Michel Gourevitch (1930–2015)

Michel Gourevitch (1930–2015)

Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com ScienceDirect L’évolution psychiatrique 81 (2016) 507–509 Hommage à Michel Gourevitch (1930–2015) L’...

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ScienceDirect L’évolution psychiatrique 81 (2016) 507–509

Hommage à

Michel Gourevitch (1930–2015)

L’annonce du décès le 16 décembre dernier de notre collègue et ami Michel Gourevitch a réveillé en moi de très anciens souvenirs qui remontent pour certains à nos années d’internat. J’ai retrouvé dans ma bibliothèque l’Annuaire 1978 de l’internat en médecine des hôpitaux psychiatriques de la Seine, édité par l’association amicale créée en 1888 et présidée cette année là par Georges Daumézon dont il était alors le secrétaire. Cet annuaire comprend un historique de cette amicale depuis sa fondation le 5 mai 1888, texte non signé mais dont je pense que Michel Gourevitch en était l’auteur d’autant qu’il se termine par l’exposé de la plate-forme d’action de 1974 par rapport aux projets d’organisation de l’internat en psychiatrie, alors en discussion, auxquels cette amicale était partie prenante. Notre collègue s’est toujours beaucoup intéressé à l’histoire de notre discipline et à celles des institutions qui régissent son exercice. En consultant cet annuaire, nous constatons que Michel Gourevitch a lui-même été nommé à l’internat en médecine des hôpitaux psychiatriques de la Seine en 1964 et qu’il est en cette année 1978, ayant été nommé au médicat des hôpitaux psychiatriques, médecin-chef à l’Hôpital psychiatrique de Dreux. J’avais moi-même été nommé au concours de l’internat de 1958 de sorte que je l’ai connu au cours de nos internats et assistanats respectifs effectués pendant les années pré-soixante-huitardes dans les deux hôpitaux psychiatriques, maintenant disparus, de Neuillysur-Marne, Ville-Evrard et de Maison-Blanche, entre lesquels les internes des salles de garde respectives maintenaient une amicale rivalité. J’ai moi-même été ensuite « détaché » en 1968 de l’hôpital public de Ville-Evrard pour occuper des fonctions de médecin-chef de service à l’Institut Marcel Rivière à la Verrière alors en Seine-et-Oise, établissement privé faisant fonction de public. C’est lorsque j’étais en poste dans cette institution que j’ai été élu secrétaire général, puis président de L’Évolution psychiatrique. Par contre, l’historique qui figure dans une autre édition 2001–2002 de l’Annuaire de l’internat parisien en psychiatrie 2001–2002 est bien signé par Michel Gourevitch qui retrace le parcours compliqué qu’a connu la reconnaissance de la qualité de spécialiste en psychiatrie tant pour les « anciens internes en médecine des hôpitaux psychiatriques de la Seine » que pour ceux issus du nouvel internat de spécialité, surtout après la séparation en deux disciplines distinctes de la neuropsychiatrie (Notons que parmi les membres du bureau 2001 figure comme secrétaire adjoint, le docteur Raphaël Gourevitch). Le docteur Michel Gourevitch, médecin-chef des hôpitaux psychiatriques, est très tôt, comme nous le faisions tous à l’époque, devenu membre des grandes sociétés savantes telles que la Société médico-psychologique dont il était membre titulaire honoraire depuis 2003, et L’Évolution 0014-3855/$ – see front matter http://dx.doi.org/10.1016/j.evopsy.2016.01.001

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Psychiatrique dont la revue ne publie plus malheureusement dans le premier numéro de l’année la liste de ses membres en activité ou honoraires. Je le rencontrai donc régulièrement lors des réunions de ces sociétés auxquelles il était très assidu. Il a publié dans L’Évolution psychiatrique deux articles qui témoignent particulièrement de son intérêt pour l’histoire de notre discipline : Le premier, publié dans le no 4 (octobre–décembre de 1973, pp. 809–811) est intitulé Le jubilé d’Henri Rousselle qui, fait-il remarquer, a été célébré avec un an de retard le 29 mai 1973 car c’est le 16 juin 1922 qu’a été ouvert « le service ouvert pour psychopathes légers » ; il évoque dans ces pages les souvenir de Léon Marchand qui était alors dans sa cent unième années et aussi de Georges Daumézon qui succéda à Pierre Mâle qui avait évoqué le passé, pour parler de l’avenir ; je note que nombre de ces aînés qui ont été nos maîtres pendant notre internat étaient membres de L’Évolution psychiatrique, Michel Gourevitch ne manque pas de signaler sur ce point qu’en 1973 notre société se réunissait à Henri Rousselle. Il conclut ironiquement son propos en disant que le laboratoire pharmaceutique qui a sponsorisé la manifestation avait bien fait les choses et que si le livre distribué était parfaitement édité, le traiteur choisi était digne de l’imprimeur (À l’époque, le laboratoire pharmaceutique en question payait des pages de publicité pour un de ses neuroleptiques dans notre revue à la grande satisfaction de l’éditeur de l’époque, Privat). Il signe ces pages : M. Gourevitch, Hôpital psychiatrique de Villejuif. Il traite dans le second article, plus important, Le problème de l’inconscient en URSS, texte qui paraît l’année suivante dans le no 2 (avril–juin de 1974, pp. 397–406). Il le publie à l’occasion de la parution de la traduction en franc¸ais aux éditions MIR en 1973 de Le problème de l’inconscient qu’avait publié en URSS Philippe Veniaminovitch Bassine, professeur de psychiatrie et chef de service à Moscou et dont notre ami Cyrille Koupernik, le seul neuropsychiatre franc¸ais né à Petrograd, avait donné une analyse détaillée de l’édition en russe. P. Bassine avait lui publié avec V. Rojnov et M. Rojnova dans le numéro 3, 1973 de l’Évolution psychiatrique (pp. 387–404) un article Ce que nous pensons de la psychanalyse. Ce qui est particulièrement intéressant dans l’article de Gourevitch c’est qu’il cite les auteurs russes de l’ère soviétique en traduisant lui-même leurs textes tout en faisant vérifier ses traductions par un agrégé de russe ; Bassine paraissait bien connaître la littérature psychiatrique franc¸aise de ce temps. Enfin, Gourevitch souligne la coïncidence chronologique entre la parution du livre de Bassine à Moscou et celle de The Discovery of the Unconscious publié à New York par un autre membre de L’Évolution psychiatrique Frédéric H. Ellenberger. Je rencontrai aussi notre ami aux « Journées Histoire et psychiatrie » qu’a organisées pendant la dernière décennie du XXe siècle à l’Hôtel-Dieu de Paris Henri Grivois et dont les compte rendus ont été publiés chez Masson. En 1989 à celle consacrée à La psychose hallucinatoire chronique Michel Gourevitch posait la question la psychose hallucinatoire chronique : diagnostic de sortie ? Il concluait que « poser le diagnostic de PHC c’est prendre une photo, c’est constater en un moment critique, chez un malade que l’on ne connaît pas et qu’on n’a guère de chance de revoir, le résultat d’une longue évolution ; d’où l’adjectif chronique paradoxal pour un photographe. Si la PHC a pour père G. Ballet, ses parrains sont Dupré et De Clérambault, maîtres de l’Infirmerie spéciale et c’est toujours à l’IPP que l’on fait usage à présent des trois initiales aujourd’hui sur la sellette. Si quelque malveillant me parlait de diagnostic de commissariat, je ne protesterai pas avec véhémence » (p. 82). Notre ami fait ensuite une surprenante comparaison avec l’évolution de l’art pictural qui est passé de la représentation du Tres de mayo par Goya et celle du Radeau de la Méduse par Géricault « à celle par Picasso en une même image des réalités que la vue n’appréhende que successivement » (p. 83). Pensait-il à Guernica ?

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À la Journée de l’Hôtel-Dieu de 1990 sur les monomanies instinctives, organisée « avec la collaboration de Michel Gourevitch » celui-ci présente, sous le titre de Vert, blanc, rouge : histoire d’une monomanie instinctive en 1989, un cas clinique, celui d’un individu conduit à sept reprises à des intervalles plus ou moins longs à l’IPP alors qu’il était surpris habillé en médecin pour pénétrer dans des hôpitaux où il a une fois dérobé un nouveau-né à la maternité, ce qu’il faisait toujours après avoir bu. Gourevitch conclut de cette observation qu’il n’est pas possible de faire en psychiatrie d’urgence un véritable diagnostic ; les trois couleurs choisies pour titre à la communication font allusion non à celles du drapeau tricolore de la Révolution franc¸aise dont on commémorait en grande pompe le bicentenaire mais à celles du drapeau italien car dit-il les faits qui ont conduit ce monomane à l’IPP se sont tous déroulés dans le Quartier d’Italie, où ont eu lieu nombre d’évènements révolutionnaires en psychiatrie, notamment à La Salpêtrière, la libération des femmes aliénées de leurs chaînes de fer par Jean-Baptiste Pussin à la demande de Philippe Pinel. À celle de 1991 Psychose naissante, psychose unique ? Michel Gourevitch communique cette fois sur les Poètes romantiques et psychotiques régicides à propos d’une tentative de régicide commise en 1864 contre Louis-Philippe dont le jugement de l’auteur pour parricide a donné lieu à de nombreux commentaires notamment de Victor Hugo. La 5e de 1992 Affectif/Cognitif dans la psychose était patronnée par L’Évolution psychiatrique et G. Lantéri-Laura (Hôpital Esquirol-École des Hautes Études en Sciences Sociales) M. Gourevitch y a parlé des Troubles de l’humeur dans la psychiatrie fran¸caise moderne pendant que Mme Danielle Gourevitch (Directeur d’Études à L’École pratique des Hautes Études) faisait une Étude de quelques malades galéniques. La 6e en 1963 était patronnée par L’Évolution psychiatrique alors présidée par Georges LantériLaura qui était chef de Service à l’Hôpital Esquirol, comme Gourevitch, alors que j’étais secrétaire général de la Société. Mais l’annonce de sa disparition a réveillé en moi de souvenirs de voyages faits ensemble dans des contrées plus lointaines que Paris ou Charenton. Je me souviens notamment d’un voyage à Épidaure où après avoir étudié les thérapies faites dans le sanctuaire d’Asclépios nous avons avec la famille Gourevitch assisté au théâtre à la représentation nocturne non pas d’une tragédie antique mais d’un drame de Shakespeare, je ne sais plus lequel mais il n’est pas nécessaire de comprendre l’anglais ou le grec ancien pour goûter la musique des mots en ce lieu. Ainsi que d’un autre voyage celui-ci dans la Fédération de Russie et notamment à Moscou où Michel Gourevitch grâce à sa connaissance de la langue nous permettait en discutant sans avoir recours à un guide de l’Intourist avec les citoyens, de comprendre plus ou moins les évènements qui s’étaient produits au cours de la perestroïka notamment en psychiatrie dans les différentes républiques ex-soviétiques. Mais je m’aperc¸ois qu’en écrivant ces quelques pages pour évoquer à l’occasion de sa disparition la mémoire de Michel Gourevitch dans L’Évolution psychiatrique je suis en train en même tempos d’en écrire d’autres rappelant l’historique et la vie de notre société. Président d’honneur de L’Évolution psychiatrique Jean Garrabé ∗ 7, place Pinel, 75023 Paris, France ∗ Auteur

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