Pourquoi dépister le cancer du poumon chez les artériopathes ?

Pourquoi dépister le cancer du poumon chez les artériopathes ?

Journal des Maladies Vasculaires (2015) 40, 359—364 Disponible en ligne sur ScienceDirect www.sciencedirect.com MISE AU POINT Pourquoi dépister le...

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Journal des Maladies Vasculaires (2015) 40, 359—364

Disponible en ligne sur

ScienceDirect www.sciencedirect.com

MISE AU POINT

Pourquoi dépister le cancer du poumon chez les artériopathes ? Why screen for lung cancer in patients with arterial disease? M. Lederlin a, J. Trédaniel b, P. Priollet c,∗ a

Service des urgences, centre hospitalier de Rambouillet, 5, rue Pierre-et-Marie-Curie, 78120 Rambouillet, France b Service d’oncologie thoracique, groupe hospitalier Paris Saint-Joseph, 185, rue Raymond-Losserand, 75014 Paris, France c Service de médecine vasculaire, groupe hospitalier Paris Saint-Joseph, 185, rue Raymond-Losserand, 75014 Paris, France Rec ¸u le 7 avril 2015 ; accepté le 12 juin 2015 Disponible sur Internet le 12 aoˆ ut 2015

MOTS CLÉS Artériopathie ; Cancer du poumon ; Dépistage ; Scanner faiblement irradiant ; Cellules tumorales circulantes



Résumé Le cancer du poumon est la première cause de mortalité par cancer en France. Ce mauvais pronostic s’explique par un diagnostic fait à un stade métastatique chez la moitié des patients. Le tabac est le facteur de risque principal du cancer du poumon mais aussi l’un des principaux facteurs de risque de l’artériopathie. Une revue de la littérature montre une fréquence du cancer du poumon chez les patients ayant une artériopathie comprise entre 2,3 et 19 %. Lorsque le cancer est détecté après traitement de l’artériopathie, il est plus souvent à un stade avancé. Au contraire lorsqu’il est recherché concomitamment à la prise en charge de l’artériopathie, il est plus souvent reconnu à un stade précoce. Il n’existe pas de recommandation spécifique pour le dépistage du cancer du poumon chez les artériopathes. Cependant pour les fumeurs remplissant les critères définis par le National Lung Screening Trial (NLST), un dépistage individuel peut être proposé. Il repose sur la réalisation annuelle d’un scanner thoracique faible dose. Ce dépistage présente deux inconvénients : le nombre élevé de faux positifs et l’irradiation induite par le cumul des examens. La méthode ISET, sous réserve d’une validation multicentrique, permettrait de repérer les cellules tumorales circulantes sur une simple prise de sang chez des sujets n’ayant pas encore de tumeur radiologiquement reconnaissable. On pourrait envisager qu’un dépistage du cancer du poumon par recherche de cellules tumorales associé à un scanner faible dose soit proposé aux patients artériopathes répondant aux critères d’inclusion/exclusion de l’essai NLST. © 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (P. Priollet).

http://dx.doi.org/10.1016/j.jmv.2015.07.001 0398-0499/© 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

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M. Lederlin et al.

KEYWORDS Peripheral arterial disease; Lung cancer; Screening; Low-dose scan; Circulating tumor cells

Summary Lung cancer remains the leading cause of cancer death in France. Such a prognosis is explained by late diagnosis at a metastatic stage for half of the patients. Tobacco is the main risk factor for lung cancer, as it is for peripheral arterial disease. A review of literature shows that between 2.3% and 19% of patients with arterial disease also have lung cancer. When lung cancer is detected after treatment of arterial disease, it is at an advanced stage. But it can be diagnosed at an early stage when it is searched simultaneously with arterial disease treatment. There is no recommendation for lung cancer screening specifically for patients with arterial disease. However individual screening based on an annual low-dose chest scan is proposed for smokers meeting the criteria defined by the study of the National Lung Screening Trial (NLST). Such screening has two disadvantages : the high number of false positives and the irradiation induced by the accumulation of examinations. The ISET method would alternatively help to identify circulating tumor cells on a simple blood test for subjects not yet at solid tumor stage, provided this method be subject to multicentric validation. Thus one could consider that the management of a patient with arterial disease meeting NLST criteria should be accompanied with screening for lung cancer by searching for tumor cells associated with low-dose scanner. © 2015 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Abréviations

AAA BPCO HAS ISET PET VPN VPP

anévrisme de l’aorte abdominale broncho-pneumopathie chronique obstructive Haute Autorité de santé Isolation by SizE of Tumor Cells tomographie par émission de positons valeur prédictive négative valeur prédictive positive

Introduction Le cancer du poumon est la première cause de décès par cancer en France et dans le monde, avec 29 949 décès estimés en 2012 en France dont 71,2 % d’hommes. Malgré les avancées thérapeutiques, le pronostic du cancer du poumon reste sombre : la survie moyenne est de 14 % à 5 ans et de 9 % à 10 ans. Seul un diagnostic précoce autorise une chirurgie ou une association chimio-radiothérapie curative [1]. Or les symptômes n’apparaissent le plus souvent qu’à un stade avancé de la maladie, et le cancer du poumon est régulièrement diagnostiqué à un stade métastatique, non curable, chez la moitié des patients [2]. Le tabac est le principal facteur de risque de cancer du poumon [3]. C’est la principale cause de décès par cancer dans le monde et en France ; 93 % des décès par cancer du poumon lui sont imputables [1]. Le tabac est aussi un facteur de risque indépendant de l’artériopathie d’origine athéroscléreuse [4] comme l’a démontré l’étude de Framingham [5] qui a rapporté un risque d’artériopathie oblitérante des membres inférieurs multiplié par trois chez les fumeurs. L’atteinte est proportionnelle à l’importance de l’intoxication. Ainsi, le tabac est à la fois un des facteurs de risques principaux de l’artériopathie et le facteur de risque majeur du cancer du poumon. Dès lors se posent deux questions : quelle est la fréquence des cancers du poumon dans une population d’artériopathes

fumeurs ; le suivi médical des patients artériopathes doit-il inclure le dépistage du cancer du poumon ? Pour le développement de cette réflexion, artériopathies des membres inférieurs et anévrismes de l’aorte abdominale (AAA) ont été regroupés.

Cancer du poumon et artériopathie Plusieurs études soulignent l’association entre cancer du poumon et artériopathie Une étude rétrospective des dossiers du VA Western NY Healthcare System réalisée entre 1991 et 2004 [6] a identifié 75 patients cumulant les deux pathologies parmi 1096 patients ayant un anévrisme de l’aorte abdominale (AAA) et 1875 patients ayant un cancer du poumon, soit une prévalence de 6,8 % de cancers du poumon dans cette population. L’étude rétrospective de Porcellini et al. [7] des patients admis entre 1997 et 2005 avec les deux diagnostics concomitants d’AAA et de tumeurs malignes curables dans deux services de chirurgie à Naples et à Londres a retrouvé 25 patients qui présentaient les deux pathologies concomitamment dont trois avaient un cancer du poumon. La fréquence du cancer du poumon dans cette population d’artériopathes était donc de 12 %. Pour 56 % des patients, le cancer était découvert fortuitement au scanner préopératoire de l’AAA. L’étude de Truijers et al. [8] a porté sur 26 patients considérés comme aptes pour une chirurgie d’AAA après examens préopératoires incluant radiographie pulmonaire et scanner abdominal. Pour mieux préciser la pathologie anévrismale en termes d’inflammation de paroi et mieux anticiper le risque de rupture, un PET-scan (tomographie par émission de positons) a été réalisé la veille de l’intervention. Outre les informations apportées sur l’anévrisme, le PET-scan a découvert une tumeur chez 6 patients ; dans 5 cas, il s’agissait d’un cancer du poumon, soit une fréquence de 19 % de cancer du poumon dans cette population.

Pourquoi dépister le cancer du poumon chez les artériopathes ? Shoji et al. [9] ont retrouvé 17 cas de cancer du poumon parmi 638 patients pris en charge entre 2000 et 2009, soit une fréquence de cancer du poumon parmi ces patients artériopathes de 2,7 %. Cette étude japonaise montre que l’incidence du cancer du poumon chez les patients artériopathes est significativement associée au statut tabagique (p = 0,0091), mais aussi que les patients ayant un cancer du poumon fument significativement plus que ceux sans tumeur décelable (p = 0,0073). Dans cette étude, aucun autre facteur potentiel de risque (sexe, âge, type d’artériopathie) n’a été trouvé comme corrélé à l’incidence du cancer du poumon. Enfin, l’étude rétrospective réalisée par Catalano et al. entre janvier 2001 et mai 2004 [10] sur les dossiers de 771 patients traités pour une artériopathie symptomatique, chez qui un angioscanner était réalisé pour chaque patient, a mis en évidence un cancer du poumon pour 18 malades ; soit une prévalence de 2,3 % de cancer bronchique asymptomatique chez les patients présentant une artériopathie athéroscléreuse symptomatique. En comparant ces résultats à l’incidence du cancer du poumon dans une population de sujets âgés de plus de 40 ans en bonne santé et vivant dans la même ville, on observe que le risque relatif de développer un cancer du poumon est 20 fois supérieur chez les artériopathes par comparaison aux sujets sains. Thorgeirsson et al. [11] ont d’ailleurs identifié une variante du gène du récepteur nicotinique à l’acétylcholine sur le chromosome 15q24 qui prédispose à la fois à un risque de dépendance à la nicotine, de cancer du poumon et d’artériopathie périphérique.

Une plus grande susceptibilité des femmes artériopathes au cancer Il semble que l’intensité du lien entre artériopathie et cancer du poumon est fonction du sexe [10] : en effet alors que le risque relatif de cancer du poumon est 9 fois plus élevé pour les hommes artériopathes, il l’est 124 fois plus pour les femmes artériopathes. L’étude prospective, conduite entre 1977 et 1993, à Copenhague [12] a examiné spécifiquement le risque de cancer du poumon en fonction du sexe chez 2261 patients athéroscléreux. Dans cette cohorte, 19 femmes et 43 hommes ont développé un cancer du poumon, ce qui représente une fréquence de 2,74 %. La même étude a aussi montré un risque relatif de cancer du poumon plus élevé chez les femmes ayant une artériopathie par comparaison aux femmes n’en ayant pas (IC = 95 % : 2,85—8,00) : RR de cancer bronchique de 3,26 (IC = 95 % : 1,95—5,46), indépendamment de l’âge, du tabagisme ou de la consommation éthylique. Ces résultats n’ont pas été retrouvés chez les hommes. Cette association n’est pas due au hasard puisque les deux pathologies — artériopathie et cancer du poumon — ont le même mécanisme physiopathologique : l’augmentation du stress oxydatif avec la formation de radicaux libres. Ainsi une hypothèse discutée est que les femmes seraient plus sensibles aux effets carcinogéniques des radicaux libres que les hommes [10,12].

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L’association artériopathie et cancer du poumon est indépendante des principaux facteurs de risque : âge, tabagisme, hypertension artérielle, anévrisme de l’aorte abdominale Le travail de Valentine et al. [13] cherchait à évaluer une éventuelle association significative entre anévrisme de l’aorte abdominale et présence de tumeurs. Cent vingt-six patients ayant un AAA et 99 patients ayant eu un pontage aortobifémoral ont été inclus dans l’étude entre 1985 et 1990 et comparés à 100 patients ayant eu une cure de hernie inguinale. Parmi les 126 patients ayant un AAA, une tumeur a été diagnostiquée chez 51 d’entre eux dont 15 cancers du poumon, soit une fréquence du cancer du poumon de 12 % dans cette population de patients ayant un AAA. Parmi les 100 patients ayant eu un pontage aortobifémoral, 23 patients ont présenté un cancer dont 8 cancers du poumon, soit une fréquence de cancer du poumon de 8 % dans ce groupe d’artériopathes. Enfin, 4 cancers du poumon ont été découverts parmi les 100 patients ayant eu une cure de hernie inguinale, soit une fréquence de 4 % de cancer du poumon. La fréquence de cancer du poumon dans ce groupe « témoin » est donc 3 fois inférieure à celle du groupe ayant un AAA et deux fois inférieure à celle du groupe ayant eu un pontage aortobifémoral. Cette étude retrouve par ailleurs quatre facteurs de risque indépendants de cancer dans cette population : la présence d’un AAA, l’âge, le tabagisme et l’hypertension artérielle. L’association entre AAA et cancer n’est donc pas une association fortuite dans une même population à risque, mais une association significative et indépendante de l’âge et du tabagisme. Au total, la fréquence du cancer du poumon parmi les patients ayant une artériopathie est comprise entre 2,3 et 19 %. Certaines études soulignent qu’il existe une plus grande susceptibilité féminine au cancer du poumon, que l’association entre cancer du poumon et maladie athéroscléreuse est indépendante des principaux facteurs de risque (âge, tabagisme, hypertension artérielle) et que l’AAA pourrait être un marqueur indépendant de cancer du poumon.

Dépistage du cancer du poumon et artériopathie Les cancers du poumon dépistés après traitement d’une artériopathie le sont plus souvent à un stade avancé. Dans l’étude de Shoji et al. [9], sur les 7 patients pour lesquels un cancer du poumon a été diagnostiqué après traitement d’une artériopathie, 5 étaient à un stade avancé (stade III ou IV) et un seul patient a pu bénéficier d’une résection chirurgicale. Le délai écoulé entre le traitement de l’artériopathie et le diagnostic de cancer du poumon était en moyenne de 5 ans pendant lesquels aucun examen pulmonaire de routine n’a été réalisé, soulevant la question de l’intérêt des examens de dépistage du cancer du poumon pendant le suivi de ces malades. L’étude de Blochle et al. [6] classait les patients en 3 groupes. Le groupe A, dans lequel la prise en charge de l’AAA précédait le diagnostic de cancer du poumon ; le groupe B, où les deux pathologies étaient diagnostiquées et

362 traitées concomitamment ; le groupe C où le cancer du poumon était diagnostiqué et traité avant le diagnostic d’AAA. Dans le groupe A qui comptait 16 patients, le délai moyen de diagnostic de cancer du poumon après traitement d’un AAA était de 43 mois. Deux patients avaient un stade I, 4 patients un stade III et les 10 patients restant un stade IV. Le taux de mortalité était de 100 %, avec un délai médian de mortalité de 8 mois. Aucun décès n’a été rapporté à l’AAA. Le délai moyen de détection du cancer du poumon après traitement de l’artériopathie est donc en moyenne de 4 ans mais les cancers du poumon découverts dans ce contexte le sont à un stade avancé. Le groupe B regroupait les patients pour lesquels l’AAA a été découvert concomitamment au cancer du poumon. Ce groupe comptait 52 patients ; 83 % d’entre eux présentaient un cancer du poumon à un stade avancé, stade III ou IV [6]. A contrario, Shoji et al. [9] montrent que les cancers du poumon détectés concomitamment à l’artériopathie le sont à un stade précoce. Dans cette étude, 6 patients sur 17 ont eu un cancer du poumon diagnostiqué concomitamment à l’artériopathie. Quatre des 6 patients étaient à un stade I ou II du cancer du poumon ; 5 patients sur 6 ont pu bénéficier d’une intervention chirurgicale ; 3 patients (50 %) étaient encore en vie trois ans au moins après traitement du cancer. Parmi les patients artériopathes chez qui un scanner a dépisté un cancer du poumon, l’analyse rétrospective du dossier médical montre que, soit une radio de poumon avait été réalisée dans les 3 à 6 mois précédant l’angioscanner et qu’elle était négative, soit une absence complète de symptômes liés à la pathologie pulmonaire. Tous les malades étaient de gros fumeurs [10]. Cette étude confirme la supériorité du scanner seul ou du PET-scan sur la radiographie pulmonaire dans ce contexte [8]. Ainsi les médecins doivent être conscients de la plus grande prévalence de cancer pulmonaire asymptomatique chez les patients cardiovasculaires. Il semble primordial qu’à chaque angioscanner réalisé, on étende l’étude au parenchyme pulmonaire avec de faibles doses de rayons [10].

Quelles sont les recommandations actuelles pour le dépistage du cancer du poumon chez les artériopathes ? Les recommandations de la Haute Autorité de santé (HAS) [14] pour la prise en charge de l’artériopathie oblitérante des membres inférieurs sont de prendre en compte les facteurs de risque présents, au premier rang desquels le tabac. Le sevrage tabagique est recommandé, à l’aide d’une approche comportementale adaptée, éventuellement complétée par une aide pharmacologique. Un bilan de diffusion des lésions athéroscléreuses doit être réalisé, avec une échographie de l’aorte abdominale, un électrocardiogramme de repos, voire un écho-Doppler cervical. En revanche, il n’existe aucune recommandation pour la recherche d’autres pathologies liées au tabagisme, comme le cancer du poumon. Pour dépister le cancer broncho-pulmonaire, il est désormais admis que la radiographie thoracique simple est inefficace [15]. En 2011, l’étude NLST (National Lung

M. Lederlin et al. Screening Trial) [16] a été la première à montrer l’efficacité du dépistage par scanner à faible débit de dose sur la mortalité spécifique par cancer du poumon et sur la mortalité globale. Cette étude a inclus 53 454 sujets âgés de 55 à 74 ans, fumeurs actifs ou anciens fumeurs de plus de 30 paquetsannées et sevrés depuis moins de 15 ans. Ils étaient randomisés dans le groupe dépistage par scanner faible dose ou dans le groupe dépistage par radiographie thoracique. Les examens étaient réalisés lors de la randomisation, puis à un an et deux ans. Les résultats ont montré une réduction significative de la mortalité par cancer broncho-pulmonaire de 20 % et de la mortalité globale de 6,7 % chez les patients dépistés par scanner faible dose. En France, les inconnues sur la reproductibilité des résultats de cet essai restent nombreuses. Dans l’attente d’études spécifiques sur cette reproductibilité, un groupe d’experts constitué par l’Intergroupe francophone de cancérologie thoracique (IFCT), la Société d’imagerie thoracique (SIT) et le groupe d’oncologie de la Société de pneumologie de langue franc ¸aise (GOLF) [17] a récemment publié des propositions consensuelles et pluridisciplinaires pour en optimiser les conditions de réalisation. Ainsi un dépistage individuel du cancer bronchopulmonaire peut être proposé, après information, aux personnes âgées de 55 à 74 ans, avec un tabagisme à plus de 30 paquets-années, actif ou sevré depuis moins de 15 ans. Ce dépistage du cancer broncho-pulmonaire est réalisé par un scanner thoracique faible dose annuel, sans injection de produit de contraste. Le dépistage du cancer bronchopulmonaire pourrait être poursuivi au-delà d’une période minimale de 2 ans. Un avis de la HAS est attendu dans les mois à venir.

Perspectives Le dépistage du cancer du poumon par scanner faiblement irradiant présente des inconvénients. Le risque principal est le nombre élevé de faux positifs. Dans le groupe scanner faible dose de l’étude NLST, 27 % des scanners étaient considérés comme positifs, donc à risque de cancer. En fait, seuls 4 % de ces scanners positifs aboutissaient au diagnostic de cancer du poumon. Alors que la VPN (valeur prédictive négative) du dépistage par scanner faible dose est excellente, la VPP (valeur prédictive positive) est donc faible, autour de 4 % [16]. La deuxième limite du dépistage par scanner faible dose est la nécessité de sa répétition au cours du temps, de 54 à 74 ans, et donc l’irradiation induite avec le cumul des examens. L’enjeu serait donc d’associer au dépistage scanographique des biomarqueurs permettant de prédire de manière fiable si un nodule est cancéreux ou non. Cela permettrait de réduire les explorations invasives d’un taux élevé de nodules qui s’avèrent de faux positifs, voire de réduire la fréquence des scanners et au final de réduire le coût du dépistage [18]. L’étude réalisée par Hofman et al., publiée en octobre 2014, a inclus 245 sujets ; 168 porteurs d’une broncho-pneumopathie obstructive (BPCO) et 77 sans BPCO, incluant 42 patients fumeurs et 35 patients non fumeurs.

Pourquoi dépister le cancer du poumon chez les artériopathes ? La recherche de cellules tumorales circulantes, basée sur la méthode ISET a été réalisée sur les 245 patients. Cette méthode ISET, pour Isolation by SizE of Tumor Cells, permet de repérer les cellules tumorales circulantes sur une simple prise de sang, chez des sujets non encore au stade tumoral radiologiquement décelable. Dans ce travail, des cellules tumorales circulantes ont été détectées chez 3 % des patients ayant une BPCO, soit 5 patients sur 168. La surveillance annuelle de ces 5 patients par scanner faible dose a identifié chez chacun d’entre eux un nodule pulmonaire 1 à 4 ans après la détection de cellules tumorales circulantes, conduisant à une résection chirurgicale rapide et à un diagnostic anatomopathologique de stade précoce de cancer du poumon. Le suivi à 16 mois de ces 5 patients par scanner faible dose et technique ISET n’a pas montré de récurrence tumorale. Par ailleurs, des cellules avec des caractéristiques cytomorphologiques bénignes ont été détectées chez 1,8 % des patients ayant une BPCO, soit 3 patients sur 168. Aucun des ces 3 patients, et aucun des 160 autres patients ayant une BPCO n’a développé jusqu’ici de cancer du poumon, comme l’a montré la répétition sur une durée moyenne de 60 mois des scanners faible dose. Aucune cellule tumorale circulante n’a été détectée dans le groupe témoin des fumeurs non BPCO et des nonfumeurs. Aucun d’entre eux n’a également développé de cancer du poumon dans les 5 ans suivant le début de l’étude [19]. Une prise de sang permettrait donc de détecter, des années avant que le cancer ne soit visible avec les techniques classiques d’imagerie, la présence de cellules tumorales circulantes qui jouent le rôle de sentinelle. Il pourrait s’agir d’une véritable avancée dans le domaine du dépistage des cancers. Cependant, plusieurs points prêtent à discussion. Sur le plan méthodologique : il s’agit d’une étude monocentrique, à très faible nombre de participants puisque 245 participants seulement ont été inclus. La nature des participants, dont la majorité est atteinte de BPCO qui est un facteur de risque de cancer du poumon, limite la transposition de ces résultats à une population saine. Les modalités de cette méthode ISET sont à optimiser : quel volume de prélèvement sanguin ? Quelle périodicité des examens ? Quelle fiabilité des observations dépendant de l’expérience des opérateurs ? Enfin, l’annonce à un patient de la présence de cellules cancéreuses circulantes en l’absence de cancer visible à l’imagerie soulève un problème éthique et psychologique. Il sera nécessaire de définir quelle prise en charge thérapeutique précoce pourra être proposée, quelle périodicité de suivi et par quelle méthode d’imagerie. Il semble difficile de se limiter au scanner thoracique alors que les cellules tumorales circulantes ne sont pas spécifiques d’un cancer et que le tabagisme est le facteur de risque majeur de plusieurs types de cancer. Et cette annonce doit s’accompagner d’une prise en charge psychologique spécifique. Les résultats de cette étude préliminaire sont donc prometteurs mais nécessitent des ajustements méthodologiques et une confirmation sur une population bien plus importante afin de valider la fiabilité de la technique.

363 Un tel dépistage ne peut s’intégrer à l’heure actuelle que dans un protocole de recherche clinique, multicentrique, avec consentement éclairé des participants, et en association au scanner thoracique faible dose.

Conclusion Les études réalisées ces dernières années et présentées cidessus montrent que la fréquence des cancers du poumon parmi les patients ayant une artériopathie est élevée et que ceux-ci sont découverts à un stade avancé lorsqu’ils sont recherchés après traitement d’une artériopathie. Il paraît essentiel de pouvoir proposer à ces patients à risque un test de dépistage facile à réaliser. Le dépistage par scanner faible dose est à l’heure actuelle le seul à avoir montré une réduction significative de la mortalité spécifique par cancer du poumon. Cependant il présente deux inconvénients : le nombre élevé de faux positifs et l’irradiation des malades. Il pourrait dans ce cas être envisagé dans l’avenir de s’appuyer en sus sur la méthode ISET ; cela toutefois sous réserve d’une validation multicentrique et par protocole de recherche. Ainsi on disposerait d’une méthode de dépistage facile à mettre en œuvre à la prise en charge initiale des patients artériopathes.

Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.

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