 % des cas), l’avant-bras (12 % des cas) ou le membre supérieur dans sa totalité (71 % des cas). La moitié des patientes avait eu une rééducation avec une amélioration du lymphœdème notée chez 18 d’entre elles. Les facteurs favorisant le lymphœdème ont été étudiés. L’obésité, l’infection, le nombre de ganglions prélevés de plus de dix étaient des facteurs prédictifs de survenue de lymphœdème. Nous n’avons pas retrouvé de lien entre le lymphœdème et le type d’intervention chirurgicale, l’irradiation axillaire ou l’existence d’une raideur de l’épaule. Conclusion. – Le lymphœdème du membre supérieur est fréquent après traitement du cancer du sein. L’obésité, l’infection et le curage ganglionnaire extensif favorisent la survenue du lymphœdème. © 2012 Société française de radiothérapie oncologique (SFRO). Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
a b s t r a c t Keywords: Lymphedema Secondary Breast cancer Risk factor
Purpose. – To study the frequency and risk factors for upper limb lymphedema through a series of patients treated for breast cancer. Patients and methods. – It is a retrospective study about 222 patients treated for breast cancer during the period between February 1993 and December 2003 in Sfax hospitals. Average age was 51 years (27–92 years). Tumour was T2 in 59% of cases. All patients had surgery with lymph node dissection. Infiltrating ductal carcinoma was the most frequent histological type (80% of cases), with predominant SBR II grade (62%). The mean number of removed lymph nodes was 12 (2–33). Axillary lymph node metastasis was detected in 124 patients. Radiotherapy was delivered in 200 patients, including axillary irradiation in 30 cases. The mean follow-up was 68 months (12–120). Results. – Lymphedema appeared in 23% of cases (51 patients), 14 months after surgery (mean period). Lymphedema affected the brachium in 17% of cases, the forearm in 12% of cases and all upper limb in 71% of cases. Fifty percent of patients had rehabilitation. However, improvement of lymphedema was obtained in 18 cases. Parameters predicting lymphedema were studied. Significant risk factors were obesity, infection and a number of removed lymph node above 10. The type of surgery, axillary irradiation and shoulder abduction deficit did not predict lymphedema.
∗ Auteur correspondant. Adresse e-mail : ben salah
[email protected] (H. Ben Salah). 1278-3218/$ – see front matter © 2012 Société française de radiothérapie oncologique (SFRO). Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.canrad.2011.10.011
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Conclusion. – Lymphedema of the arm is a frequent consequence of breast cancer treatment. The risk of lymphedema is correlated with obesity, infection and a number of removed lymph node above 10. © 2012 Société française de radiothérapie oncologique (SFRO). Published by Elsevier Masson SAS. All rights reserved.
1. Introduction Le lymphœdème du membre supérieur secondaire au traitement du cancer du sein est l’une des complications les plus redoutées. Il peut survenir pendant le traitement ou plusieurs années après [1,2]. Sa fréquence dans la littérature est peu précisée en raison des différentes définitions du lymphœdème [3]. Le lymphœdème peut être à l’origine d’inconfort, des limitations fonctionnelles, des séquelles esthétiques et d’une détresse psychologique et créer un risque accru d’infection récidivante, entraînant une diminution considérable de la qualité de vie [1,2,4]. De nombreuses études se sont intéressées aux facteurs de risque de développement d’un lymphœdème après traitement d’un cancer du sein [3]. Le risque de lymphœdème est plus important chez les femmes qui ont eu un curage et/ou une irradiation axillaire. Son traitement est souvent difficile, en particulier si l’œdème est pris en charge tardivement [1,2]. L’objectif de notre travail était d’étudier la fréquence et les facteurs favorisant l’apparition du lymphœdème à travers une série personnelle de patientes traitées pour un cancer du sein.
2. Patientes et méthodes Il s’agit d’une étude rétrospective à propos de 222 patientes traitées pour un cancer du sein au centre hospitalier universitaire de Sfax (Tunisie). L’âge moyen des patientes était de 51 ans (27–92 ans). Cent sept étaient ménopausées au moment du diagnostic de cancer du sein. Cinquante-neuf pour cent des patientes avaient une tumeur classée T2 (selon la classification TNM 2002). Toutes les tumeurs étaient non métastatiques au moment du diagnostic. Toutes les patientes avaient été opérées avec un curage axillaire. Cent vingt-cinq patientes ont eu une mammectomie (56 %) et 97 un traitement conservateur. Le carcinome canalaire infiltrant était le type histologique le plus fréquent (88 % des cas). Le curage axillaire a rapporté en moyenne 12 ganglions (2–33) et il y avait chez 124 patientes une atteinte ganglionnaire histologique. Une chimiothérapie a été administrée chez 85,5 % des patientes. Deux cent vingt patientes ont été irradiées et parmi elles 30 ont eu une irradiation axillaire à la dose de 44 Gy. La dose de radiothérapie était de 50 Gy au niveau de la paroi thoracique ou du sein et de la chaîne mammaire interne avec un complément de 14 Gy dans le lit tumoral en cas de traitement conservateur. Une irradiation sus-claviculaire a été délivrée à la dose de 44 Gy. La dose était prescrite au point de l’International Commission on Radiation Units and Measurements (ICRU) pour l’irradiation de la paroi thoracique et du sein. En cas d’irradiation sus-claviculaire ou axillo-susclaviculaire, la dose était prescrite à une profondeur de 3 cm. L’étalement et le fractionnement étaient classiques (cinq séances de 2 Gy par semaine). Plusieurs paramètres ont été étudiés en recherchant une corrélation avec la survenue du lymphœdème. Ces paramètres sont l’âge, l’obésité, le travail manuel, la prise en charge par la patiente de petits enfants (de moins de cinq ans), les infections postopératoires de la cicatrice et l’érysipèle du membre supérieur homolatéral, ainsi que la raideur de l’épaule, le type de chirurgie mammaire, l’étendue du curage axillaire, l’envahissement ganglionnaire axillaire, la chimiothérapie, l’hormonothérapie et la radiothérapie axillaire. La recherche du lymphœdème du membre supérieure reposait sur la méthode de mesure de circonférences et la pression recherchant le signe du godet. Les mesures de circonférences étaient faites
pour les deux membres supérieurs à deux niveaux : mi-bras et miavant-bras. Une différence de mesure (entre le membre concerné et le membre controlatéral) supérieure à 2 cm a été retenue pour définir le lymphœdème, de même pour un œdème gardant le godet, avec ou sans différence de mesure. Le suivi des patientes était en moyenne de 68 mois (12–120). 3. Résultats Un lymphœdème du membre supérieur homolatéral (Fig. 1) a été noté chez 51 patientes (23 % des cas). Le lymphœdème est apparu 14 mois en moyenne après la chirurgie (quatre à 72 mois). Il intéressait le bras (17 % des cas), l’avant-bras (12 % des cas) ou le membre supérieur dans sa totalité (71 % des cas). Le lymphœdème a été découvert lors des consultations chez 20 patientes (39 %) et il a été diagnostiqué devant des symptômes (lourdeur et/ou augmentation du volume du membre) chez 31 patientes. Treize patientes avaient souffert de complications à type d’érysipèle. Les facteurs favorisant le lymphœdème ont été étudiés (Tableau 1). L’obésité, l’infection, le nombre de ganglions prélevés supérieur à dix étaient des facteurs prédictifs de survenue de lymphœdème en analyse multifactorielle (Tableau 2). Nous n’avons pas retrouvé de lien entre le lymphœdème et le type d’intervention chirurgicale, l’irradiation axillaire ou l’existence d’une raideur de l’épaule. Le lymphœdème était cependant plus important en cas de mastectomie qu’en cas de tumorectomie. 4. Discussion Le lymphœdème est une pathologie chronique due à l’accumulation anormale de liquide dans l’espace interstitiel en conséquence d’un drainage lymphatique inadéquat [4,5]. Le lymphœdème est défini, par rapport au membre controlatéral, soit par les sommes des différences périmétriques (six mesures) de plus de 5 %, soit par des différences périmétriques supérieures à 2 ou 2,5 cm, ou enfin par la différence de volume de 200, voire 250 mL [4–7]. Dans notre série, nous avons choisi pour sa simplicité
Fig. 1. Lymphœdème du membre supérieur gauche après traitement d’un cancer du sein gauche. Upper limb lymphedema after breast cancer treatment.
H. Ben Salah et al. / Cancer/Radiothérapie 16 (2012) 123–127 Tableau 1 Caractéristiques des patientes. Patients’ characteristics. Paramètres
Nombre (%)
Âge (ans) Enfants de moins de 5 ans Oui Non Travail manuel Oui Non Obésité Oui Non Infection postopératoire Oui Non Chirurgie Mammectomie Quadrantectomie Tumorectomie Curage axillaire Nombre de ganglions prélevés ≤ 10 > 10 Atteinte ganglionnaire (N+) Rupture capsulaire Limitation de la mobilité de l’épaule Chimiothérapie Oui Non Radiothérapie Paroi Sein Chaîne mammaire interne Susclaviculaire Axillaire Hormonothérapie Oui Non
51 (27–92) 30 (14) 192 (86) 24 (11) 198 (89) 63 (28) 159 (72) 70 (31,5) 152 (68,5) 222 (100) 125 (56) 5 (2) 92 (42) 222 (100) 89 (40) 133 (60) 124 (56) 50 (23) 25 (11) 190 (85,5) 32 (14,5) 220 123 (55) 97 (44) 178 (80) 124 (56) 30 (14) 115 (52) 107 (48)
la méthode des différences périmétriques. Avec ces nuances de définition du lymphœdème, sa fréquence après traitement de cancer du sein varie selon les séries entre 10 et 56 % avec des durées d’observation d’un à plus de dix ans [5,8–10]. Dans notre étude, nous avons noté que 23 % des patientes ont présenté un lymphœdème du membre supérieur après traitement du cancer du sein, avec un suivi moyen de 68 mois. Le lymphœdème peut survenir immédiatement après l’opération ou plusieurs années après la fin du traitement, voire 20 à 30 ans après un traitement comprenant un curage axillaire et une radiothérapie [1,3–5]. Il survient en moyenne 14 à 39 mois après le traitement [1,5]. Le délai moyen d’apparition du lymphœdème chez nos malades était de 14 mois. La fréquence de survenue d’un lymphœdème augmente avec le temps, expliquant ainsi son faible taux lorsque le suivi est court [3,5]. Cette complication survient dans 1,4 % à un an à 11,2 % à trois ans [3,5]. La majorité des femmes (73 %) sont atteintes du lymphœdème du membre dans la première année et 77 à 97 % des Tableau 2 Facteurs favorisants le lymphœdème. Factors favouring lymphedema. Facteurs de risques Infection postopératoire Oui Non Patientes obèses Oui Non Curage (nombre de ganglions) < 10 > 10
Lymphœdème (%)
p 0,02
36 (70,6) 15 (29,4) 0,04 30 (59) 21 (41) 0,01 16 (31,4) 35 (68,6)
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femmes avant la quatrième année [1,3–5,9]. Selon Petrek et al., la survenue du lymphœdème après 20 ans de suivi a été notée chez 49 % des patientes [4,6,9], alors que le chiffre qui était souvent rapporté se situait entre 6 et 30 %, reflétant une sous-estimation d’incidence liée à un recul insuffisant dans plusieurs séries [4,6]. La survenue du lymphœdème étant inconstante après traitement d’un cancer du sein, de nombreux auteurs ont recherché des facteurs favorisant son développement [1–3,5,8,11–14]. Les études publiées dans la littérature ont démontré l’existence de trois principales catégories de facteurs de risque de survenue du lymphœdème du membre supérieur après traitement d’un cancer du sein [1,3,4]. Certains facteurs dépendent du traitement (nombre de ganglions prélevés, type d’exérèse mammaire, la radiothérapie externe en particulier axillaire et les complications postopératoires) [1,3–7,11–16]. D’autres sont dépendants de la tumeur (le siège supéro-externe, la taille, l’envahissement ganglionnaire et le stade) [1,3–5]. Certains facteurs sont dépendants de la patiente (âge, surcharge pondérale) [1,3–5,14]. Cependant d’autres facteurs [1,3,4,13] ont été incriminés (injection ou prélèvement sur le membre, érysipèles). La plupart des femmes sont traitées par l’association de la chirurgie et de la radiothérapie, parfois associée à un traitement systémique en fonction des facteurs pronostiques du cancer du sein (chimiothérapie, hormonothérapie, thérapie ciblée) [1,3–6,11]. Le risque de lymphœdème est plus important chez les femmes qui ont eu un curage et/ou une irradiation axillaire [1,3–5,11–14]. Le curage axillaire fait partie intégrante du traitement du cancer du sein. Il enlève les relais ganglionnaires, interrompant ainsi le circuit lymphatique. Seuls les niveaux I et II de Berg sont concernés en pratique courante. Avec ce type de curage et une chirurgie mammaire à type mammectomie ou une chirurgie conservatrice du sein, une diminution du taux de lymphœdème postopératoire a été constatée par rapport à une chirurgie radicale ou de type Halsted [1,3,4]. Le risque de lymphœdème augmente avec le nombre de ganglions prélevés avec un risque relatif de 1,11 par ganglion enlevé. Ainsi, le taux varie de 16 % lorsque le curage comporte moins de cinq ganglions à 33 % lorsque celui-ci comporte plus de dix ganglions (nombre optimal pour un traitement carcinologique) après un suivi de 36 mois [1,3,5,12,17,18]. Herd-Smith et al. ont aussi estimé la fréquence du lymphœdème en fonction du nombre de ganglions enlevés : moins de 20 (14,5 %), de 20 à 30 (17,7 %) et plus de 30 (22,1 %) avec un risque relatif de 1,29 par ganglion enlevé [3,5,12]. Dans notre étude, nous avons remarqué une relation étroite entre le développement de lymphœdème et le nombre de ganglions prélevés. Le risque de lymphœdème chez nos patientes a augmenté avec le nombre de ganglions prélevés de fac¸on significative après un suivi moyen de 68 mois. Le choix de pratiquer la technique du ganglion sentinelle est fait dans le but de réduire le risque de lymphœdème. Cette pratique est une amélioration, mais elle a des objectifs précis et des contraintes. Certaines précautions de rigueur doivent être mises en œuvre [15,19–22]. La technique du ganglion sentinelle permet entre autres de réduire la fréquence du lymphœdème. Cependant, le risque n’est pas totalement aboli avec cette technique en cas de ganglion sentinelle sain [6,7,13,14,16–19,22,23]. Dans la série de l’essai B32 du National Surgical Adjuvant Breast and Bowel Project (NSABP) et après un suivi de trois ans, les pourcentages de patientes souffrant d’un lymphœdème étaient respectivement de 8 % et 14 % après un prélèvement d’un ganglion sentinelle sain et après curage axillaire [19]. Dans l’étude de McLaughlin et al., avec un suivi médian de cinq ans, le lymphœdème est apparu chez 5 % des patientes si le ganglion sentinelle était sain et chez 16 % des patientes opérées avec un curage axillaire [6]. Le type de chirurgie mammaire est aussi considéré pour certains un facteur influenc¸ant la survenue du lymphœdème. Ces
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auteurs ont constaté un taux plus élevé de lymphœdème après mammectomie qu’après tumorectomie [3–5,17]. Pour d’autres, la mammectomie n’augmente pas le risque de lymphœdème, mais en aggrave seulement la sévérité [3,4], ce qui a été également retrouvé dans notre série. Peu d’études se sont intéressées à l’existence de lien entre les complications postopératoires immédiates, telles que le lymphocèle, la lymphorrhée, les infections postopératoires et la survenue d’un lymphœdème. En revanche, certains comme Arrault et Mak évoquent l’hypothèse qu’un lymphocèle pourrait favoriser l’apparition d’un lymphœdème. Ces complications postopératoires représentaient un facteur de risque indépendant [3,11]. Dans l’étude de Mak et al. comme dans la nôtre, la relation entre érysipèle et lymphœdème a été rapportée mais difficile à expliquer [3,11]. Même si cette complication est connue, certains pensent qu’un érysipèle est un facteur de risque de développement du lymphœdème [3,4,9,11]. Il est possible que l’érysipèle complique un lymphœdème infraclinique et en soit alors le facteur décompensant [3]. La raideur de l’épaule après la chirurgie est très rarement étudiée parmi les complications [3,11]. Dans notre série, cette complication n’augmentait pas le risque de lymphœdème. La radiothérapie externe en complément de la chirurgie diminue significativement le risque de récidive locale et la mortalité par cancer du sein. La radiothérapie externe augmente le risque de lymphœdème, particulièrement si elle inclut le creux axillaire [3–5,9,12,14–17,19–24]. L’irradiation du creux axillaire est de moins en moins pratiquée [3–5,12,17,24]. L’association curage axillaire et radiothérapie serait synergique sur le développement du lymphœdème. La radiothérapie augmente la sévérité du lymphœdème [3–5,12,17,24]. Notre étude n’a pas mis en évidence l’influence d’une irradiation axillaire sur la survenue du lymphœdème. Cela est très probablement lié au petit nombre de malades ayant été irradiés (30) et au fait que la radiothérapie de la paroi thoracique inclut toujours la partie basse de l’aisselle. Le risque de lymphœdème après radiothérapie est directement lié au volume irradié. L’influence de la dose et du fractionnement est un sujet de controverse [3,4,14–16,18–24] et n’a pas été étudié dans notre série. L’effet de la chimiothérapie associée au traitement local du cancer du sein sur la survenue du lymphœdème est controversé [5,17,18]. À notre connaissance, il n’existe pas de publication à propos de l’influence des autres traitements systémiques (hormonothérapie, thérapies ciblées). Dans notre série, le traitement systémique n’a pas eu d’impact sur la fréquence du lymphœdème. Parmi les facteurs de risque liés à la patiente, l’obésité ou la surcharge pondérale constitue un facteur de risque indépendant dans toutes les séries, comme pour la nôtre. Ce facteur influence aussi la sévérité du lymphœdème [3,5,11,18]. L’âge supérieur à 60 ans est un facteur de risque important pour plusieurs auteurs et reste controversé pour d’autres [3,4,18]. Pour les caractéristiques de la tumeur (taille, stade, envahissement ganglionnaire axillaire, siège), les résultats des différentes études sont discordants [1–4,7,12]. Ces paramètres n’avaient pas d’influence sur la survenue du lymphœdème dans notre série. Le risque de survenue de lymphœdème du membre supérieur après traumatisme du membre, des injections ou prélèvement sanguin ou piqûres, n’a été que très rarement évalué dans les études. Ces dernières, bien que souvent critiquables (pas de détails pour les autres facteurs de risque), ont confirmé ce risque [3,11]. Dans notre série, il n’y avait pas de relation entre le travail manuel et la prise en charge d’enfant de bas âge (qui refléterait la fréquence de microtraumatismes) et la survenu de lymphœdème. La prise en considération de la fréquence du lymphœdème du membre supérieur chez les femmes traitées pour un cancer du sein et la connaissance des différents facteurs de risque permettent d’envisager une réduction supplémentaire du
nombre de lymphœdèmes, dont les conséquences sont à la fois esthétiques, psychologiques et infectieuses avec la survenue exceptionnelle d’angiosarcome du bras (syndrome de Steward-Treeves) [3,4,25–28]. Des données probantes récentes révèlent qu’il est possible de réduire l’incidence du lymphœdème secondaire après traitement du cancer du sein par des mesures préventives simples [4,26] : • l’éducation des patientes avant la chirurgie afin de mieux les sensibiliser au lymphœdème ; • une évaluation de la circonférence des membres supérieurs et du mouvement des épaules avant la chirurgie et un suivi postopératoire pour dépister des petites différences de mesures et prévenir l’installation d’un gros bras ; • l’éducation des patientes sur les stratégies de réduction des risques qu’elles peuvent appliquer elles mêmes ; • un exercice régulier et modéré pendant et après le traitement du cancer du sein ; • éviter d’utiliser le membre supérieur atteint pour les injections, les prises de sang ou la mesure de tension artérielle, afin de réduire le risque de constriction et d’infection. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) recommandes plusieurs mesures préventives simples pour éviter les traumatismes et les infections [4,26]. 5. Conclusion Notre étude confirme la fréquence du lymphœdème et son caractère séquellaire du traitement du cancer du sein. En effet, le curage ganglionnaire axillaire constitue le principal facteur favorisant. Cela nous incite à développer la technique du ganglion sentinelle pour éviter des curages parfois inutiles. La fréquence du lymphœdème doit être prise en considération, ainsi que les facteurs favorisants pour prévenir la survenue de cette complication. Elle doit être recherchée systématiquement lors du suivi des patientes et diagnostiquée précocement pour espérer un traitement curatif du lymphœdème et pour éviter son aggravation et la survenue de complications. Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article. Références [1] Powell S, Taghian A, Kachnic L, Coen J, Assaad S. Risk of lymphedema after regional nodal irradiation with breast conservation therapy. Int J Radiat Oncol Biol Phys 2003;55:1209–15. [2] Cormier JN, Askew RL, Mungovan KS, Xing Y, Ross MI, Armer JM. Lymphedema beyond breast cancer: a systematic review and meta-analysis of cancer-related secondary lymphodema. Cancer 2010;116:5138–49. [3] Arrault M, Vignes S. Facteurs de risque de développement d’un lymphœdème du membre supérieur après traitement du cancer du sein. Bull Cancer 2006;93:1001–6. [4] Sakorafas G, Peros G, Cataliotti L, Vlastos G. Lymphedema following axillary lymph node dissection for breast cancer. Surg Oncol 2006;15:153–65. [5] Vignes S. Lymphœdèmes secondaires. EMC-Podologie Kinésithérapie 2004;1:137–46. [6] McLaughlin S, Wright M, Morris K, Giron G, Sampson M, Brockway J, et al. Prevalence of lymphedema in women with breast cancer 5 years after sentinel lymph node biopsy or axillary dissection: objective measurements. J Clin Oncol 2008;26:5213–9. [7] Liu C, Guo Y, Shi J, Sheng Y. Late morbidity associated with a tumor-negative sentinel lymph node biopsy in primary breast cancer patients: a systematic review. Eur J Cancer 2009;45:1560–8. [8] Meric F, Buchholz TA, Mirza NQ, Vlastos G, Ames FC, Ross MI, et al. Long-term complications associated with breast-conservation surgery and radiotherapy. Ann Surg Oncol 2002;9:543–9. [9] Petrek JA, Senie RT, Peters M, Rosen PP. Lymphedema in a cohort of breast carcinomas survivors 20 years after diagnosis. Cancer 2001;92:1368–77.
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