Modulation pharmacologique des effets tardifs de l’irradiation

Modulation pharmacologique des effets tardifs de l’irradiation

Cancer/Radiothérapie 15 (2011) 383–389 Revue générale Modulation pharmacologique des effets tardifs de l’irradiation Pharmacological modulation of l...

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Cancer/Radiothérapie 15 (2011) 383–389

Revue générale

Modulation pharmacologique des effets tardifs de l’irradiation Pharmacological modulation of late radio-induced side effects C. Bourgier a,∗,b,c,d , V. Monceau b,c,d , J. Bourhis a,b,c,d , É. Deutsch a,b,c,d , M.-C. Vozenin b,c,d,e,f,g,h a

Département de radiothérapie, institut de cancérologie Gustave-Roussy, 114, rue Édouard-Vaillant, 94805 Villejuif, France Unité mixte de recherche « radiothérapie moléculaire », Inserm unité 1030, 114, rue Édouard-Vaillant, 94805 Villejuif, France c UMR 1030, université Paris Sud 11, 114, rue Édouard-Vaillant, 94805 Villejuif, France d UMR 1030, institut de cancérologie Gustave-Roussy, 114, rue Édouard-Vaillant, 94805 Villejuif, France e Unité mixte de recherche « cellules souches et radiations », Inserm unité 967, 18, route du Panorama, 92265 Fontenay-aux-Roses cedex, France f UMR 967, institut de radiobiologie cellulaire et moléculaire (iRCM), direction des sciences du vivant, CEA, 18, route du Panorama, 92265 Fontenay-aux-Roses cedex, France g UMR 967, université Paris-Diderot Paris 7, 18, route du Panorama, 92265 Fontenay-aux-Roses cedex, France h UMR 967, université Paris Sud 11, 18, route du Panorama, 92265 Fontenay-aux-Roses cedex, France b

i n f o

a r t i c l e

Historique de l’article : ´ 2010 Rec¸u le 1er decembre Rec¸u sous la forme révisée 25 janvier 2011 Accepté le 28 janvier 2011 Disponible sur Internet le 18 mai 2011 Mots clés : Radiothérapie Séquelles Pharmacomodulation Effets secondaires tardifs

r é s u m é Par leur caractère irréversible et leur impact sur la qualité de vie, les effets secondaires tardifs qui se développent au niveau des tissus sains constituent un facteur limitant de la radiothérapie. L’irradiation est à l’origine de dérèglements biologiques multiples qui peuvent aboutir à la constitution progressive des complications dont la fibrose fait partie. Nous proposons ici de faire le point sur les mécanismes physiopathologiques et moléculaires récemment caractérisés et impliqués dans la genèse de la toxicité radio-induite tardive qui ouvrent de nouvelles perspectives thérapeutiques de pharmacomodulation. © 2011 Société française de radiothérapie oncologique (SFRO). Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

a b s t r a c t Keywords: Radiotherapy Sequelae Pharmacomodulation Late effect

After normal tissue exposure to radiation therapy, late side effects can occur and may reduce patients’ quality of life due to their progressive nature. Late toxicities occurrence is the main limiting factor of radiotherapy. Various biological disorders related to irradiation are involved in the development of late toxicities including fibrosis. The present review will focus on the recent physiopathological and molecular mechanisms described to be involved in the development of late radio-induced toxicities, that provide therapeutic perspective for pharmacomodulation. © 2011 Société française de radiothérapie oncologique (SFRO). Published by Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

1. Introduction L’objectif de la radiothérapie est d’obtenir un contrôle tumoral durable, et ce, grâce à une dose totale maximale, tout en préservant au maximum les tissus sains adjacents. L’amélioration de l’indice thérapeutique peut être envisagée selon deux stratégies : (i) optimisation du contrôle tumoral par progrès balistiques, poten-

∗ Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (C. Bourgier).

tialisation des effets des rayonnements ionisants par l’utilisation d’agents radiosensibilisants ; (ii) réduction de l’incidence des effets secondaires radio-induits (séquelles) par l’utilisation de techniques d’irradiation sophistiquées ou par une meilleure connaissance des mécanismes moléculaires impliqués dans la genèse de la toxicité permettant ainsi leur pharmacomodulation. Cette revue propose de faire une mise au point des mécanismes physiopathologiques et moléculaires récemment impliqués dans la toxicité radio-induite, en particulier la fibrose radio-induite, pour aboutir à de nouvelles stratégies thérapeutiques perspicaces axées sur un rationnel biologique.

1278-3218/$ – see front matter © 2011 Société française de radiothérapie oncologique (SFRO). Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.canrad.2011.01.008

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2. Histopathologie de la fibrose radio-induite En réponse à un traumatisme, la cicatrisation dans les conditions physiologiques est une étape essentielle permettant la conservation de la fonctionnalité de l’organe lésé. Cependant, cette cicatrisation peut parfois être anormale, conduisant soit à une perte de substance (ulcération, fistule), soit à un excès de cicatrisation (fibrose). Cette fibrose se caractérise par une accumulation excessive de collagène et d’autres composants de matrice extracellulaire résultant d’une balance synthèse/dégradation de la matrice extracellulaire non équilibrée. Celle-ci est constituée de protéines (collagène, élastine), de glycoprotéines et protéoglycanes (fibronectine, laminine, tenascine) et de glycosaminoglycanes (héparine, chondroitine sulphates). La matrice est un support architectural permettant l’adhésion cellulaire, la communication intercellulaire, échange des molécules diffusibles et est un véritable réservoir de cytokines, en particulier TGF-␤1 (transforming growth factor) [1]. Le processus cicatriciel peut être partiellement assimilé au processus de cicatrisation post-traumatique. Cependant, la cicatrisation radio-induite possède des spécificités intrinsèques dues à la nature des lésions induites par les rayonnements ionisants [2,3]. Ces derniers engendrent la production de radicaux libres ayant des effets délétères immédiats pour les cellules entraînant (i) des dommages à l’ADN, (ii) une activation des médiateurs de la coagulation et modification des cellules endothéliales (sans interruption des vaisseaux sanguins) associées à une vasoconstriction, (iii) une inflammation avec augmentation de la perméabilité vasculaire et vasodilatation, (iv) des dommages épithéliaux associés à une repopulation des cellules épithéliales et (v) à une perte de la fonction de barrière des cellules de la membrane basale. L’ensemble de ces processus conduit à une inflammation majorée associée à un retard de la ré-épithélialisation. En réponse aux rayonnements ionisants délivrés à dose de 2 Gy par fraction pour une dose totale de 54–66 Gy, cette inflammation semble être moindre en intensité mais n’a pas été correctement caractérisée à ce jour. Dans le côlon, l’ulcération est majeure après deux semaines de traitement puis régresse significativement entre deux et six semaines alors que l’irradiation se poursuit et que se développent les symptômes (diarrhée) en fin de traitement [4]. 3. Mécanismes impliqués dans la genèse et le maintien de la fibrose radio-induite L’existence d’une relation entre la dose délivrée et la sévérité des complications selon une courbe sigmoïde dose-effet est depuis très longtemps reconnue en radiothérapie [5]. Toutefois, aucun lien n’a été établi à ce jour entre la toxicité aiguë et la toxicité tardive. Chronologiquement, différentes hypothèses ont été émises afin d’expliquer l’origine et le maintien de la fibrose radio-induite : origine strictement vasculaire dans les années 1960, origine stromale dans les années 1980 et origine épithéliale dans les années 2000 [6–9]. Depuis, la caractérisation des mécanismes tissulaires cellulaires et moléculaires impliqués dans la genèse et le maintien de la toxicité radio-induite montrent clairement que cette compartimentation est dépassée et que la genèse des complications est un processus cicatriciel complexe impliquant l’ensemble des compartiments cellulaires de manière coordonnée. 3.1. Contexte génétique : radiosensibilité individuelle L’exposition des tissus aux rayonnements ionisants engendre des lésions directes de l’ADN (simple- et double-brin), la production d’espèces oxygénées réactives toxiques pour les cellules tumorales mais également pour les tissus sains adjacents. Alors que les paramètres d’irradiation correspondent aux normes préconisées,

certains patients (moins de 5 %) voient se développer des effets aigus et tardifs plus ou moins importants. Il existe donc des facteurs intrinsèques de radiosensibilité individuelle qui conduisent à ces réactions [10–13]. Depuis de nombreuses années, la réparation défectueuse de l’ADN est incriminée dans la genèse de la toxicité aiguë, ainsi les patients porteurs d’une mutation homozygote d’ATM (syndrome d’ataxie-télangiectasie) sont hypersensibles [12,14]. Ces patients souffrent de lésions aiguës radio-induites sévères mettant en jeu leur pronostic vital. L’implication de ces mécanismes dans les processus de fibrogenèse reste cependant à être démontrée. 3.2. Mécanismes épigénétiques Les tissus sains sont constitués de différents types cellulaires tous impliqués dans la genèse et/ou le maintien de la fibrose radioinduite : (i) le compartiment épithélial par rupture de la barrière entre le soi et le non-soi, (ii) le compartiment endothélial par déséquilibre des facteurs de coagulation [3,15–17], (iii) le système inflammatoire et immunitaire par production de cytokines inflammatoires, d’interleukines, de tumor necrosis factor-␣ (TNF-␣) [18] et (iv) le compartiment mésenchymateux par production des cytokines profibrosantes telles que TGF-␤1 conduisant à une activation chronique des myofibroblastes et à une synthèse accrue de matrice extracellulaire [19]. 4. Acteurs de la fibrose Des progrès biologiques importants ont été réalisés ces dix dernières années dans la compréhension des mécanismes physiopathologiques cellulaires et moléculaires impliqués dans la genèse et le maintien de la fibrose radio-induite. Chaque acteur cellulaire contribue à la pathogenèse et les mécanismes sont intrinsèquement liés les uns aux autres (Fig. 1). 4.1. Acteurs cellulaires Le compartiment mésenchymateux tient un rôle essentiel dans le maintien de la fibrose par une activation chronique des myofibroblastes, acteurs cellulaires principaux de la fibrose radio-induite, et une synthèse accrue de matrice extracellulaire. La fibrose cutanée est le modèle physiopathologique le plus étudié. Brièvement, les fibroblastes du tissu de granulation, de phénotype non contractile et non sécrétoire, vont en présence de tensions mécaniques acquérir le phénotype de proto-fibroblastes (constitués de fibres de stress exprimant de l’actine cytoplasmique). Puis, la transdifférenciation de ces proto-myofibroblastes en myofibroblastes différenciés s’effectuera qu’en présence d’au moins trois facteurs : (i) persistance des tensions mécaniques, (ii) accumulation de TGF␤1 (sécrété par les plaquettes, les macrophages et les cellules mésenchymateuses) et (iii) présence de protéines de la matrice extracellulaire issues d’un épissage alternatif, la fibronectine ED-A [19]. Ces myofibroblastes sont alors caractérisés par un phénotype à la fois contractile et sécrétoire [20]. Les myofibroblastes jouent un rôle clé dans la genèse et le maintien de la fibrose radio-induite, en particulier parce qu’ils synthétisent les protéines de la matrice extracellulaire telles que le collagène (de type III et I), la fibronectine [21–23]. Les myofibroblastes sont à la fois issus des fibroblastes, mais également des cellules épithéliales, endothéliales et musculaires lisses par transition épithéliomésenchymateuse (epithelial–mesenchymal transition [EMT]) [24]. En réponse à une inflammation chronique, il existe une réponse immunitaire adaptative. Ainsi des cytokines fibrogéniques sont capables également d’activer les fibroblastes, en particulier interleukine (IL)-4 et IL-13. L’irradiation des tissus engendre une réaction inflammatoire précoce qui permet le recrutement des

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Fig. 1. Mécanismes cellulaires et moléculaires impliqués dans la fibrose radio-induite.

cellules : (i) impliquées dans le processus de cicatrisation des ulcérations générées par une déplétion plus ou moins importante du compartiment épithélial et par dégradation de la matrice extracellulaire ; (ii) de l’immunité afin de lutter contre les agressions extérieures. Cette réponse inflammatoire chronique radio-induite est associée à une activation du système immunitaire inné, en particulier les lymphocytes T CD4+ auxiliaires (ou T helper) et à une différenciation lymphocytaire dépendante du microenvironnement : balance lymphocytes T CD4+/Th1 et CD4+/Th2 [25]. Le profil CD4+/Th1, caractérisé par une synthèse d’interféron ␥ (IFN␥), d’IL-2 et de TNF-␤, oriente la cicatrisation via la dégradation de collagènes vers un processus non pathologique. En revanche, le phénotype polarisé Th2, caractérisé par une sécrétion d’IL-4, 5, 6, 10, 13 et de TGF-␤1 , est profibrosant conduisant la cicatrisation via une accumulation de collagène vers un processus pathologique [18]. Bien qu’il semble que le maintien de la fibrose serait en partie dû à une réponse inflammatoire chronique, la signification de la lymphocytose dans la fibrose reste encore à ce jour incomprise. Les lésions vasculaires sont un des plus anciens postulats expliquant les lésions radio-induites et jouent une rôle prépondérants dans les complications tardives de la radiothérapie par augmentation de la perméabilité vasculaire des protéines, telles que l’albumine et le fibrinogène, responsable d’un dépôt de fibrine extracellulaire, conduisant à la fibrogenèse [7,26,27]. Par ailleurs, l’interaction des espèces radicalaires de l’oxygène (ROS) avec le compartiment endothélial peut être impliquée dans la constitution de toxicité radio-induite en entraînant (i) une modification phénotypique des cellules endothéliales (apparition de molécules d’adhésion et inactivation de la thrombomoduline à la surface des cellules endothéliales) [28–33], (ii) une activation des médiateurs pro-inflammatoires, (iii) une production accrue de thrombine. Ce déséquilibre thrombine/thrombomoduline favorise la production de TGF-␤1 et une prolifération accrue de cellules musculaires lisses. Ces modifications aboutissent à l’activation accrue du système de la coagulation (environnement pro-coagulant) et d’un endothélium discontinu, responsable de la formation de microthrombus, puis d’occlusion vasculaire et d’extravasation des leucocytes et des cellules inflammatoires au sein du stroma [3,15–17]. Certaines

complications tardives radio-induites, telles que les télangiectasies, résultent de ces lésions endothéliales initiales [34]. Enfin, le compartiment épithélial réagit également en réponse aux rayonnements ionisants selon la « théorie de la cellule cible ». Au cours de ces dernières années, les effets secondaires des rayonnements ionisants ont été structurés schématiquement en fonction de l’organisation tissulaire et des caractéristiques radiobiologiques des cellules lésées « cellules cibles » (radiosensibilité, capacité de réparation de l’ADN, taux de prolifération). Ainsi, les complications tardives, dues à des effets précoces radio-induits sévères, ont été décrites comme étant la conséquence de la radiothérapie sur les tissus à fort taux de renouvellement cellulaire (épithélium, moelle osseuse, microvascularisation) : « consequential late effect » [9]. Cliniquement, ils apparaissent dans les heures ou les jours qui suivent l’irradiation. Leur physiopathologie serait expliquée par la mort des cellules différenciées, non remplacées par les cellules provenant du compartiment progéniteur détruit ou altéré par l’irradiation. Parallèlement, les effets tardifs résulteraient de l’interaction des rayonnements ionisants avec les tissus à faible taux de renouvellement cellulaire (tissu conjonctif, cellules du mésenchyme majoritairement quiescentes), où l’expression des dommages apparaîtrait lorsque les cellules entreront de nouveau en mitose. 4.2. Voies de signalisation impliquées dans la fibrose radio-induite Les voies de signalisation impliquées dans la fibrose radioinduite sont présentées sur la Fig. 2. 4.2.1. Voie TGF-ˇ1 /Smad L’activation du TGF-␤1 peut suivre deux voies : une voie transcriptionnelle et une voie post-traductionnelle. En effet, un des mécanismes d’activation de TGF-␤1 passe par l’action directe des rayonnements ionisants au niveau de la transcription du gène TGF-␤1 par l’induction de facteurs de transcription, en particulier ceux de la famille AP-1 [35,36]. Par ailleurs, la matrice extracellulaire est un véritable réservoir de la forme inactive de TGF-␤1 ,

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Fig. 2. Voies de signalisation moléculaires impliquées dans la fibrose radio-induite. FC : facteur de croissance.

qui sous l’action du stress oxydatif libère du TGF-␤1 sous forme active par clivage de sa forme latente [37,38]. L’activation du TGF␤1 déclenche alors la synthèse de collagène, puis dans le cadre d’un processus de cicatrisation chronique, une boucle autocrine (impliquant d’autres facteurs de croissance comme le connective tissue growth factor [CTGF]) entretient ce mécanisme. C’est pourquoi les stratégies thérapeutiques ciblant la voie TGF-␤1 (petites molécules inhibitrices, récepteurs II solubles au TGF-␤1 , anticorps bloquants) sont en cours de développement [39,40], mais leur administration devrait être très ciblée (organe et temps) car TGF-␤1 possède un rôle essentiel dans le maintien de l’homéostasie. Ainsi, le véritable enjeu est d’évaluer comment les signaux fibrogéniques sont maintenus dans le temps et quelles sont les voies de signalisation impliquées dans le processus fibrogénique afin de les cibler spécifiquement, éventuellement par des combinaisons thérapeutiques. 4.2.2. Voie Rho/CTGF/MEC Le CTGF est l’un des principaux effecteurs du TGF-␤1 lors de l’activation des fibroblastes. L’intestin grêle radique a été un des premiers modèles de fibrose radio-induite dont le profil d’expression génique a été généré. Cette caractérisation génique a montré qu’au sein de cette fibrose radio-induite il existe une surexpression du gène codant pour le CTGF associée à une dérégulation de la voie Rho, avec en particulier une augmentation du gène codant pour la protéine Rho [41]. Or la voie Rho est impliquée dans différents modèles de fibrose non radio-induite en empêchant (i) la migration des cellules inflammatoires (macrophages, polynucléaires neutrophiles et fibroblastes) dans la fibrose pulmonaire ; (ii) la formation des fibres de stress dans des modèles de fibrose pulmonaire et rénale [42–45] ; (iii) et la différenciation myofibroblastique dans un modèle de fibrose hépatique [46]. Il a été récemment montré que la voie Rho/ROCK/CTGF/remodelage de la matrice extracellulaire est également impliquée dans le maintien de la fibrose radio-induite [47–51]. 4.2.3. Voie PDGF/PDGFR Le platelet-derived growth factor (PDGF) est un des constituants plasmatiques qui peut être sécrété par les macrophages, les cellules épithéliales et endothéliales [52–55]. Il s’assemble en hétérodimère (PDGF-AB) ou en homodimère (PDGF-AA, PDGF-BB, PDGF-CC et PDGF-DD) [56–58]. PDGF-BB est un agent mitogénique qui partage des propriétés biologiques similaires à TGF-␤1 dans certaines conditions [59]. Après irradiation ou inflammation chronique, PDGF-BB est fortement sécrété, en particulier en cas de

fibrose pulmonaire radio-induite [60,61]. PDGFR-a est transactivé par TGF-␤1 et est impliqué dans les processus de prolifération myofibroblastiques et la matrice extracellulaire, en particulier par les voies de signalisation PI3K [phosphatidyl inositol 3 kinase], Ras/MAPK [mitogen activated protein kinase] and PLC␥ [phospholipase C] [62,63]. Récemment, l’utilisation d’inhibiteurs de récepteurs tyrosine kinase (RTKI) interagissant en partie avec la voie de signalisation PDGF/PDGFR permet de diminuer la fibrose pulmonaire radio-induite in vivo [64]. 4.2.4. Autres voies de signalisation IGF/IGF1R, EGF/EGFR, TNF-˛ et FGF-2 L’insulin-like growth factor 1 (IGF1) est un facteur de croissance impliqué dans le développement et l’homéostasie de nombreux organes, mais également comme facteur inhibant l’apoptose et stimulant la prolifération cellulaire [65–67]. Il a été récemment démontré qu’IGF1R permettait d’une part de réguler la survie et la migration des fibroblastes d’origine pulmonaire et, d’autre part, que son inhibition diminuait la fibrose pulmonaire non radioinduite [68]. D’autres voies de signalisation semblent également être impliquées dans la genèse et/ou le maintien de la fibrose non radio-induite telles que la voie EGFR [epidermal growth factor receptor] dans la fibrose cardiaque ou TNF-␣ et fibroblast growth factor 2 (FGF-2) [65,69]. 5. Pharmacomodulation des tissus sains Les différentes étapes de la fibrogenèse peuvent faire l’objet de cibles thérapeutiques (Fig. 3). Il est souhaitable de développer des traitements à visée préventive : « traitements anti-fibrogéniques », mais l’on sait aujourd’hui que les processus de fibrose sont réversibles. En effet, il a été montré que les cellules du mésenchyme possédaient d’une part une certaine plasticité et, d’autre part, que la fibrose est un processus dynamique et réversible ayant fait l’objet de développement de « traitements fibrolytiques » [70,71]. Enfin, limiter l’évolution et la progression de la fibrose constituée vers un tissu acellulaire riche en matrice extracellulaire avec un « traitement fibrostatique » est également possible. Différents axes de recherche concernant le développement d’une thérapeutique antifibrosante s’effectuent autour de quatre grands axes : (i) traitement visant à limiter la différenciation et la prolifération des cellules activées du mésenchyme ; (ii) cibler les cytokines ou les récepteurs de cytokines impliqués dans le développement et le maintien de la fibrose ; (iii) maîtriser la synthèse de matrice extracellulaire ; (iv) piéger les espèces réactives de l’oxygène.

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Fig. 3. Modulation pharmacologique de la fibrose radio-induite.

5.1. Stratégies top-down Jusqu’à présent, les stratégies anti-fibrosantes s’appuyaient sur une constatation clinique, i.e. l’existence d’une fibrose, et proposaient un traitement pharmacologique empirique visant à traiter cette fibrose. Ainsi, la super-oxyde dismutase (SOD) a été utilisée dans les années 1985–1990 par Baillet, Lefaix et Delanian, qui ont été les premiers à mettre en évidence une diminution significative de 57 % des territoires de fibrose cutanée après traitement par SOD Cu/Zn bovine (per os) dans le cadre d’un essai de phase II [70,71]. Cependant, ce traitement par SOD a été définitivement interrompu en raison du risque de transmission d’encéphalopathie spongiforme d’origine bovine. Par la suite, S. Delanian a étudié l’association vitamine E/pentoxifylline comme traitement anti-fibrosant dont la pentoxifylline est connue pour son action anti-inflammatoire associée à une dégradation des composants de la matrice extracellulaire tels que le collagène [72]. Delanian et al. ont montré à plusieurs reprises une efficacité de cette stratégie anti-fibrosante, corroborée par l’équipe d’Okunieff qui a récemment montré une amélioration fonctionnelle de la mobilité en territoire de fibrose grâce à ce traitement [73–79]. Cependant, cette efficacité a été remise en question devant l’absence de reproductibilité par d’autres équipes médicales [80,81]. En revanche, il est reconnu que la vitamine E possède une action antioxydante qui pourrait exercer un rôle protecteur de la fibrose radio-induite en captant les radicaux libres émis par l’irradiation. Laurent et al. ont mis en évidence une diminution de la production des espèces réactives de l’oxygène dans des fibroblastes et dans des cellules issues

de la microvascularisation associée à une réduction du nombre de cassures double brin de l’ADN [82,83], mais le lien entre les cassures de l’ADN et le développement des fibroses radio-induites reste à être démontré. Les bases radiobiologiques de cette association thérapeutique n’ont pas encore été élucidées et sont actuellement en cours d’investigation. Cette modulation pharmacologique top-down a également visé à limiter les facteurs dits aggravants de la fibrose radio-induite. Ainsi, l’utilisation des corticoïdes ou des anti-inflammatoires non stéroidiens (AINS) a été étudiée pour contrôler l’inflammation radio-induite. Ces anti-inflammatoires se sont révélés peu efficaces dans la prévention ou la diminution de la fibrose radio-induite [84–87]. L’oxygène hyperbare n’a pas montré une réelle efficacité pour ralentir ou diminuer la fibrose radio-induite [88,89]. 5.2. Stratégie bottom-up À l’inverse de la précédente stratégie, il s’agit ici d’étudier et de caractériser les mécanismes moléculaires impliqués dans la fibrose radio-induite. Il est alors ainsi possible de proposer une modulation pharmacologique personnalisée qui va les cibler spécifiquement : l’ère de la médecine personnalisée des tissus sains. L’inhibition de la voie Rho/ROCK/CTGF/MEC via les statines ou via des inhibiteurs spécifiques de ROCK permet de reverser le phénotype fibrogénique in vitro et ex vivo sur des lignées cellulaires et explants d’origine humaine, et limite la progression des fibroses établies voire reverse la fibrose établie in vivo (Fig. 4) [47,48,50]. Plus récemment l’inhibition du CTGF grâce à un anticorps monoclonal (Fibrogen)

Fig. 4. Voie de signalisation RHO/ROCK. CTGF : connective tissue growth factor ; CML : cellules musculaires lisses ; MEC : matrice extracellulaire.

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a également montré une efficacité anti-fibrosante remarquable dans le cadre des fibroses pulmonaires radio-induites chez la souris [90]. Outre la modulation pharmacologique des statines sur le compartiment mésenchymateux, il existe aujourd’hui un faisceau d’arguments forts sur l’utilisation des statines comme agent anti-fibrosant de part leur action sur les cellules de l’inflammation et sur le compartiment endothélial [47,48,50,91–98]. Par ailleurs, cette pharmacomodulation des tissus sains par les statines n’est pas tissu-spécifique et ne semble pas promouvoir la croissance tumorale [50,92]. La pharmacomodulation des tissus sains en ciblant spécifiquement la voie Rho/ROCK/CTGF reste à être évaluée prospectivement dans le cadre d’un essai de phase II (PRAVA-CUR, no EudraCT : 2009-017000-83). 6. Conclusion Le risque de toxicité radio-induite tardive est actuellement difficilement identifiable à l’échelle individuelle. La compréhension des mécanismes impliqués dans le développement et le maintien de la fibrose radio-induite est indispensable pour la gestion de ses effets secondaires. L’optimisation thérapeutique via (i) l’escalade de dose de radiothérapie dans certaines maladies ou (ii) l’association thérapeutique radiothérapie/chimiothérapie, hormonothérapie et thérapies ciblées peut accroître l’incidence de la fibrose [99]. À l’ère des traitements personnalisés anti-tumoraux, il est aujourd’hui indispensable de développer des stratégies personnalisées visant les tissus sains pour amplifier l’effet différentiel. Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article. Références [1] Barcellos-Hoff MH. How do tissues respond to damage at the cellular level? The role of cytokines in irradiated tissues. Radiat Res 1998;150:S109–20. [2] Rodemann HP, Blaese MA. Responses of normal cells to ionizing radiation. Semin Radiat Oncol 2007;17:81–8. [3] Denham JW, Hauer-Jensen M. The radiotherapeutic injury: a complex ‘wound’. Radiother Oncol 2002;63:129–45. [4] Hovdenak N, Fajardo LF, Hauer-Jensen M. Acute radiation proctitis: a sequential clinicopathologic study during pelvic radiotherapy. Int J Radiat Oncol Biol Phys 2000;48:1111–7. [5] Holthusen H. Erfahrungen über die verträglichkeitsgrenze für röntgenstrahlen und deren nutzanwendung zur verhütung von schäden. Strahlentherapie 1936;57:254–69. [6] Cosset JM. Effets secondaires des rayonnements sur les tissus sains et organes à risque. Cancer Radiother 2010;14:228–31. [7] Rubin P, Casarett G. Clinical radiation pathology. Philadelphia: Saunders; 1968. [8] Withers HC, Peters LJ, Kogelnick HD. Radiation biology in cancer research. New York: Raven Press; 1980. [9] Dorr W, Hendry JH. Consequential late effects in normal tissues. Radiother Oncol 2001;61:223–31. [10] Bentzen SM, Overgaard J. Patient-to-patient variability in the expression of radiation-induced normal tissue injury. Semin Radiat Oncol 1994;4:68–80. [11] Bristow RG, Benchimol S, Hill RP. The p53 gene as a modifier of intrinsic radiosensitivity: implications for radiotherapy. Radiother Oncol 1996;40:197–223. [12] Morgan JL, Holcomb TM, Morrissey RW. Radiation reaction in ataxia telangiectasia. Am J Dis Child 1968;116:557–8. [13] Gatti RA. The inherited basis of human radiosensitivity. Acta Oncol 2001;40:702–11. [14] Shiloh Y. ATM and related protein kinases: safeguarding genome integrity. Nat Rev Cancer 2003;3:155–68. [15] Molla M, Gironella M, Miquel R, Tovar V, Engel P, Biete A, et al. Relative roles of ICAM-1 and VCAM-1 in the pathogenesis of experimental radiation-induced intestinal inflammation. Int J Radiat Oncol Biol Phys 2003;57:264–73. [16] Molla M, Panes J. Radiation-induced intestinal inflammation. World J Gastroenterol 2007;13:3043–6. [17] Molla M, Panes J, Casadevall M, Salas A, Conill C, Biete A, et al. Influence of dose-rate on inflammatory damage and adhesion molecule expression after abdominal radiation in the rat. Int J Radiat Oncol Biol Phys 1999;45:1011–8. [18] Wynn TA. Fibrotic disease and the T(H)1/T(H)2 paradigm. Nat Rev Immunol 2004;4:583–94.

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