Quels sont les facteurs de risque de l’incontinence anale du post-partum ?

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Mise au point

Quels sont les facteurs de risque de l’incontinence anale du post-partum ? N. Pirro, B. Sastre, I. Sielezneff Service de Chirurgie Digestive, Hôpital la Timone – Marseille. Correspondance : N. Pirro, Service de Chirurgie Digestive, Hôpital de la Timone, 264 rue SaintPierre, 13385 Marseille cedex 5. e-mail : [email protected].

Résumé / Abstract

Introduction

Quels sont les facteurs de risque de l’incontinence anale du post-partum ?

Les modifications pelvi-périnéales consécutives à la grossesse et à l’accouchement provoquent souvent des pathologies proctologiques considérées comme inéluctables. L’incontinence anale est l’une des complications les plus redoutées. Elle peut survenir au décours de l’accouchement ou être retardée et apparaître sous l’effet conjoint de la carence hormonale et du vieillissement tissulaire.

N. Pirro, B. Sastre, I. Sielezneff L’incontinence fécale est une des complications fonctionnelles les plus redoutées de l’accouchement. Elle est due à des lésions sphinctériennes ou neurologiques, parfois les deux associées. L’incidence de l’incontinence fécale dans le post-partum varie de 13 à 54 % mais demeure mal connue à moyen et long terme. Le taux de plaie périnéale avec rupture des sphincters de l’anus et de rupture sphinctérienne occulte varie de 1 à 9 % et de 18 à 35 %. Près d’une femme sur deux a des troubles de la continence à moyen et long terme, après une réparation faite au décours de l’accouchement. Une neuropathie pudendale, d’étirement, secondaire aux efforts de poussées et à la descente de la tête foetale dans le pelvis peut survenir dès le 1er accouchement. Les principaux facteurs de risque de rupture sphinctérienne et de neuropathie pudendale sont les extractions instrumentales, la macrosomie et une durée d’expulsion prolongée. Le risque d’incontinence fécale doit être évoqué dès la 1re grossesse. La réalisation d’une épisiotomie ne protège pas les femmes d’une incontinence anale et pourrait même la favoriser. La neuropathie pudendale consécutive à l’accouchement favorise probablement l’apparition d’une incontinence fécale retardée sous l’effet conjoint de la carence hormonale et de la sénescence tissulaire. Le bénéfice de l’épisiotomie précoce chez les femmes ayant des facteurs de risque de rupture sphinctérienne reste à démontrer. Mots-clés : Anus. Pronostic. Incontinence anale. Post-partum. What are the risk factors of anal incontinence after vaginal delivery?

N. Pirro, B. Sastre, I. Sielezneff Fecal incontinence is one of the most feared complications of vaginal delivery. It may be the consequence of sphincter tears, of pudendal neuropathy, or of a combination of the two. Fecal incontinence occurs immediately following 13-54% of vaginal deliveries but its persistence in the mid and long term is poorly known. The incidence of perineal tear with anal sphincteric defect varies from 1-9% and the incidence of unrecognized sphincter injury may be as high as 18-35%. Half the women who undergo primary anal sphincter repair have short or long term continence problems. Pudendal neuropathy is caused by nerve stretch during pushing in the second stage of labor and descent of the fetal head ; it may occur even with the first delivery. Risk factors for sphincter injury and pudendal neuropathy include forceps delivery, large neonatal size, and prolonged second stage of labor. The risk of fecal incontinence must be considered even during the first pregnancy. Routine episiotomy does not prevent sphincter injury and may even predispose to it. Pudendal neuropathy following delivery may lead to delayed fecal incontinence abetted by postmenopausal hormonal deficiency and tissue senescence. The possible benefit of early episiotomy for women at high risk of sphincter injury must be evaluated by prospective studies. Mots-clés : Anus. Prognosis. Fecal incontinence. Post-partum.

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Fréquence L’incidence de l’incontinence anale chez les primipares, tous stades confondus, était de 13 à 54 % dans 5 études prospectives [1-5]. Elle était sévère dans 1 à 4 % des cas [1-4]. La gravité et la fréquence de l’incontinence fécale diminuent dans les mois qui suivent l’accouchement [2, 6] mais les résultats à long terme sont mal connus, rapportés uniquement par des études rétrospectives. La discordance des résultats à long terme est en partie liée à la difficulté à établir le lien de causalité entre la parité et l’incontinence, lorsque celle-ci survient plusieurs années après le dernier accouchement.

Causes et mécanismes de l’incontinence anale du post-partum Les causes et les mécanismes de l’incontinence anale du post-partum sont multiples et sont parfois intriqués. Leur part respective dans la genèse d’une incontinence anale est difficilement quantifiable. Cependant les lésions sphinctériennes et les lésions neurologiques en sont les causes principales.

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Lésions sphinctériennes

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Les lésions sphinctériennes sont diagnostiquées au décours de l’accouchement en cas de déchirure périnéale du 3e et du 4e degrés (tableau 1). Elles compliquent 1 à 9 % des accouchements [4, 5, 7] voire 14 % dans une étude prospective récente [8]. Ces lésions sont favorisées par une 2e partie de travail prolongée, une extraction instrumentale, un poids de naissance supérieur à 4 kg [2, 9, 10], une présentation fœtale occipito-postérieure [9], une épisiotomie médiane [2, 9], la primiparité et les antécédents de déchirure périnéale de même stade lors d’accouchements précédents [11]. Les extractions instrumentales par ventouses ou par forceps multiplient le risque d’incontinence fécale par 1,7 à 7,2 [12-14]. Les lésions du sphincter interne sont presque toujours associées à une atteinte du sphincter externe ; les lésions isolées du sphincter interne représentant 3 % de l’ensemble des déchirures sphinctériennes [7]. Une réparation chirurgicale immédiate est le plus souvent effectuée en cas de déchirure périnéale. Les résultats fonctionnels de ces réparations sont décevants [4]. Les études échographiques systématiques ont montré qu’une rupture sphinctérienne persistait dans 40 à 100 % des cas [3, 8, 9, 14-16]. Les troubles de la continence anale apparaissent dans 40 à 47 % des cas à moyen et à long terme [11, 12]. 80 % des malades ayant un mauvais résultat fonctionnel ont une rupture sphinctérienne résiduelle [9] suggérant que la réparation chirurgicale est peu efficace sur des tissus oedémateux et remaniés par l’hématome du post-partum. Le risque d’incontinence à distance de l’accouchement semble lié aux anté-

cédents de déchirure périnéale. Dans une étude rétrospective de 79 cas le taux d’incontinence était 10 fois plus important pour les parturientes qui avaient des antécédents de déchirure périnéale que pour les femmes ayant accouché sans complication [17]. Une publication plus récente [18] a également montré que l’incontinence fécale survenait plus précocement pour les femmes qui avaient une rupture sphinctérienne (61,5 ans versus 68 ans). Les ruptures sphinctériennes sont également responsables d’une altération de la fonction ano-rectale mesurée par manométrie. Une étude prospective [15] a rapporté des pressions mesurées en manométrie, au repos et lors de la contraction volontaire, plus basses dans le groupe de femmes ayant une rupture résiduelle que dans le groupe où la réparation était anatomiquement satisfaisante. Dans cette étude il n’y avait pas de corrélation entre la présence d’une rupture échographique et les symptômes d’incontinence. Cependant le délai médian du suivi était court (3,6 mois) pouvant laisser craindre une détérioration à distance. Cette notion a d’ailleurs été suggérée par une étude récente qui rapportait que 44 % des femmes qui avaient une rupture résiduelle étaient incontinentes alors que toutes les femmes sans lésion échographique avaient une continence normale [7]. Divers travaux, dont ceux de Sultan et al. [1] ont montré 18 à 35 % de lésions sphinctériennes occultes chez les primipares [1-3, 19]. L’extraction instrumentale par forceps, une durée de seconde partie de travail supérieure à 1 heure et le recours à une analgésie péridurale en étaient les facteurs de risque principaux [3, 13]. Le caractère indépendant de l’analgésie péridurale allon-

Tableau 1 Les différents stades de déchirure périnéale. Degré 1

Plaie muqueuse vaginale limitée

Degré 2

Lésion périnéale atteignant le noyau fibreux central du périnée sans lésion sphinctérienne

Degré 3

Lésion périnéale avec rupture des sphincters de l’anus sans atteinte de la muqueuse rectale ou anale

degré 3a rupture de moins de 50 % du sphincter externe degré 3b rupture de plus de 50 % du sphincter externe degré 3c rupture du sphincter interne Degré 4

Lésion périnéale avec rupture des sphincters externe et interne étendue à la muqueuse anorectale

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geant la durée de la deuxième période du travail est discuté [20-22]. Le risque de rupture sphinctérienne occulte est plus important lorsque l’extraction est faite avec des forceps [23]. Cependant la fréquence et la gravité des épisodes d’incontinence fécale sont semblables 5 ans après l’accouchement quel que soit le mode d’extraction [24]. La parité a aussi un rôle important dans la survenue des lésions sphinctériennes et de l’incontinence post-obstétricale. Le risque de lésion occulte est maximal lors du 1er accouchement [1, 9, 19] ou lors des 2 premiers accouchements [3]. Une rupture occulte due à un premier accouchement multiplie par 2,8 le risque d’incontinence fécale après un deuxième accouchement par voie basse [8]. Un deuxième accouchement aggrave 9 fois sur 10 l’incontinence provoquée par le premier accouchement [19] et est la cause d’une incontinence persistante dans 40 % des cas lorsqu’il y eu une incontinence transitoire après le premier accouchement. Les lésions sphinctériennes ne sont cependant pas toujours responsables d’une incontinence anale. L’incidence de l’incontinence dans les populations féminines est d’ailleurs beaucoup plus faible que le taux de lésions sphinctériennes [25]. Vingt-trois à 58 % des femmes ayant des lésions sphinctériennes occultes après un accouchement par voie basse ont une continence normale [1, 3, 19] alors que 45 % des patientes incontinentes après l’accouchement n’ont pas de lésion sphinctérienne [3].

Neuropathie pudendale Les efforts de poussées de la parturiente et la descente de la tête fœtale dans le pelvis peuvent provoquer des lésions d’étirement du nerf pudendal. Ces lésions sont objectivées par l’allongement de la latence du nerf pudendal des femmes ayant accouché par voie vaginale par rapport à celui des femmes nullipares et par rapport à celui des femmes ayant eu une césarienne [26, 27]. Les lésions du nerf pudendal surviennent lors des 2 ou lors des 3 premiers accouchements et leurs conséquences sont cumulatives [19, 28, 29]. Le temps de latence du nerf pudendal des femmes ayant accouché par voie vaginale est plus long que celui de femmes nullipares 2 jours après l’accouchement mais est semblable dans les 2 groupes lorsque la mesure

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est faite au 2e mois [26]. En revanche le temps de latence est de nouveau significativement plus élevé 5 ans après l’accouchement pour les parturientes [27]. Ces anomalies s’accompagnent d’une altération de l’électromyogramme associée à une baisse de la contraction volontaire [26, 28]. Cette altération retardée suggère que les lésions nerveuses secondaires à l’accouchement peuvent être compensées temporairement avant d’apparaître à nouveau plus tardivement sous l’effet du vieillissement tissulaire et des efforts de poussée répétés. Les principaux facteurs de risque de lésion du nerf pudendal sont l’extraction instrumentale par les forceps [26], la macrosomie (nouveau né > 4 kg) et une durée d’expulsion prolongée [27]. Une neuropathie pudendale était un facteur de mauvais pronostic dans des études [30, 31] lorsqu’une réparation sphinctérienne était réalisée. L’incidence de la neuropathie pudendale d’étirement sur la continence fécale ultérieure n’a pas été étudiée.

Comment prévenir une incontinence anale du post-partum ?

Prévention primaire La prévention primaire de l’incontinence anale du post-partum a pour but de diminuer l’incidence des lésions sphinctériennes et des lésions d’étirement du nerf pudendal. • Est-ce qu’une césarienne supprime le risque d’incontinence anale ultérieur ?

Une césarienne faite avant le début spontané du travail prévient les ruptures sphinctériennes et la majorité des lésions d’étirement du nerf pudendal. Elle diminue donc le risque d’incontinence anale ultérieure sans le supprimer totalement [32, 33]. Le bénéfice de la césarienne disparaît lorsqu’elle est réalisée en cours de travail [27, 34, 35] notamment lorsque la dilatation du col est supérieure à 8 cm. Le bénéfice attendu pour la prévention primaire d’une incontinence anale doit être comparé aux risques liés à la césarienne incluant les risques anesthésiques, les risques opératoires de plaie urinaire ou de plaie digestive, les risques postopératoires immédiats d’accidents thromboemboliques et d’embolie amniotique ainsi que les risques à distance liés à un utérus

cicatriciel en cas de grossesse ultérieure tels que les rupture utérines et le placenta accreta [36, 37]. Une méta-analyse récente a estimé que 167 parturientes devaient avoir une césarienne pour prévenir un cas d’incontinence anale [38]. Dans une population sélectionnée de femmes ayant des antécédents de rupture sphinctérienne, le nombre de parturientes qui devaient avoir une césarienne pour prévenir un cas d’incontinence anale était de 2,3 [39]. Dans l’étude de Mckenna et al. [39] les taux de morbidité et de mortalité des femmes après une césarienne étaient respectivement 2,7 et 2,6 fois plus importants que ceux des femmes ayant accouchées par voie vaginale. La morbidité pour le nouveau né est également augmentée en cas de césarienne avec un risque accru de tachypnée, de détresse respiratoire [40] et de lacération du vertex [41]. Une césarienne pratiquée pour préserver la fonction ano-rectale doit donc être faite avant le début du travail. Son bénéfice éventuel sur la continence anale ultérieure doit être mis en balance avec les risques maternels et fœtaux. • Est ce que l’épisiotomie diminue le risque de rupture sphinctérienne et d’incontinence ultérieure ?

Le bénéfice de l’épisiotomie médiane ou médio-latérale dans la prévention des déchirures périnéales des 3e et 4e degrés pour les nullipares ou les multipares n’a pas été prouvé, qu’il y ait ou non assistance instrumentale à l’accouchement [42, 43]. L’épisiotomie médiane ne protège pas d’une rupture sphinctérienne occulte [1] et ne diminue pas le risque d’incontinence anale [44] ; elle pourrait même l’augmenter [45]. Le risque d’incontinence est multiplié par 5,5 par rapport à un accouchement sans déchirure périnéale et par 3,3 par rapport à un accouchement avec une déchirure de degré 2, 3 ou 4 [45]. Dans une revue de la littérature [46] le risque relatif d’incontinence était 1,9 fois plus important dans le groupe de femmes ayant eu une épisiotomie que dans le groupe n’ayant pas eu d’épisiotomie. Le bénéfice de l’épisiotomie pour les femmes ayant des facteurs de risque de rupture sphinctérienne n’a pas été spécifiquement étudié. L’épisiotomie n’est pas faite uniquement pour protéger la fonction sphinctérienne ano-rectale mais est aussi réalisée pour prévenir ou pour ré-

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duire les lésions de l’ensemble du périnée pouvant survenir au cours de l’accouchement. Son bénéfice pour prévenir les troubles urinaires et les anomalies de la statique pelvienne demeure cependant un sujet de controverse. La fréquence de l’incontinence urinaire était identique dans le groupe de malades ayant eu une épisiotomie et dans le groupe de malades n’ayant pas eu d’épisiotomie dans 4 études prospectives récentes [44, 47-49] voire augmentée dans une étude rétrospective portant sur plus de 700 malades [50]. La relation de causalité entre l’accouchement et les troubles de la statique pelvienne n’a été rapportée que dans quelques études rétrospectives. Le risque de prolapsus pelvien serait 4 à 8 fois plus important pour les femmes qui ont eu 1 ou 2 accouchements par voie basse que pour les femmes nulligestes [51]. Le bénéfice de l’épisiotomie pour prévenir les troubles de la statique pelvienne a été suggéré mais n’a pas été démontré. Deux revues de la littérature récentes [52, 53] soulignent la pauvreté des données portant sur la prévention des prolapsus pelviens de la femme et ne recommandent pas la réalisation systématique d’une épisiotomie pour les éviter. L’épisiotomie ne devrait donc pas être systématique mais réservée aux parturientes ayant un risque important d’incontinence fécale ou urinaire et un risque important de troubles de la statique pelvipérinéale. Les indications précises de l’épisiotomie devraient être déterminées dans des études ultérieures notamment pour les accouchements nécessitant une délivrance instrumentale, en cas de macrosomie et pour les parturientes ayant un risque imminent de déchirure périnéale. • Quel type d’épisiotomie ?

Si le bénéfice de l’épisiotomie pour protéger la continence anale est une question non encore élucidée, le type d’épisiotomie qu’il faut faire demeure également un sujet de controverse. Une seule étude randomisée ancienne, de méthodologie critiquable, [54] a comparé l’épisiotomie médiane à l’épisiotomie médio-latérale. La morbidité était plus élevée dans le groupe des femmes ayant une épisiotomie médiane notamment à cause d’une atteinte sphinctérienne plus fréquente (24 % versus 9 %). Une étude récente [55] a rapporté que le risque de lésions sphinctériennes était corrélé à la verticalité de

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l’épisiotomie ; le risque étant d’autant plus important que l’épisiotomie est verticale. Les auteurs de cette étude rapportaient également que le taux d’épisiotomies réellement médio-latérales pratiquées par les sages-femmes et les médecins était respectivement de 0 et 22 % ; les autres épisiotomies étant plus médianes. Ces données suggèrent avec un faible niveau de preuve que l’épisiotomie médio-latérale doit être préférée à l’épisiotomie médiane et que l’élaboration de critères de qualité pour la réalisation des épisiotomies est nécessaire.

tion des ruptures sphinctériennes en cas de déchirure périnéale de degré 3 ou 4 et à leurs réparations. Trois études randomisées récentes ont évalué l’influence du type de réparation sphinctérienne immédiate sur la continence anale. Dans 2 études [68, 69] le taux de femmes ayant une incontinence anale était semblable lorsque la réparation sphinctérienne était faite par une suture bout à bout ou par une suture en paletot. Dans une étude [70] le taux de femmes ayant une incontinence anale était moins important dans le groupe ayant eu une réparation en paletot. Le suivi de ces études est court, de 3 à 12 mois, pouvant laisser craindre une détérioration du résultat fonctionnel d’autant plus que 2 femmes sur 3 ont une rupture résiduelle lorsque celle ci est recherchée systématiquement par échographie endoanale [68]. Aucune étude n’a comparé le résultat de la réparation sphinctérienne immédiate par rapport à une réparation différée.

• Ventouse ou forceps ?

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Une étude randomisée récente a évalué spécifiquement la fonction sphinctérienne anale de femmes ayant eu un accouchement nécessitant une extraction instrumentale [56]. Le nombre de femmes ayant une incontinence fécale, le nombre de femmes ayant une déchirure périnéale de degré 3 et le nombre de femmes ayant des anomalies échographiques mises en évidence par échographie endo-anale est plus important dans le groupe ayant une extraction par forceps que dans le groupe ayant une extraction par ventouses. Ces données fonctionnelles et anatomiques sont corrélées aux données manométriques puisque les pressions anales au repos mesurées par manométrie ano-rectale sont plus basses dans le groupe de femmes ayant eu une extraction instrumentale par forceps. La plupart des études, le plus souvent non randomisées, qui ont comparé les complications maternelles et fœtales après extraction instrumentale concluent que les extractions par forceps entraînent plus de lésions ano-périnéales que les extractions par ventouses mais que les complications fœtales principalement à type d’hématomes céphaliques et d’hémorragies rétiniennes sont plus fréquentes en cas d’extraction par ventouses [57]. • Massages du périnée avant l’accouchement

Deux études randomisées ont évalué le bénéfice des massages du périnée durant la grossesse [59] et au cours du travail [60]. Le taux de malades ayant une incontinence anale est semblable dans le groupe de parturientes ayant eu un massage périnéal et dans celui n’ayant pas eu de massage. Cependant la durée du

suivi de ces 2 études est courte (3 mois) alors que la survenue d’une incontinence anale peut être retardée. L’impact à long terme des massages du périnée pour prévenir une incontinence apparaissant à distance de l’accouchement n’a donc pas été évalué. • La rééducation pelvi-périnéale au cours de la grossesse et dans le post-partum immédiat

Le bénéfice des exercices du plancher pelvien durant la grossesse pour diminuer la deuxième partie du travail [61], pour la prévention de l’incontinence urinaire, et pour améliorer la tonicité du plancher pelvipérinéal à court terme a été suggéré par plusieurs études randomisées récentes [62, 63]. Cependant la multiplicité des exercices préconisés allant d’une simple information verbale ou écrite à des exercices encadrés par des praticiens spécialisés constitue un groupe hétérogène et rend difficile la comparaison entre les différentes études. L’hétérogénéité de ces études ne permet pas de recommander actuellement un type précis de rééducation au cours de la grossesse avec un niveau de preuve élevé. Le bénéfice éventuel de ces exercices pour la prévention de l’incontinence anale ou pour la prévention des troubles de la statique pelvienne n’a pas été évalué. La kinésithérapie faite après l’accouchement dans le post-partum immédiat diminue la fréquence de l’incontinence urinaire [64, 65] ou anale (4 % versus 11 %) [65] mais ce bénéfice n’est pas retrouvé à long terme [66] dans la seule étude prospective ayant un suivi de 6 ans. • L’expérience de l’accoucheur

Le risque d’incontinence anale en fonction de l’expérience de l’accoucheur n’a pas été évalué directement mais a été suggéré par De Parades et al. [67]. Dans cette étude qui évaluait les facteurs de risque de lésions sphinctériennes après extraction instrumentale pratiquées majoritairement par des accoucheurs expérimentés, le taux de lésions sphinctériennes était plus bas que les taux habituellement rapportés par des équipes formées de praticiens expérimentés et de praticiens en formation.

La prévention secondaire La prévention secondaire de l’incontinence anale correspond à l’identifica-

La prévention tertiaire La prévention tertiaire est fondée sur l’identification des femmes à haut risque d’incontinence anale avant l’accouchement. Cette population comprend les femmes ayant eu une incontinence du post-partum transitoire ou persistante, les femmes ayant des antécédents de déchirure périnéale de degré 3 ou 4, les femmes à risque d’accouchement dystocique et les femmes ayant une rupture sphinctérienne occulte d’autant plus si elle est associée à une neuropathie pudendale d’étirement. Certains auteurs ont proposé une césarienne systématique pour les femmes ayant une rupture sphinctérienne après un 1er accouchement mise en évidence par une échographie endo-anale systématique [19]. Les antécédents de chirurgie proctologique, d’anastomose iléo-anale, de promontofixation rectale et les lésions anales actives de la maladie de Crohn doivent également être pris en compte et faire discuter la réalisation d’une césarienne programmée. Actuellement la réalisation systématique d’une césarienne pour les femmes à haut risque d’incontinence anale n’est pas validée et doit être mise en balance avec la morbidité spécifique fœtale et maternelle de la césarienne.

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Points essentiels • L’incontinence du post-partum est fréquente et peut être immédiate ou retardée. • L’incontinence du post-partum est due à des lésions sphinctériennes ou neurologiques parfois associées. • Une déchirure périnéale avec rupture des sphincters de l’anus compliquent 1 à 14 % des accouchements. • Le résultat des réparations sphinctériennes faites au décours de l’accouchement est décevant. • Des lésions sphinctériennes occultes existent chez 18 à 35 % des primipares. • Le risque de lésion sphinctérienne occulte est maximal lors du premier ou des 2 premiers accouchements. • Le bénéfice de l’épisiotomie dans la prévention des déchirures périnéales et dans la prévention de l’incontinence fécale n’a pas été prouvé. • La réalisation d’une épisiotomie pourrait augmenter le risque d’incontinence fécale. • Une neuropathie pudendale d’étirement peut exister dés le début du travail. • Le bénéfice de la rééducation systématique au cours de la grossesse ou au décours de l‘accouchement n’est pas démontré.

Conclusion Les lésions sphinctériennes et neurologiques consécutives à l’accouchement sont fréquentes et peuvent survenir dès la première grossesse. Ces lésions peuvent avoir des conséquences immédiates ou retardées sur la continence. La réalisation d’une épisiotomie ne protège pas les femmes d’une incontinence anale et pourrait même la favoriser. L’épisiotomie de devrait donc pas être systématique mais réservée aux femmes ayant un risque élevé de déchirure périnéale. Le bénéfice de l’épisiotomie précoce chez les femmes ayant un risque élevé de rupture sphinctérienne reste cependant à évaluer. Si une épisiotomie est réalisée, il faut préférer une épsisotomie médiolatérale à une épisiotomie médiane semblant être responsable d’une atteinte plus fréquente des sphincters de l’anus. En cas de déchirure périnéale une réparation immédiate doit être réalisée même si les résultats fonctionnels et anatomiques à distance sont décevants. La neuropathie pudendale consécutive à l’accouchement pourrait être un facteur de mauvais pronostic, en cas de réparation sphinctérienne, en favorisant l’apparition d’une incontinence fécale retardée sous l’effet conjoint de la carence hormonale et du vieillissement tissulaire. Le bénéfice de la rééducation périnéale systématique au cours de la grossesse ou au

décours de l’accouchement pour prévenir une incontinence anale ou urinaire ultérieure, ou pour éviter la survenue d’un trouble de la statique pelvipérinéale devra être démontré. La prévention de l’incontinence anale nécessite une meilleure connaissance des facteurs de risques pour pouvoir identifier les femmes qui pourraient bénéficier d’un accouchement par césarienne. Actuellement une césarienne systématique ne peut pas être proposée aux femmes sans facteur de risque pour prévenir un risque d’incontinence anale ultérieure. La prévention de l’incontinence anale du post-partum nécessite la prise en compte de facteurs aggravants tels que la constipation chronique et le risque de décompensation de la fonction ano-rectale après chirurgie proctologique. Le risque d’incontinence anale doit être évoqué dès la première grossesse et doit inciter le praticien à réaliser un bilan de la fonction sphinctérienne pour les femmes ayant des facteurs favorisants afin d’adapter la prise en charge et minimiser ce risque.

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