Presse Med 2005; 34: 1147-52
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Cardiologie/Endocrinologie
S.Vinzio1, O. Morel2 J.-L. Schlienger1, B. Goichot1
1 - Service de médecine interne et nutrition, 2 - Service de cardiologie, Hôpital Hautepierre, Strasbourg (67)
Correspondance: Stéphane Vinzio, Service de médecine interne et nutrition, Hôpital Hautepierre, av. Molière, 67098 Strasbourg Cedex Tél.: 0388127590 Fax: 0388127596 stephane.vinzio@chru -strasbourg.fr
Mécanismes d’action cellulaire des hormones thyroïdiennes
Key points
Points essentiels
Cellular mechanisms of thyroid hormone action
• Les hormones thyroïdiennes agissent sur les myocytes cardiaques ainsi qu’au niveau des cellules musculaires et endothéliales de la paroi vasculaire. • Grâce à son récepteur nucléaire spécifique, la 3,5,3’-Ltriiodothyronine libre (T3L) module la transcription de nombreux gènes cibles et ainsi la synthèse de différentes protéines impliquées principalement dans la structure de l’appareil contractile myocytaire (chaînes lourdes de la myosine) et la régulation des flux calciques intracellulaires (Ca2+-ATPase du réticulum sarcoplasmique). • Les hormones thyroïdiennes ont aussi des effets non génomiques, rapides et complémentaires des précédents, liés à des modifications des propriétés de nombreux canaux et récepteurs membranaires notamment au niveau du nœud sino-atrial. • Parallèlement à ces effets cardiaques directs, les hormones thyroïdiennes agissent également sur les cellules musculaires lisses et endothéliales de la paroi vasculaire et conduisent à une baisse des résistances vasculaires systémiques. • Ces effets cellulaires cardiaques et vasculaires expliquent globalement les manifestations cardiaques (effets inotrope et chronotrope surtout) rencontrées lors des dysthyroïdies et, plus particulièrement, en cas d’hyperthyroïdie où elles sont souvent au premier plan (effets inotrope et chronotrope positifs).
• Thyroid hormones affect cardiac myocytes as well as the smooth muscle and endothelial cells of the vascular wall. • Free 3,5,3'-L-triiodothyronine (FT3) and its specific nuclear receptor modulate the transcription of many target genes and hence both the synthesis of various proteins, principally those involved in the myocyte contractile apparatus (myosin heavy chains), and the regulation of intracellular calcium flux (sarcoplasmic reticulum Ca2+-ATPase). • Thyroid hormones also have non-genomic effects that work rapidly, complement the effects described above, and are related to alterations in the properties of many channels and membrane receptors, especially in the sinoatrial node. • Thyroid hormones also affect the smooth muscle and endothelial cells of the vascular walls and reduce systemic vascular resistance. • These effects on cardiac and vascular cells globally explain the cardiac manifestations (especially the inotropic and chronotropic effects) observed during dysthyroidism, particularly in hyperthyroidism where they are often in the forefront (positive inotropic and chronotropic effects). S. Vinzio, O. Morel, J.-L. Schlienger, B. Goichot Presse Med 2005; 34: 1147-52 © 2005, Masson, Paris
es hormones thyroïdiennes agissent sur le système cardiovasculaire, entraînant des modifications qui constituent des éléments clés de la séméiologie thyroïdienne et donc du diagnostic clinique des dysthyroïdies. Les connaissances acquises concernant les actions cellulaires des hormones thyroïdiennes permettent d’appréhender de façon plus spécifique leurs effets au niveau des myocytes cardiaques ainsi qu’au niveau des cellules de la paroi vasculaire. À l’échelon cardiaque et plus largement cardiovasculaire, les mécanismes d’action des hormones thyroïdiennes sont séparés en mécanismes génomiques (modulation de la transcription de gènes cibles et de la synthèse de différentes protéines) et en mécanismes non génomiques (modification rapide des propriétés de certains canaux ioniques membranaires
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notamment). Les deux sont étroitement intriqués et interdépendants, tout comme le sont, à un niveau supérieur, les effets cardiaques et vasculaires.
Mécanismes d’action généraux des hormones thyroïdiennes L’action des hormones thyroïdiennes passe majoritairement par la 3,5,3’-L-triiodothyronine libre (T3L) dont la majeure partie provient de la conversion de la thyroxine 1 libre (T4) en T3 par différentes désiodases (D1,D2,D3) . Schématiquement (figure 1), les mécanismes cellulaires d’action des hormones thyroïdiennes sont habituellement scindés en mécanismes génomiques, principalement nucléaires mais aussi mitochondriaux, dont les La Presse Médicale - 1147
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Cardiologie/Endocrinologie T4
Désiodases
T3 Membrane cytoplasmique
Réticulum sarcoplasmique Ca++
Ca++
T3 Noyau
PLB Ca++
Ca++ ADN
Appareil contractile
TRE SERCA
ARNm Mitochondrie
AMPc
K+
Échangeur Na+/Ca++
K+
Na+Na+K+ ATPase T3
Canaux K+ voltage-dépendants (Kv1.5 4.2 et 4.3)
T3 T3
© DR
Ca++
T3
Adényl-cyclases V et VI
Na+
Figure 1 Les différentes voies d’action des hormones thyroïdiennes au niveau cellulaire, l’exemple du cardiomyocyte La 3,5,3’-L-triiodothyronine (T3) franchit la membrane cytoplasmique probablement par le biais d’un transporteur spécifique, puis pénètre dans le noyau où elle se lie à ses récepteurs nucléaires spécifiques (TRα1, α2 ou β1) associés à des Thyroid Response Elements (TRE). Ceci va moduler, positivement ou négativement, la transcription de différents gènes cibles: il s’agit principalement des gènes du phospholamban (PLB) et de la Ca++-ATPase (SERCA) du réticulum sarcoplasmique, des chaînes lourdes α et β de la myosine, de plusieurs éléments du système adrénergique (récepteurs β1-adrénergiques, adényl-cyclases V et VI, guanine-nucleotide-binding proteins) et de différents canaux ioniques (échangeurs Na+/Ca++, Na+/K+-ATPases, canaux potassiques voltage-dépendants). À côté de ces effets dits génomiques, les hormones thyroïdiennes ont des effets directs au niveau notamment de certains canaux ioniques calciques, potassiques ou sodiques membranaires: ces effets dits non génomiques sont rapides car ils ne nécessitent pas de processus de synthèse protéique contrairement aux effets génomiques. Enfin, les hormones thyroïdiennes agissent au niveau mitochondrial par le biais d’effets non génomiques et génomiques conjointement aux processus nucléaires, une partie du génome mitochondrial étant située au niveau de l’ADN nucléaire. Ces différentes voies d’action sont donc complémentaires.
temps de latence sont relativement longs (de quelques heures à quelques jours) et qui,in fine,modulent la transcription de gènes cibles, et en mécanismes non génomiques, membranaires, cytoplasmiques ou mitochondriaux dont les temps de réponses sont courts (de quelques secondes à quelques minutes) et qui, notamment, modulent directement le fonctionnement de dif2 férents canaux ioniques .
EFFETS CELLULAIRES GÉNOMIQUES PAR LIAISON DES RÉCEPTEURS NUCLÉAIRES AUX HORMONES THYROÏDIENNES
La voie classique d’action de la T3 au niveau nucléaire passe par la formation d’un complexe T3/récepteur nucléaire aux hormones thyroïdiennes (TR de type α ou β).Les TR appar1148 - La Presse Médicale
tiennent à la superfamille des récepteurs nucléaires et résultent de la transcription de 2 gènes c-ErbA et c-ErbB sous dif2 férentes isoformes .TRα1,TRα2,TRβ1 et TRβ3 sont largement exprimés alors que l’expression de TRβ2 est restreinte au niveau hypothalamo-hypophysaire où il régule négativement la transcription des sous-unités α et β de la thyrotropine (TSH).Le rôle respectif de ces différents TR a été montré dans des modèles animaux d’invalidation des 3,4. gènes codant pour le récepteur de la T3 (tableau 1) En l’absence de ligand, des corépresseurs (notamment NcoR et SMRT) sont fixés sur le TR. La liaison de la T3 au TR modifie sa conformation par dissociation des corépresseurs et fixation de facteurs co-activateurs. Ce complexe sous formes de monomères (TR), d’homodimères (TR/TR) et surtout d’hétérodimères (TR/Retinoic24 septembre 2005 • tome 34 • n°16 • cahier 1
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X-Receptor ou RXR), interagit avec des séquences de l’ADN spécifiques de reconnaissance (Thyroid Response Elements ou TRE), situées le plus souvent en amont des gènes cibles dont elles répriment ou activent la transcription en réponse à la T3.Au niveau des TRE régulés positivement, les TR sans ligand (apo-TR) répriment la transcription basale des gènes cibles et la liaison de la T3 stimule l’induction d’une transcription active.À l’inverse, en cas de TRE régulés négativement, les apo-TR permettent la transcription des gènes cibles à l’état basal,celle-ci étant réprimée après liaison de la T3,et ce par des méca5 nismes qui ne sont pas clairement établis actuellement . D’après des études récentes,la plupart de ces gènes sont 6,7 régulés négativement par la T3 .
EFFETS CELLULAIRES NON GÉNOMIQUES ET/OU NON NUCLÉAIRES ❚ Actions membranaires et cytoplasmiques Parallèlement à ces effets génomiques,les hormones thyroïdiennes agissent aussi par le biais d’effets non génomiques, plus rapides. De tels effets ont été décrits au niveau membranaire,cytoplasmique ou mitochondrial et font intervenir la T3 mais aussi la T4 et d’autres iodothyronines. Au niveau membranaire,il existe probablement plusieurs récepteurs fixant préférentiellement la T3 ou la T4, respectivement à l’origine d’un influx et d’un efflux calcique mais aussi de la mobilisation de calcium intracellulaire à partir du réticulum sarcoplasmique. La T3 agit également sur l’ouverture de canaux sodiques et potassiques.Par ailleurs,les hormones thyroïdiennes activent les phosphokinases A et C, les phospholipases C et 8 D et la protéine kinase activée par le mitogène .Ainsi, in vivo, la T4 modifie la thermogenèse et l’activité lipolytique des catécholamines en 30 minutes et la T3 réduit le débit cardiaque et les résistances vasculaires 2 systémiques en 3 minutes . Certains de ces effets initialement non génomiques peuvent influencer secondairement les processus de transcription génomiques 2,8 par différentes voies . Ces effets non génomiques rapides ont été largement documentés mais leurs mécanismes exacts demeurent mal connus.Très récemment, Scanlan et al. ont apporté des éléments nouveaux dans la compréhension des voies d’actions rapides et donc non transcriptionnelles des hor9 mones thyroïdiennes . Les auteurs ont réalisé la synthèse de plusieurs iodothyramines. Ces dérivés de la thyronamine (TxAM) sont proches de certaines amines dont les récepteurs, les Trace Amine Receptors (TARx), pourraient lier certains métabolites des hormones thyroïdiennes. En effet,un de ces dérivés,la 3-iodothyronamine (T1AM),est un puissant agoniste de TAR1, un récepteur orphelin apparenté aux récepteurs des amines couplés aux protéines G. La présence et donc la synthèse endogène de 24 septembre 2005 • tome 34 • n°16 • cahier 1
Tableau 1
Rôle des différents récepteurs nucléaires aux hormones thyroïdiennes selon les organes ou les tissus cibles Effet tissulaire des hormones thyroïdiennes
Récepteurs impliqués
Suppression de la TSH Développement osseux Développement cochléaire Maturation de l’intestin grêle Expression des gènes cardiaques Fréquence cardiaque Croissance Expression des gènes hépatiques Régulation de la température corporelle
TRβ (β2 surtout) > TRα TRα > TRβ TRβ TRα1/α2 TRα (α1 surtout) > TRβ TRα (α1 surtout) > TRβ TRα > TRβ TRβ > TRα TRα
TR: récepteurs nucléaires à la T3, de types α et β (TRβ2 est présent uniquement au niveau hypophysaire)
Tableau 2
Gènes dont la transcription est modulée par la T3 et codant pour des protéines cardiaques (liste non exhaustive) Régulation positive
Régulation négative
Chaîne lourde α de la myosine Ca++-ATPase du réticulum sarcoplasmique Canal ryanodine Récepteurs adrénergiques β1 Protéines régulatrices Gs et Gi Na+/K+-ATPase Canaux potassiques voltage-dépendants (Kv1.5, Kv4.2, Kv4.3)
Chaîne lourde β de la myosine Phospholamban Adényl-cyclases (types V et VI) Échangeur Na+/Ca++ Récepteur nucléaire à la T3 (TR-α1)
T1AM a été objectivée au niveau du cerveau, du cœur et du foie de souris ainsi que dans le sang circulant. In vivo, ce composé entraîne en quelques minutes une profonde hypothermie.Au niveau cardiaque, il est chronotrope et inotrope négatif. Ces manifestations vont donc, in vivo, à l’encontre de celles attendues, a priori similaires à celles de la T3.En effet,in vitro le T1AM se lie au récepteur TAR1 qui est couplé à une protéine G stimulant la production d’AMPc (GPCRs).Malgré les différentes hypothèses soulevées par ces discordances et l’utilisation de doses pharmacologiques et non physiologiques, l’existence d’une voie d’action rapide et non transcriptionnelle des hor10 mones thyroïdiennes est renforcée par ces résultats .
❚ Actions mitochondriales Au niveau mitochondrial, l’action des hormones thyroïdiennes est complexe, combinant des effets génomiques et non génomiques.Il existe tout d’abord une action immédiate de la T3, mais aussi d’autres iodothyronines sur la chaîne respiratoire et la production d’ATP. D’autres effets sont dits rapides et interviennent en quelques heures. Ils impliquent des mécanismes génomiques extra-nucléaires avec la transcription du génome de l’organite par le biais de récepteurs mitochondriaux à la T3 (p28, p43) proches La Presse Médicale - 1149
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Cardiologie/Endocrinologie Glossaire ARNm ATP PLB RVS RXR SERCA SR TARx TR TRE TSH TxAM T1AM T3L T4
ARN messager adénosine triphosphate phospholamban résistance vasculaire systémique Retinoic-X-Receptor ++ Ca -ATPase du réticulum sarcoplasmique réticulum sarcoplasmique Trace Amine Receptors récepteurs nucléaires à la T3 Thyroid Response Elements thyrotropine thyronamine 3-iodothyronamine triiodothyronine libre thyroxine libre
de TRα2.Enfin les hormones thyroïdiennes stimulent la mitochondriogenèse, ce qui implique une transcription coordonnée de gènes nucléaires et mitochondriaux, l’appareil mitochondrial ayant cette 2 double origine .
❚ Effets cellulaires des hormones thyroïdiennes au niveau cardiovasculaire
À l’échelon cardiaque, et plus largement cardiovasculaire, les mécanismes d’action des hormones thyroïdiennes suivent cette dichotomie composée de phénomènes génomiques (modulation de la transcription de gènes cibles et de la synthèse de différentes protéines),les plus étudiés,et de phénomènes non génomiques (notamment avec la modification rapide des propriétés de certains canaux ioniques potassiques, sodiques et calciques). Les deux sont étroitement intriqués et interdépendants,tout comme le sont à un niveau supérieur les effets cardiaques et vasculaires, l’ensemble concourant à un retentissement hémodynamique global, 11,12 . variable selon l’hormonémie thyroïdienne
AU NIVEAU CARDIAQUE ❚ Effets génomiques Des transporteurs spécifiques permettent l’entrée de la T3 à l’intérieur des cardiomyocytes où, par ailleurs, aucune conversion significative de la T4 en T3 n’a été 13 mise en évidence . Après fixation de la T3 à son récepteur nucléaire, la transcription de nombreux gènes cibles cardiaques est modulée (tableau 2). On retiendra principalement la régulation par la T3 de gènes codant pour certains éléments de l’appareil contractile (les chaînes lourdes α et β de la myosine) et surtout de gènes impliqués dans l’homéostasie du calcium intramyocytaire (la calcium-ATPase du réticulum sarcoplasmique et le phospholamban). • La transcription des gènes des 2 isoformes des chaînes lourdes α (isoforme rapide) et β (isoforme lente) de la myosine est respectivement activée et réprimée par la T3. Selon le type prépondérant d’isoforme, la formation de ponts actine-myosine est plus (myosine V1 fondée sur 2 chaînes α) ou moins (myosine V3 fondée sur 2 chaînes β) efficiente. Cependant, même si la myosine fait partie intégrante de l’appareil contractile des myocytes, ces modifications transcriptionnelles n’expliquent probablement pas la totalité des effets 11,14 . fonctionnels cardiaques observés chez l’homme • L’homéostasie calcique est par contre un élément clé 1150 - La Presse Médicale
de l’action des hormones thyroïdiennes au niveau cardiaque car elle détermine largement la qualité de la fonction contractile (inotropisme) mais aussi de la relaxation 15 diastolique (lusitropisme) . Ces 2 phénomènes dépendent principalement des mouvements du calcium entre le cytosol et le réticulum sarcoplasmique (SR) qui sert 2+ de réservoir au Ca intracellulaire.La contraction est ini2+ tiée par l’entrée dans la cellule de Ca extracellulaire au travers de canaux calciques voltage-dépendants de type 2+ L, ce qui va déclencher un efflux de Ca à partir du SR par les canaux récepteurs ryanodine (Ry). L’augmenta2+ tion de la concentration cytosolique en Ca permet la contraction par la formation des ponts actine-myosine. La relaxation nécessite le retour de la concentration cyto2+ solique Ca à l’état basal,principalement par re-transfert 2+ 2+ du Ca dans le SR grâce à une Ca -ATPase spécifique (SERCA).L’activité de SERCA est modulée selon l’état de phosphorylation d’une autre protéine, le phospholamban (PLB). À l’état déphosphorylé le PLB diminue l’affi2+ nité de la SERCA pour le Ca ,ralentissant par là-même la 2+ recapture du Ca par le SR et donc la vitesse de relaxation. Inversement le PLB phosphorylé accroît l’activité 2+ du SERCA.Ceci accélère la baisse du Ca cytosolique et la relaxation.La transcription des gènes de ces différents éléments de l’homéostasie calcique a été largement étudiée ainsi que leur dépendance par rapport au statut thy15-18 .Les hormones thyroïdiennes activent princiroïdien palement la synthèse de SERCA et de Ry et inhibent celle 15 du PLB . Kiss et al. ont étudié des souris transgéniques dépourvues de PLB (PLB-/-). Par rapport aux souris sauvages, la contractilité et la vitesse de relaxation myocardiques des souris PLB-/- sont améliorées quel que soit le statut thyroïdien. Ceci est notamment vrai quand on compare des souris PLB-/- en hypothyroïdie avec des souris sauvages euthyroïdiennes.Enfin chez les souris PLB-/-, les effets inotrope et lusitrope de la T3 sont abolis, les performances cardiaques semblant déjà maximales en 17 euthyroïdie . • Enfin la T3 agit sur de nombreux autres gènes comme ceux du complexe du récepteur membranaire βadrénergique (récepteur β1-adrénergique,adényl-cyclases V et VI, protéines G régulatrices) et de certains transpor+ + teurs ioniques transmembranaires (HCN 1,2 et 4,Na /K + 2+ ATPase,échangeur Na /Ca ,certains canaux potassiques 11 voltage-dépendants dont Kv 1.5, 4.2 et 4.3) .
❚ Effets non génomiques À côté de ces effets transcriptionnels largement étudiés,les hormones thyroïdiennes ont notamment des effets chronotrope et inotrope rapides (de 30 secondes à quelques minutes) liés à l’action directe de la T3 (non AMPc dépendante) au niveau de nombreux canaux membranaires 19,20 . sodiques,potassiques et calciques du nœud sinusal 24 septembre 2005 • tome 34 • n°16 • cahier 1
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• Présence de récepteurs myocardiques à la TSH La présence de formes fonctionnelles du récepteur à la 21,22 , mais TSH au niveau myocardique a été démontrée demeure peu étudiée. L’expression du gène du récepteur à la TSH à ce niveau pose avant tout la question de son rôle chez le sujet euthyroïdien et, secondairement, celle de son implication pathogénique éventuelle en cas de dysthyroïdie et notamment de maladie de Basedow. Malheureusement aucune donnée n’est actuellement disponible pour éclairer ces points. • Interactions avec le système sympathique L’existence d’une relation entre le système sympathique et les hormones thyroïdiennes est fortement suggérée par les manifestations cardiovasculaires de ces dernières et par les effets bénéfiques du traitement bêtabloquant 23 dans l’hyperthyroïdie .Toutefois l’exploration d’éventuels mécanismes adrénergiques sous-tendant certains effets hémodynamiques des hormones thyroïdiennes est complexe et conduit souvent à des résultats contradic24,25 .Ainsi les concentrations sériques en catéchotoires lamines sont normales voire abaissées en cas d’hyperthyroïdie et,à l’inverse,augmentées durant l’hypothyroï23 die . De ce fait, l’hypothèse actuellement privilégiée, bien que non clairement démontrée,est celle d’une sensibilité accrue du cœur à l’égard des catécholamines en cas d’hyperthyroïdie, par le biais d’une augmentation non seulement de la densité tissulaire en récepteurs βadrénergiques mais aussi du rapport récepteurs 26 β1/récepteurs β2 . Par ailleurs, des modifications des voies de signalisation post-récepteur pourraient aussi être impliquées (adényl-cyclases de types V et VI et protéines G hétérotrimériques stimulantes Gsa ou inhibitrices Gia et G0a), notamment en cas d’altération chronique du statut thyroïdien alors que la modification de la densité en récepteurs serait rapide, suggérant un pro27 cessus adaptatif précoce et transitoire .
AU NIVEAU VASCULAIRE Parallèlement à leurs effets cardiaques directs, les hormones thyroïdiennes agissent aussi sur la circulation périphérique. L’injection de T3 ou de T4 entraîne en quelques minutes une baisse des résistances vasculaires systémiques
(RVS) qui participe indirectement à l’amélioration des per28,29 . formances cardiaques Les mécanismes impliqués dans cette décroissance des RVS et leurs parts respectives ne sont pas totalement connus, avec des résultats parfois contradictoires d’une étude à l’autre: des modifications de la thermogenèse, des effets non génomiques directs sur les cellules musculaires lisses des vaisseaux (diminution de l’expression du récep+ + teur à l’angiotensine II et modification des flux Na /K ) et/ou les cellules de l’endothélium (production locale de substances vaso-actives comme le monoxyde d’azote (NO) 28,30-32 . et d’autres voies (système adrénergique) Ces modifications vasculaires systémiques sont complexes et font intervenir encore d’autres facteurs.Ainsi la baisse des RVS est associée à une augmentation du volume circulant par un double phénomène: rétention hydrosodée par activation du système rénine-angioten33 sine et accroissement de la masse globulaire stimulée 34 par l’érythropoïétine .De plus,le peptide natriurétique A et la vasopressine (ADH) pourraient aussi intervenir 31 dans ce processus .
Conclusion Ainsi, globalement, les effets cellulaires des hormones thyroïdiennes expliquent les modifications cardiovasculaires rencontrées lors des dysthyroïdies et, plus particulièrement, en cas d’hyperthyroïdie (tachycardie, angor, fibrillation auriculaire, insuffisance cardiaque à haut débit). Ces altérations hémodynamiques interviennent précocement comme le suggère l’augmentation de la morbi-mortalité cardiovasculaire rencontrée en cas d’hyperthyroïdie fruste (risque accru de fibrillation auriculaire et de complications cardio-emboliques). Ces connaissances fondamentales pourraient permettre une prise en charge plus spécifique des dysthyroïdies et de leurs conséquences cardiovasculaires. À l’inverse, elles pourraient conduire à l’utilisation d’hormones thyroïdiennes ou d’analogues, pour mettre à profit leurs propriétés cardiologiques afin de traiter des patients euthyroïdiens mais ayant certaines cardio11,12 .■ pathies, l’insuffisance cardiaque notamment
Conflits d’intérêt: aucun
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Brève
Les cancers de l’enfant en France L e cancer est la seconde cause de mortalité de l’enfant en France, après les causes accidentelles non intentionnelles. Ainsi, un enfant sur 500 est susceptible de développer un cancer avant l’âge de 15 ans. Environ 160 nouveaux cas sont diagnostiqués chaque année chez des enfants de moins d’1 an, 500 cas de 1 à 4 ans, 400 cas de 5 à 9 ans, 400 cas de 10 à 14 ans (BEH 2005; n° 32: 161-3). Les données recueillies dans 6 registres pédiatriques couvrant 32 % de la population française de 0 à 14 ans, indiquent que, sur la période 1990-1999, 4234 cancers ont été enregistrés. Le sex ratio est de 1,2, mais il varie selon le type de cancers. Il existe une prédominance masculine pour les lymphomes, les tumeurs hépatiques, les sarcomes des tissus mous, les tumeurs neuroecto-dermiques primitives centrales, les ostéosarcomes, les tumeurs germinales cérébrales. Les tumeurs de Wilms, les tumeurs germinales gonadiques, les leucémies aiguës myéloïdes, les épendymomes et les carcinomes de la thyroïde sont plus fréquents chez les filles. Les taux d’incidence varient en fonction de l’âge puisque, sur les 4234 cancers enregistrés, 45 % sont survenus chez des enfants âgés de 0 à 4 ans, les 55 % restant se répartissant de manière égale entre les 5-9 ans et les 10-14 ans. Les tumeurs embryonnaires sont plus fréquentes avant 5 ans, représentant 71,8 % des cancers; leur fréquence diminue avec l’âge, à l’exception des médulloblastomes (pic dans la tranche d’âge 5-9 ans). L’incidence des tumeurs malignes osseuses et celle des tumeurs épithéliales augmente avec l’âge. Chez les enfants de moins d’1 an, les neuroblastomes sont les cancers les plus fréquents (31,2 % des cancers). Chez les enfants plus âgés, les leucémies aiguës lymphoïdes viennent en tête (33,7 % des cancers de 1 à 4 ans; 24,5 % de 5 à 9 ans; 16,0 % de 10 à 14 ans). Aucune tendance temporelle n’a été observée pour l’ensemble des cancers durant cette période 1990-1999. ■ P. L. 1152 - La Presse Médicale
24 septembre 2005 • tome 34 • n°16 • cahier 1