DEUX LE(~ONS DE BIOLOGIE MARINE
DES FORMES DE VIE INSOLITES
l'immu MII 'ar A n d r e Dhaina~d
Les n rSis et les autres annSlides marines fournissent de prdcieuses informations sur le d#veloppement des mScanismes immunitaires au cours de l' volution. * Professeur honoraire ~. I'universit~ de Lille L Laboratoire de biologie animale, 59655 Villeneuved'Ascq cedex.
(1) A Dhainaut (1984)Arch Anat Microsc Morphol Exp 73,133-150.
(2) E PorchetHennere(1990) d Invertebr Pathol
56, 353-361. (3} A Driouich (1998) Biofutur 176, 26-32. |4) N Moreletal (1983) d Cell Biol 97, 1737-1744.
es aquariophiles aiment admirer les 61~gants panaches branchiaux des sabelles et des spirographes, grSce auxquels ces vers ann~lides filtrent bact6ries et particules organiques en suspension dans l'eau. Les p~cheurs sont plus familiers des ar~nicoles et des n6r6is, qu'ils recherchent dans le sable ou la vase, fi mar~e basse. Les modes de vie de ces invert6brds dans des milieux riches en bact6ries et en parasites, et soumis de surcroh fi une pollution par des substances toxiques vari~es (m&aux lourds, pesticides), laissent penser qu'ils sont dou~s de puissants m~canismes protecteurs contre les agressions. Peut-on les comparer aux pouvoirs immunitaires des vert~br&, caract~ris~s par une double immunit6 acquise : l'immunit6 humorale (la production d'anticorps capables de reconnMtre des cibles &ran#res, les antig~nes, et d'aider ainsi fi leur ~limination), et l'immunit6 cellulaire, avec la capacit6 de phagc~rtose (l'ingestion des agresseurs, due essentiellement aux macrophages) et celle de cytotoxicite3 (la facult6 de certaines cellules, les lymphocytes et les cellules NK [natural killer], de tuer les ceUules &ran#res ou anormales sans les ing~rer) ? De fait, les processus de phagocytose et de cytotoxicit~ des ann~lides sont tr~s comparables fi ceux des vert6br6s. Ainsi des bact~ries introduites dans une ann61ide sont, dans la majorit6 des cas, phagocyt~es par des cellules du milieu int~rieur, appel~es cellules coelomiques. Les processus de destruction mis en jeu sont proches de ceux qui sont 'fi l'oeuvre dans la vacuole phagocytaire des macrophages de vertebras. Chez Hediste diversicolor (ex-Nereis diversicolor), esp~ce bien 6tudi~e dans notre laboratoire, il existe trois cat6L
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gories de cellules coelomiques, mises en 6vidence fi la fois en microscopie 61ectronique (1) et par utilisation d'anticorps monoclonaux (2). Ces cellules sont d6sign6es sous les noms de cellules GI, G2, G3. Les deux premi6res cat6gories interviennent dans les processus de phagocytose tandis que les cellules G3 se comportent comme des cellules tueuses. Face a des cellules &rang~res, elles s'y accolent. Une polarit~ s'&ablit alors dans leur cytoplasme : l'appareil de Golgi, l'organite qui trie les prot6ines synth~tis~es dans la cellule (3), s'oriente vers la cible. Une molScule (de 80 kDa) jouant un r61e analogue ~ celui de la perforine des cellules tueuses des vert6br~s, mais non compl&ement identifi~e chimiquement, est alors s~cr&~e. Elle provoque des perforations darts la paroi des cellules cibles et entraine leur destruction. Chez les ann~lides terrestres (lombrics) et chez les sipunculiens (vers marins proches des annElides), des processus de cytotoxicit6 de m~me type ont ~t6 d~crits. Des cellules cytotoxiques sont 8galement responsables des processus de rejet lors de tentatives de greffe tissulaire (4). Dans le cas off l'assaillant, un parasite par exemple, est de trop grande taille pour qu'il puisse &re phagocyt~ ou tu6 directement, un autre processus est mis en oeuvre : l'encapsulation. Ce m~canisme existe chez presque t o u s l e s invert~br6s 6tudi6s, notamment les insectes, et il persiste chez les vert6br~s, chez lesquels il aboutit au granulome, tissu de nature inflammatoire. Chez la n6r6is, I~liane Porchet, chercheur dans notre laboratoire, a d6montr6 que l'encapsulation se d~compose en plusieurs &apes (2). L'injection d'une particule 6trang~re est suivie de l'adh~rence des
cellules G3 ~ sa surface. Un message (de nature inconnue) 6mis par ces cellules provoque l'attraction des cellules (i;2 qui s'aplatissent et forment une couche pluricellulaire. Ces cellules s6cr~tent alors de la mdanine qui, en se d6posant sur la paroi de l'agresseur, le tue ~ la lois par asphyxie et surtout par effet toxique. > Une i m m u n i t 6 sans a n t i c o r p s
Performantes sur le plan de la cytotoxicit6, les ann~lides le sont-elles ~galement pour l'immunit~ humorale ? En fait, les invert6br6s, quels qu'ils soient, ne s6cr~tent pas d'anficorps et ne sont pas davantage capables des r~actions caract6ristiques du compl~ment, syst~me de d6fense des vert~br6s constitu6 d'une trentaine de prot~ines agissam en cascade dans le sang. Ils recourent/~ une autre strat6gie consisrant a renforcer la capacit6 de phagocytose des cellules coelomiques. Si l'on injecte dans une ann~lide des h6maties de vertebras ou des bact6ries par exemple, des mol6cules appel6es agglutinines sont lib6r6es dans le milieu int~rieur par plusieurs types de cellules. De nature glycoprot6ique, les agglutinines peuvent ~tre assimil6es aux lectines (mol6cules d'origine v~g6tale utilis~es en biochimie) en ce qu'elles reconnaissent les r6sidus glucidiques fi la surface des intrus, notamment bact~riens, et provoquent leur agglutination. Si l'on proc~de ~ des injections r6p&~es de ces cellules &rang~res, le taux d'agglutinines s'61~ve fortement. Ce processus immobilise les agresseurs et facilite ensuite leur phagocytose. Les agglutinines sont des mol6cules apparemment tr~s diff6rentes des anticorps des vert6br6s, mais il est impossible de le pr6ciser, faute de donn~es sur leurs s~quences et leur structure. Certains invert~br6s (insectes et mollusques) produisent bien des mol6cules de type h6moline dont les cha~nes prot6iques pr6sentent des analogies de s6quence avec