Suivi d’une hyperéosinophilie persistante

Suivi d’une hyperéosinophilie persistante

Rev Fr Allergol Immunol Clin 2002 ; 42 : 219-30 © 2002 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés S0335745702001429/FLA L...

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Rev Fr Allergol Immunol Clin 2002 ; 42 : 219-30 © 2002 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés S0335745702001429/FLA

L’éosinophilie : de l’allergie aux maladies de système

Suivi d’une hyperéosinophilie persistante L. Prin* : Coordonnateur, S. Lepers : co-coordonnateurs, A.S. Roumier : co-coordonnateurs, S. Dubucquoi : maître toile du « Réseau Eosinophile » (http : //www.univ-lille2.fr/immunologie) Laboratoire d’immunologie, faculté de médecine, Pôle Recherche, place de Verdun, 59045 Lille cedex, France

Résumé L’anamnèse, le contexte clinicobiologique mais aussi les caractéristiques de l’hyperéosinophilie (niveau, ancienneté, courbe évolutive et localisation des infiltrats tissulaires d’éosinophiles) sont autant d’éléments indispensables pour établir un diagnostic. C’est seulement au prix d’un suivi régulier et prolongé que la cause sera parfois identifiée (parasitoses, médicaments, cancer, maladie de système ou d’organes). Plus rarement l’hyperéosinophilie persistante ne s’accompagne d’aucun signe ayant valeur d’orientation diagnostique. On évoque alors le syndrome d’hyperéosinophilie essentielle. Celui-ci est aujourd’hui partiellement démembré grâce à la mise en évidence de dérèglements qui affectent soit la lignée éosinophile (éosinophilies primitives clonales), soit une autre lignée, notamment les lymphocytes T (éosinophilies réactionnelles paraclonales). Des méthodes d’analyses simples, telles que la cytométrie en flux, par exemple, et d’autres approches plus spécialisées (recherche d’anomalies chromosomiques clonales) devraient permettre de mieux classer ces éosinophilies persistantes et de proposer, à terme, des stratégies de traitement mieux adaptées. © 2002 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS éosinophilie clonale ou paraclonale / hémopathies

Summary – Diagnosis and management of persistent eosinophilia. The amannesis, the clinical and biological context as well as the characteristics of hypereosinophilia (i.e., level, duration, progression curve and location of eosinophil infiltration in tissues) are all of importance for the diagnosis. Sometimes, only a prolonged follow-up allows the identification of a cause (parasitosis, drugs, cancer, systemic or organic disorders, etc.). More rarely, no other sign can be found to know the origin of eosinophilia. Such a situation, referred to as the ‘idiopathic hypereosinophilic syndrome’, is now partially understood. Recent works suggest disturbances that affect either the eosinophil lineage (primitive clonal eosinophilia) or other lineages, particularly abnormal T cells (reactive paraclonal eosinophilia). Flow-cytometric techniques (aberrant immunophenotype of T cells) or more sophisticated procedures (demonstration of a clonal cytogenetic abnormality) allow the definition of subgroups among patients with persistent eosinophilia. Such new data can lead the establishment of more adequate strategies for treatment. © 2002 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS clonal or paraclonal eosinophilia / hemopathies

*Correspondance et tirés à part. Adresse e-mail : [email protected] (L. Prin).

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L’origine d’une hyperéosinophilie sanguine, symptomatique ou asymptomatique peut rester inexpliquée malgré l’anamnèse, le contexte clinique, la réalisation d’examens complémentaires. La situation est d’autant plus préoccupante lorsque l’hyperéosinophilie est massive (> 1,5 x 109/L) et persiste notamment en raison de l’absence de traitement d’une cause non détectée. Dans certains cas, une enquête souvent longue et difficile peut permettre d’aboutir à un diagnostic. Il peut s’agir d’une hyperéosinophilie réactionnelle liée à une parasitose, une réaction d’hypersensibilité ou un cancer. Leur traitement entraîne une diminution ou une disparition de l’hyperéosinophilie. L’hyperéosinophilie peut aussi être associée à une maladie de système et/ou à une maladie d’organe (pneumopathies, cardiopathies, neuropathies, vascularites, dermatoses, gastroentérites, hémopathies…) de cause inconnue. Dans ces circonstances, il n’est pas toujours aisé d’écarter le diagnostic de syndrome d’hyperéosinophilie essentielle, longtemps considéré comme une entité pathologique. Il existe, en fait, une grande hétérogénéité dans l’expression clinique et les modalités évolutives de ces syndromes d’hyperéosinophilie essentielle. Par ailleurs, des données nouvelles concernant les relations entre syndromes d’hyperéosinophilie essentielle et hémopathies malignes, nous instruisent de dérèglements qui affectent la lignée éosinophile et/ou une autre lignée dans les hyperéosinophilies chroniques jusqu’alors inexpliquées. Nous décrirons les principaux moyens d’analyse qui devraient permettre, à terme, de mieux classer et de mieux traiter ces hyperéosinophilies persistantes. LES HYPERÉOSINOPHILIES PERSISTANTES RÉACTIONNELLES La cause d’une hyperéosinophilie réactionnelle n’apparaît pas toujours évidente au premier examen. Le recours à de multiples investigations, les modalités évolutives de la maladie, l’éviction d’un médicament ou enfin un traitement d’épreuve sont parfois les seuls éléments capables, à terme, d’orienter le diagnostic. Les parasitoses C’est le premier diagnostic que l’on évoque devant une hyperéosinophilie, surtout si elle est élevée (> 1,5 x 109/L). Les données de l’anamnèse, le

contexte clinique, la courbe évolutive de l’hyperéosinophilie sont autant d’éléments qui peuvent avoir une grande valeur indicative. L’hyperéosinophilie est souvent fluctuante (classique courbe de Lavier) avec une ascension majeure (distomatose hépatique, ascaridiose, ankylostomose, filarioses, bilharzioses) ou plus modérée (taeniasis, oxyurose) suivie d’une décroissance rapide ou parfois très prolongée de l’hyperéosinophilie. L’hyperéosinophilie peut aussi être persistante (réinfestation ; impasse parasitaire, localisation ou enkystement tissulaire). Elle peut être massive (trichinose, toxocarose, myiase) ou cyclique et oscillante lorsqu’il existe un cycle interne d’autoinfestation (anguillulose). L’enquête étiologique peut s’avérer décevante, même devant des signes focalisés évocateurs (exemple du syndrome de Löffler). La multiplication d’examens complémentaires, même très spécialisés (tableau I), ne permet pas toujours de conclure. Les hyperéosinophilies parasitaires sont presque exclusivement des helminthiases ayant un cycle intratissulaire (phase invasive de pénétration larvaire, puis de maturation tissulaire). Le sérodiagnostic parasitaire est surtout utile à la phase précoce de l’invasion tissulaire (réponse anticorps, réponse éosinophile). Dans des délais plus longs (quelques semaines après l’infection), les examens répétés des selles, réalisés à la phase d’état, peuvent permettre d’établir un diagnostic rétrospectif si ces explorations ne sont pas trop tardives. L’enquête peut être infructueuse car l’infestation est parfois très ancienne et/ou les moyens diagnostiques conventionnels défaillants. Une hyperéosinophilie évoluant depuis 15 ans peut être liée à une loase. La localisation ou l’enkystement de larves ou de vers adultes dans les tissus compliquent leur mise en évidence. On peut citer l’exemple de la myiase [1] mais aussi de la trichinose ou de l’anisakiase (granulome intestinal à éosinophiles). Dans certains cas, il s’agit d’une « impasse parasitaire », c’est-à-dire d’une infestation accidentelle de l’homme par des parasites d’animaux. Ces larves d’helminthes « égarées » immatures et à migration erratique peuvent induire des réactions inflammatoires locales ou diffuses sévères et prolongées (syndrome de larva migrans). C’est parfois le traitement antihelminthique d’épreuve, réalisé sous surveillance, qui permettra à lui seul de confirmer l’origine de l’hyperéosinophi

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Tableau I. Principales parasitoses avec hyperéosinophilie. Parasitoses autochtones

Examens complementaires

Toxocarose* Syndrome de Larva migrans viscérale Ascaridiose** Syndrome de Löffler, signes digestifs Distomatose hépatique* Ingestion de cresson, signes hépatodigestifs Trichinose* Œdèmes, myalgies Myiases* Tuméfactions sous-cutanées, pseudofuronculose Anisakiase*** Ingestion de hareng cru, signes digestifs Parasitoses tropicales Filarioses** Œdèmes fugaces de Calabar = loase Éléphantiasis = filariose lymphatique Nodules sous-cutanés = onchocercose Poumon éosinophile tropical ou syndrome de Weingarten

Sérologie

Bilharziose** Diarrhée, cirrhose = S. Mansoni Hématurie = S. Haematobium Anguillulose* Syndrome de Larva currens cutané Ankylostomose** Signes digestifs, anémie ferriprive

Examen des selles Sérologie, examen des selles Sérologie, biopsie musculaire (recherche de larves enkystées) Sérologie, extériorisation à la peau d’une larve de mouches ou varrons Sérologie, endoscopie digestive, biopsie Examens complémentaires Sérologie, recherche des microfilaires sanguicoles à midi Sérologie, recherche de microfilaires à minuit Sérologie, biopsie cutanée exsangue Sérologie filarienne, microfilarémie négative car il s’agit d’une filariose occulte Sérologie, œufs dans les selles, biopsie de la muqueuse rectale Sérologie, œufs dans les urines Examen de selles, méthode de Baerman Œufs et larves dans les selles

* Hyperéosinophilie massive et persistante. ** Hyperéosinophilie massive (courbe de Lavier prolongée). *** Hyperéosinophilie modérée ou inconstante.

lie. À titre d’exemple, l’albendazole, médicament antihelminthique polyvalent, pourra être prescrit chez le sujet adulte, en l’absence de contre-indications (allaitement, grossesse, allergie…) ; surtout si la symptomatologie intestinale domine le tableau clinique (un comprimé à 400 mg ou 10 mL de suspension buvable à 4 % par jour pendant trois jours, éventuellement renouvelé deux semaines plus tard). Dans ce contexte, toute corticothérapie aveugle est à proscrire impérativement (risque de syndrome d’hyperinfection parasitaire). Les réactions d’hypersensibilité Il s’agit, le plus souvent, de réactions d’hypersensibilité dépendantes d’IgE. Elles induisent la production de facteurs capables d’agir sur la production médullaire des éosinophiles (GM-CSF, IL-3, IL-5), sur leur recrutement (IL-5, éotaxine) sur leur domiciliation (mise en jeu d’adressines et de molécules d’adhésion) et sur leur activation locale (cytokines).

Des réactions d’hypersensibilité à complexes immuns ou d’hypersensibilité à médiation cellulaire sont aussi capables d’induire une réponse éosinophile. Dans les maladies allergiques, le contexte est souvent très évocateur. L’hyperéosinophilie sanguine, habituellement modérée, peut être associée à un afflux d’éosinophiles dans différents tissus cibles (muqueuse conjonctivale, nasale, bronchique, muqueuse intestinale, tissu cutané…). Les agents en cause sont des allergènes (aéroallergènes, aliments…), des médicaments (bêtalactamines…), des agents infectieux (parasites, champignons dans l’aspergillose bronchopulmonaire allergique). Certains allergènes peuvent induire des hyperéosinophilies élevées [2]. La prise en charge diagnostique et thérapeutique est plus délicate lorsque aucun agent causal ne peut être identifié devant un tableau de rhinite (non-allergic rhinitis with eosinophilia ou

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NARES) ou d’asthme (asthme intrinsèque, angéite de Churg et Strauss) [3]. Une cause médicamenteuse doit être recherchée, de principe, devant toute hyperéosinophilie sanguine surtout si celle-ci s’accompagne d’anomalies biologiques (altération des fonctions hépatiques et/ou rénales) ou de certains signes. Il peut s’agir de signes respiratoires (syndrome respiratoire aigu ou subaigu avec images radiologiques d’infiltrats plus ou moins fugaces), de signes cutanés (urticaire, rash). Le contexte est parfois évident. Une atteinte associée de la muqueuse bronchique (asthme) ; la notion d’intolérance à l’aspirine ou aux anti-inflammatoires non stéroïdiens ; une polypose nasale proliférante sont autant d’éléments qui évoquent la maladie de Widal. Le tableau clinique évoque parfois un syndrome de Löffler (aspirine, carbamazépine, procarbazine, phénothiazines…) ou une pneumonie interstitielle (nitrofurantoïne, méthotrexate). La présence de granulomes (sels d’or) et une évolution possible vers une fibrose pulmonaire (bléomycine) ont été décrites. Le syndrome « myalgie–éosinophile » à l’évolution prolongée et sévère (sclérodermie ?) est liée à la prise, parfois ancienne, de médicaments contenant du L-tryptophane (rôle toxique de contaminants présents dans le produit) [4]. Le plus souvent l’enquête est délicate et une relation de cause à effet peut être difficile à établir. Les mécanismes à l’origine de l’hyperéosinophilie sont variés et ne dépendent pas tous d’un processus allergique. De nombreux produits ont été incriminés (anti-infectieux, anti-inflammatoires non stéroïdiens, psychotropes, hypoglycémiants, anticoagulants…) et la liste ne cesse d’être réactualisée. Les tests permettant d’établir l’imputabilité d’un médicament n’ont qu’une valeur très limitée (rôle du produit natif, de ses métabolites…). Le plus souvent, c’est la régression des signes cliniques et de l’hyperéosinophilie, à l’arrêt du traitement (parfois au bout de cinq à six semaines) qui confirmera l’origine médicamenteuse de l’hyperéosinophilie. Les cancers Devant une hyperéosinophilie sanguine massive inexpliquée, il faut craindre le développement d’un processus néoplasique sous-jacent avec ou sans

* Cf. site internet : http://www.pneumotox.com/pneumotox/patterns1c.html.

métastases associées [5]. Un examen clinique, même rigoureux, ne permet pas toujours d’établir le diagnostic. La pratique systématique d’examens complémentaires est parfois indispensable. Un bilan biologique large (syndrome inflammatoire, calcémie, médullogramme…), une radiographie de thorax, une échographie abdominopelvienne, voire un scanner du corps entier peuvent permettre de détecter un cancer encore asymptomatique. Si l’enquête reste négative, une surveillance régulière s’impose. Les principales tumeurs incriminées sont les carcinomes digestifs et respiratoires. D’autres localisations primitives ont été décrites (rein, sein, surrénale, thyroïde, vésicule biliaire, pancréas). Certaines hyperéosinophilies massives n’apparaissent qu’à la suite de métastases [6, 7]. C’est la production de facteur de croissance (GMCSF) ou de cytokines (IL-3, IL-5) par le clone malin qui prolifère ou par les cellules tumorales qui induit l’hyperéosinophilie sanguine ou tissulaire (cancer du col utérin dans la forme kératinisante à grandes cellules). L’hyperéosinophilie peut aussi être liée au processus réactionnel en réponse au développement tumoral [8]. L’exérèse chirurgicale d’une tumeur primitive peut entraîner la disparition progressive de l’hyperéosinophilie. LES HYPERÉOSINOPHILIES PERSISTANTES D’ORIGINE INEXPLIQUÉE Le syndrome d’hyperéosinophilie essentielle Devant une hyperéosinophilie chronique inexpliquée, on évoque souvent le diagnostic de syndrome d’hyperéosinophilie essentielle. C’est un diagnostic d’exclusion qui ne peut être évoqué qu’après enquête étiologique rigoureuse et répétée demeurée négative. Le syndrome d’hyperéosinophilie essentielle : définition On définit, encore aujourd’hui, le syndrome d’hyperéosinophilie essentielle en fonction des critères établis en 1975 par Chusid et al. [9]. Il se caractérise par une hyperéosinophilie massive (> 1,5 x 109/L), d’origine inconnue, qui évolue depuis au moins six mois et entraîne des lésions viscérales variées où domine la cardiopathie. Si le décès survient avant six mois, les symptômes rencontrés sont en relation avec l’infiltration tissulaire des polynucléaires éosinophiles. Le syndrome d’hyperéosinophilie essentielle est

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surtout observé chez l’homme (plus de 80 % des cas) avec un âge de survenue situé habituellement entre 20 et 50 ans. Le syndrome d’hyperéosinophilie essentielle de l’enfant, plus rare, est souvent associé à des complications cardiovasculaires. Des formes familiales de syndrome d’hyperéosinophilie essentielle (implication de la région q31-33 du chromosome 5) ont été décrites [10]. Devant une hyperéosinophilie massive observée chez un nouveau-né, on recherchera un syndrome d’Omenn [11] ou un syndrome de Down [12]. Une analyse du caryotype peut s’avérer instructive (trisomie 8, trisomie 21). Le syndrome d’Omenn est un déficit immunitaire combiné sévère, à transmission autosomique récessive, qui apparaît dans les premiers mois de la vie. Il se traduit par une érythrodermie exsudative, des polyadénopathies, une hépatosplénomégalie. L’hyperéosinophilie sanguine très élevée est souvent associée à une hyper-IgE sérique. Signes d’appel La découverte d’un syndrome d’hyperéosinophilie essentielle est soit fortuite dans 10 % des cas (numération-formule sanguine systématique) soit liée au développement de complications surtout cardiaques ou neurologiques. Les signes d’appel sont en fait très variés. Il peut s’agir d’une altération de l’état général (asthénie, anorexie, perte de poids, fébricule…), de signes respiratoires (toux nocturne non productive, dyspnée, douleur thoracique…), cutanés (sueur, prurit, rash, angio-œdème…), musculaires (myalgies), hépatodigestifs (nausées, diarrhée, hépatomégalie…) ou hématologiques (anémie, thrombopénie, splénomégalie…). Les syndromes d’hyperéosinophilie essentielle Le caractère d’entité pathologique attribué au syndrome d’hyperéosinophilie essentielle apparaît discutable. L’expression clinique et les modalités évolutives sont très variables selon les patients [13-18]. Différents sous-groupes de syndromes d’hyperéosinophilie essentielle peuvent être individualisés. Certaines formes cliniques ne paraissent pas liées au développement d’un processus oncogène (syndrome d’hyperéosinophilie essentielle « bénins » sans complication viscérale, avec complications viscérales). Parmi les syndromes d’hyperéosinophilie essentielle « bénins », certains auteurs ont décrit une forme dite « allergique » qui serait plus fréquemment rencontrée chez la femme [17]. Les signes respira-

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toires et surtout cutanés dominent avec la présence d’angio-œdème ou d’urticaire associés à une hyperIgE sérique. Cette forme clinique de syndrome d’hyperéosinophilie essentielle, sensible à la corticothérapie est de bon pronostic. D’autres syndromes d’hyperéosinophilie essentielle s’apparentent, à plus ou moins long terme, à d’authentiques hémopathies malignes (leucémies, syndromes myéloprolifératifs ou myélodysplasiques). Dans la forme « maligne » ou « myéloproliférative » de syndromes d’hyperéosinophilie essentielle, on note la présence d’une splénomégalie, d’une myélofibrose. La vitamine B12 sérique est très élevée ainsi que les taux de transcobalamine I et III. En revanche, le score des phosphatases alcalines leucocytaires est abaissé. Le pronostic est beaucoup plus réservé dans ces formes « myéloprolifératives » en raison de la fréquente association à des lésions viscérales, surtout cardiaques et de la résistance à la corticothérapie [17]. Devant certaines hyperéosinophilies persistantes, il peut être difficile de distinguer entre syndrome d’hyperéosinophilie essentielle et leucémie chronique à éosinophiles [19]. Syndrome d’hyperéosinophilie essentielle et maladies d’organe C’est l’infiltration tissulaire diffuse des polynucléaires éosinophiles qui serait à l’origine des lésions multiviscérales, souvent observées dans le syndrome d’hyperéosinophilie essentielle (toxicité des éosinophiles). Ce syndrome a servi de modèle d’étude pour identifier des sous-populations d’éosinophiles « hypodenses » (dégranulés, vacuolés, riches en corps lipidiques) qui présentent les caractères d’une cellule activée, cytotoxique, pro-inflammatoire [20]. Les signes d’atteintes de tissus ou d’organes peuvent apparaître au premier plan. Avant d’évoquer le syndrome d’hyperéosinophilie essentielle, différentes maladies seront recherchées, il n’est pas toujours aisé de faire la part entre un syndrome d’hyperéosinophilie essentielle et une maladie d’organe d’origine inconnue (syndrome d’hyperéosinophilie essentielle inaugural d’une maladie ou maladie d’organe inaugurale d’un syndrome d’hyperéosinophilie essentielle ?). Manifestations cardiovasculaires Le diagnostic de syndrome d’hyperéosinophilie essentielle est souvent évoqué lorsque des manifes

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tations cardiovasculaires accompagnent une hyperéosinophilie massive et prolongée. L’association entre cardiopathie et hyperéosinophilie existe aussi dans d’autres circonstances qu’il faudra rechercher (vascularites, notamment la périartérite, noueuse ou l’angéite de Churg et Strauss, lymphomes, parasitoses…). Les complications cardiaques sont la principale cause de morbidité et de mortalité chez les patients ayant un syndrome d’hyperéosinophilie essentielle (50 à 70 % des cas). Des complications thromboemboliques extracardiaques peuvent être associées. Un tableau d’insuffisance cardiaque, une valvulopathie tricuspidienne ou mitrale, un choc cardiogénique, une adiastolie, des troubles du rythme sont autant de signes révélateurs possibles. Ils n’ont aucun caractère de spécificité. Ils peuvent témoigner néanmoins du développement d’une myocardite à éosinophiles ou surtout d’une fibrose endomyocardique très évocateur d’un syndrome d’hyperéosinophilie essentielle. Celle-ci évolue en trois stades (nécrose, thrombose, fibrose). Manifestations neurologiques Des signes neurologiques ont été observés dans plus de 60 % des cas de syndromes d’hyperéosinophilie essentielle. Ils témoignent d’atteintes centrales (confusion, troubles du comportement, altération des fonctions cognitives…) ou périphériques (mononévrite sensitive, neuropathie sensitivomotrice symétrique, radiculopathie…). Ils seraient liés à des phénomènes vasculaires (vascularite ?) et/ou thromboemboliques. Un examen du fond d’œil (signes d’hémorragie rétinienne) et un bilan de coagulation doivent toujours compléter l’examen neurologique. Une hyperéosinophilie massive (> 5 x 109/L) associée à des troubles neurologiques (mononévrite ou multinévrite) peuvent aussi révéler une angéite de Churg et Strauss (antécédents d’asthme ancien, altération de l’état général, syndrome inflammatoire, risque d’atteinte cardiaque grave…). Des signes neuroméningés avec hyperéosinophilie sanguine et présence d’éosinophile dans le liquide céphalorachidien doivent évoquer l’angiostrongyloïdose à Angiostrongylus cantonensis. Signes hépatospléniques Dans le syndrome d’hyperéosinophilie essentielle, on retrouve une hépatomégalie souvent en relation avec l’insuffisance cardiaque. Un infiltrat d’éosinophiles est surtout retrouvé dans la région périportale. Une

splénomégalie sera recherchée dans les formes « myéloprolifératives » (signes d’infarctus splénique). Les tests hépatiques peuvent révéler une élévation des transaminases ou des signes en faveur d’une cholestase. Des signes hépatobiliaires associés à une hyperéosinophilie peuvent aussi être d’origine médicamenteuse ou parasitaire (tableau d’angiocholite dans la distomatose hépatique). Signes intestinaux Des troubles du transit associés à une infiltration d’éosinophiles dans la muqueuse intestinale sont également décrits dans le syndrome d’hyperéosinophilie essentielle [9]. La distinction entre syndrome d’hyperéosinophilie essentielle à localisation digestive et gastroentérite à éosinophiles peut être difficile [21]. La gastroentérite à éosinophiles s’observerait plus volontiers dans un contexte d’atopie avec des taux élevés d’IgE sériques, surtout chez l’enfant (allergie alimentaire ?). En fonction de la localisation de l’infiltrat d’éosinophiles, différents tableaux cliniques peuvent être observés [22]. L’atteinte des séreuses se traduit par un tableau de pseudopéritonite avec une ascite riche en éosinophiles. L’atteinte de la musculeuse donne un tableau de subocclusion (formations pseudotumorales). L’infiltration de la muqueuse est fréquente. Elle se traduit par un tableau d’entéropathie sévère avec syndrome de malabsorption. La présence de granulomes à éosinophiles dans l’intestin doit faire rechercher une anisakiase. Signes cutanés et musculaires Les signes cutanés, décrits dans plus de 50 % des syndromes d’hyperéosinophilie essentielle, sont très variés (nodules, rash érythémateux ou maculopapuleux, angio-œdème, lésions vésiculeuses et bulleuses…). Les lésions maculopapuleuses seraient surtout observées dans les formes « myéloprolifératives » corticorésistantes des syndromes d’hyperéosinophilie essentielle. Nous avons vu, en revanche, qu’un angio-œdème ou une urticaire avec hyper-IgE sérique se rencontrent dans la forme « allergique » corticosensible des syndromes d’hyperéosinophilie essentielle. Il faudra la distinguer de l’angio-œdème cyclique épisodique décrit par Gleich [23, 24]. Il faut aussi différencier les lésions dermatologiques observées dans les syndromes d’hyperéosinophilie essentielle des dermatoses bulleuses (pemphigoïde, pemphigoïde gestationis, incontinentia pigmenti, dermatite herpétiforme) de

Hyperéosinophilie persistante

la cellulite à éosinophiles d’évolution bénigne (syndrome de Well avec des images en « flammèche » typique à l’examen histopathologique de la peau lésée), de la folliculite pustuleuse à éosinophiles (maladie d’Ofugi), du granulome éosinophile des tissus mous (maladie de Kimura). Les manifestations musculaires sont plus rares dans le syndrome d’hyperéosinophilie essentielle. Une hyperéosinophilie sanguine, parfois massive, avec douleurs et gonflement des muscles, limitation des mouvements, induration des tissus sous-cutanés évoque surtout la fasciite de Shulman (risque d’hémopathie, d’aplasie médullaire). Signes respiratoires Une dyspnée, une toux avec fièvre et sans expectoration, une douleur thoracique sont autant de signes qui peuvent révéler un syndrome d’hyperéosinophilie essentielle. Ils témoignent d’un afflux d’éosinophiles dans les poumons. Contrairement à la localisation cardiaque, cet infiltrat n’induirait, à terme, aucune lésion détectable [16]. Pour d’autres auteurs, il pourrait être à l’origine du développement d’une fibrose pulmonaire [25]. Avant d’évoquer le syndrome d’hyperéosinophilie essentielle, il faut écarter toute pneumopathie associée à une réaction d’hypersensibilité ou à une vascularite (médicaments, parasitose, angéite de Churg et Strauss…). En l’absence de cause détectable, le diagnostic de pneumonie chronique à éosinophile ou maladie de Carrington doit être évoqué. Certains signes sont très évocateurs. Il s’agit d’une alvéolite à éosinophiles, d’origine inexpliquée, qui sera confirmée par le lavage bronchoalvéolaire (afflux massif d’éosinophiles) alors que l’hyperéosinophilie sanguine peut être modérée. Contrairement au syndrome d’hyperéosinophilie essentielle, la maladie de Carrington survient plus volontiers chez la femme. Les images radiologiques ont parfois une grande valeur indicative (image en « cimier de casque » ; image en négatif d’un œdème aigu du poumon). L’efficacité spectaculaire de la corticothérapie peut être l’ultime élément de confirmation du diagnostic. Syndrome d’hyperéosinophilie essentielle et hémopathies Dans de rares circonstances, l’hyperéosinophilie sanguine peut être associée à des signes cliniques (hépa-

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tosplénomégalie, adénopathies…) et biologiques (anémie, thrombopénie, myélofibrose…) qui évoquent un état préleucémique, un syndrome myéloprolifératif [17], une myélodysplasie [26]. Les analyses complémentaires et l’évolution ne permettent pas toujours de conclure. Certaines hyperéosinophilies persistantes restent stables (syndrome d’hyperéosinophilie essentielle ?), d’autres se transforment après un délai plus ou moins long en une leucémie aiguë (myéloblastique, voire lymphoblastique) ou en sarcomes granulocytaires (chloromes). Une grande vigilance s’impose donc devant la survenue de ces hyperéosinophilies chroniques dont certaines s’apparentent à des leucémies chroniques à éosinophiles [27, 19]. Le diagnostic est d’autant plus difficile que les polynucléaires éosinophiles circulants ne présentent habituellement aucune des altérations communément rencontrées dans une leucémie (rare blastose). Il s’agit de cellules matures ayant parfois un noyau multilobé, une hypogranulation cytoplasmique (vacuoles), des caractères cytochimiques singuliers (naphtolchloroacétate estérase positive). Un bilan hématologique régulier (médullogramme, analyses cytogénétiques) peut permettre de détecter une anomalie chromosomique clonale affectant des cellules souches, des progéniteurs ou des cellules matures. Les remaniements chromosomiques sont des éléments utiles pour appréhender le caractère clonal de la prolifération. En revanche, ils n’apportent pas toujours d’indications permettant d’établir un lien entre le développement de l’hyperéosinophilie et/ou l’origine du processus oncogène. Une grande variété d’anomalies chromosomiques a été décrite dans un contexte d’hyperéosinophilies chroniques. Elles peuvent affecter le chromosome 5 avec les translocations (2;5), (3;5), (5;11), (5;9), (1;5), (5;16), (5;14) ou (5;12) ; le chromosome 7 avec une monosomie 7 ou des translocations (7;12), (4;7) ; le chromosome 8 avec une trisomie 8 ou des translocations (8;9), (6;8), (8;13) ; le chromosome 17 avec une inversion (17q), le chromosome 20 (20q–) ou le chromosome 21 (trisomie 21). Dans certaines circonstances, une anomalie moléculaire peut être associée au remaniement chromosomique (transcrits de fusion…). Elle permet d’échafauder des hypothèses de travail pour mieux appréhender l’origine d’un processus leucémogène (tableau II).

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Tableau II. Anomalies chromosomiques et hyperéosinophilies. Anomalies chromosomiques clonales Chromosomes Conséquences 5:t(5;12) (q33;p13) t(5;14) (q31;q32)

8:t(8;13) (p11;q12)

PDGFRβ-TEL Gènes de l’IL-3 en 5q31 Gène de l’IL-3 de l’IL5 en 5q31 FGFR1-ZNF 198

t(6;8) (q27;p12) t(8;9) (p11;q34) 9:t(9;22) (q34;q11) 10:t(10;14) 16: inv(16) (p13;q22)

FGFR1-FOP FGFR1-FAN BCR-ABL – CBF-MYH11

t(5;7) ou t(1;5)

Hyperéosinophilies Primitive

Réactionnelle

Leucémie chronique à éosinophiles Leucémie aiguë, lymphoblastique de la lignée B Syndrome myélodysplasique Leucémie chronique à éosinophile (acutisation : LAM ou LAL) Idem Idem Leucémie myéloïde chronique LMC Leucémie aiguë à éosinophile (LAM) Leucémie myélomonocytaire aiguë de type LAM 4 Eosino

LES HYPERÉOSINOPHILIES CHRONIQUES PRIMITIVES Les hyperéosinophilies chroniques dites primitives sont liées soit à un excès de production des éléments de la lignée éosinophile, en relation avec un processus oncogène, soit à un défaut d’élimination de polynucléaires éosinophiles matures, en relation avec une altération des processus physiologiques d’apoptose. Excès de production Il s’agit, le plus souvent, d’anomalies clonales liées à un processus leucémogène. Elles peuvent intéresser les cellules souches multipotentes, les cellules progénitrices oligopotentes, les précurseurs de la lignée éosinophile ou les polynucléaires éosinophiles matures. Elles s’intègrent souvent dans une hémopathie maligne myéloïde ou lymphoïde. Anomalies affectant les cellules souches ou les progéniteurs L’hyperéosinophilie sanguine ou médullaire s’intègre parfois dans un tableau d’hémopathie en cours d’évolution. C’est le cas dans la leucémie myéloïde chronique ou dans la leucémie myélomonocytaire aiguë de type LAM4-eosino avec des éosinophiles médullaires anormaux. Dans d’autres circonstances, l’hyperéosinophilie sanguine est isolée. Seules les anomalies chromosomiques clonales permettent alors d’évoquer un état préleucémique ou une leucémie à éosinophiles. Les leucémies aiguës à éosinophiles sont très rares. Il

s’agit d’une leucémie aiguë myéloïde distincte de la LAM4-eosino. On met parfois en évidence une translocation (10;14) qui intéresse les précurseurs d’éosinophiles. Dans les leucémies chroniques à éosinophiles, les anomalies chromosomiques affectent surtout des récepteurs de membrane et non des facteurs de transcription [27]. Il peut s’agir du récepteur du facteur de croissance des fibroblastes ou FGFR1. Dans ce cas, la translocation intéresse le chromosome 8 et induit la synthèse de différents transcrits de fusion (FGFR1-FOP, FGFR1-FAN, FGFR1-ZNF198). Le récepteur du facteur de croissance des plaquettes peut aussi être impliqué (chaîne β du récepteur ou PDGFRβ). La translocation (5;12) intéresse à la fois PDGFRβ et le gène TEL [28]. Le transfert de fusion TEL/PDGFRβ peut être un inducteur du processus oncogène [29]. Anomalies affectant l’éosinophile mature De rares cas d’anomalies clonales affectant l’éosinophile mature ont été décrits dans certaines situations cliniques s’apparentant au syndrome d’hyperéosinophilie essentielle [30, 31]. Des explorations spécialisées permettent de détecter cette anomalie, uniquement chez la femme jeune. Il s’agit de la technique de l’inactivation de l’X. La représentation mono-ou multi-allélique de marqueurs hétérozygotes sélectionnés présents sur le chromosome X et subissant le phénomène de lyonisation permet d’identifier la clonalité (étude réalisée sur le gène de la phosphoglycérate kinase ou sur le gène humara) [32].

Hyperéosinophilie persistante

Défaut d’apoptose Une altération des processus physiologiques d’apoptose pourrait expliquer la persistance de ces cellules dans le sang et/ou les tissus [33]. Leur phagocytose, leur nécrose pourraient favoriser la libération du contenu toxique des éosinophiles (protéines basiques des granules spécifiques). L’analyse des mécanismes moléculaires contrôlant la voie apoptotique des éosinophiles fait l’objet de nombreux travaux [34, 35]. HYPERÉOSINOPHILIES CHRONIQUES RÉACTIONNELLES OU PARACLONALES L’hyperéosinophilie est ici la conséquence d’une anomalie qui affecte une autre lignée dont les éléments, plus ou moins différenciés, produisent des facteurs actifs sur la production ou sur le recrutement des éosinophiles. Ceux-ci présentent souvent les caractères d’une cellule mature parfois activée (expression accrue de récepteurs et de molécules de surface, hypogranulation cytoplasmique…). Processus oncogène Dans le cadre des hémopathies, l’hyperéosinophilie sanguine réactionnelle témoigne d’anomalies affectant d’autres cellules qui produisent des facteurs de croissance (GM-CSF) ou des cytokines (IL-3, IL-5) actifs sur les éosinophiles. C’est le cas dans la maladie de Hodgkin, dans les lymphomes malins non hodgkiniens de type T, notamment les lymphomes T épidermotropes (syndrome de Sezary, mycosis fongoïde), dans les lymphomes T liés au rétrovirus HTLV-1 (adult-T cell leukemia). Nous avons vu que les anomalies chromosomiques clonales sont d’utiles marqueurs. Ils ne permettent pas toujours d’établir un lien entre l’hyperéosinophilie et le processus leucémogène. Une relation de cause à effet a pu être établie lorsque le réarrangement chromosomique intéresse le chromosome 5 dans la translocation (5;14). En raison du rapprochement provoqué par la translocation (5;14) (q31;p32), la région activatrice de la transcription des gènes codant les chaînes lourdes des immunoglobulines situés en 14q32 stimule la transcription du gène codant l’IL-3 situé en 5q31. Cette translocation est observée dans certaines leucémies aiguës lymphoblastiques de la lignée B [36]. Ce même mécanisme pourrait être à l’origine de l’hyperéosinophilie observée dans certains syndro-

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mes myélodysplasiques associés à des translocations intéressant le chromosome 5 ; (5;7) ou (1;5). Dérégulation de l’homéostasie lymphocytaire Dans certaines hyperéosinophilies chroniques inexpliquées étiquetées syndrome d’hyperéosinophilie essentielle, des proliférations clonales de lymphocytes T ont été mises en évidence [37]. L’analyse du profil de synthèse et de sécrétion de cytokines par les lymphocytes T a permis de les identifier comme étant des lymphocytes de polarité Th2 [38, 39]. D’autres observations ponctuelles ont mis en évidence, par cytométrie en flux, des modifications phénotypiques affectant certaines sous-populations de lymphocytes circulants. Ces anomalies peuvent être monoclonales [40] ou polyclonales [41, 39]. L’origine de ces dérèglements affectant les lymphocytes n’est pas connue (processus oncogène ou réactionnel ?). On peut craindre toutefois le développement d’événements oncogènes après la mise en évidence d’anomalies chromosomiques clonales [42] ou le risque de développement vers un lymphome [40]. Dans d’autres circonstances, le rôle de cellules accessoires telles que des cellules dendritiques apparaît indispensable à l’activation des cellules T productrices d’IL-9 et d’IL-13 qui agissent sur la lignée éosinophile [39]. Des populations de lymphocytes T CD3– CD4+ productrices d’IL-5 ont été identifiées [38-40, 43]. Ces cellules de polarité Th2 expriment des récepteurs de chémokines dont certaines peuvent être modulées négativement par la présence, en excès, de leur ligand dans le sérum des patients hyperéosinophiliques. On peut citer l’exemple de TARC (thymus activated and regulated chemokine), ligand du CCR4 [44]. D’autres cas explorés d’hyperéosinophilies chroniques révèlent l’existence de lymphocytes T CD3+ CD4– CD8– dans le sang [40]. Une étude récente réalisée chez 16 patients présentant une hyperéosinophilie chronique inexpliquée avec des manifestations dermatologiques, confirme ces premiers résultats et révèle, en plus, d’autres perturbations de l’homéostasie lymphocytaire [40]. Une analyse systématique de différents marqueurs du lymphocyte T (CD3, CD4, CD8 mais aussi CD2, CD5, CD6, CD7, CD25, HLA-DR, CD95) révèle des anomalies qui affectent selon les patients 6 à 60 % des lymphocytes circulants. À l’exception d’un seul cas, on note l’absence d’hyperlymphocytose san

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guine. Les différents phénotypes observés sont CD3+ CD4+ CD8– (n = 9) CD3+ CD4– CD8+ (n = 3) ; CD3+ CD4– CD8– (n = 3) ; CD3– CD4+ CD8+ (n = 2). Un patient présente deux populations lymphocytaires « anormales ». Une prolifération clonale a été mise en évidence dans 50 % des cas. Le plus souvent, les cellules T « anormales » présentent les caractères d’une cellule T activée (CD25+, HLA-DR+) et produisent de l’IL-5 voire de l’IL-4 (polarité Th2). Une évolution ultérieure vers un lymphome T a été observée dans 15 % des cas. TRAITEMENT DU SYNDROME D’HYPERÉOSINOPHILIE ESSENTIELLE Devant un syndrome d’hyperéosinophilie essentielle sans lésion viscérale détectable, sans signe d’hémopathie associée, l’abstention thérapeutique est légitime, au moins dans un premier temps. Une surveillance régulière est toutefois impérative. Elle peut permettre de détecter des « marqueurs » de gravité qui nécessiteront la mise en route d’un traitement. La corticothérapie, toujours proposée en première intention, peut s’avérer efficace notamment dans les formes dites « allergiques » de syndrome d’hyperéosinophilie essentielle. Dans les formes corticorésistantes, plus fréquentes, la ciclosporine a été testée [45]. C’est surtout l’hydroxyurée et l’interféron alpha seuls ou associés qui peuvent entraîner une rémission totale ou partielle [46, 47]. HYPERÉOSINOPHILIE CHRONIQUE : ÉLÉMENTS DE SURVEILLANCE Les différents « marqueurs » de gravité qui peuvent apparaître au cours de l’évolution d’une hyperéosinophilie chronique intéressent soit la lignée éosinophile soit les lymphocytes T (anomalie clonale intéressant l’une de ces lignées ou processus réactionnel). Atteinte de la lignée éosinophile Anomalies clonales Une analyse cytogénétique à la recherche d’anomalies chromosomiques clonales peut permettre de diagnostiquer une leucémie. Le traitement par l’interféron alpha permet parfois d’induire une rémission avec disparition de l’anomalie cytogénétique [31, 48-50]. Des résultats prometteurs ont également été obtenus à la suite d’autogreffes ou d’allogreffes de cellules

souches hématopoïétiques [50]. Lorsque nous ne disposons d’aucun élément en faveur d’une leucémie chronique à éosinophile, la recherche d’une prolifération clonale affectant l’éosinophile mature peut être proposée. En pratique, cette recherche est difficile. Elle requiert l’utilisation d’une technique (inactivation de l’X) uniquement applicable chez la femme (moins de 20 % des syndromes d’hyperéosinophilie essentielle) et les résultats peuvent être sujets à caution, surtout chez les sujets âgés. Certains auteurs ont évoqué l’intérêt de l’étude de nouveaux marqueurs permettant de distinguer le syndrome d’hyperéosinophilie essentielle d’une leucémie à éosinophiles. Dans les leucémies, on noterait une expression accrue du gène de la tumeur de Wilms ou WT1 [51]. Processus réactionnels La présence d’un pourcentage élevé d’éosinophiles hypodenses sanguins détectés par sédimentation sur gradient de densité [20] témoigne surtout d’un processus réactionnel. Celui-ci induit l’activation de l’éosinophile et la libération de protéines cationiques dont la toxicité peut rendre compte des lésions viscérales observées dans le syndrome d’hyperéosinophilie essentielle [52]. L’intérêt du dosage sérique des protéines cationiques de l’éosinophile (eosinophil cationic protein ou ECP, eosinophil derived neurotoxin ou EDN) dans le suivi d’un syndrome d’hyperéosinophilie essentielle est discuté. C’est surtout la présence d’éosinophiles hypodenses qui doit faire craindre le développement de lésions viscérales (cardiopathies, neuropathies). Dans les cardiopathies, le rôle pathogène, au moins partiel, des éosinophiles est suggéré par le fait que celles-ci sont aussi observées dans d’autres cas d’hyperéosinophilies massives persistantes (parasitose, hémopathies). Tout patient présentant une hyperéosinophilie chronique devra bénéficier d’examens complémentaires à la recherche de signes d’atteintes cardiovasculaires (électrocardiogramme, échocardiographie bidimensionnelle renouvelée tous les six mois, angiocardiographie, voire biopsie endomyocardique). Des complications thromboemboliques extracardiaques peuvent être associées. L’action procoagulante des protéines basiques des granules spécifiques de l’éosinophile a été incriminée [53]. Un bilan de coagulation, la recherche de manifestations de thromboses, de microembolies, de coagulation intravasculaire disséminée [54], un bilan neurologique complet avec

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Hyperéosinophilie persistante

l’examen du fond d’œil sont autant d’éléments à prendre en compte dans le suivi d’un syndrome d’hyperéosinophilie essentielle. Atteintes de la lignée lymphoïde L’immunophénotypage des lymphocytes T circulants et l’étude du réarrangement de la chaîne gamma du récepteur pour l’antigène du lymphocyte T ou TCR, peuvent permettre la mise en évidence de l’émergence d’un clone T ou d’un contingent de cellules T apte à activer les éléments de la lignée éosinophile. Cette enquête est indispensable, même en l’absence d’une hyperlymphocytose sanguine. Le pourcentage de cellules T anormales circulantes peut être très réduit, au moins au début de l’évolution de la maladie. Des travaux antérieurs à ces données nouvelles avaient montré que la présence, dans le sérum, de la forme soluble du récepteur de l’IL-2 (CD25 soluble) à taux élevés, était un élément de mauvais pronostic [55]. L’origine de la dérégulation de l’homéostasie des lymphocytes T est aujourd’hui inconnue (processus oncogène, processus réactionnel ?). L’intérêt du dosage sérique des cytokines, notamment de l’IL-5, est discuté. Tout dosage de cytokines dans le sérum doit être interpréter avec prudence (possibles interférences avec des molécules solubles ou membranaires). Par ailleurs, une production accrue d’IL-5 a été mise en évidence dans les hyperéosinophilies réactionnelles paraclonales (rôle du clone T) [43] mais aussi dans les hyperéosinophilies primitives clonales [49]. CONCLUSION La prise en charge diagnostique et thérapeutique d’un patient présentant une hyperéosinophilie persistante est souvent délicate. C’est seulement au prix d’une enquête longue et difficile que la cause sera parfois identifiée (parasites, médicaments, cancer…). Certaines hyperéosinophilies isolées ou paucisymptomatiques ne s’intègrent dans un contexte de maladie de système et/ou d’organe qu’après plusieurs mois d’évolution. L’origine réelle de l’hyperéosinophilie peut rester toutefois indéterminée. Les frontières entre maladie d’organe de cause inconnue (pneumonie à éosinophiles, gastroentérite à éosinophiles, angio-œdème cyclique de Gleich…) et syndrome d’hyperéosinophilie essentielle ne sont pas toujours clairement définies. Lorsque nous ne disposons

d’aucun élément d’orientation diagnostique, la recherche d’une hémopathie maligne sous-jacente s’impose avant d’évoquer un syndrome d’hyperéosinophilie essentielle. Pour valider les éléments de surveillance utiles au cours d’une hyperéosinophilie chronique inexpliquée, nous manquons d’un recul suffisant et/ou d’études menées sur un nombre représentatif de patients. La création d’un réseau multicentrique clinicobiologique dont l’une des missions est d’évaluer ces marqueurs (cf. site Internet), devrait assurer à terme une meilleure prise en charge de ces patients. RE´ FE´ RENCES 1 Navajas A, Cardenal I, Pinan MA, Ortiz A, Astigarraga I, FdezTeijeiro A. Hypereosinophilia due to myiasis. Acta Haematol 1998 ; 99 : 27-30. 2 Mohri H, Motomura S, Okubo T. Unusual leukocytosis with eosinophilia by an allergic disease. Am J Hematol 1998 ; 57 : 90-1. 3 Jennette JC, Falk RJ. Do vasculitis categorization systems really matter ? Curr Rheumatol Rep 2000 ; 2 : 430-8. 4 Sternberg EM. Pathogenesis of L-tryptophan eosinophilia myalgia syndrome. Adv Exp Med Biol 1996 ; 398 : 325-30. 5 Samoszuk M. Eosinophils and human cancer. Histol Histopathol 1997 ; 12 : 807-12. 6 Oakley SP, Garsia RJ, Coates AS. Eosinophilic leukaemoid reaction and interleukin-5 in metastatic melanoma. Med J Aust 1998 ; 169 : 501. 7 Watanabe M, Ono K, Ozeki Y, Tanaka S, Aida S, Okuno Y. Production of granulocyte-macrophage colony-stimulating factor in a patient with metastatic chest wall large cell carcinoma. Jpn J Clin Oncol 1998 ; 28 : 559-62. 8 Ogata M, Ogata Y, Kohno K, Uno N, Ohno E, Ohtsuka E, et al. Eosinophilia associated with adult T-cell leukemia : role of interleukin 5 and granulocyte-macrophage colony-stimulating factor. Am J Hematol 1998 ; 59 : 242-5. 9 Chusid MJ, Dale DC, West BC, Wolff SM. The hypereosinophilic syndrome : analysis of fourteen cases with review of the literature. Medicine (Baltimore) 1975 ; 54 : 1-27. 10 Rioux JD, Stone VA, Daly MJ, Cargill M, Green T, Nguyen H, et al. Familial eosinophilia maps to the cytokine gene cluster on human chromosomal region 5q31-q33. Am J Hum Genet 1998 ; 63 : 1086-94. 11 Santagata S, Villa A, Sobacchi C, Cortes P, Vezzoni P. The genetic and biochemical basis of Omenn syndrome. Immunol Rev 2000 ; 178 : 64-74. 12 Kusanagi Y, Ochi H, Matsubara K, Ito M. Hypereosinophilic syndrome in a trisomy 21 fetus. Obstet Gynecol 1998 ; 92 : 701-2. 13 Hardy WR, Anderson RE. The hypereosinophilic syndromes. Ann Intern Med 1968 ; 68 : 1220-9. 14 Schooley RT, Flaum MA, Gralnick HR, Fauci AS. A clinicopathologic correlation of the idiopathic hypereosinophilic syndrome. II. Clinical manifestations. Blood 1981 ; 58 : 1021-6. 15 Flaum MA, Schooley RT, Fauci AS, Gralnick HR. A clinicopathologic correlation of the idiopathic hypereosinophilic syndrome. I. Hematologic manifestations. Blood 1981 ; 58 : 101220. 16 Spry CJ, Davies J, Tai PC, Olsen EG, Oakley CM, Goodwin JF. Clinical features of fifteen patients with the hypereosinophilic syndrome. Q J Med 1983 ; 52 : 1-22. 17 Lefebvre C, Blétry O, Degoulet P, Guillevin L, BentataPessayre M, Le Thi Huong D, et al. Prognostic factors of hype

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