Archives de ptdiatrie 10 Suppl. 5 (2003) 592~~598s
ELSEVIER
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Nouveaux antifongiques : voriconazole et caspofungine New antifungal agents: voriconazole and caspofungin B. DuPont* HGpital
Necker,
maladies
infectieuses
et tropicales,
149, rue de S&es,
75015 Paris,
France
R&urn6 Parmi les nouveaux antifongiques disponibles, le voriconazole est un nouveau triazolC qui dispose d’une forme intraveineuse et orale, et la caspofungine est une Cchinocandine, nouvelle famille ayant un nouveau mode d’action sur la paroi fongique. Seule une forme g usage intraveineux est disponible. Ces deux produits ont un large spectre couvrant la majorit des pathogbnes : Cundidu et Aspergillus, y compris les espkces peu sensibles ou rksistantes aux autres antifongiques. Le voriconazole est Cgalement actif sur certains Scedosporium et Fusarium. L’efficacitC de ces molCcules a CtC Btablie in vitro et in vivo dans divers modkles d’infection expkrimentale chez des animaux normaux et immunodCprimCs. Le voriconazole est actif dans les candidoses oropharyngCes et cesophagiennes, dans les candidoses invasives rkfractaires et dans les aspergilloses invasives ofi il se place parmi les mhdicaments de premikre intention. C’est Cgalement un traitement recommandC pour les infections g Scedosporium et g Fusarium. La caspofungine est active dans les candidoses oropharyngCes et oesophagiennes, dans les candidoses invasives ofi elle se place parmi les produits les plus efficaces chez les patients non neutropCniques. Elle est efficace dans le traitement des aspergilloses invasives rkfractaires. La place de ces molCcules en traitement empirique des neutropknies f6briles devrait logiquement &tre restreinte au sous-groupe des patients les plus g risque d’infection fongique. La tolCrance est bonne, les effets secondaires sont rarement une cause d’arr&t de traitement, les interfkrences mCdicamenteuses avec le voriconazole sont celles de la famille des azol&. Ces molCcules ouvrent un important champ d’investigation dans le cadre d’association d’antifongiques. 0 2003 Elsevier SAS. Tous droits rCservCs.
Abstract Among new available antifungal agents voriconazole is a new triazole with an intravenous (IV) and oral formulation, and caspofungin is an echinocandin, new family with a new mode of action on the cell wall. It is available as an IV preparation. Both drugs have a broad spectrum targeting most of the usual pathogens : Cundidu and Aspergillus, even with low suceptibility or resistance to other antifungals. Voriconazole is also active on Scedosporium and Fusarium. The efficacy of these molecules was established in vitro and in experimental infections in animals either normal or immunosuppressed. Voriconazole is active in oropharyngeal and esophageal candidiasis, in refractory invasive candidiasis and as a first line treatment of invasive aspergillosis with better results than amphotCricine B. It was also effective in scedosporiosis and in fusariosis. Caspofungin is active in oropharyngeal and esophageal candidiasis, in invasive candidiasis ranking among the best drugs in non neutropenic patients. It was shown effective in refractory aspergillosis. As empirical treatment of febrile neutropenic patients, these molecules should probably be restricted to
* Correspondance. Adresse e-mail :
[email protected] (B. DuPont).
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the highest risk-population. Safety is good, side effects are a rare causeof discontinuation of treatment, classspecificdrug-drug interactions occur with voriconazole. These moleculesopen an important field of investigations with combination of antifungal agents. 0 2003 Elsevier SAS.All rights reserved. Mats-cl&: Antifongiques; Voriconazole; Caspofungine Keywords:
Antifungalagents;Thiazoles;Caspofungin;Antibiotics,peptid
Apres le ketoconazole, premier derive azole systemique disponible par voie orale dans les anttees 1970, puis le fluconazole et l’itraconazole dans les an&es 1980, le voriconazole, le posaconazole et le ravuconazole representent les trois derniers-nCs de cette nombreuse famille. Ces trois dtriVCSont en commun un spectre Clargi a toutes les especes de Cundidu et a de nombreux champignons filamenteux dont les Aspergillus, couvrant ainsi la grande majorite des pathogenes. Seul le voriconazole (Vfend@) a une autorisation de mise sur le marche, les deux autres sont encore en essai clinique.
Parmi les champignons ftlamenteux tous les Aspergillus sont sensibles dont A. terreus parfois resistant a l’amphotericine B. Le type d’action est plutot fongicide. Pseudallescheria boydii (forme sexute de Scedosporium apiospermum) est sensible, l’espece Scedosporium prolifcans est plus rtsistante. D’autres espbces de champignons peuvent Ctre sensibles : Fusarium sp., Paecilomyces sp., Alternaria sp., Bipolaris sp. notamment. Les zygomycetes responsables de mucormycoses sont resistants [4-51. Parmi les agents dimorphiques responsables des mycoses endemiques, Histoplasma capsulatum, Blastomyces dermatitidis et Coccidioides immitis sont sensibles, la molecule est moins active sur Sporothrix schenckii [3].
1. Voriconazole I .3. Pharmacocine’tique 1.1. Mode d’action Commun aux derives azolts, le mode d’action est l’inhibition de synthese de l’ergosterol en bloquant la dCmCthylase du 14a-lanosttrol par inhibition du cytochrome P450. Les plus ou moins grandes affinite et analogie de conformite pour le substrat rendent compte du type d’action fongistatique ou fongicide. I .2. Spectre d ‘action Le spectre d’action est large : tous les Cundidu sont sensibles, y compris les souches ayant acquis une resistance au fluconazole ou intrinsequement partiellement resistantes comme C. glabrata ou totalement resistantes comme C. krusei. Les concentrations minimales inhibitrices (CMI) du voriconazole sur les souches rtsistantes au fluconazole sont souvent plus hautes que celles des souches resdes sensibles au fluconazole, mais elles se situent a un niveau accessible au voriconazole. Pour les souches sensibles aux deux antifongiques, les CM1 du voriconazole sont plus basses, toutefois la correspondance in vivo n’a pas etC Ctablie et les concentrations seriques de fluconazole sont plus ClevCes que celles du voriconazole. Candida dubliniensis et C. lusitaniw sont sensibles. Parmi les autres levures ou champignons levuriformes, Cryptococcus neoformans, Trichosporon asahii et Saccharomyces cerevisie sont sensibles. In vitro, l’action sur les levures est de type fongistatique [l-3].
Le voriconazole est disponible par voie intraveineuse solubilise grace a une cyclodextrine (le sulfobutyl-ether de P-cyclodextrine sodique) et par voie orale sous la forme de cornprimes. Chez l’adulte, en utilisant la voie intraveineuse, l’etat d’equilibre est obtenu en 5 a 6 jours. Pour obtenir l’etat d’equilibre en 24 h, la posologie recommandee pour la voie intraveineuse chez l’adulte et l’enfant est de 6 rng.kgm’.12 h-r le premier jour suivie de 4 mg.kg-I.12 h-’ les jours suivants. La durte de perfusion est de 1 a 2 heures. Avec une posologie de 3 a 6 mg.kg-r.jj’ les taux striques sont de 3 a 6 pg/ml [6-71. Par voie orale, la biodisponibilite est superieure a 90 % si l’antifongique est administre au moins 1 heure avant ou 1 heure apt& un repas. Les aliments riches en graisses diminuent l’absorption, le pH gastrique n’interfere pas avec la pharmacocidtique. La dose de charge par voie orale chez l’adulte pour obtenir l’etat d’equilibre en 24 heures est de 400 mg matin et soir le premier jour puis demi-dose : 200 mg/12 h les jours suivants. Les taux seriques obtenus sont d’environ 2 a 3 pg/ml a l’etat d’tquilibre. Chez les adultes dont le poids est inferieur a 40 kg la posologie orale doit Ctre reduite de moitie. La pharmacocinetique n’est pas lineaire chez l’adulte : un doublement de la posologie multiplie par quatre l’aire sous la courbe. Chez l’enfant, l’elimination est lineaire et des posologies plus ClevCes peuvent &tre utilisees [8]. La liaison aux proteines seriques est de 58 %. La diffusion dans le liquide cephalorachidien (LCR) est d’environ 50 % des taux seriques simultants. Moins de 5 % du produit actif est CliminC par les urines. Le solvant dextrinique de la
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forme a usage intraveineuse est un polysaccharide totalement CliminC par voie r&ale avec une clairance t&s rapide. Pour cette raison, la voie intraveineuse est theoriquement deconseillee en cas de clairance a la crtatinine inferieure a 50 mYmin. 1.4. Mktabolisme Le mttabolisme du voriconazole a lieu dans le foie sous l’influence de plusieurs isoenzymes du systeme des cytochromes P450 : principalement CYP2C19 mais aussi CYP2C9 et CYP3A4. L’activite du CYP2C19 a un determinisme genetique important : environ 20 % des sujets asiatiques ont une activite enzymatique CYP2C19 de faible niveau et les patients homozygotes peuvent avoir des taux seriques 4 fois plus Clevts que les patients metabolisant plus fortement le voriconazole. Ces differences gtnetiques dans l’aptitude a metaboliser l’antifongique pourraient rendre compte des variations des caracttristiques pharmacocinetiques entre differents sujets. Toutefois, les metaboliseurs lents sont peu frequents dans la population caucasienne et de race noire. En raison du metabolisme htpatique de la molecule l’existence d’une insuffisance hepatique mod&e (score de Child-Pugh a 7-9) est une indication pour diminuer la posologie de moitie saris modifier la dose de charge du premier jour. 11n’y a pas d’information concernant l’utilisation du voriconazole en cas d’insuffisance hepatique severe. 1.5. Effets secondaires Les effets secondaires les plus frequents sont les manifestations visuelles jusqu’alors inconnues avec cette famille d’antifongiques. Elles surviennent chez environ 30 % des patients et sont benignes. 11s’agit de brillance exageree des objets, de photophobie, de vision trouble et d’images colorees dans le champ visuel. Ces manifestations surviennent environ 30 minutes apres administration du produit et durent approximativement 30 minutes. Elles peuvent disparaitre en quelques jours malgre la poursuite du traitement ou durer jusqu’a l’arret du voriconazole. 11 n’y a pas de stquelles visuelles. Le mecanisme reste ma1 compris et concerne l’activite rttinienne et non cerebrale. Des hallucinations visuelles d’un mecanisme peut-&tre different ont CtCrapportees a hauteur de 5 % dans une etude [g-lo]. Le deuxieme effet secondaire en frequence est cutane sous forme de photosensibilisation, en particulier pour les traitements prolong& ambulatoires en zone ensoleillee. Des eruptions Crythtmateuses ou maculopapuleuses ont Cte rapportees et, a titre exceptionnel, un syndrome de StevensJohnson et une n&rose Cpidermique toxique. Dans I’ensemble, les manifestations d’intolerance sont tares et btnignes r9, 101. L’ClCvation des enzymes hepatiques est la troisieme manifestation d’intolerance. Elle peut concemer les transaminases ALAT et ASAT ou les phosphatases alcalines. Le
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risque toxique semble plus important pour les taux seriques les plus ClevCs. L’anomalie biologique est habituellement asymptomatique mais des hepatites toxiques graves ont tte rapportees. La surveillance des tests htpatiques est done necessaire au tours du traitement. Plus rarement ont ttC signal& : cephalees, troubles digestifs (nausees, vomissements, diarrhte, douleurs abdominales). Dans I’ensemble, il est rare de devoir interrompre un traitement par le voriconazole pour toxicitt ou intolerance [9, lo]. 1.6. Interactions mtfdicamenteuses Elles sont frequentes avec la famille des azoles. Le voriconazole n’y Cchappe pas. Les inducteurs des cytochromes P450 accelerent le catabolisme de I’antifongique et reduisent les taux seriques. C’est le cas de la rifampicine, des barbituriques a longue demi-vie et de la carbamazepine. La rifabutine a le m&me effet et, en outre, voit ses taux seriques augmenter pouvant conduire a la toxicitt ; les deux molecules ne doivent pas Ctre prescrites simultanement. 11en est de m&me pour la phtnytoi’ne dont les taux doivent &tre surveil& en cas d’association. Les drogues metabolistes par les cytochromes qui sont la cible du voriconazole voient leur demi-vie augmenter : tacrolimus, alcaloi’des de l’ergot de seigle, terfenadine, astemizole, quinidine et cisapride. Le risque de toxicite qui en resulte contre-indique l’association. La ciclosporine et les antivitamines K sont Cgalement potentialises : les dosages et la surveillance de la coagulation sont indispensables. L’effet d’autres molecules peut aussi &tre amplifie comme deja demontre avec d’autres dtriVCSazolts : statines, benzodiazepines, inhibiteurs calciques, sulfonylurees, inhibiteurs de la pompe a protons et alcalofdes de la pervenche. 11 n’a pas CtC montre d’interference avec la cimttidine, la digoxine, l’indinavir, les macrolides, le mycophenolate, la prednisone et la ranitidine. 1.7. Eficacite’ clinique I. 7. I. Candidoses Le voriconazole a Ctt compare au fluconazole dans une etude multicentrique randomisee de traitement d’cesophagite chez 391 patients immunodeprimes essentiellement stropositifs pour le VIH. Le voriconazole oral a 200 mg deux fois par jour a donnt des resultats favorables Cquivalents a ceux du fluconazole per OS: 200 mg une fois par jour, tant sur le plan clinique que cesophagoscopique, 98,3 contre 95,l % [9]. Dans une etude ouverte du traitement d’cesophagite ti Candida resistant au fluconazole chez 12 patients VIH positif, 7 patients ont CtCgutris en 1 a 2 semaines, 3 ont CtC ameliores et 2 sont en Cchec [ 111. Dans une etude ouverte de traitement de sauvetage chez 52 patients atteints de candidoses invasives refractaires aux traitements anterieurs, le voriconazole avec une posologie moyenne de 400 mg par jour pour une duree moyenne de 50 jours a permis d’obtenir une evolution favorable dans 56 %
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des cas, y compris pour Candida
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(70 %) et Can-
dida krusei (67 %) [12].
Une etude multicentrique randomisee comparant le voriconazole et l’amphotericine B dans les candidtmies des patients non neutropeniques est en tours.
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Des infections cryptococciques surtout meningees en tchec therapeutique ont repondu au voriconazole dans 39 % des cas (7118) [18]. Quelques observations anecdotiques ont montre une efficacite dans les mycoses exotiques. Le voriconazole n’est pas recommande dans les mucormycoses.
1.7.2. Aspergilloses
Une large etude intemationale et randomisee a compare le voriconazole (144 patients) a l’amphotericine B (133 patients) dans l’aspergillose invasive aigue - essentiellement (80 %) pulmonaire - chez des patients atteints majoritairement d’hemopathies malignes y compris des transplant& de cellules hematopoi’ttiques. En cas d’evolution defavorable ou de toxicitt, le traitement pouvait Ctre arr&tC au profit d’un autre antifongique commercialise dans cette indication. A la douzieme semaine de traitement par le voriconazole, les reponses partielles et completes etaient de 53 contre 32 % pour l’amphotericine B. Le taux de survie a 12 semaines Ctait de 71 contre 58 % [ 131. Ainsi, quand on a le choix entre le voriconazole et l’amphotericine B conventionnelle, il vaut mieux commencer par le voriconazole. Ce benefice en termes de survie classe le voriconazole parmi les molecules de premier choix en traitement de premiere intention des aspergilloses invasives. Une etude anterieure non comparative de 116 patients Cvaluables, en echec d’un traitement anttrieur ou trait& de novo par le voriconazole, indique un taux de rtponse favorable (partielle et complete) de 48 %, de 59 % pour les 60 patients trait& en premiere ligne et de 38 % pour les patients intolerants ou en tchec d’un traitement anterieur [ 141. Dans une serie de 19 infections osseuses aspergillaires traitees pour une duree mediane de 80,5 jours, 10 patients (52,6 %) ont eu une rtponse favorable : 3 reponses completes et 7 reponses partielles [ 151. Une analyse de 86 cas d’aspergilloses cbrebrales, pour la majorite refractaires a un traitement anterieur, revele un taux de reponse favorable de 34 % et une stabilite ou un tchec dans 66 % des cas. Ce resultat se compare favorablement au chiffre considerable de mortalitt connu pour cette localisation [ 161. Dans 36 cas d’infection B Scedosporium, peu sensible ou resistant a l’amphottricine B et oti le voriconazole a Ctt utiIisC en traitement de sauvetage, 63 % des patients avec une infection g S. apiospermum (forme sexute : Pseudallescheria boydii) et 29 % avec une infection B S. prolificans - le plus resistant des deux - ont eu une evolution favorable. Des resultats analogues ont &C publies en pediatric et des gdrisons de scedosporioses disseminees et d’atteintes cerebrales ont CtCrapportees [8, 17-181. Neuf patients sur 21 (43 %) atteints d’infections a Fusarium refractaires ou intolerantes a un traitement classique ont repondu au voriconazole [ 171. Un cas de ktratite dtt a ce champignon a rtpondu au traitement systemique et local associt a la chirurgie [ 191.
1.7.3. Traitement
empirique
des neutropenies
fe’briles
Dans cette etude, 415 patients ont CtCrandomises dans le bras voriconazole (6 puis 3 mg.kg-‘.j-I) et 422 dans le bras amphotericine B liposomale (3 mg.kg-‘.j-I). Un score composite de cinq criteres ttait exige pour dtcreter la non inferioritt du voriconazole. Quatre criteres Ctaient en faveur du polyene sans atteindre une difference statistiquement significative et le critbe d’infection prouvee survenue sous traitement Ctait en faveur du voriconazole (8 patients : I,9 %) contre l’amphotericine B liposomale (21 patients : 5 %), p = 0,02 [IO]. La mortalite Ctait analogue dans les deux bras. Le voriconazole n’a pas 1’AMM dans cette indication. 1.8. AMM
en France
L’autorisation de mise sur le march6 fransais conceme le traitement des aspergilloses invasives, des infections invasives graves B Candida (y compris C. krusei) resistant au fluconazole et des infections graves g Scedosporium ou 2 Fusarium.
2. Caspofungine La caspofungine est un lipopeptide hydrosoluble derive semi-synthetique de la pneumocandine B, produit nature1 de la fermentation d’un champignon filamenteux. C’est le premier representant d’une nouvelle famille d’antifongiques avec un mode d’action original au niveau de la paroi fongique. Deux autres molecules sont en experimentation clinique : la micafungine et l’anidulafungine. Seule la caspofungine (CancidaP) a une autorisation de mise sur le marcht. 2.1. Mode d’action
Le mode d’action caracteristique de la famille des echinocandines est l’inhibition de la synthese de beta 1,3 D-glucane, Clement majeur de la struture de la paroi d’un grand nombre de champignons. L’absence de l’enzyme beta I,3 D-glucane synthase chez les mammiferes laisse presager une action tres selective avec un minimum de toxicite lie au mode d’action. Les champignons ayant peu ou pas de beta I,3 D-glucane dans leur paroi sont resistants : c’est le cas de Cryptococcus neoformans, de Trichosporon sp. ou de Rhodotorula sp.
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2.2. Spectre d’activite’
2.4. Effets secondaires
In vitro, il concerne en particulier les Candida et les Aspergillus. Les tests d’etude de la sensibilite in vitro sont encore ma1 standardises, en particulier pour les champignons filamenteux. Les concentrations critiques n’ont pas ete Ctablies, les correlations in vitro/in vivo n’ont pas CtC demontrees. A ces reserves p&s, la caspofungine est tres active in vitro sur toutes les especes de Cundidu y compris celles peu sensibles ou resistantes aux autres antifongiques tels Candida glabrata ou Candida krusei [20]. L’action est de type fongicide. Les CM1 sont basses et l’efficacite anticandidosique a CtC objectivte dans plusieurs modeles d’infections experimentales animales [2 1, 221. Les Aspergillus sont sensibles avec un mode d’action ciblt au niveau de la partie terminale des filaments et au niveau de leurs branchements qui sont des regions de synthese parietale active. Toutes les espbces sont sensibles, y compris Aspergillus terreus peu sensible ou resistant a I’amphodricine B. Parmi les autres filamenteux, Fusarium, Rhizopus ainsi que les dermatophytes, semblent resistants in vitro. Une inhibition partielle a CtC objectivee pour des champignons comme : Bipolaris, Pseudallescheria boydii, Acremonium, Penicillium, Curvularia et Cladophialophora. Les difficultes d’etude in vitro doivent rendre prudent dans l’interpretation des CM1 obtenues. Cette remarque s’adresse tgalement aux champignons dimorphiques endemiques : Blastomyces, Histoplasma et Sporothrix. Dans un modele experimental murin de coccidioi’domycose, la caspofungine s’est rCvClCe efficace m&me sur des souches a haute CMI. L’activite sur Pneumocystis carinii concerne essentiellement les kystes et non les formes vegetatives replicatives. Parmi les especes sensibles, la mutation vers la resistance est t&s rare, m&me experimentalement au laboratoire. Trois revues get&ales ont CtCconsacrees a la caspofungine [23-251.
La molecule est dans l’ensemble t&s bien toleree. Dans les essais comparatifs avec le fluconazole la caspofungine est aussi bien toleree que ce dernier. L’effet secondaire le plus frequent est l’irritation veineuse sur catheter peripherique [26-291. Les troubles digestifs, les reactions febriles et les rash cutanes sont peu frequents [26-291. La tolerance biologique est tgalement bonne : les modifications des tests hepatiques, de la fonction t&ale ou des electrolytes restent rares et disc&es. A titre exceptionnel, certains patients peuvent presenter au debut de la perfusion un rash, une tachycardie et une gene respiratoire faisant Cvoquer une reaction de type liberation histaminique [26-291. La posologie n’est pas modifiee chez les patients ayant une insuffisance t&ale et chez les sujets ages ; en cas d’insuffisance hepatique moderee (score de Child-Pugh a 7-9) apres une dose initiale de 70 mg, la posologie est reduite a 35 mg par jour car l’aire sous la courbe est augmentee.
2.3. Pharmacocinetique La caspofungine est disponible uniquement par voie intraveineuse. L’administration chez l’adulte d’une dose de 70 mg/j suivie de 50 mg les jours suivants permet d’atteindre rapidement l’etat d’equilibre et de maintenir des concentrations residuelles superieures a 1 pg/ml. Les don&es sont encore limitees chez l’enfant chez qui la posologie proposee est de 50 mg/m*. La demi-vie est de 9 a 11 heures avec un volume de distribution de 9,7 l/kg. La caspofungine est tres lite aux proteines plasmatiques, 96 a 99 %, et n’est done pas dialysable. La diffusion dans le LCR est negligeable, la taille importante de la molecule et son hydrosolubilite ne sont pas en faveur d’une diffusion importante dans le tissu cerebral, toutefois la guerison d’abces certbraux fongiques a CtC rapportbe. Seul 1,4 % de la dose administrte est Climine sous forme active dans les urines. Le mttabolisme est hepatique par hydrolyse et N-acetylation, il ne fait pas intervenir le systeme des cytochromes P450.
2.5. InterjZrences medicamenteuses La caspofungine n’a pas d’action sur les taux seriques de ciclosporine mais la ciclosporine augmente I’aire sous la courbe de la caspofungine d’environ 35 % ce qui, toutefois, ne justifie pas de diminution de posologie de l’antifongique. En raison d’un risque de toxicite hepatique observee chez des volontaires, l’association ciclosporine
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vant et l’amphodricine B B 0,6-0,7 mg.kg-‘.j-I chez les sujets non neutropCniques et 0,7-l mg.kg-‘.jm’ chez les neutropkniques [29]. Apr&s au moins 10 jours de traitement par voie intraveineuse, il Ctait possible de passer au fluconazole per OSdans l’un ou l’autre bras. Dans cette ttude de non inf&ioritC, le c&&e d’efficacitk principale 6tait 1’Cvolution & la fin de la p&ode de traitement intraveineux. Les crithres d’efficacitk secondaire ttaient 1’Cvolution B 10 jours de traitement intraveineux, g la fin de tout traitement et au suivi 2 semaines et 6 & 8 semaines aprks la fin du traitement. Deux populations prCdCfinies de patients ont CtCconsid&t?es : en intention de traiter modifiee concernant tout patient ayant une affection prouvCe et ayant requ au moins un jour de traitement et les patients evaluables : ceux qui ont requ au moins cinq jours de traitement. La majorit des patients (83 %) ttait candidkmique. Les rCsultats favorables en intention de traiter ont CtCrespectivement de 73,4 et 6 1,7 % pour la caspofungine et 1’amphotCricine B (diffkrence non statistiquement significative) et pour les patients Cvaluables de 80,7 et 64,9 %, diffirence statistiquement significative. La tolCrance de la caspofungine &ait supirieure. La mortalitt globale et attribuable B la candidose Ctait analogue pour les deux antifongiques [29]. 2.62. Aspergillose Une Ctude multicentrique non comparative a CtC me&e dans le traitement de l’aspergillose invasive probable ou prouvCe chez des patients en Cchec therapeutique ou ne supportant pas un premier traitement antifongique [30]. La caspofungine a CtC prescrite en perfusion d’une heure avec la posologie de 70 mg le premier jour et 50 mg les jours suivant. Sur 90 patients, 83 Ctaient Cvaluables. Les maladies sous-jacentes Ctaient majoritairement des hkmopathies malignes, des transplantations allogCniques de moelle osseuse ou de cellules souches pCriphCriques, des transplantations d’organe solide et la prise de corticoi’des. Vingt-trois pour cent des patients Ctaient neutropCniques, 77 % avaient une aspergillose pulmonaire invasive et 13 cas Ctaient disdminis. Soixante et onze patients (86 %) Ctaient rkfractaires au traitement antCrieur et 14 % Ctaient into&ants. Le taux de rCponse favorable en intention de traiter ttait de 45 % (37/83) et pour ceux qui ont requ au moins 7 jours de traitement de 56 % (37/66), 50 % dans les pneumopathies, 23 % dans les formes disskmides et 26 % chez les neutropkniques ZIl’inclusion.
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amphotCricine B ont CtC randomis&. Les resultats en mat&e d’efficaciti sont non inf&ieurs pour la caspofungine vis-g-vis de I’amphotCricine B liposomale. Une tendance non statistiquement significative - en faveur de la caspofungine a CtCnotCe pour le taux de rCponse des infections fongiques confirmtes peu apr&s l’inclusion et pour les arrCts prCmaturCs du traitement. La tolerance r&ale et g&&ale a CtCmeilleure avec la caspofungine [3 11. 2.7. AMM en France L’autorisation de mise sur le march6 franqais concerne le traitement de la candidose invasive chez les patients adultes et non neutropeniques ainsi que l’aspergillose invasive chez les patients adultes rkfractaires ou into&ants B I’amphotCritine B, g des formulations lipidiques d’amphottricine B et/ ou 2 l’itraconazole. L’Ctat rkfractaire est dCfini par la progression de l’infection ou par l’absence d’amtlioration apr?s un minimum de 7 jours d’un traitement antifongique efficace aux doses therapeutiques.
3. Conclusion Bien que le pronostic reste globalement mauvais surtout dans les aspergilloses invasives et que la mortalit like B la maladie sous-jacente soit difficilement compressible, ces moltcules reprksentent une avancCe thkrapeutique importante en mat&e d’efficacite et de tolCrance. Elles permettent d’envisager sur des bases thCoriques in vitro et chez l’animal l’utilisation d’association d’antifongiques afin d’&tre plus efficaces. Des succ~s anecdotiques vont dans ce sens mais des essais comparatifs randomis& seraient mieux B m&me de donner une rCponse Claire sur le bien-fondt de cette hypothirse.
RCfkrences [II
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2.63. Neutropknie ftfbrile Une Ctude randomisCe en double aveugle a comparC la caspofungine ?II’amphotCricine B liposomale comme traitement empirique de patients atteints d’hkmopathie maligne et ayant une neutroptnie fkbrile malgrC un traitement antibiotique. La caspofungine a td administree B 70 mg le premier jour et 50 mg les jours suivants et I’amphotCricine B liposomale B la posologie de 3 mg.kg-‘.j-l. Cinq cent cinquante-six patients dans le bras caspofungine et 539 dans le bras
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