pratique suivi officinal
Pour une contraception adaptée et choisie Caroline RADAN Docteur en pharmacie 11 rue Deguison, 23000 Guéret, France
Une information de qualité permet aux couples de choisir la contraception la plus adaptée. Si les contraceptifs oraux estroprogestatifs ne doivent pas être prescrits aux femmes présentant des facteurs de risque thrombo-embolique, des alternatives existent. Les patientes peuvent être orientées vers les pilules progestatives ou, en cas de problème d’observance, vers un dispositif intra-utérin. La délivrance est l’occasion, pour le pharmacien, de répondre aux questions et de sensibiliser à l’importance d’un suivi gynécologique optimal. © 2017 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés
Mots clés - contraceptif oral ; dispositif intra-utérin ; trouble thrombo-embolique
Contraception adapted to and chosen by the patient. Quality information enables couples to choose the most suitable form of contraception for them. While combined oral contraceptives must not be prescribed to women with a high risk of thromboembolism, alternatives exist. Patients can be oriented towards a progesterone-only pill or, in cases of problems of compliance, towards an intrauterine device. When dispensing the contraception, the pharmacist can take the opportunity to answer questions and to emphasise the importance of regular gynaecological check-ups. © 2017 Elsevier Masson SAS. All rights reserved
Keywords - intrauterine device; oral contraceptive; thromboembolic disorder
L
es contraceptifs oraux restent la méthode favorite des Françaises dont le parcours contraceptif est assez stéréotypé (tableau 1). Au début de la vie sexuelle, le couple utilise des préservatifs, souvent associés à la pilule. Quand la relation s’installe dans la durée, la contraception orale est souvent l’option retenue pour éviter une grossesse non désirée. Cependant, le recours à une contraception d’urgence est élevé (24 % chez les femmes de 15 à 49 ans) [1]. Dans 42,3 % des cas, il succède à
un oubli de pilule. La prescription de la contraception doit faire l’objet d’une consultation dédiée. Il est primordial de tenir compte des attentes, des besoins, des connaissances et surtout des habitudes de vie. Les différentes méthodes de contraception doivent être présentées et la décision être prise en accord avec la patiente [2-6].
Les contraceptifs oraux progestatifs Les contraceptifs oraux macro- ou microprogestatifs peuvent constituer
Tableau 1. Méthodes contraceptives utilisées par les femmes
âgées de 15 à 49 ans en 2010 [2]. Âge
Dispositif intra-utérin
15-19 ans
Adresse e-mail :
[email protected] (C. Radan).
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Mode d’action Pilule
Préservatif
78,9 %
18,3 %
20-24 ans
3,7 %
83,4 %
7,2 %
25-34 ans
20,3 %
63,4 %
8,7 %
35-44 ans
36,0 %
43,4 %
11,6 %
45-49 ans
43,2 %
35,5 %
9,7 %
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une alternative aux pilules estroprogestatives. Ils peuvent même être prescrits en première attention. Les pilules microprogestatives (Cerazette®, Microval®) possèdent l’indication “contraception orale”. A contrario, les pilules macroprogestatives (Lutenyl®, Surgestone®, Luteran®) sont prescrites hors autorisation de mise sur le marché (AMM), en cas d’échec (mauvaise tolérance) des autres types de contraception orale. Par ailleurs, les premières doivent être prises en continu alors que les secondes doivent l’être durant 20 jours, puis être arrêtées sept à dix jours [3,7].
Les progestatifs agissent sur plusieurs mécanismes : • la glaire cervicale est épaissie, ce qui réduit la mobilité des spermatozoïdes ; • l’atrophie et la réduction de la vascularisation endométriale limitent la réceptivité endométriale ; • l’action ciliaire est diminuée ;
Actualités pharmaceutiques • n° 567 • juin 2017 •
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Encadré 1. Tolérance à l’oubli Le blocage de l’ovulation est de l’ordre de 95 % en cas de prise de 75 μg de désogestrel (Cerazette®). C’est la raison pour laquelle la tolérance à l’oubli est de 12 heures. Les microprogestatifs non anti-ovulatoires (Microval®) doivent faire l’objet d’une prise à heure précise car la tolérance à l’oubli n’est que de 3 heures.
Tableau 2. Principaux contraceptifs oraux estroprogestatifs
délivrés en pharmacie. Classe
Spécialités
Première génération (C1G)
Triella®
Deuxième génération (C2G)
Adepal®, Daily Gé®, Leeloo®, Lovavulo®, Ludéal Gé®, Minidril®, Optidril®, Optilova®, Stediril®, Trinordiol®
Troisième génération (C3G)
Carlin®, Cycleane®, Desobel®, Harmonet®, Meliane®, Mercilon®, Minesse®, Varnoline®
• par blocage du pic ovulatoire de l’hormone lutéïnisante (LH) pour les contraceptifs macroprogestatifs (encadré 1) [3,7].
Avantages/ inconvénients Les progestatifs seuls possèdent un intérêt certain : ils ne potentialisent pas le risque thrombo-embolique. C’est pour cette raison que le désogestrel est souvent prescrit aux femmes présentant des facteurs de risque cardiovasculaire. Quant à la progestérone micronisée, elle semble avoir un impact positif sur le syndrome prémenstruel. Les progestatifs présentent également des effets indésirables. Les pilules microprogestatives doivent être prises en continu et provoquent fréquemment des saignements vaginaux irréguliers, des mastodynies et/ou des tensions mammaires, de l’acné ainsi qu’une prise de poids [3,7].
Les contraceptifs oraux estroprogestatifs Les contraceptifs oraux estroprogestatifs (COEP) sont classés en fonction du progestatif qu’ils contiennent comme COEP de première, deuxième ou troisième génération (C1G, C2G, C3G) :
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noréthi stérone (C1G) ; lévonorgestrel et norgestrel (C2G) ; gestodène, désogestrel et norgestimate (C3G) (tableau 2). D’autres COEP ne sont pas inclus dans cette classification comme Belara®, Jasmine®, Qlaira®, Yaz® et Zoely®. Ces spécialités ne font pas l’objet d’un remboursement [3,4,8].
Mode d’action L’estrogène (EE) qui entre dans la composition des COEP permet d’abolir le pic de LH, ce qui provoque une anovulation [3,4,8].
Avantages/ inconvénients Les COEP comptent parmi les moyens les plus efficaces (indice de Pearl1 inférieur à 1) pour prévenir les grossesses non désirées. Mais ils possèdent tous l’inconvénient d’augmenter le risque d’accident trombo-embolique artériel ou veineux. Ce risque varie néanmoins en fonction de la génération de la pilule. Il est plus élevé avec les COEP de troisième génération (désogestrel, gestodène, norgestimate) qu’avec ceux de première et deuxième générations. La composition en éthynylestradiol (EE) joue aussi un rôle puisque les COEP dosés à 20 μg présentent
moins de risque que les contraceptifs en contenant 30 ou 50 μg [3,4,8]. Le risque thrombo-embolique est le plus important et le plus craint par les utilisatrices depuis la médiatisation, en 2013, des accidents survenus chez des patientes prenant la spécialité Diane®. Toutefois, c’est la grossesse qui constitue le risque majeur de survenue d’un événement thrombo-embolique (encadré 2) [9]. Il est du ressort des différents professionnels de santé d’identifier les femmes auxquelles ils peuvent prescrire une contraception estroprogestative. Les facteurs la contreindiquant sont nombreux : • la consommation de tabac ; • l’âge supérieur à 35 ans ; • l’hypertension artérielle (HTA) ; • les antécédents personnels et familiaux d’accidents cardiovasculaires ; • l’obésité ; • les migraines (surtout avec aura). Le risque l’emporte sur le bénéfice quand plusieurs de ces facteurs sont réunis [3,4,8].
Les dispositifs intra-utérins Le dispositif intra-utérin (DIU) se présente en forme de “T”. Il est inséré à l’aide d’un guide au sein de l’utérus par un médecin ou une sage-femme. Il se termine par des fils que la patiente peut sentir afin de vérifier que le dispositif est toujours en place et que le praticien tirera pour ôter, le temps venu, le DIU.
Mode d’action Il existe deux types de dispositifs : les DIU en cuivre et les DIU hormonaux [3,4]. Le cuivre altère la viabilité et la fonction des gamètes (spermicide) tout en empêchant la nidation. Avec le DIU hormonal (Mirena®), l’activité contraceptive est provoquée par le lévonorgestrel qui agit sur trois niveaux différents : il ralentit l’épaississement de l’endomètre, empêche le passage des spermatozoïdes en épaississant la glaire
Note 1
Nombre total de grossesses non désirées survenant chez 100 femmes durant 12 mois d’utilisation de la méthode.
Références [1] Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (Inpes). Baromètre santé 2010. http://inpes. santepubliquefrance.fr/ Barometres/barometresante-2010/index. asp#sante-travail [2] Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (Inpes). Contraception : les Françaises utilisent-elles un contraceptif adapté à leur mode de vie ? Octobre 2010. http://inpes. santepubliquefrance.fr/70000/ dp/11/dp111026.pdf [3] Association française pour la contraception (AFC). www.contraceptions.org/ [4] Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (Inpes). Choisir sa contraception.fr. www.choisirsacontraception.fr/ [5] Haute Autorité de santé (HAS). Contraception : prescriptions et conseils aux femmes. Janvier 2015. www.has-sante.fr/portail/ upload/docs/application/ pdf/2015-02/1e_maj_ contraception_prescriptionconseil-femmes-060215.pdf [6] Bajos N, Moreau C, Leridon H, Ferrand M. Pourquoi le nombre d’avortements n’at-il pas baissé en France depuis 30 ans ? Population & Société. 2004;407:1-4. [7] Madelenat P, Koskas M, Groupe de réflexion. Mise au point sur la contraception progestative. J Gynecol Obstet Biol Reprod. 2008;37:637-60. [8] Haute Autorité de santé (HAS). Contraceptifs oraux estroprogestatifs : préférez les “pilules” de 1re ou 2e génération. Novembre 2012. www.has-sante.fr/portail/ upload/docs/application/ pdf/2012-12/contraceptis_ oraux_3_g_fiche_bum.pdf
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Encadré 2. Incidence des accidents
thromboemboliques par an et pour 100 000 femmes [9] F Femmes enceintes : 60 cas. F Femmes prenant une contraception de troisième génération : 40 cas. F Femmes prenant une contraception de deuxième génération : 20 cas. F Femmes non-utilisatrices de pilules : 5 à 10 cas.
dans leur cas, pour un DIU “short”, adapté aux petits utérus. Certains professionnels de santé continuent à contre-indiquer les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) aux porteuses de DIU alors qu’ils n’interfèrent pas avec leur efficacité et peuvent soulager efficacement les douleurs menstruelles [3,4].
Le rôle du pharmacien Références [9] Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM). Pilules estroprogestatives et risque thrombotique. 2012. http://ansm.sante.fr/Dossiers/ Pilules-estroprogestatives-etrisque-thrombotique/Annexes/ (offset)/7
cervicale et préviendrait même l’ovulation chez près de 15 % des utilisatrices [3,4]. Avec ce dispositif, les modifications endométriales sont particulièrement marquées : le stroma de l’endomètre contient des cellules inflammatoires en grand nombre, ce qui entraîne une toxicité spermatique.
Avantages/inconvénients
Déclaration de liens d’intérêts L’auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêts.
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Les DIU présentent une bonne efficacité, avec un taux de grossesse cumulé inférieur à 2 % à cinq ans. Le dispositif hormonal est susceptible de réduire le volume et la durée des règles ainsi que les douleurs liées aux menstruations. C’est la raison pour laquelle il est indiqué dans le traitement des ménorragies fonctionnelles (règles abondantes sans cause organique décelable). Le DIU au cuivre, quant à lui, ne contient pas d’hormone et préserve, par conséquent, le cycle naturel. En revanche, la durée et le flux des règles, ainsi que les douleurs menstruelles peuvent être augmentés. La pose d’un DIU ne peut se faire que quatre semaines après un accouchement par voie basse et trois mois après la fin du traitement d’une infection génitale haute ou d’une infection sexuellement transmissible (IST). Nombre d’idées reçues circulent sur les DIU. Ils sont souvent nommés, de façon impropre, “stérilet” alors que leur effet contraceptif est réversible dès leur retrait. Par ailleurs, beaucoup de femmes n’ayant pas eu d’enfant pensent qu’il leur est impossible de bénéficier de cette méthode contraceptive, ce qui n’est pas vrai. Le praticien optera,
Les médecins généralistes, les gynécologues et les sages-femmes ont un rôle de prescripteurs, mais n’ont pas toujours le temps d’aborder tous les aspects de la contraception comme la sexualité, l’importance du mode de vie, les IST, etc. Le pharmacien, facilement accessible, peut jouer un rôle important dans le parcours contraceptif des couples à l’occasion de la délivrance de moyens contraceptifs et apporter des conseils complémentaires. Des éléments tels que le risque cardiovasculaire, l’âge, les antécédents personnels et familiaux, ainsi que l’observance lui permettent de cerner le “profil contraceptif” de la cliente. Le pharmacien est également en mesure de réévaluer les facteurs de risque thrombo-embolique quand il délivre des COEP et de réorienter la patiente, si besoin, vers son médecin. La triade typique associée à une thrombose veineuse (érythème, œdème et algie au niveau de la jambe ou du mollet) peut être repérée à l’officine.
Interactions médicamenteuses Les inducteurs enzymatiques sont des substances qui augmentent l’activité de très nombreux systèmes enzymatiques de l’organisme, dont le cytochrome P450. Les anticonvulsivants (sauf l’acide valproïque), la rifampicine, la griséofulvine, les antirétroviraux, le millepertuis et l’aprépitant (Emmend®) en font partie. Ces produits ne doivent pas être pris concomitamment avec les contraceptifs
estroprogestatifs et microprogestatifs, et il n’est pas rare de doubler les doses afin de garantir l’efficacité des pilules macroprogestatives en cas d’association avec un inducteur enzymatique.
Suivi gynécologique La contraception favorise un meilleur suivi gynécologique. L’âge du premier frottis est fixé à 25 ans, le deuxième est réalisé un an après, avant qu’une surveillance soit instaurée tous les trois ans. Si la femme est porteuse d’un DIU, un contrôle annuel permet de vérifier que le dispositif est toujours bien positionné.
Bilan biologique La prescription d’un COEP rend nécessaire la réalisation d’un bilan biologique comportant le dosage du cholestérol total, des triglycérides et une glycémie à jeun. Si la patiente ne présente aucun facteur de risque, ce bilan peut être effectué jusqu’à six mois après la prescription. En revanche, en cas d’antécédent familial de dyslipidémie, il doit la précéder et être renouvelé trois à six mois après, puis, si les résultats sont bons, tous les cinq ans. Ce rythme doit être connu des patientes et le pharmacien peut facilement faire le point sur ce sujet lors de la délivrance trimestrielle.
Recherche d’une infection urogénitale La recherche d’une infection à Chlamydia trachomatis et Neisseria gonorrhoeae doit être effectuée avant la pose d’un DIU. Au cours de l’anamnèse, le médecin doit déceler les risques infectieux : certaines IST, infection génitale haute en cours ou récente, femme âgée de moins de 25 ans, partenaires multiples. Le pharmacien peut s’assurer que ces analyses ont été réalisées avant de dispenser un DIU et expliquer à la patiente l’importance de ces recherches [2-6]. w
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