Prise en charge chirurgicale des diplopies dysthyroïdiennes

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J Fr. Ophtalmol., 2007; 30, 4, 390-396 COMMUNICATION DE LA SFO © 2007. Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés Prise en charge chirurgicale des d...

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J Fr. Ophtalmol., 2007; 30, 4, 390-396

COMMUNICATION DE LA SFO

© 2007. Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés

Prise en charge chirurgicale des diplopies dysthyroïdiennes C. Bok, C. Hidalgo, S. Morax Service d’Ophtalmologie et d’Oculoplastie, Fondation ophtalmologique A. de Rothschild, Paris. Correspondance : C. Bok, Service d’Ophtalmologie et d’Oculoplastie, Fondation ophtalmologique A. de Rothschild, 25-29, rue Manin, 75019 Paris. E-mail : [email protected] Communication orale présentée lors du 112e congrès de la Société française d’Ophtalmologie en mai 2003. Reçu le 27 juin 2006. Accepté le 9 janvier 2007. Surgical management of diplopia in dysthyroid orbitopathy C. Bok, C. Hidalgo, S. Morax J. Fr. Ophtalmol., 2007; 30, 4: 390-396

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Introduction: Forty percent of thyroid-related orbitopathies are associated with strabismus. In the healing phase of disease, fibrous hypertrophy of extraocular muscles may result in restrictive myopathy. We report our experience of surgical management in these cases. Patients and methods: We present a retrospective case series conducted on 42 patients, operated between September 1998 and April 2003. All patients underwent complete oculoplastic and orthoptic examinations. Muscular recession was performed in all cases, with general anesthesia in cases of clinical muscular restriction; adjustable recession with topical anesthesia was performed in cases of moderate muscular restriction. Postoperative alignment and elimination of diplopia in the functional position of the gaze were evaluated. Results: The study included 42 patients (28 women, 14 men) with a mean age of 51 years. The mean follow-up was 48 months (range, 10 months to 6 years). Twenty-six patients presented vertical diplopia, 11 horizontal diplopia, and five mixed diplopia with a vertical and a horizontal component. These patients were operated on twice, beginning with vertical surgery. In cases of general anesthesia, muscular recession was adapted to an intraoperative forced duction test and a muscular elongation test. We obtained 94 % good results for vertical diplopia and 81 % for horizontal diplopia. Incomplete results were under correction. Adjustable muscular recession was adapted to intraoperative evaluation with patient participation. All patients had good results. Conclusion: Successful surgical treatment depends on precise identification of the muscles that are restricting motility and producing misalignment. We insist on the importance of an intraoperative forced duction test and a muscular elongation test in case of clinical muscular restriction. Adjustable surgery is useful in cases of moderate muscular fibrosis.

Key-words: Diplopia, dysthyroid orbitopathy, Graves disease. Prise en charge chirurgicale des diplopies dysthyroïdiennes Introduction : Les troubles oculomoteurs sont présents dans 40 % des cas d’orbitopathie dysthyroïdienne. À la phase séquellaire, l’hypertrophie fibreuse des muscles oculomoteurs est responsable d’une myopathie restrictive. Nous rapportons notre expérience de prise en charge chirurgicale de ces patients. Patients et méthodes : Nous présentons une étude rétrospective portant sur 42 patients opérés entre septembre 1998 et avril 2003. Tous les patients ont eu un bilan complet ophtalmologique et orthoptique. La chirurgie a été proposée dans les cas de diplopie stable depuis au moins 6 mois avec une orbitopathie stable depuis au moins 6 mois. Un recul musculaire a été réalisé dans tous les cas, sous anesthésie générale en cas de fibrose clinique, sous anesthésie topique potentialisée avec chirurgie ajustable dans les cas de fibrose modérée. La suppression de la diplopie en position primaire et dans les différents champs du regard a été évaluée. Résultats : Quarante-deux patients, dont 28 femmes et 14 hommes, d’âge moyen 51 ans (39 à 75 ans), ont été inclus dans cette étude. Le recul moyen est de 48 mois (10 mois à 6 ans). Vingt-six patients présentaient une diplopie verticale, 11 une diplopie horizontale, 5 une diplopie mixte. Ces derniers ont été opérés en deux temps, en commençant par le temps vertical. Sous anesthésie générale, le recul musculaire a été adapté aux tests de duction forcée et

INTRODUCTION L’atteinte oculomotrice est cliniquement présente dans 40 % des orbitopathies dysthyroïdiennes. Liée à la fibrose musculaire, elle réalise au stade séquellaire une myopathie restrictive, responsable d’une diplopie et/ou de limitations musculaires invalidantes. Nous présentons ici notre expérience de prise en charge chirurgicale de cette pathologie.

PATIENTS ET MÉTHODES Nous rapportons une étude rétrospective portant sur 42 patients, dont 28 femmes et 14 hommes, opérés entre septembre 1998 et avril 2003 par le même opérateur avec un recul de 10 mois à 72 mois (moyenne de 48 mois). Le suivi a comporté un rendez-vous à 15 jours postopératoires, puis à 6 semaines, à 3 mois, à 6 mois, puis tous les 6 mois. Aucun patient de cette série n’a présenté de récidive d’orbitopathie au cours du suivi. Quarante patients étaient atteints d’une maladie de Basedow et un patient d’une thyroïdite d’Hashimoto. L’âge moyen était de 51 ans, avec des extrêmes allant de 39 ans à 75 ans. Tous les patients étaient atteints d’une diplopie et/ou d’une restriction oculomotrice invalidante, stable depuis au moins 6 mois, avec une orbitopathie stable depuis au moins 6 mois.

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d’élongation musculaire. Nous avons obtenu 94 % de bons résultats dans les formes verticales, 81 % dans les formes horizontales, les résultats incomplets étaient des sous-corrections. Sous anesthésie topique, le recul musculaire a été ajusté en peropératoire avec la participation active du patient. Un bon résultat a été noté chez tous les patients. Conclusion : Un bon résultat chirurgical dépend de l’évaluation précise des muscles responsables de la restriction. Nous insistons sur l’importance des tests de duction forcée et d’élongation musculaire dans les cas restrictifs et sur l’utilité de la chirurgie ajustable dans les formes à fibrose modérée.

Key-words: Diplopie, orbitopathie dysthyroïdienne, maladie de Basedow.

Vingt-six patients présentaient une diplopie verticale par hypotropie liée à la fibrose des muscles droits inférieurs, 11 patients présentaient une diplopie horizontale par ésotropie en rapport avec une atteinte des muscles droits médiaux, 5 patients présentaient une diplopie mixte, à composante verticale et horizontale par atteinte associée des muscles droits inférieurs et droits médiaux (tableau I). Dix-sept patients avaient au préalable été opérés par décompression orbitaire pour une exophtalmie associée. Un seul patient a développé une diplopie postopératoire ; il présentait en préopératoire des limitations oculomotrices cliniques et coordimétriques. Les 16 autres patients ayant eu une décompression orbitaire présentaient une diplopie avant la chirurgie osseuse. Dans tous les cas, une chirurgie de recul musculaire a été réalisée sous microscope opératoire sous anesthésie générale pour les patients présentant une forme cliniquement fibreuse, et sous anesthésie topique potentialisée pour les patients où la fibrose était cliniquement modérée (fig. 1) et/ou en cas de contre-indication à l’anesthésie générale. L’anesthésie topique potentialisée a consisté en l’instillation locale de tétracaïne associée à une diazanalgésie intraveineuse, permettant un réglage peropératoire avec la participation active du patient. Cette technique nécessite l’information et la coopération du patient. L’évaluation du recul musculaire a été faite sur les mesures préopératoires : bilan clinique et orthoptique avec coordimètre. Nous l’avons adaptée en peropératoire. Sous anesthésie générale, le recul musculaire a été adapté aux tests de duction forcée et d’élongation musculaire. Le test de duction forcée étudie la mobilisation passive des globes oculaires. Il est noté positif s’il existe une gêne mécanique (restriction) (fig. 2a). Le test d’élongation musculaire est effectué selon la méthode isotonique sur un muscle disséqué, non désinséré [1].

Tableau I Type de diplopie. Type de diplopie

Nombre de patients

Verticale

26

Horizontale

11

Mixte

05

Total

42

Un myomètre à ressort (myomètre de Rapp Roth) est placé sous l’insertion musculaire [2]. Le globe est placé en position primaire et un repère est placé au contact du centre cornéen (fig. 2b). Exerçant une traction, l’opérateur fait pivoter le globe pour amener l’insertion musculaire vers le repère resté immobile et mesure avec une réglette millimétrée l’espace qui sépare l’insertion du repère (fig. 2c). La notation adoptée ne retient pas l’élongation elle-même, mais la distance en millimètre qui sépare la position atteinte par l’insertion musculaire de celle du repère. Si l’insertion peut être amenée jusqu’au contact du repère, l’extensibilité correspond à la valeur zéro. Si l’insertion ne peut pas être amenée jusqu’au contact du repère, l’extensibilité s’exprime par une valeur en millimètre négative ; si elle dépasse le repère, l’extensibilité s’exprime en valeur en millimètre positive. Selon l’élongation mesurée, le muscle étudié est donc normo-, hypo- ou hyper-extensible. Lorsque le test de duction forcée était positif (restriction musculaire), le recul musculaire a été égal à l’inextensibilité musculaire, mesurée en millimètres au cours du test d’élongation musculaire. Lorsque le test de duction forcée était négatif (pas de restriction musculaire), le recul a été de 1 mm pour 3 dioptries prismatiques (DP) de déviation, le test d’élongation musculaire étant systématiquement fait et noté. Sous anesthésie topique potentialisée, le recul musculaire a été réglé en peropératoire sur le patient assis et coopérant. Il s’agissait d’un réglage uniquement peropératoire. Le patient est assis, porte sa correction optique éventuelle. Le réglage est effectué par l’étude des reflets, le test à l’écran alterné, l’étude de la motilité et les réponses subjectives du patient (disparition de la diplopie). Pour une forme verticale (recul du muscle droit inférieur), une sous-correction de 6 DP en fin d’intervention a été recherchée. Pour une forme horizontale (recul du muscle droit médial), le réglage a cherché à obtenir l’orthophorie en fin d’intervention (fig. 1c). Lorsque le recul nécessaire du muscle droit inférieur était supérieur à 8 mm (test d’élongation musculaire supérieur à 8 mm), il a été réparti entre le droit inférieur atteint et le droit supérieur controlatéral (1 cas dans cette série). Les formes mixtes ont été opérées en deux temps, le premier temps étant celui de la verticalité, le second temps celui de l’horizontalité (fig. 3). Le but de cette chirurgie était la suppression de la diplopie dans les regards de face et vers le bas.

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1a 1b 1c 1d 2a 2b 2c

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Figure 1 : Chirurgie ajustable sous anesthésie topique potentialisée : recul du muscle droit médial gauche. (a) Aspect préopératoire : ésotropie G. (b) Aspect préopératoire : peu de limitation de l’abduction G. (c) Aspect peropératoire : orthophorie en fin d’intervention. (d) Aspect à 10 mois postopératoires. Figure 2 : Tests peropératoires. (a) Test de duction forcée. (b) et (c) Test d’élongation musculaire.

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3a 3b 3c 3d

Figure 3 : Diplopie mixte par hypotropie et ésotropie gauche. (a) et (b) Aspect préopératoire : noter le faux ptôsis par hypotropie. (c) et (d) Aspect postopératoire à 12 mois après deux temps chirurgicaux.

Nous avons considéré comme étant un bon résultat la disparition de la diplopie dans les regards de face et en bas, une orthotropie ou une déviation résiduelle inférieure à 4 DP. Nous avons noté comme résultat incomplet la persistance d’une diplopie dans les regards de face et en bas nécessitant une prismation ou la discussion d’une reprise chirurgicale. Tableau II Protocole chirurgical selon les formes cliniques. Chirurgie/Anesthésie

RÉSULTATS (tableaux II et III) En préopératoire, les valeurs orthoptiques de l’hypotropie variaient de 6 à 40 DP, avec une moyenne de 20 DP, et celles de l’ésotropie EtE’t de 10 à 35 DP, avec une moyenne de 22 DP. Quarante-huit gestes chirurgicaux ont été réalisés : 32 sur la verticalité et 16 sur l’horizontalité. Les valeurs de recul musculaire pour correction de la verticalité s’échelonnaient de 1,5 mm à 8 mm (moyenne : 5,5 mm) et les valeurs du recul du muscle droit médial de 4 à 6 mm

Protocole/Commentaire

Verticale (n = 32) : Recul du droit inférieur selon TEM – anesthésie générale Contre-indication à l’anesthésie (n = 31) générale et fibrose modérée – anesthésie topique Sous-correction en fin d’intervention potentialisée (n = 1) Horizontale (n = 16) : Limitation clinique de l’abduction et/ – anesthésie générale ou refus des patients de l’anesthésie (n = 13) topique – anesthésie topique Recul 1 mm/3 DP déviation potentialisée (n = 3) Fibrose clinique modérée Orthophorie en fin d’intervention

Tableau III Récapitulatif des résultats. Chirurgie

Bon résultat

Verticalité : – anesthésie générale – anesthésie topique potentialisée

30 (94 %) 1 (100 %)

Total (n = 48) : – anesthésie générale (n = 44) – anesthésie topique potentialisée (n = 4)

Horizontalité : – anesthésie générale – anesthésie topique potentialisée

10 (81 %) 3 (100 %)

TEM : test d’élongation musculaire.

Total

44 (92 %)

SousTotal correction 1 (6 %)

32

3 (19 %)

16

4 (8 %)

48

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(moyenne 5 mm). Un seul patient a eu un recul unilatéral d’un muscle droit médial ; pour tous les autres patients, le recul a été bilatéral et symétrique.

montré une élongation musculaire normale ou très peu diminuée (+ 0,5 à – 1,5 mm). Dix bons résultats et 3 sous-corrections ont été obtenus (fig. 4). Sous anesthésie topique potentialisée, un bon résultat a été obtenu dans les 3 cas (fig. 1d).

Chirurgie verticale (32 cas) Elle a concerné 26 diplopies verticales, 5 composantes verticales des diplopies mixtes, et 1 limitation majeure bilatérale de l’élévation associée à une diplopie horizontale. Sous anesthésie générale (31 cas), nous avons constaté un test de duction forcée positif dans 30 cas et une extensibilité musculaire normale dans 1 cas (test d’élongation musculaire : – 0,5 mm). Nous avons obtenu 30 bons résultats et 1 sous-correction (cas du test d’élongation musculaire normal). L’intervention chirurgicale a été réalisée sous anesthésie topique potentialisée dans 1 cas en raison d’une contre-indication à l’anesthésie générale et d’une fibrose modérée, avec un bon résultat.

Les sous-corrections n’ont pas nécessité de reprise chirurgicale, mais une prismation intégrée à la correction optique (de 1 à 3 DP). Aucun patient de cette série n’ayant présenté de récidive de poussée d’orbitopathie, les résultats sont restés stables. Il n’y a eu aucune reprise chirurgicale.

DISCUSSION L’orbitopathie dysthyroïdienne atteint toutes les structures orbitaires. Elle évolue en deux phases, une phase inflammatoire durant de 12 à 24 mois, puis une phase séquellaire où s’installent les phénomènes de fibrose [3-4]. Les muscles oculomoteurs sont la cible primitive de l’atteinte orbitaire. À la phase inflammatoire, le corps charnu est le siège d’une infiltration par des lymphocytes, des cellules inflammatoires, des muccopolysaccharides et d’un œdème, épargnant le tendon. Ces

Chirurgie horizontale (16 cas) Elle a concerné 11 diplopies horizontales et 5 composantes horizontales des diplopies mixtes. Dans les 13 cas sous anesthésie générale, le test de duction forcée et le test d’élongation musculaire ont 394

4a 4b 5a 5b

Figure 4 : Esotropie gauche traitée par chirurgie sous anesthésie générale. (a) Aspect préopératoire. (b) Aspect postopératoire à 10 mois : recul des deux muscles droits médiaux. Figure 5 : Important recul musculaire (> 8 mm) réparti entre les muscles droit inférieur droit et droit supérieur gauche. (a) Aspect préopératoire et (b) aspect postopératoire à 1 an.

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éléments sont responsables de l’augmentation mesurable en imagerie du volume des masses musculaires prédominant à l’apex [5, 6]. L’atteinte oculomotrice s’accompagne de douleur à la mobilisation du globe, de rougeur conjonctivale en regard de l’insertion des muscles droits. À la phase séquellaire, l’évolution se fait vers la fibrose. L’atteinte oculomotrice est cliniquement présente dans 40 % des orbitopathies dysthyroïdiennes [7, 8] et visible en imagerie dans 98 % des cas [9]. Les muscles le plus souvent touchés sont les muscles droits inférieurs, suivis par ordre de fréquence décroissante, par les muscles droits médiaux, supérieurs, puis latéraux, l’atteinte des muscles obliques étant exceptionnelle [8]. L’atteinte peut être uni ou bilatérale, symétrique ou non, mono ou plurimusculaire. Elle se traduit au stade séquellaire par une myopathie restrictive dont la forme clinique la plus typique est une diplopie verticale par hypotropie et limitation de l’élévation. La prise en charge de ces troubles oculomoteurs est chirurgicale au stade séquellaire, les prismes représentant une solution d’attente. La chirurgie oculomotrice est proposée devant une stabilité des signes cliniques et une euthyroïdie d’au moins 6 mois. Elle comprend dans un premier temps une chirurgie osseuse, puis une chirurgie oculomotrice, et enfin une chirurgie palpébrale [10]. Dans cette série, l’orbitotomie a permis la décompensation des troubles oculomoteurs latents, essentiellement par perte de support du globe. La décompression osseuse par une large voie d’abord permet une bonne exposition avec contrôle des structures orbitaires [11]. Dans cette étude, nous avons noté une corrélation importante entre la déviation verticale et la fibrose des muscles droits inférieurs (limitation oculomotrice clinique, test d’élongation musculaire positif) que nous n’avons pas constatée en horizontalité. Chirurgicalement, l’importance de la fibrose musculaire détermine l’importance du recul musculaire. Rootman et al. [12] préconisent l’usage de sutures ajustables et un protocole opératoire adapté au test de duction forcée, corrigeant 2,5 à 3 DP pour 1 mm de recul. Roth et al. [13] introduisent le test d’élongation musculaire peropératoire, sans désinsertion, ajustant le recul à cette évaluation. Nguyen et al. [14] recommandent l’évaluation de la restriction musculaire pour le dosage chirurgical. Dans notre série, les formes fibreuses sont de bon pronostic. Répartir un grand recul musculaire (> 8 mm) entre le droit inférieur atteint et le droit supérieur controlatéral permet de diminuer les complications que sont la majoration de la rétraction palpébrale inférieure et la gêne dans le regard en bas. Une illustration de cet exemple est présentée (fig. 5). La chirurgie réglable sous anesthésie topique potentialisée nous paraît une alternative intéressante que nous avons commencé à utiliser dans les formes à fi-

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brose modérée, qui sont essentiellement des formes horizontales. La chirurgie réglable permet d’éviter des sous-corrections et pourrait avoir de meilleurs résultats à long terme [15, 16]. Nous l’avons constaté dans notre série. Nous n’avons jamais noté d’hypertropie secondaire après chirurgie verticale comme cela est souvent décrit dans la littérature [6, 14, 17, 18]. Il est probable qu’un recul de la valeur exacte d’inextensibilité musculaire réalise un geste physiologique. Dans cette série, la moyenne de recul par rapport à la déviation avec cette technique donne un rapport de 1 mm de recul pour 3,4 DP de déviation soit un geste moins généreux qu’en utilisant la règle de 1 mm de recul pour 3 DP.

CONCLUSION La chirurgie oculomotrice s’inscrit dans un schéma thérapeutique précis, après la chirurgie osseuse, avant la chirurgie palpébrale. L’orbitotomie préalable n’influe pas sur notre protocole chirurgical oculomoteur. Nous insistons sur la valeur du test d’élongation musculaire peropératoire dans les formes fibreuses et sur la place de la chirurgie réglable dans les formes à fibrose modérée. L’importance de la gêne fonctionnelle et les bons résultats chirurgicaux obtenus dans cette pathologie incitent à opérer les patients dès l’obtention de la stabilité en phase séquellaire.

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