Pratiques en France de prise en charge des ruptures prématurées des membranes

Pratiques en France de prise en charge des ruptures prématurées des membranes

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JGYN-823; No. of Pages 8

Journal de Gyn´ ecologie Obst´ etrique et Biologie de la Reproduction (2012) xxx, xxx—xxx

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www.sciencedirect.com

ÉTAT DES CONNAISSANCES

Pratiques en France de prise en charge des ruptures prématurées des membranes Management of preterm and prelabour rupture of membranes in France C. Couteau a,∗, J.-B. Haumonté a, F. Bretelle a, M. Capelle b, C. D’Ercole a a b

Hôpital nord, chemin des Bourrely, 13915 Marseille cedex 20, France Hôpital de la Conception, 147, boulevard Baille, 13385 Marseille, France

Rec ¸u le 6 aoˆ ut 2012 ; avis du comité de lecture le 4 octobre 2012 ; définitivement accepté le 15 octobre 2012

MOT CLÉ Rupture prématurée des membranes

KEYWORD Preterm and prelabour rupture of membranes ∗

Résumé Introduction. — La rupture prématurée des membranes (RPM) est une complication fréquente des grossesses entraînant un risque de prématurité et d’infection néonatale. Leur prise en charge en France n’étant pas consensuelle, les attitudes sont variables entre les maternités. Nous avons soumis les maternités de type 2B et 3 à un questionnaire portant sur leur pratique concernant les RPM. Résultats. — L’étude inclut 59 maternités de type 2B et 59 de type 3. La corticothérapie est proposée dans toutes les maternités de type 3 et dans 96,5 % des maternités de type 2B. L’antibiothérapie est instaurée à l’admission de la patiente dans 96,6 % des maternités de type 3 et 86 % des maternités de type 2B. La tocolyse est prescrite systématiquement dans 31 % des maternités et uniquement en cas de contractions dans 62 % des maternités. Aucune maternité ne propose de naissance anticipée systématique avant 32 SA. Entre 32 et 34 SA, un accouchement anticipé est proposé par 9,5 % des maternités. Entre 34 et 37 SA, 58 % des maternités indiquent une naissance. Conclusion. — La corticothérapie et l’antibiothérapie sont majoritairement instaurées lors du diagnostic de RPM, comme le préconisent l’HAS et le CNGOF. Malgré l’absence de recommandation, une attitude expectative jusqu’à 34 SA en l’absence de signe de chorioamniotite semble adoptée par la majorité des maternités. © 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Summary Introduction. — Preterm premature rupture of the membranes (PPROM) is a frequent complication of pregnancy leading to prematurity and neonatal infection. The management of PPROM is not consensual in France and practices between maternities are variable. We subjected type 2B and 3 maternity units to a questionnaire regarding their practices concerning the PPROM.

Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (C. Couteau).

0368-2315/$ – see front matter © 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. http://dx.doi.org/10.1016/j.jgyn.2012.10.008

Pour citer cet article : Couteau C, et al. Pratiques en France de prise en charge des ruptures prématurées des membranes. J Gynecol Obstet Biol Reprod (Paris) (2012), http://dx.doi.org/10.1016/j.jgyn.2012.10.008

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C. Couteau et al. Results. — Our study includes 59 type 2B maternity units and 59 type 3 maternity units. Corticotherapy is proposed in all of type 3 maternity units and in 96.5% of type 2B maternity units. Antibiotics are administered at the patient admission in 96.6% of type 3 maternity units and 86% of type 2B maternity units. Tocolytics are used systematically in 31% of maternity units and only in case of contractions in 62% of maternity units. No maternity unit indicates birth systematically after corticotherapy before 32 weeks of gestation (WG). An early delivery is proposed in 9.5% of maternity units between 32 and 34 WG and in 58% of maternity units between 34 and 37 WG. Conclusion. — Corticotherapy and antibiotics are predominantly administered at the time of the diagnosis, as recommended by the HAS and CNGOF. Despite the lack of recommendation, an expectative management until 34 WG, in absence of any sign of chorioamnionitis, seems to be the choice of most maternity units. © 2012 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Introduction Deux à 3 % des grossesses se compliquent d’une rupture prématurée des membranes (RPM) engendrant un risque important de naissance prématurée et d’infection néonatale. La prise en charge obstétricale en France de ces patientes entre 24 et 37 SA ne fait pas l’objet d’un consensus. Il en résulte des attitudes médicales variées entre les maternités. Le bénéfice de la corticothérapie immédiate [1—3] et de l’antibiothérapie [4—10] est largement documenté en cas de RPM avant 34 SA et leur utilisation est logiquement recommandée par la Haute Autorité de santé (HAS) [11] et le Collège national des gynécologues et obstétriciens franc ¸ais (CNGOF) [12]. En revanche, plusieurs points font controverse dans la littérature : • l’intérêt de la tocolyse. Son bénéfice n’ayant pas été démontré par les études de la littérature, les pratiques et les attitudes préconisées sont variables : tocolyse durant la corticothérapie, systématique ou en cas de contractions, ou même contre-indication de la tocolyse pour ne pas masquer des signes de chorioamniotite ; • l’indication de naissance anticipée en fonction du terme et de l’ancienneté de la RPM. L’intervalle entre la RPM et l’accouchement décrit dans la littérature est variable avec un taux de naissance durant les 48 premières heures de 60—70 % pour l’équipe de Johnson et al. [13] pour des RPM entre 20 et 30 SA et jusqu’à 90 % dans l’étude de Mark et al. [14] pour des RPM entre 32 et 36 SA. En cas d’absence de mise en travail spontanée et une fois la corticothérapie réalisée, se pose la question d’une naissance anticipée ou d’une attitude expectative, mettant en balance les complications liées à la prématurité et les risques infectieux liés à une RPM prolongée ; • l’intérêt de la cervicométrie par échographie endovaginale comme élément prédictif d’un accouchement prématuré, notamment pour justifier une tocolyse ou un transfert maternofœtal dans une maternité de niveau 2B ou 3 ; • les modalités de surveillance puisque ces patientes sont exposées au risque de chorioamniotite nécessitant une

extraction fœtale en urgence. Toutefois, aucun critère clinique ou biologique ne suffit à lui seul pour diagnostiquer une chorioamniotite. Le rythme et les éléments de surveillance varient donc en fonction des maternités. La possibilité d’une surveillance ambulatoire des RPM est également discutée dans la littérature mais aucune recommandation n’a été établie. Nous dressons ici un aperc ¸u des pratiques médicales des maternités de type 2B et 3 en France.

Population et méthodes Un questionnaire a été soumis aux maternités de France métropolitaine prenant en charge les grossesses de moins de 34 SA (2B et 3) lors d’une enquête téléphonique menée d’août 2011 à février 2012. L’étude portait sur la gestion des patientes ayant présenté une RPM avant 37 SA : • les modalités de prise en charge au moment du diagnostic (indication de corticothérapie, type d’antibiotiques, indication d’une tocolyse) ; • le terme minimum de réanimation néonatale ; • l’indication d’une naissance en fonction de l’âge gestationnel (attitude de surveillance ou d’extraction à moins de 28 SA, entre 28—30 SA, 30—32 SA, 32—34 SA et 34—37 SA) ; • les paramètres pris en compte pour définir une suspicion de chorioamniotite ; • le lieu de surveillance. L’étude incluait toutes les RPM : spontanées ou secondaires à un geste invasif et sur grossesse simple ou multiple. Un médecin sénior de chaque maternité a été contacté par téléphone. Il répondait au questionnaire par téléphone, mail ou nous adressait leur protocole de prise en charge.

Résultats Nous avons identifié 118 maternités de type 2B et 3 via les réseaux périnatals : 59 de type 2B et 59 de type 3. Nous

Pour citer cet article : Couteau C, et al. Pratiques en France de prise en charge des ruptures prématurées des membranes. J Gynecol Obstet Biol Reprod (Paris) (2012), http://dx.doi.org/10.1016/j.jgyn.2012.10.008

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Figure 1

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Répartition des maternités de niveaux 2B et 3 interrogées.

Distribution of the included type 2B and type 3 maternity units in France.

avons collecté les réponses de 59 maternités de type 2B et 57 maternités de type 3 (Fig. 1).

Terme de réanimation néonatale

60% 50 40 30

Parmi les maternités de type 3, 18 % proposent une réanimation néonatale à partir de 24 SA, 50 % à partir de 25 SA, 22 % à partir de 26 SA et 3,5 % à partir de 27 SA (Fig. 2). Les maternités de type 2B prennent en charge les patientes présentant une RPM partir de 30 SA dans 12 % des cas, 31 SA dans 10 % des cas et 32 SA dans 77 % des cas.

Corticothérapie La corticothérapie est proposée au moment du diagnostic dans toutes les maternités de type 3 et dans 96,5 % des

20 10 0 24 SA

25 SA

26 SA

27 SA

Figure 2 Terme minimum de réanimation néonatale en maternité de niveau 3. Minimum term of neonatal reanimation in type 3 maternity units.

Pour citer cet article : Couteau C, et al. Pratiques en France de prise en charge des ruptures prématurées des membranes. J Gynecol Obstet Biol Reprod (Paris) (2012), http://dx.doi.org/10.1016/j.jgyn.2012.10.008

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C. Couteau et al.

maternités de type 2B. Deux maternités de type 2B réalisent la corticothérapie uniquement en cas de contractions utérines. La majorité des maternités ne retient pas de contre-indication à la corticothérapie en dehors d’une chorioamniotite évidente nécessitant une extraction en urgence. L’existence d’un diabète déséquilibré est retenue par 4,3 % des maternités comme contre-indication à la corticothérapie.

Antibiothérapie L’antibiothérapie est systématiquement réalisée dans l’ensemble des maternités de type 3 et, dans la majorité des cas, immédiatement au moment du diagnostic de RPM. Deux maternités l’instaurent 12 à 48 heures après le diagnostic pour l’adapter à l’antibiogramme. L’antibiothérapie est instaurée au moment du diagnostic de RPM dans 86 % des maternités de type 2B. Elle est adaptée aux résultats du prélèvement vaginal dans quatre centres. Quatre centres ne prescrivent pas d’antibiotique. L’amoxicilline est prescrit en première intention dans 82 % des maternités. Les bi- ou trithérapies représentent 10 % des prescriptions, les C3G 4 % et la pénicilline G 2,5 % (Fig. 3). Les bithérapies prescrites associent une pénicilline ou une céphalosporine de troisième génération à un macrolide, un imidazolé ou un aminoside. Les trithérapies prescrites associent une céphalosporine de troisième génération, un imidazolé et un aminoside.

Tocolyse Une tocolyse est prescrite durant la corticothérapie par 31 % des maternités. Elle est instaurée uniquement en cas de contractions ou de menace d’accouchement prématuré dans 62 % des maternités. Enfin 6 % des maternités la contreindiquent.

Indications de naissance anticipée La suspicion de chorioamniotite est la seule indication formelle d’extraction en urgence quel que soit le terme (à partir du terme de réanimation néonatale) pour toutes les maternités interrogées. Avant 32 SA Aucune maternité ne propose de naissance systématique après corticothérapie avant 32 SA (Fig. 4). Cependant, certains critères entrent en compte dans la décision médicale : • l’anamnios est un critère de naissance pour sept maternités de type 3 (12 %) avant 28 SA, huit (14 %) avant 30 SA et neuf (16 %) avant 34 SA. Il représente aussi un critère pour quatre maternités sur 12 (33 %) de type 2B entre 30 et 32 SA ; • la présentation caudale est une indication de naissance pour deux maternités de type 3 (3,5 %) entre 28 et 32 SA. Deux maternités sur 12 de type 2B (17 %) indiquent une naissance entre 30 et 32 SA sur ce critère. Entre 32 et 34 SA Entre 32 et 34 SA, une naissance après corticothérapie est indiquée dans cinq maternités de type 3 (9 %) et six maternités de type 2B (10 %) (Fig. 4). L’anamnios est un critère de naissance dans huit maternités de type 3 (14 %) et 20 maternités de type 2B (34 %). Entre 34 et 37 SA Entre 34 et 37 SA, 58 % des maternités déclenchent l’accouchement : 38 % à partir de 34 SA et 20 % à partir de 35 SA. Un tiers a une attitude expectative et 8 % ne proposent pas systématiquement une attitude plutôt qu’une autre.

Critères de surveillance Cervicométrie Parmi les maternités interrogées, 62 % effectuent une cervicométrie de fac ¸on systématique à l’admission, 22 % uniquement en cas de contractions et 7 % uniquement en cas de modification du toucher vaginal. La cervicométrie n’est pas indiquée dans 6 % des maternités.

amoxicilline bi ou tri thérapie C3G péni G

L’existence d’une chorioamniotite fait consensus dans l’indication d’une naissance, mais les critères évoquant une chorioamniotite varient en fonction des maternités interrogées (Fig. 5). Plusieurs paramètres de surveillance sont retenus pour décider d’une naissance anticipée. L’existence d’une hyperthermie maternelle, la tachycardie fœtale ou les anomalies du rythme cardiaque fœtal (ARCF) et l’élévation de la CRP indiquent une naissance en urgence dans 96 % des maternités. Les autres variables prises en compte sont l’hyperleucocytose (86 % des maternités), la tachycardie maternelle (35 % des maternités), un prélèvement vaginal positif (28 % des maternités) et une amniocentèse retrouvant un germe (5 % des maternités). Précisons que les seuils d’hyperleucocytose, d’élévation de la CRP et d’hyperthermie retenus par les maternités sont variables, ainsi que la fréquence des bilans de surveillance.

autre

Lieu de surveillance Figure 3

Choix de l’antibiothérapie.

Choice for the antibiotherapy.

En cas de RPM inférieure à 24 SA, une surveillance à domicile est proposée par 35 % des maternités interrogées.

Pour citer cet article : Couteau C, et al. Pratiques en France de prise en charge des ruptures prématurées des membranes. J Gynecol Obstet Biol Reprod (Paris) (2012), http://dx.doi.org/10.1016/j.jgyn.2012.10.008

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5

100% 90% 80% 70% surveillance 60% extraction si anamnios 50% extraction si siège

40%

extraction après corticothérapie

30% 20% 10% 0% <28SA niv.3

28-30SA niv.3

30-32SA niv.3

32-34 SA niv.3

32-34SA niv.2B

Figure 4 Attitude avant 34 SA en maternité de niveaux 3 et 2B : surveillance, extraction si anamnios, extraction si siège, extraction après corticothérapie. Management before 34 WG in type 3 and 2B maternities: supervision, extraction in case of anhydramnios, extraction in case of breech presentation, extraction after corticotherapy.

100 % 90 80 70 60 50 40 30 20 10 0

fièvre maternelle tachycardie fœtale ou ARCF élévation de la CRP hyperleucocytose tachycardie maternelle prélevement vaginal amniocentèse

Figure 5 Critères de surveillance évoquant une chorioamniotite retenus par les maternités : fièvre maternelle, tachycardie fœtale ou ARCF, élévation de la protéine C réactive, hyperleucocytose, tachycardie maternelle, prélèvement vaginal, amniocentèse. Suspicious items of chorioamnionitis in maternity units: maternal hyperthermy, non reassuring fetal heart tracing, elevation of C reactive protein, elevation of leukocytes, maternal tachycardy, vaginal prelevement, amniocentesis.

Entre 24 et 37 SA, 17 maternités de type 3 (30 %) et huit maternités de type 2B (14 %) proposent une hospitalisation à domicile ou une surveillance en hôpital de jour pour les RPM stables (échographies et bilans biologiques normaux).

Discussion Le bénéfice de la corticothérapie et de l’antibiothérapie, dans la prise en charge initiale des RPM, n’est plus contesté en raison de niveaux de preuves élevés apportés par la

littérature. Il en résulte des recommandations claires de l’HAS [11] et du CNGOF [12] et ainsi, une attitude homogène au sein des maternités interrogées. L’antibiotique utilisé varie en fonction des maternités même si l’amoxicilline est le plus souvent prescrit en première intention, comme le recommande l’HAS [11]. Notons toutefois que le type et la durée d’antibiothérapie sont également sujets à discussion dans la littérature puisque l’HAS recommande l’amoxicilline jusqu’à obtention des résultats bactériologiques, l’American Congress of Obstetricians and Gynaecologists (ACOG) [15] préconise sept

Pour citer cet article : Couteau C, et al. Pratiques en France de prise en charge des ruptures prématurées des membranes. J Gynecol Obstet Biol Reprod (Paris) (2012), http://dx.doi.org/10.1016/j.jgyn.2012.10.008

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jours de bithérapie (48 heures d’ampicilline-érythromycine en intraveineux et cinq jours d’amoxicilline-érythromycine per os) et le Royal College of Obstetricians and Gynaecologists (RCOG) [16] recommande dix jours d’érythromycine. Dans notre étude, 94 % des maternités effectuent une cervicométrie à l’admission de la patiente, dont 62 % systématiquement et 29 % en cas de contractions ou de modification cervicale au toucher vaginal. Dans une étude prospective regroupant 101 patientes ayant présenté une RPM à moins de 34 SA, l’équipe Gire et al. [17] a montré qu’une cervicométrie inférieure à 20 mm entre 25 et 34 SA étaient significativement corrélée à un délai de latence entre la rupture et l’accouchement plus court. Dans cette étude, 63 % des patientes ayant une longueur cervicale inférieure à 20 mm accouchaient dans les 48 heures suivant la rupture des membranes. Ainsi, la cervicométrie pourrait avoir un intérêt pour justifier un transfert vers une maternité ayant accès à une réanimation néonatale et pour prescrire une corticothérapie immédiate pour les patientes présentant une RPM entre 25 et 34 SA et une longueur cervicale inférieure à 20 mm. L’analyse de la littérature rapporte une utilisation controversée de la tocolyse en situation de RPM. Même si l’efficacité de la tocolyse n’a pas été démontrée [18—20], elle est préconisée par le CNGOF [12] en cas de contractions utérines, afin de couvrir la durée de la corticothérapie. Aucun consensus n’a été établi par le collège américain [15]. Le RCOG [16] ne préconise pas de tocolyse puisqu’elle n’a pas fait preuve de son bénéfice et pourrait limiter la reconnaissance des contractions utérines liées à un processus infectieux. L’étude des pratiques en France montre que plus de la moitié des maternités prescrivent une tocolyse en cas de contractions utérines, au moins le temps de la corticothérapie. Un tiers l’instaure de fac ¸on systématique et 6 % des maternités la contre-indiquent. Au-delà de la prise en charge initiale, les études présentées dans la revue de la Cochrane Collaboration de 2010 [21], regroupant sept essais soit 690 patientes, n’ont pas permis de mettre en évidence de bénéfice entre une attitude expectative et une naissance anticipée avant 37 SA en termes de mortalité périnatale (RR : 1,59 ; IC : 0,61—4,16), de morbidité néonatale (infection [RR : 1,33 ; IC : 0,72—2,47], détresse respiratoire [RR : 0,98 ; IC : 0,74—1,29], hémorragie cérébrale [RR : 1,90 ; IC : 0,52—6,92], entérocolite nécrosante [RR : 0,58 ; IC : 0,08—4,08]) et de risque de césarienne (RR : 1,51 ; IC : 1,08—2,1). L’étude Domino, essai prospective et multicentrique réalisé de 1999 à 2001 en région Rhône-Alpes par l’équipe Pasquier et al. a étudié le devenir à court et long terme d’enfants issus de grossesse avec RPM entre 24 et 34 SA. Un premier article publié en 2007 [22] a comparé la mortalité à deux ans après un délai de latence de plus ou moins 48 heures en fonction du terme de naissance et a montré une réduction de la mortalité à deux ans en cas de latence inférieure à 48 heures à partir de 30 SA. Une deuxième publication de 2009 [23] a comparé la morbimortalité néonatale après une mise en travail spontanée, un accouchement anticipé pour raisons médicales (fièvre, ARCF, HRP, procidence du cordon) et un accouchement anticipé sans raison médicale dans le cadre de RPM entre

24 et 34 SA. Les résultats publiés mettaient en évidence une diminution des complications neurologiques dans le groupe d’accouchement anticipé sans raison médicale par rapport au groupe de mise en travail spontanée et une élévation de la morbidité dans le groupe d’accouchement anticipé pour raison médicale et en cas de RPM précoces dans la grossesse. À l’inverse, les études de Mark et al. [14], Cox et al. [24] et Mercer et al. [25] comparant une attitude expectative à un accouchement anticipé pour des RPM entre 32 et 36 SA, 30 et 34 SA, 32 et 36 SA respectivement, ont mis en évidence une augmentation du taux de chorioamniotite et sepsis mais une absence de différence significative au niveau de la morbidité néonatale. L’étude de Lieman et al. [26], portant sur 430 patientes, a comparé la morbi-mortalité néonatale dans un groupe de patientes ayant présenté une RPM à plus de 24 SA et ayant accouché à moins de 37 SA avec un groupe de patientes ayant présenté une RPM et ayant accouché entre 36 et 37 SA. Les résultats montrent une élévation significative de la mortalité en cas de naissance avant 28 SA, une augmentation du risque de détresse respiratoire en cas de naissance avant 32 SA, une élévation de la morbidité sévère pour les enfants nés avant 33 SA. En l’absence de recommandation franc ¸aise, un consensus semble être obtenu dans la plupart des maternités franc ¸aises en accord avec les recommandations internationales. En effet, l’ACOG [15] préconise depuis 2007 une attitude expectative jusqu’à 31 SA révolue et le RCOG [16] recommande depuis 2006 une naissance à 34 SA, afin de réduire les risques liés à la prématurité, en soulignant tout de même une majoration du risque infectieux. Notre étude montre une attitude en France qui se rapproche de ces recommandations, puisque toutes les maternités interrogées s’accordent pour ne pas extraire de fac ¸on systématique avant 32 SA. Après 32 SA, les indications de naissance sont plus larges. Environ 10 % des maternités décident d’une naissance après la corticothérapie entre 32 et 34 SA, sans différence entre les types 2B et 3. Pour cette même période, l’anamnios représente un critère de naissance dans un tiers des maternités de type 2B, contre moins d’un sixième des maternités de type 3. Entre 34 et 37 SA, les attitudes sont très variables entre une naissance dès 34 SA, entre 35 et 36 SA et une poursuite de la surveillance. La détection précoce d’une chorioamniotite est primordiale dans le suivi des RPM, puisqu’il s’agit de la principale indication de naissance en urgence. Cependant les études reprises par l’HAS [11] montrent qu’aucun test parmi la numération formule sanguine, la CRP, le prélèvement vaginal et l’amniocentèse n’est suffisamment performant à lui seul pour diagnostiquer une chorioamniotite. Le dosage de l’interleukine-6 semble être un marqueur précoce et performant mais encore non réalisable en pratique courante à l’heure actuelle [27]. La surveillance de ces patientes repose donc sur un faisceau d’arguments comme l’hyperthermie maternelle, les anomalies du rythme cardiaque fœtal, l’élévation de la CRP et des leucocytes. Moins fréquemment, la tachycardie maternelle et le prélèvement vaginal positif (notamment au streptocoque B) sont utilisés comme critère d’extraction.

Pour citer cet article : Couteau C, et al. Pratiques en France de prise en charge des ruptures prématurées des membranes. J Gynecol Obstet Biol Reprod (Paris) (2012), http://dx.doi.org/10.1016/j.jgyn.2012.10.008

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Pratiques en France de prise en charge des ruptures prématurées des membranes Enfin, quelques maternités réalisent une amniocentèse à la recherche de germe. Enfin, le lieu de surveillance est discuté, puisqu’il s’agit d’une pathologie fréquente, nécessitant souvent une longue durée d’hospitalisation, et donc représentant un coût important. Cependant, la survenue d’une chorioamniotite ne peut être prévenue et nécessite une prise en charge en urgence. La décision d’une surveillance à domicile doit donc prendre en compte ces deux aspects. Certaines conditions semblent nécessaires à une surveillance ambulatoire : absence de syndrome infectieux, absence d’anamnios, patiente compliante au traitement, proximité géographique avec la maternité. . . Une récente étude de la Cochrane Collaboration [28], incluant deux essais randomisés, montre une réduction du coût et une amélioration de la satisfaction des patientes bénéficiant d’une surveillance ambulatoire par rapport aux patientes surveillées en hospitalisation. Dans cette méta-analyse, il n’existait pas de différence significative en ce qui concerne la morbidité néonatale, le terme et le poids de naissance, le taux de chorioamniotite et le nombre d’admission en service de soin intensif néonatal. Toutefois la puissance des essais ne permet pas d’établir de recommandation en pratique clinique. Actuellement, l’hospitalisation à domicile ou une surveillance en hôpital de jour est proposée par 30 % des maternités de type 3 et 14 % des maternités de type 2B.

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Conclusion Malgré l’absence de recommandation, les pratiques en France en cas de rupture prématuré des membranes avant 32 SA semblent s’uniformiser et s’accorder aux pratiques internationales. Les attitudes semblent plus controversées à partir de 32 SA et entre les maternités de type 2B et 3. La surveillance ambulatoire permettrait de réduire la durée d’hospitalisation et le coût de prise en charge des patientes présentant une rupture prématurée des membranes. D’autres essais sont nécessaires pour établir les conditions de la prise en charge ambulatoire de ces patientes et évaluer la morbi-mortalité maternofœtal.

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Déclaration d’intérêts

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Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.

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Pour citer cet article : Couteau C, et al. Pratiques en France de prise en charge des ruptures prématurées des membranes. J Gynecol Obstet Biol Reprod (Paris) (2012), http://dx.doi.org/10.1016/j.jgyn.2012.10.008

Modele + JGYN-823; No. of Pages 8

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C. Couteau et al.

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Pour citer cet article : Couteau C, et al. Pratiques en France de prise en charge des ruptures prématurées des membranes. J Gynecol Obstet Biol Reprod (Paris) (2012), http://dx.doi.org/10.1016/j.jgyn.2012.10.008