Profil épidémiologique et stratégie de traitement des fractures de l’acétabulum dans un centre de traumatologie universitaire de niveau 1 – étude rétrospective de 414 patients sur une période 10 ans

Profil épidémiologique et stratégie de traitement des fractures de l’acétabulum dans un centre de traumatologie universitaire de niveau 1 – étude rétrospective de 414 patients sur une période 10 ans

Revue de chirurgie orthopédique et traumatologique 103 (2017) 231–235 Disponible en ligne sur ScienceDirect www.sciencedirect.com Mémoire original ...

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Revue de chirurgie orthopédique et traumatologique 103 (2017) 231–235

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ScienceDirect www.sciencedirect.com

Mémoire original

Profil épidémiologique et stratégie de traitement des fractures de l’acétabulum dans un centre de traumatologie universitaire de niveau 1 – étude rétrospective de 414 patients sur une période 10 ans夽 Epidemiology and treatment of acetabular fractures in a level-1 trauma centre: Retrospective study of 414 patients over 10 years M. Boudissa a,∗,b , F. Francony a , G. Kerschbaumer a , S. Ruatti a , M. Milaire a , P. Merloz a,b , J. Tonetti a,b a Service de chirurgie orthopédique et traumatologique, hôpital Nord, université Grenoble Alpes, CHU de Grenoble, boulevard de la Chantourne, 38700 La Tronche, France b CNRS UMR 5525, laboratoire TIMC-IMAG, université Grenoble Alpes, pavillon Taillefer, 38700 La Tronche, France

i n f o

a r t i c l e

Historique de l’article : Rec¸u le 10 novembre 2016 Accepté le 25 janvier 2017 Mots clés : Fracture de l’acétabulum Épidémiologie Trauma-Center franc¸ais Traitement conservateur Ostéosynthèse Arthroplastie

r é s u m é Background. – Les études épidémiologiques des fractures de l’acétabulum sont rares, et à notre connaissance le dernier travail publié en France en 1993 était la série de Letournel. L’incidence de ces fractures a diminué surtout pour les fractures à haute énergie tandis que les fractures à basse énergie sont plus fréquentes du fait de l’augmentation de l’espérance de vie. Cependant ces données n’ont pas été confirmées sur une série franc¸aise aussi nous avons mené une étude rétrospective sur 10 ans dans un TraumaCenter de niveau 1 afin d’identifier : (1) les caractéristiques épidémiologiques des patients présentant une fracture de l’acétabulum, (2) la stratégie de traitement des fractures de l’acétabulum. Hypothèse. – Les caractéristiques épidémiologiques sont comparables aux données des séries européennes. Méthode. – Tous les patients pris en charge pour une fracture de l’acétabulum entre 2005 et 2014 étaient inclus dans cette étude rétrospective monocentrique. Tous les patients ont pu être revus dans notre centre ou dans une autre structure à 6 mois de suivi. Les données épidémiologiques des groupes traitement conservateur, ostéosynthèse et arthroplastie étaient comparées. Résultats. – Entre 2005 et 2014, 414 patients d’âge moyen 49,4 ans [15–101] étaient admis. Les patients âgés, présentant une majorité de fractures à faible énergie atteignant le mur antérieur étaient traitées de manière conservatrice (56 %, 231 patients). Les patients âgés, présentant une majorité de fractures touchant le mur postérieur étaient traités par arthroplastie avec ou sans renfort acétabulaire et plaque vissée d’ostéosynthèse (7 %, 27 patients) avec un taux élevé de complications (26 complications pour 27 patients, 96 %). Les patients plus jeunes, présentant une fracture à haute énergie et des fractures plus complexes étaient traités majoritairement par ostéosynthèse à ciel ouvert (156 patients, 38 %). Conclusion. – Nos résultats correspondent aux indications actuelles de la prise en charge des fractures de l’acétabulum. Les caractéristiques épidémiologiques de notre série sont comparables à celles des rares séries épidémiologiques européennes récentes publiées. À notre connaissance, cette série est la plus importante série épidémiologique franc¸aise depuis les travaux historiques de Letournel. Niveau de preuve. – Niveau 4 étude rétrospective. ´ ´ es. © 2017 Elsevier Masson SAS. Tous droits reserv

DOI de l’article original : http://dx.doi.org/10.1016/j.otsr.2017.01.004. 夽 Ne pas utiliser, pour citation, la référence franc¸aise de cet article, mais celle de l’article original paru dans Orthopaedics & Traumatology: Surgery & Research, en utilisant le DOI ci-dessus. ∗ Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (M. Boudissa). http://dx.doi.org/10.1016/j.rcot.2017.02.009 ´ ´ 1877-0517/© 2017 Elsevier Masson SAS. Tous droits reserv es.

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1. Introduction Les études épidémiologiques des fractures de l’acétabulum sont rares. L’incidence des fractures à haute énergie de l’acétabulum a diminué du fait de la prévention routière tandis que les fractures à basse énergie ont augmenté du fait de l’allongement de l’espérance de vie [1]. Les publications récentes ont montré des changements au cours du temps dans l’épidémiologie de ces fractures concernant la distribution de l’âge, des types fracturaires, des mécanismes lésionnels et de la prise en charge (traitement conservateur versus traitement chirurgical) [2,3]. Ces dernières décennies, aucune étude épidémiologique franc¸aise des fractures de l’acétabulum n’a été publiée. La série de Letournel de 940 cas publiée en 1993 est la dernière série franc¸aise significative sur le plan épidémiologique [4]. Les variations des données épidémiologiques n’ont pas été confirmées sur une série franc¸aise aussi nous avons mené une étude rétrospective sur 10 ans dans un Trauma-Center de niveau 1 afin d’identifier : (1) les caractéristiques épidémiologiques des patients présentant une fracture de l’acétabulum, (2) la stratégie de traitement des fractures de l’acétabulum. Notre hypothèse était que les caractéristiques épidémiologiques étaient comparables aux données des séries européennes.

postérieure de Kocher-Langenbeck ou la voie antérieure ilioinguinale ou les deux voies d’abords combinées étaient réalisées en fonction de la fracture. Pour les patients traités par arthroplastie, une tige fémorale cimentée ou non était utilisée. Dans la majorité des cas, la tenue en press-fit de la cupule n’était pas satisfaisante et un renfort acétabulaire de type croix de Kerboull était utilisé. Une cupule cimentée double mobilité associé à une plaque vissée postérieure étaient mis en place. Tous les patients bénéficiaient d’un traitement anticoagulant préventif par héparine de bas poids moléculaires injectable pendant toute la durée de l’absence d’appui sauf si un autre traitement anticoagulant était nécessaire pour une autre raison (comorbidités, complications). 2.3. Méthode d’évaluation Pour les patients traités de fac¸on conservatrice, la mise en place d’une traction trans-osseuse et d’une prothèse totale de hanche secondaire était analysée. Pour les patient opérés, la voie d’abord et le type d’ostéosynthèse ou d’implants prothétiques étaient analysées. Les complications étaient relevées et analysées. Les patients ont tous été revus à 6 mois dans notre centre ou dans une autre structure. Les données épidémiologiques des différents traitements étaient comparées.

2. Matériels et méthodes 2.4. Analyse statistique 2.1. Patients Tous les patients pris en charge pour une fracture de l’acétabulum entre janvier 2005 et décembre 2014 étaient inclus dans cette étude rétrospective monocentrique. Les patients présentant une fracture des branches ilio-pubiennes et/ou de l’anneau pelvien, ne concernant pas l’acétabulum étaient exclus. Au total, 414 patients d’âge moyen 49,4 ans [15–101] étaient inclus. Le sex-ratio était de 307 hommes (74 %) et 107 femmes (24 %). La durée moyenne d’hospitalisation était de 16,7 jours [1–78]. Centcinq patients présentaient une fracture à faible énergie (25 %), 309 patients présentaient une fracture à haute énergie (75 %) et 136 patients étaient classées polytraumatisés (33 %). Le score ISS moyen était de 11,1 [0–52] [5]. Les variétés fracturaires les plus représentées étaient les fractures de la colonne antérieure (22 %, 92 patients) suivi des fractures de la paroi postérieure (19 %, 80 patients) et de la paroi antérieure (14 %, 58 patients). Les principales caractéristiques de la série sont résumées dans le Tableau 1. 2.2. Description de la méthode Les données épidémiologiques analysées étaient le sex-ratio, l’âge, le mécanisme lésionnel (faible énergie versus haute énergie), l’existence d’un polytraumatisme, l’Injury Severity Score (ISS), la durée d’hospitalisation et les variétés fracturaires selon la classification de Letournel [5,6]. Pour la description des fractures, la classification de Letournel était utilisée pour l’étude des données radiologiques (radiologies standards et scanners). Deux observateurs indépendants ont classé séparément chaque fracture. En cas de discordance, les fractures étaient non classées (NC). Pour les patients opérés, la classification était confirmée par les constatations peropératoires et modifiée le cas échéant [6,7]. Le traitement conservateur consistait en fonction de la fracture en une traction trans-osseuse pour 3 semaines avec mobilisation passive de la hanche ou un simple repos au lit puis mobilisation passive et active sans appui pour une durée totale de 6 semaines. Le traitement chirurgical consistait en une ostéosynthèse ou une arthroplastie en fonction de l’âge, des comorbidités et du type de fracture. Pour les patients traités par ostéosynthèse, la voie

Les analyses statistiques étaient réalisées à l’aide du logiciel Statview 5.5 (SAS Institute, Cary, NC, États-Unis). Le test de Student était utilisé pour comparer des variables quantitatives et le test du Chi2 était utilisé pour comparer des variables qualitatives. Si la valeur de p était inférieure au risque alpha de 0,05 alors la différence était considérée comme significative. Notre comité local d’éthique a donné son approbation concernant cette étude rétrospective. 3. Résultats 3.1. Épidémiologie de la série Un total de 231 patients (56 %) étaient traités de fac¸on conservatrice. Leur âge moyen était de 53,4 ans [15–101]. Le sex-ratio était de 162 hommes (70 %) et 69 femmes (30 %). La durée moyenne d’hospitalisation était de 13,3 jours [1–59]. Quatre-vingtsept patients présentaient une fracture à basse énergie (38 %) et 75 patients étaient polytraumatisés (32 %). Le score ISS moyen était de 11 [0–52]. Les fractures les plus représentées étaient les fractures de la colonne antérieure (35 %, 81 patients), suivies de fractures de la paroi antérieure (25 %, 58 patients) et des fractures de la paroi postérieure (17 %, 39 patients). Une traction trans-osseuse était mise en place chez 196 patients (85 %) et 15 patients (6 %) ont eu une prothèse totale de hanche secondaire à 6 mois de suivi pour coxarthrose. Les principaux résultats sont résumés dans les Tableaux 1 et 2. Au total 156 patients (38 %) étaient traités par ostéosynthèse. L’âge moyen était de 40,3 ans [17–80]. Le sex-ratio était de 126 hommes (81 %) pour 30 femmes (19 %). La durée moyenne d’hospitalisation était de 20,6 jours [6–78]. Un patient présentait une fracture à basse énergie (< 1 %) et 155 patients étaient polytraumatisés (99 %). Le score ISS moyen était de 10,6 [0–48]. Les fractures les plus représentées étaient les fractures transverses + paroi postérieure (22 %, 34 patients) suivies des fractures de la paroi postérieure (19 %, 29 patients) et des fractures de la colonne antérieure avec hémi-transverse postérieure (18 %, 28 patients). La voie d’abord était une voie de Kocher-Langenbeck (KL) pour 88 patients (56 %), une voie ilio-inguinale (II) pour 38 patients

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Tableau 1 Principales données épidémiologiques de la série et concernant les différents traitements (conservateur, ostéosynthèse, prothèse). Données épidémiologiques

Série globale (414 (%))

Traitement conservateur (231 (%))

Ostéosynthèse (156 (%))

Prothèse totale de hanche (27 (%))

Valeur de pa

Âge (années) Hommes Femmes Durée moyenne d’hospitalisation (jours) Mécanisme lésionnel Basse énergie Haute énergie Polytraumatisme Injury Severity Score

49,4 [15–101] 307 (74 %) 107 (26 %) 16,7 [1–78]

53,4 [15–101] 162 (70 %) 69 (30 %) 13,3 [1–59]

40,3 [17–80] 126 (81 %) 30 (19 %) 20,6 [6–78]

69,6 [39–95] 19 (70 %) 8 (30 %) 23,1 [6–75]

105 (25 %) 309 (67 %) 136 (33 %) 11,1 [0–52]

87 (38 %) 144 (62 %) 75 (32 %) 11 [0–52]

1 (0,6 %) 155 (99,4 %) 155 (99 %) 10,6 [0–48]

17 (63 %) 10 (37 %) 9 (33 %) 14 [4–49]

< 0,05 > 0,05 > 0,05 < 0,05 > 0,05 < 0,05 < 0,05 < 0,05 > 0,05

a

Les valeurs significatives figurent en gras.

Tableau 2 Répartition des différents types fracturaires de la série et concernant les différents traitements (conservateur, ostéosynthèse, prothèse). Types fracturaires

Série globale (414 (%))

Traitement conservateur (231 (%))

Ostéosynthèse (156 (%))

Prothèse totale de hanche (27 (%))

Valeurs de pa

Simples Paroi antérieure Colonne antérieure Paroi postérieure Colonne postérieure Transverse (Tr) Complexes Colonne postérieure + paroi postérieure Transverse + paroi postérieure Fracture en T Colonne antérieure + hémi-transverse postérieure Deux colonnes Non classées (NC)

263 (63,5 %) 58 (14 %) 92 (22,2 %) 80 (19,3 %) 20 (4,8 %) 13 (3,1 %) 147 (35,5 %) 12 (2,9 %) 34 (8,2 %) 13 (3,1 %) 36 (8,7 %) 48 (11,6 %) 4 (1 %)

198 (85,7 %) 58 (25,1 %) 81 (35,1 %) 39 (16,9 %) 14 (6,1 %) 6 (2,6 %) 32 (13,9 %) 0 (0 %) 0 (0 %) 2 (0,9 %) 8 (3,5 %) 18 (7,8 %) 1 (0,4 %)

46 (29,5 %) 0 (0 %) 11 (7,1 %) 29 (18,6 %) 1 (0,6 %) 5 (3,2 %) 107 (68,6 %) 11 (7,1 %) 34 (21,8 %) 9 (5,8 %) 28 (17,9 %) 25 (16 %) 3 (1,9 %)

19 (70,4 %) 0 (0 %) 0 (0 %) 12 (44,4 %) 5 (18,5 %) 2 (7,4 %) 8 (29,6 %) 1 (3,7 %) 0 (0 %) 2 (7,4 %) 0 (0 %) 5 (18,5 %) 0 (0 %)

< 0,05 < 0,05 < 0,05 < 0,05 < 0,05 > 0,05 < 0,05 < 0,05 < 0,05 > 0,05 < 0,05 > 0,05 > 0,05

a

Les valeurs significatives figurent en gras.

(24 %), un double abord pour 19 patients (12 %) et une voie iliofémorale pour 7 patients (4 %). Une plaque de reconstruction pelvienne était mise en place chez 71 patients (46 %), une plaque de reconstruction associée à une vissage de la colonne controlatérale étaient mis en place chez 45 patients (29 %) et une plaque de reconstruction associée à une « spring plate » étaient mises en place chez 14 patients (9 %). Quatorze patients (9 %) ont eu une prothèse totale de hanche secondaire dans les 6 mois de suivi du fait d’un mauvais résultat clinique (un cas d’ostéonécrose, trois luxations récidivantes). Sur ces quatorze patients la réduction n’était pas satisfaisante dans 13 cas [8]. Les résultats sont résumés dans le Tableau 1. Au total 27 patients (6 %) ont bénéficié d’une prothèse totale de hanche d’emblée. L’âge moyen était 69,6 ans [39–95]. Le sex-ratio était de 19 hommes (70 %) et 8 femmes (30 %). La durée moyenne d’hospitalisation était de 23,1 jours [6–75]. Dix-sept patients présentaient une fracture à basse énergie (63 %) et 9 patients étaient polytraumatisés (33 %). Le score ISS moyen était de 14 [4–49]. Les fractures les plus représentées étaient les fractures de la paroi postérieure (44 %, 12 patients) suivi des fractures de la colonne postérieure (19 %, 5 patients). Une prothèse totale de hanche standard associée à une plaque de reconstruction était réalisée chez 6 patients (22,2 %). Parmi eux, 5 patients (83 %) avaient une fracture de la paroi postérieure et 1 patient (17 %) avait une fracture colonne postérieure et paroi postérieure. Une prothèse totale de hanche avec reconstruction acétabulaire par une croix de Kerboull et une plaque de reconstruction était réalisée chez 21 patients (77,8 %). Parmi eux, 7 patients (33,3 %) avaient une fracture de la paroi postérieure, 5 patients (23,8 %) avaient une fracture de la colonne postérieure, 5 patients (23,8 %) avaient une fracture des deux colonnes, 2 patients (9,5 %) avaient une fracture transverse et 2 patients (9,5 %) avaient une fracture en « T » (Tableaux 1 et 2).

3.2. Traitement conservateur versus traitement chirurgical Les données épidémiologiques étaient comparées entre les deux groupes. Les patients avec un traitement conservateur étaient plus âgés (53,4 versus 44,6 ans, p < 0,001). La durée moyenne d’hospitalisation était inférieure dans le groupe traitement conservateur (13,3 versus 21 jours, p < 0,001) et plus de patients polytraumatisés bénéficiaient du traitement chirurgical (164/183 (90 %) versus 75/231 (32 %), p < 0,001). Les fractures complexes étaient plus fréquentes dans le groupe traitement chirurgical (115/183 (63 %) versus 32/231 (14 %), p < 0,001). Les fractures touchant le mur antérieur étaient plus fréquentes dans le groupe traitement conservateur (134/231 (60 %) versus 11/183 (6 %), p < 0,001) tandis que les fractures touchant le mur postérieur étaient plus fréquentes dans le groupe traitement chirurgical (59/183 (32 %) versus 53/231 (23 %), p < 0,01). Aucune différence significative n’était retrouvée concernant le score ISS (Tableau 1).

3.3. Ostéosynthèse versus prothèse totale de hanche Les données épidémiologiques étaient comparées entre les deux groupes. Les patients du groupe ostéosynthèse étaient plus jeunes (40,4 versus 69,6 ans, p < 0,001). La durée d’hospitalisation moyenne était inférieure dans le groupe ostéosynthèse (20,6 versus 23,1 jours, p < 0,001) et plus de patients polytraumatisés bénéficiaient d’une ostéosynthèse (155/156 [99 %] versus 9/27 [33 %], p < 0,001). Les fractures de la paroi postérieure (12/27 [44 %] versus 29/156 [19 %], p < 0,001) et les colonnes postérieures (5/27 [19 %] versus 1/156 [1 %], p < 0,001) étaient plus fréquentes dans le groupe prothèse. Les fractures touchant le mur postérieur étaient plus fréquentes dans le groupe prothèse totale de hanche (18/27 [67 %]

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versus 41/156 [26 %], p < 0,001). Aucune différence significative n’était retrouvée concernant le score ISS (Tableau 1). 3.4. Ostéosynthèse versus traitement conservateur Les données épidémiologiques étaient comparées entre les deux groupes. Les patients avec un traitement conservateur étaient plus âgés (53,4 versus 40,3 ans, p < 0,001). La durée moyenne d’hospitalisation était inférieure dans le groupe ostéosynthèse (13,3 versus 20,6 jours, p < 0,001) et plus de patients polytraumatisés étaient dans le groupe ostéosynthèse (155/156 [99 %] versus 75/231 [32 %], p < 0,001). Les fractures complexes étaient plus fréquentes dans le groupe ostéosynthèse (107/156 [69 %] versus 32/231 [14 %], p < 0,001). Les fractures touchant le mur antérieur étaient plus fréquentes dans le groupe traitement conservateur (139/231 [60 %] versus 11/156 [7 %], p < 0,001) tandis que les fractures touchant le mur postérieur étaient identiques dans les deux groupes (41/156 [26 %] versus 53/231 [23 %], p > 0,05). Aucune différence statistiquement significative n’était retrouvée concernant le score ISS (Tableau 1). 3.5. Prothèse totale de hanche versus traitement conservateur Les données épidémiologiques étaient comparées entre les deux groupes. Les patients ayant bénéficié d’une prothèse totale de hanche étaient plus âgés (69,6 versus 53,4 ans, p < 0,001). La durée moyenne d’hospitalisation était supérieure dans le groupe conservateur (23,1 versus 13,3 jours, p < 0,001). Les fractures touchant le mur antérieur étaient plus fréquentes dans le groupe traitement conservateur (139/231 [60 %] versus 0/27 [0 %], p < 0,001) tandis que les fractures touchant le mur postérieur étaient plus fréquentes dans le groupe prothèse (18/27 [67 %] versus 53/231 [23 %], p < 0,001). Aucune différence significative n’était retrouvée concernant le polytraumatisme, le score ISS et la cinétique de la fracture (Tableau 1). 3.6. Complications Entre 2005 et 2014, parmi 414 patients pris en charge pour fracture de l’acétabulum, un total de 186 complications étaient retrouvées. Un total de 12 patients sont décédés dans les suites immédiates (2,9 %) et les deux tiers d’entre eux ont bénéficié d’un traitement conservateur (8 patients). Le taux de mortalité était supérieur dans le groupe prothèse (11,1 %, 3 patients), p = 0,06. Les complications étaient plus fréquentes dans le groupe prothèse (26 complications pour 27 patients [96 %]) que dans le groupe ostéosynthèse (78 complications pour 156 patients soit 50 %) et dans le groupe traitement conservateur (82 complications pour 231 patients soit 35 %), p < 0,001. Dans le groupe traitement conservateur, les complications les plus fréquentes étaient les escarres (9 %, 21 patients), infections pulmonaires (4,4 %, 10 patients) et les phlébites (4,3 %, 10 patients). Dans le groupe ostéosynthèse les complications les plus fréquentes étaient les phlébites (9 %, 14 patients), le positionnement intra-articulaire de vis (7,6 %, 12 patients), les lésions neurologiques (5,7 %, 9 patients) et le choc hémorragique secondaire au polytraumatisme (5,7 %, 9 patients). Dans le groupe prothèse les complications les plus fréquentes étaient les infections de site opératoire (22,2 %, 6 patients), les embolies pulmonaires (14,8 %, 4 patients) et les infections pulmonaires (11,1 %, 3 patients). Les différentes complications sont résumées dans le Tableau 3. 4. Discussion Entre 2005 et 2014, 414 patient d’âge moyen 49,4 ans [15–101] étaient admis dans notre Trauma-Center de niveau 1 pour une

fracture de l’acétabulum [9]. Les patients âgés, présentant une majorité de fracture à faible énergie atteignant le mur antérieur étaient traités de manière conservatrice (56 %, 231 patients). Les patients âgés, présentant une majorité de fractures touchant le mur postérieur étaient traités par arthroplastie avec ou sans renfort acétabulaire et plaque vissée d’ostéosynthèse (7 %, 27 patients) avec un grand taux de complications (26 complications pour 27 patients, 96 %). Les patients plus jeunes, présentant une fracture à haute énergie et des fractures plus complexes étaient traités majoritairement par ostéosynthèse à ciel ouvert (156 patients, 38 %). Ces résultats correspondent à nos indications dans la prise en charge des fractures de l’acétabulum [10]. Les principales limites concernant cette étude sont le caractère rétrospectif et la courte période de recul (6 mois). Bien que les données soient collectées rétrospectivement, le recueil était exhaustif sans perdus de vue. La courte période de recul entraîne une sousestimation des complications tardives telles que les arthroplasties secondaires mais ce n’était pas l’objectif de ce travail. La cohorte est conséquente en taille et, à notre connaissance, il s’agit de la deuxième plus importante série épidémiologique franc¸aise depuis la série des 940 patients de Letournel (3e édition en 1993) [4]. Cette série est actuellement la plus importante série franc¸aise récente de la littérature. Nos résultats sont comparables à ceux des études épidémiologiques de la littérature. Dans une étude multicentrique allemande récente de 1266 cas, l’âge moyen était de 47,3 ans [2]. Dans une étude monocentrique anglaise récente de 351 cas, l’âge moyen était situé entre 46,8 et 53,7 ans [3]. Dans une étude épidémiologique comparant les États-Unis et la Chine, l’âge moyen était respectivement de 40 et 44 ans [11]. Nos résultats sont comparables en ce qui concerne le sex-ratio, le mécanisme lésionnel, le score ISS et la durée moyenne d’hospitalisation aux États-Unis et en Europe [2,3,11]. Concernant la distribution des types fracturaires nos résultats sont comparables à ceux de la littérature européenne avec une majorité de fracture de la paroi postérieure, de la colonne antérieure et des deux colonnes (respectivement 23,3 %, 14,7 % et 13,5 % [3] ; et respectivement 19,4 %, 12,3 % et 19,3 % [2]). Concernant la stratégie chirurgicale, nos résultats sont comparables avec Laird et al. [3] (56 % de patients avec un traitement conservateur et 44 % de patients traités par ostéosynthèse). Ochs et al. [2] retrouvaient 32 % de patients avec un traitement conservateur, 65 % traités par ostéosynthèse et 3 % traités avec une prothèse mais ils avaient également un taux supérieur de fractures des deux colonnes nécessitant une ostéosynthèse. Ces résultats sont en accord avec les recommandations actuelles en traumatologie de l’acétabulum avec une priorité donnée au traitement conservateur chez les patients âgés dont la fracture est peu déplacée à basse énergie et une priorité au traitement chirurgical par ostéosynthèse chez le sujet jeune ou actif avec une fracture déplacée à haute cinétique. Le traitement par ostéosynthèse est préféré chez les patients actifs avec une fracture touchant le mur antérieur tandis que le traitement prothétique doit être favorisé chez le senior actif avec une fracture atteignant le mur postérieur [10,12]. Concernant les taux de complications Laird et al. [3] retrouvaient des résultats similaires avec 4,8 % de décès, 7,8 % de lésions neurologiques, 3 % de phlébites et 6,5 % d’infection de site opératoire pour les patients opérés. Ochs et al. [2] retrouvaient un taux inférieur de complications (16 %), un taux de mortalité de 2,9 % (5,3 % pour le traitement conservateur et 2 % pour le traitement chirurgical). Concernant le groupe traitement chirurgical le taux de phlébite (2,7 %), embolie pulmonaire (1,2 %), infection du site opératoire (1,4 %) étaient similaires à nos résultats du groupe ostéosynthèse. Dans leur étude seuls 3 % des patients ont eu une prothèse de première intention ce qui peut expliquer le faible taux de complications [2].

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Tableau 3 Complications concernant les différents traitements (conservateur, ostéosynthèse, prothèse). Complications

Série globale (414 (%))

Traitement conservateur (231 (%))

Ostéosynthèse (156 (%))

Prothèse totale de hanche (27 (%))

Valeurs de pa

Décès Choc hémorragique Lésions neurologiques Préopératoire Postopératoire Vis intra-articulaire Phlébite Embolie pulmonaire Lésions vasculaires Veineuses Artérielles Infection du site opératoire Infection pulmonaire Détresse respiratoire Escarres Prothèse totale de hanche secondaire (< 6 mois)

12 (2,9 %) 13 (3,1 %) 17 (4,1 %) 10 (2,4 %) 7 (1,7 %) 12 (2,9 %) 26 (6,3 %) 17 (4,1 %) 3 (0,7 %) 1 (0,2 %) 2 (0,5 %) 9 (2,2 %) 15 (3,6 %) 10 (2,4 %) 23 (5,6 %) 29 (7 %)

8 (3,4 %) 3 (1,2 %) 0 (0 %) 0 (0 %) 0 (0 %) 0 (0 %) 10 (4,3 %) 8 (3,4 %) 0 (0 %) 0 (0 %) 0 (0 %) 0 (0 %) 10 (4,3 %) 7 (3 %) 21 (9 %) 15 (6,4 %)

1 (0,6 %) 9 (5,7 %) 14 (9 %) 9 (5,7 %) 5 (3,2 %) 12 (7,6 %) 14 (9 %) 5 (3,2 %) 3 (1,9 %) 1 (0,6 %) 2 (1,2 %) 3 (1,9 %) 2 (1,2 %) 1 (0,6 %) 0 (0 %) 14 (9 %)

3 (11,1 %) 1 (3,7 %) 3 (11,1 %) 1 (3,7 %) 2 (7,4 %) 0 (0 %) 2 (7,4 %) 4 (14,8 %) 0 (0 %) 0 (0 %) 0 (0 %) 6 (22,2 %) 3 (11,1 %) 2 (7,4 %) 2 (7,4 %) 0 (0 %)

< 0,05 > 0,05 > 0,05 > 0,05 > 0,05 < 0,05 > 0,05 > 0,05 > 0,05 > 0,05 > 0,05 < 0,05 > 0,05 > 0,05 > 0,05 > 0,05

a

Les valeurs significatives figurent en gras.

Nous avons retrouvé un taux significativement supérieur de complications dans le groupe prothèse (96 %, 26 complications pour 27 patients) avec un taux de mortalité supérieur (11,1 %, 3 patients) (p = 0,06). Le taux de complications était supérieur au groupe ostéosynthèse (50 %, 78 complications pour 156 patients) et au groupe traitement conservateur (35 %, 82 complications pour 231 patients) (p < 0,001). Ceci peut être expliqué par une augmentation de la durée opératoire, de la perte sanguine et de la durée d’hospitalisation selon Boelch et al. [13]. Les séries de la littérature portant sur les prothèses de première intention en traumatologie acétabulaire avec ou sans reconstruction acétabulaire retrouvent un taux de complications inférieur mais sur des séries de plus petites tailles [14,15]. Cependant ce taux de complications reste supérieur pour les groupes prothèses par rapport aux groupes ostéosynthèse [13]. Les traitements percutanés des fractures de l’acétabulum pourraient être une alternative chez les patients aux comorbidités sévères [16]. La proportion de traitement conservateur devrait diminuer avec le développement des techniques percutanées et des voies d’abords mini-invasive [17]. 5. Conclusion Nos résultats correspondent aux indications actuelles de la prise en charge des fractures de l’acétabulum. Les caractéristiques épidémiologiques de notre série sont comparables à celles des rares séries épidémiologiques européennes récentes publiées. À notre connaissance, cette série est la plus importante série épidémiologique franc¸aise depuis les travaux historiques de Letournel [4]. Déclaration de liens d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts. Références [1] Al-Qahtani, O’Connor G. Acetabular fractures before and after the introduction of seatbelt legislation. Can J Surg 1996;39:317–20.

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