Relation entre alexithymie et impulsivité dans un échantillon d’adolescents scolarisés de la région de Sfax, Tunisie

Relation entre alexithymie et impulsivité dans un échantillon d’adolescents scolarisés de la région de Sfax, Tunisie

G Model AMEPSY-2816; No. of Pages 5 Annales Me´dico-Psychologiques xxx (2019) xxx–xxx Disponible en ligne sur ScienceDirect www.sciencedirect.com ...

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G Model

AMEPSY-2816; No. of Pages 5 Annales Me´dico-Psychologiques xxx (2019) xxx–xxx

Disponible en ligne sur

ScienceDirect www.sciencedirect.com

Me´moire

Relation entre alexithymie et impulsivite´ dans un e´chantillon d’adolescents scolarise´s de la re´gion de Sfax, Tunisie Relationship between alexithymia and impulsivity in a sample of in-school adolescents in Sfax, Tunisia Rim Sellami, Wiem Bouattour *, Imen Baati, Ines Feki, Jawaher Masmoudi Service de psychiatrie « A » CHU He´di Chaker de Sfax, Tunisie

I N F O A R T I C L E

R E´ S U M E´

Historique de l’article : Rec¸u le 7 mars 2019 Accepte´ le 2 octobre 2019

Objectifs. – Estimer la pre´valence de l’alexithymie dans un e´chantillon d’adolescents scolarise´s de la re´gion de Sfax (Tunisie) et e´valuer ses liens avec l’impulsivite´. Mate´riel et me´thode. – E´tude transversale ayant inclus 474 e´le`ves. Les participants ont rempli, apre`s consentement, une fiche de renseignements e´pide´miologiques, l’e´chelle d’alexithymie de Toronto (TAS20) et l’e´chelle d’impulsivite´ de Barratt (BIS-11). Re´sultats. – L’aˆge moyen a e´te´ de 14,77  1,75 ans avec un sex-ratio de 0,96. La pre´valence de l’alexithymie a e´te´ de 35,86 % et celle de l’impulsivite´ de 39 %. Les adolescents alexithymiques ont eu un degre´ plus e´leve´ d’impulsivite´ (27,4 % vs 11,8 %) avec une corre´lation positive entre les scores de TAS20 et de Barratt. Conclusion. – Il ressort de notre e´tude que l’alexithymie est fre´quente chez nos adolescents. Son association a` l’impulsivite´ met en exergue la ne´cessite´ de sa pre´vention.

C 2019 Elsevier Masson SAS. Tous droits re ´ serve´s.

Mots cle´s : Addiction Alimentation Boulimie De´pression E´tude transversale Hyperphagie Pre´valence

A B S T R A C T

Keywords: Addiction Bulimia Cross-sectional study Depression Food Hyperphagia Prevalence

Objectives. – The study of alexithymia in adolescence seems particularly interesting for various reasons. First, physical, psychological and social changes create new experiences of emotional reactivation. Second, the adolescent period coincides with the maturation of the hormonal, neuronal, and cognitive systems that underlie the development of emotional regulation. Finally, evidence suggests that alexithymia may have detrimental consequences in adolescents, including substance use disorders, depression, anxiety, behavioral disorders and self-injury. Also, alexithymia is associated with impulsivity because of a deficit in the cognitive processing of emotions with tendencies to act rather than talking about feelings. The purpose of the current study is to estimate the prevalence of alexithymia in a sample of school-aged adolescents in the Sfax region (Tunisia) and to evaluate its links with impulsivity. Materials and methods. – Cross-sectional study involving 474 students from public institutions in the Sfax region. Participants completed, after consent, an epidemiological fact sheet, the Toronto Alexithymia Scale (TAS-20) and the Barratt Impulsiveness Scale (BIS-11). Results. – The average age of the students was 14.77  1.75 years with extremes ranging from 13 to 18 years old. The sex ratio was 0.96. The prevalence of alexithymia was 35.86% and that of impulsivity 39%.

* Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (W. Bouattour). https://doi.org/10.1016/j.amp.2019.10.005 C 2019 Elsevier Masson SAS. Tous droits re ´ serve´s. 0003-4487/

Pour citer cet article : Sellami R, et al. Relation entre alexithymie et impulsivite´ dans un e´chantillon d’adolescents scolarise´s de la re´gion de Sfax, Tunisie. Ann Med Psychol (Paris) (2019), https://doi.org/10.1016/j.amp.2019.10.005

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The analytical study showed that alexithymic adolescents had a higher degree of impulsivity (27.4% vs 11.8%, p = 0.001) with a positive correlation between TAS20 and Barratt scores (p < 10 3 ; r = 0,33). Conclusion. – Our study shows that alexithymia is common in our adolescents and is associated with impulsivity. The prevention of alexithymia seems essential to reduce the frequency of impulsive behavior.

C 2019 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

1. Introduction L’alexithymie est un ne´ologisme invente´ en 1972 par Sifneos [35], signifiant e´tymologiquement « l’incapacite´ a` exprimer ses e´motions par des mots ». Cette dimension psychopathologique se caracte´rise par l’incapacite´ a` identifier et a` communiquer ses sentiments et a` les diffe´rencier des sensations corporelles, une limitation de la vie imaginaire, une pense´e a` contenu pragmatique avec un mode d’expression tre`s descriptif et un recours a` l’agir pour e´viter les conflits ou exprimer ses e´motions. Depuis l’apparition de ce concept, de tre`s nombreux travaux lui ont e´te´ consacre´s et ont e´te´ mene´s dans des populations adultes [36]. En revanche, seules quelques e´tudes ont examine´ l’alexithymie chez les adolescents [40]. De plus, il a e´te´ de´crit dans la litte´rature que l’alexithymie a e´te´ associe´e a` l’impulsivite´, du fait d’un de´ficit dans le traitement cognitif des e´motions avec des tendances a` agir plutoˆt que de parler de sentiments [11,34]. Cependant, cette association reste tre`s peu e´tudie´e a` l’adolescence, bien que l’impulsivite´ soit un concept cle´ pour les e´tats psychopathologiques chez les adolescents et que ces derniers soient connus pour pre´senter des niveaux e´leve´s d’impulsivite´ [1]. Nous nous sommes propose´s, dans ce travail, d’estimer la pre´valence de l’alexithymie dans un e´chantillon d’adolescents scolarise´s de la re´gion de Sfax (Tunisie) et d’e´valuer ses liens avec l’impulsivite´.

des scores totaux de la TAS-20, des valeurs seuils sont pre´de´finies : un sujet est conside´re´ comme alexithymique a` partir d’un score supe´rieur ou e´gal a` 61 [16]. Le choix de cet instrument re´side dans sa stabilite´ factorielle et ses qualite´s psychome´triques [40]. Pour le de´pistage de l’impulsivite´, nous avons utilise´ l’e´chelle d’impulsivite´ BIS-11, dans sa version arabe valide´e de [7]. Le BIS dans sa 11e version, qui est la plus re´cente, constitue a` ce jour l’outil psychome´trique de re´fe´rence pour l’e´valuation de l’impulsivite´trait meˆme chez les adolescents [2]. Ce questionnaire est compose´ de 30 items cote´s sur une e´chelle de type Likert de 4 points. Il e´value trois sous-dimensions : « impulsivite´ motrice », « impulsivite´ cognitive » et « difficulte´s de planification ». L’interpre´tation du BIS se fait par l’e´valuation quantitative des scores. Un score supe´rieur a` 72 signifie un degre´ e´leve´ d’impulsivite´. 2.3. Analyse statistique Les donne´es recueillies ont e´te´ saisies et analyse´es a` l’aide du logiciel SPSS dans sa 20e version. La comparaison de deux moyennes a e´te´ re´alise´e par le test t de Student ou Mann-Whitney (en fonction de la distribution des parame`tres). La comparaison de deux fre´quences a e´te´ faite par le test de chi-deux ou le test exact de Fisher. Les corre´lations ont e´te´ re´alise´es par le test de corre´lation r de Pearson ou de Spearman. Le niveau de significativite´ a e´te´ e´tabli a` p < 0,05.

2. Me´thodologie

3. Re´sultats

2.1. Type d’e´tude et population cible

3.1. Donne´es ge´ne´rales de la population d’e´tude

Notre e´tude a e´te´ de type transversal, descriptif et analytique, se de´roulant du 1er fe´vrier au 31 mai 2016. La population a e´te´ constitue´e d’e´le`ves aˆge´s entre 13 et 18 ans, scolarise´s de la 7e anne´e de l’enseignement de base a` la 4e anne´e secondaire (bac), dans des colle`ges et des lyce´es urbains de la re´gion de Sfax (Tunisie). Apre`s avoir eu le consentement oral des autorite´s de tutelle et le consentement e´claire´ des participants, ces derniers ont rempli des questionnaires concernant les caracte´ristiques sociode´mographiques et des e´chelles pour e´valuer l’alexithymie et l’impulsivite´.

Au total, 474 adolescents ont participe´ a` l’e´tude. Le sex-ratio (H/ F) a e´te´ e´gal a` 0,96. L’aˆge moyen des participants a e´te´ de 14,77 ans avec un e´cart type de 1,75 et des extreˆmes variant entre 13 et 18 ans. Plus des deux tiers des adolescents (68,8 %) ont e´te´ colle´giens, d’aˆge infe´rieur a` 16 ans. La majorite´ des e´le`ves (93,76 %) ont e´te´ d’origine urbaine, vivant au sein d’une famille biparentale (94,5 %) et de niveau socioe´conomique moyen ou e´leve´ (91,4 %).

2.2. Outils

Le score moyen de l’alexithymie a e´te´ de 56,7 (ET = 10,45) avec des extreˆmes allant de 27 a` 82. Parmi les adolescents, 35,86 % ont e´te´ alexithymiques. La re´partition de la structure factorielle de la TAS 20 est repre´sente´e dans le Tableau 1.

L’alexithymie a e´te´ e´value´e a` l’aide de l’e´chelle d’alexithymie de Toronto (TAS-20) dans sa version arabe [6]. Actuellement, la version a` 20 items de la Toronto Alexithymia Scale (TAS 20) est l’e´chelle la plus utilise´e dans la recherche sur l’alexithymie [40]. Selon Zimmermann et al. [40], c’est un instrument ade´quat pour e´valuer l’alexithymie a` l’adolescence tout en sugge´rant quelques pre´cautions, e´tant donne´ l’aspect de´veloppemental de cette pe´riode. Il s’agit d’un questionnaire comportant 20 items, cote´s de 1 a` 5. Les items e´valuent trois dimensions ; F1 : la difficulte´ a` identifier les sentiments ; F2 : la difficulte´ a` de´crire ses sentiments aux autres et F3 : pense´e oriente´e vers l’exte´rieur. F1 et F2 correspondent a` la composante e´motionnelle de l’alexithymie tandis que F3 correspond plus a` la composante cognitive. A` partir

3.2. Pre´valence de l’alexithymie

Tableau 1 Re´partition de la structure factorielle de la TAS 20. Score

M  ET

Score alexithymie F1 F2 F3

56,70  10,45 20,20  6,13 14,56  4,33 21,95  4,42

M: moyenne ; ET: e´cart type.

Pour citer cet article : Sellami R, et al. Relation entre alexithymie et impulsivite´ dans un e´chantillon d’adolescents scolarise´s de la re´gion de Sfax, Tunisie. Ann Med Psychol (Paris) (2019), https://doi.org/10.1016/j.amp.2019.10.005

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Fig. 1. Les scores des diffe´rentes dimensions de l’impulsivite´.

3.3. Impulsivite´-trait La moyenne des scores d’impulsivite´ selon l’e´chelle de Barrat a e´te´ de 68,38 (ET = 10,61) avec des scores allant de 30 a` 112. Parmi les participants, 39,2 % ont eu un degre´ e´leve´ d’impulsivite´-trait (score  72). L’impulsivite´ non planifie´e a e´te´ la dimension ayant la moyenne de score la plus e´leve´e (27,12  4,8) (Fig. 1). 3.4. Relation entre l’alexithymie et l’impulsivite´ 3.4.1. En analyse cate´gorielle Notre e´tude a montre´ que les adolescents alexithymiques ont eu un degre´ plus e´leve´ d’impulsivite´ (27,4 % vs 11,8 % ; p = 10 3), de fac¸on statistiquement significative. 3.4.2. En analyse dimensionnelle L’analyse bi-varie´e a montre´ une relation significative et positive (p < 10 3 ; r = 0,33) entre les moyennes des scores totaux et des diffe´rentes dimensions de la TAS20 et de Barratt (Tableau 2).

4. Discussion 4.1. Pre´valence de l’alexithymie Dans notre e´tude, la pre´valence de l’alexithymie a e´te´ de 35,86 %, qui est plus e´leve´e que la pre´valence de l’alexithymie en population ge´ne´rale qui varie entre 17 et 23 % [22]. Cependant, la pre´valence de l’alexithymie chez les adolescents reste variable selon les e´tudes [17–19,30,32,40]. L’e´tude de Kammat et al. [19] portant sur 225 adolescents (13–20 ans) a montre´ une pre´valence d’alexithymie de 56 %. De plus, l’e´tude de Powell et al. [30], re´alise´e aupre`s de 67 adolescents re´sidant dans un centre rural de traitement (pour non-conformite´ a` l’e´cole ou ante´ce´dents

d’activite´s criminelles ou orientation vers des services de protection de l’enfance), a objective´ que la pre´valence de l’alexithymie a e´te´ de 22 %. Honkalampi et al. [17] ont e´tudie´ l’alexithymie dans un e´chantillon de 7 087 adolescents finlandais de 13 a` 18 ans, chez qui la pre´valence de l’alexithymie a e´te´ de 7,3 %. E´galement, l’e´tude de Zimmermann et al. [40] portant sur 264 adolescents tout-venant a montre´ que la pre´valence de l’alexithymie a e´te´ de 29,92 %. La pre´valence de l’alexithymie, chez nos adolescents, paraıˆt e´leve´e compare´e a` celle de la litte´rature occidentale. Ceci pourrait eˆtre explique´ en partie par le fait que les deux tiers des participants e´taient aˆge´s de moins de 16 ans. En effet, dans plusieurs e´tudes, il a e´te´ constate´ que la pre´valence de l’alexithymie a e´te´ plus e´leve´e dans les groupes d’aˆge les plus jeunes [20,32,40]. Ce constat a e´te´ explore´ par Lewis M. [26] : en raison du manque de capacite´ cognitive et de compe´tences ade´quates en re´gulation des e´motions, les enfants pre´sentent ge´ne´ralement des symptoˆmes psychosomatiques lorsqu’ils sont confronte´s a` des circonstances anxioge`nes, comme l’intimidation ou l’atmosphe`re querelleuse a` la maison. On peut supposer que les adolescents plus jeunes sont naturellement un peu plus alexithymiques que les adolescents plus aˆge´s, et que leur de´veloppement ulte´rieur facilite l’identification et l’expression des e´motions associe´es aux situations anxioge`nes. En effet, l’adolescence constitue une pe´riode pendant laquelle on observe des changements structurels et fonctionnels au sein du syste`me limbique et du cortex frontal qui sous-tendent les processus de re´gulation e´motionnelle [38]. A` cet e´gard, l’aˆge a un impact majeur sur la pre´valence de l’alexithymie chez les adolescents [20]. 4.2. Pre´valence de l’impulsivite´ Dans la pre´sente e´tude, 39,2 % des adolescents ont pre´sente´ un degre´ e´leve´ d’impulsivite´. Une re´cente e´tude tunisienne, portant sur un e´chantillon repre´sentatif d’adolescents aˆge´s de plus de

Tableau 2 Relation entre l’alexithymie et l’impulsivite´ en analyse dimensionnelle. TAS20 Score total p BARRATT Score total Impulsivite´ motrice Impulsivite´ non planifie´e Impulsivite´ cognitive

< 10 0,009 10 3 < 10

3

3

F1 r

p

0,33 0,26 0,21 0,3

< 10 0,006 0,04 < 10

F2

3

3

r

p

0,27 0,27 0,23 0,26

< 10 0,001 0,029 0,003

F3

3

r

p

r

0,25 0,21 0,24 0,2

0,04 0,04 0,01 0,032

0,21 0,53 0,10 0,13

Pour citer cet article : Sellami R, et al. Relation entre alexithymie et impulsivite´ dans un e´chantillon d’adolescents scolarise´s de la re´gion de Sfax, Tunisie. Ann Med Psychol (Paris) (2019), https://doi.org/10.1016/j.amp.2019.10.005

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12 ans, a montre´ que 29,6 % des participants ont pre´sente´ un degre´ e´leve´ d’impulsivite´ [4]. Dans la litte´rature, la plupart des connaissances existant sur l’impulsivite´ proviennent d’e´chantillons cliniques ou de populations d’adolescents pre´sentant des comportements proble´matiques. L’impulsivite´ est, ainsi, associe´e aux troubles de l’usage des substances [10], a` l’utilisation proble´matique du te´le´phone portable [21], au jeu pathologique [39], a` la violence [25], aux comportements sexuels a` risque [5]. En effet, l’impulsivite´ renvoie a` une varie´te´ de comportements re´alise´s pre´mature´ment, excessivement risque´s, inapproprie´s et pouvant entraıˆner des conse´quences inde´sirables [9]. Les personnes hautement impulsives ont davantage de difficulte´s a` re´guler leurs e´motions et a` empeˆcher la survenue de pense´es et de comportements non pertinents [15]. Deux principales sources d’impulsivite´ et de prise de risque ont e´te´ de´crites chez les adolescents : la premie`re est une forme d’impulsivite´ pre´existante qui se manifeste dans les premie`res anne´es de la vie et persiste jusqu’a` l’adolescence. Cette source s’apparente au sentier de de´veloppement « persistant tout au long de la vie » de Moffitt [24] et au sentier « pre´coce » de Patterson [29]. La deuxie`me source de risque est associe´e a` une augmentation de la recherche de sensations re´sultant de l’activation du striatum ventral [14], ce qui encourage l’expe´rimentation de nouveaux comportements (analogues a` ceux d’un adulte). Ces tendances a` la prise de risque seraient davantage le re´sultat d’un de´veloppement normal et du manque ine´vitable d’expe´rience associe´ a` la pratique de ces nouveaux comportements, plutoˆt que de repre´senter un de´ficit structurel dans le controˆle frontal [31].

Cette e´tude comporte quelques limites qui doivent eˆtre souligne´es. D’abord, le recrutement des adolescents a` partir des colle`ges et des lyce´es de la re´gion de Sfax ville constitue un biais de se´lection dans notre e´tude. Ensuite, les adolescents d’aˆge infe´rieur a` 16 ans ont e´te´ surrepre´sente´s, ce qui limite la porte´e de nos re´sultats. Enfin, on a utilise´ la meˆme valeur seuil « 61 » de´finie chez les adultes pour se´lectionner les adolescents alexithymiques. Il a e´te´ sugge´re´ que l’application des meˆmes normes de cotation des adultes aux adolescents dans la TAS 20 pourrait mener a` un surdiagnostic de l’alexithymie dans cette population [27]. Pour cette raison, une nouvelle version de TAS-20 pour les jeunes adolescents comprenant des e´le´ments ade´quats a` leur de´veloppement cognitif et e´motionnel, et a` leurs propres expe´riences de vie devrait eˆtre recherche´e.

4.3. Lien entre alexithymie et impulsivite´

6. Conclusion

Dans notre e´tude, nous avons objective´ que les adolescents alexithymiques ont eu significativement un niveau plus e´leve´ d’impulsivite´ en comparaison avec les non alexithymiques. Nos re´sultats ont e´te´ concordants avec les donne´es de la litte´rature [8,12,13,33,34]. En effet, une e´tude type cas-te´moin [13] a montre´ que les adolescents alexithymiques avec des ante´ce´dents de conduites d’automutilation ont eu des scores d’impulsivite´ nettement plus e´leve´s. En fait, l’alexithymie a e´te´ associe´e a` de nombreux comportements et troubles associe´s a` l’impulsivite´, par exemple, le jeu pathologique [28] et le Binge Eating Disorder [3]. La facette d’urgence de l’impulsivite´ a e´te´ sugge´re´e comme me´diateur de l’association entre l’alexithymie et les comportements de´re´gle´s [8] et entre l’alexithymie et les proble`mes lie´s a` l’usage d’alcool chez les adolescents [33]. De plus, l’e´tude de Gaher et al. [12] a montre´ que les ante´ce´dents de maltraitance au cours de l’enfance pre´senteraient un facteur sous-jacent de l’association entre l’alexithymie et la facette d’urgence de l’impulsivite´, sugge´rant qu’un usage excessif de la punition pendant l’enfance pourrait re´duire le de´veloppement de la capacite´ d’identifier et d’e´tiqueter ses sentiments. Cette difficulte´ dans le traitement e´motionnel pourrait conduire a` son tour a` un comportement impulsif lors des moments de stimulation e´motionnelle. Sifneos a de´clare´ que les sujets alexithymiques ont de´montre´ des tendances a` agir plutoˆt que de parler de leurs sentiments [34]. Taylor et al. [37] ont e´mis l’hypothe`se que les personnes atteintes d’alexithymie n’auraient pas la capacite´ de traiter leurs e´motions de fac¸on cognitive et, par conse´quent, adopteraient des comportements inadapte´s pour tenter de faire face a` leurs tensions e´motionnelles. L’importance de ces compe´tences de traitement cognitif a e´galement e´te´ aborde´e dans la litte´rature de la recherche sur l’impulsivite´. Par exemple, Metcalfe et Mischel [23] ont propose´ la the´orie des syste`mes chauds et froids (cold and hot) : les individus qui s’appuient sur le syste`me chaud pour guider leurs comportements sont re´flexifs a` leurs e´motions ; comme ils emploient un processus cognitif plutoˆt simple et rapide, ils

manquent de de´libe´ration avant d’agir. D’autre part, les individus qui utilisent le syste`me froid pour guider leurs comportements utilisent un processus cognitif plus complexe et re´fle´chi, et ainsi, leurs actions sont pre´me´dite´es et de´libe´re´es. Ces the´ories cognitives de l’impulsivite´ sugge`rent que les comportements impulsifs des individus re´sulteraient de leur manque de processus cognitifs sophistique´s. Dans le meˆme sens, les re´sultats de l’e´tude de Gaher et al. [12] ont indique´ que l’absence de tels processus cognitifs complexes et re´flexifs a e´te´ due, au moins en partie, a` l’incapacite´ d’identifier et de de´crire verbalement les e´motions avec pre´cision et d’utiliser des processus cognitifs sophistique´s. 5. Limites de notre e´tude

Il ressort de notre e´tude que l’alexithymie a e´te´ fre´quente chez nos adolescents et qu’elle a e´te´ corre´le´e a` l’impulsivite´. La pre´vention de l’alexithymie chez les adolescents paraıˆt primordiale afin de faire baisser la fre´quence des comportements impulsifs. Alors, nous plaidons pour le de´veloppement d’une politique active d’information dans le but de faciliter l’acce`s aux soins en sante´ mentale aupre`s des adolescents. Des programmes de formation aupre`s des me´decins de premie`re ligne et des psychologues sont ne´cessaires et visent le de´pistage et la prise en charge pre´coce des adolescents alexithymiques. De plus, la mise en place de psychologues au sein de chaque e´tablissement scolaire pourrait aider les adolescents alexithymiques a` favoriser l’expression de leurs e´motions. ˆ ts De´claration de liens d’inte´re Les auteurs de´clarent ne pas avoir de liens d’inte´reˆts. Re´fe´rences [1] Acremont M, Linden Van Der M. Adolescent impulsivity: findings from a community sample. Journal of Youth and Adolescence 2005;34:427–35. [2] Barratt ES, Impulsiveness aggression. In: Monahan J, Stead-man HJ, editors. Violence and mental disorder: developments in risk assessment. The John D. And Catherine T. Macarthur foundation series on mental health and development.. Chicago, IL, US: University of Chicago; 1994. [3] Carano A, De Berardis D, Gambi F, Di Paolo C, Campanella D, Pelusi L, et al. Alexithymia and body image in adult outpatients with binge eating disorder. Int J Eat Disord 2006;39:332–40. [4] Charfi N, Smaoui N, Turki M, Maaˆlej Bouali M, Omri S, Ben Thabet J, et al. Alcohol use in adolescents and its association with sensation seeking and impulsivity: a survey in the city of Sfax, Tunisia. Rev Epidemiol Sante Publique; 2018, Available from: https://doi.org/10.1016/j.respe.2018.10.007. [5] Curry I, Luk JW, Trim RS, Hopfer CJ, Hewitt JK, Stallings MC, et al. Impulsivity dimensions and risky sex behaviors in an at-risk young adult sample. Arch Sex Behav 2018;47:529–36. [6] El Abiddine FZ, Dave H, Aldhafri S, El-Astal S, Hemaid F, Parker JDA. Crossvalidation of the 20-item Toronto Alexithymia Scale: results from an Arabic multicenter study. Pers Individ Dif 2017;113:219–22.

Pour citer cet article : Sellami R, et al. Relation entre alexithymie et impulsivite´ dans un e´chantillon d’adolescents scolarise´s de la re´gion de Sfax, Tunisie. Ann Med Psychol (Paris) (2019), https://doi.org/10.1016/j.amp.2019.10.005

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