Dysphonie persistante révélant un corps étranger laryngé

Dysphonie persistante révélant un corps étranger laryngé

Rec¸u le : 5 avril 2010 Accepte´ le : 3 avril 2011 Disponible en ligne 31 mai 2011 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com Fait clinique ...

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Rec¸u le : 5 avril 2010 Accepte´ le : 3 avril 2011 Disponible en ligne 31 mai 2011

Disponible en ligne sur

www.sciencedirect.com



Fait clinique

Dysphonie persistante re´ve´lant un corps e´tranger larynge´ Persistent dysphonia showing a laryngeal foreign body in a child K. Hammoudia, D. Bakhosa,*,b, E. Bakhos-Merieaub,c, S. Pondavena, E. Lescannea,b a Service d’ORL et CCF pe´diatrique, CHU Gatien-de-Clocheville, boulevard Be´ranger, 37044 Tours cedex, France b Universite´ Franc¸ois-Rabelais de Tours, 37044 Tours cedex, France c Service de pe´diatrie A, boulevard Be´ranger, 37044 Tours cedex, France

Summary

Re´sume´

Introduction. Inhalation of a laryngotracheobronchial foreign body is a common pediatric emergency situation. It is a source of morbidity and even mortality, especially among children under 3 years of age. Case report. A 14-month-old child presented suddenly combining bitonal dysphonia and dyspnea. Given the persistence of symptoms after 1.5 months and the normality of examinations requested by his doctor (pH, cervical ultrasonography, cervical and thoracic radiography), an ENT opinion was sought. An aerodigestive tract endoscopy was carried out in the emergency setting, finding a glottic foreign body associated with subglottic granulomas. The foreign body extraction led to the immediate disappearance of dyspnea. Dysphonia gradually improved under Budesonide aerosols. Conclusion. The lack of penetration syndrome in the interrogation and non specific symptoms may lead to an important diagnosis and treatment delay with dramatic consequences in case of airway foreign body. Endoscopy under general anesthesia must be practiced if there is any doubt for a thorough examination of the airways. ß 2011 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

L’inhalation de corps e´trangers est une situation commune aux urgences pe´diatriques. Elle est source de morbidite´, voire de mortalite´ particulie`rement chez l’enfant de moins de 3 ans. Nous rapportons le cas d’un enfant de 14 mois qui avait pre´sente´ brutalement une symptomatologie associant une voix bitonale, une dysphonie et une dyspne´e aux 2 temps. Devant la persistance de la symptomatologie apre`s 1 mois et demi d’e´volution et la normalite´ des examens (radiographies cervicale et thoracique, pH-me´trie, e´chographie cervicale), un avis ORL e´tait demande´. Une endoscopie des voies ae´rodigestives supe´rieures effectue´e en urgence permettait de mettre en e´vidence un corps e´tranger glottique associe´ a` des granulomes sous-glottiques. L’extraction du corps e´tranger entraıˆnait la disparition de la dyspne´e et la dysphonie e´tait ame´liore´e progressivement sous ae´rosols de Bude´sonide. En cas de corps e´tranger des voies ae´riennes supe´rieures, l’absence de syndrome de pe´ne´tration a` l’interrogatoire et une symptomatologie non spe´cifique peuvent entraıˆner un retard diagnostique et the´rapeutique pouvant avoir des conse´quences dramatiques. Au moindre doute, une endoscopie des voies ae´riennes supe´rieures sous anesthe´sie ge´ne´rale devrait eˆtre pratique´e. ß 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s.

1. Introduction

les enfants aˆge´s de 1 a` 3 ans [1]. Il s’agit d’une urgence the´rapeutique dont le principal risque est le de´ce`s par enclavement sous-glottique du corps e´tranger [2]. Cependant, l’absence de syndrome de pe´ne´tration a` l’interrogatoire et une symptomatologie non spe´cifique peuvent entraıˆner un retard diagnostic. Nous rapportons le cas d’un enfant de 14 mois chez qui a e´te´ de´couvert un corps e´tranger devant

L’inhalation de corps e´tranger au niveau des voies ae´rodigestives supe´rieures (VADS) est une situation commune chez * Auteur correspondant. e-mail : [email protected] 0929-693X/$ - see front matter ß 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s. 10.1016/j.arcped.2011.04.003 Archives de Pe´diatrie 2011;18:764-766

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la persistance d’une dysphonie. Les moyens diagnostiques, les complications et le traitement sont discute´s avec les donne´es de la litte´rature.

2. Cas clinique Un petit garc¸on, aˆge´ de 14 mois, sans ante´ce´dent, avait pre´sente´ brutalement une dysphonie et une dyspne´e. Les parents avaient consulte´ leur me´decin traitant. A` l’examen clinique, il existait une dyspne´e aux 2 temps et une dysphonie bitonale mais l’enfant e´tait en bon e´tat ge´ne´ral et apyre´tique. Devant la suspicion d’une crise d’asthme, un avis en pneumologique conduisait a` un traitement d’e´preuve par une corticothe´rapie orale et locale. La persistance de la symptomatologie un mois et demi plus tard malgre´ le traitement motivait un avis ORL. L’examen clinique e´tait inchange´. Diffe´rents examens e´taient alors effectue´s (radiographies thoracique et cervicale, pH-me´trie, e´chographie cervicale) qui s’ave´raient normaux. Devant la normalite´ des examens, un avis e´tait sollicite´ aupre`s de notre centre d’ORL pe´diatrique. A` l’admission, l’examen clinique e´tait inchange´. Devant une suspicion de papillomatose larynge´e ou de corps e´tranger passe´ inaperc¸u une endoscopie des VADS au tube rigide e´tait effectue´e en urgence. Celle-ci trouvait un corps e´tranger larynge´ en plastique au-dessus du plan glottique. Apre`s extraction du corps e´tranger, on notait des granulomes larynge´s, un e´rythe`me et a` un œde`me sous glottiques (fig. 1). Devant l’e´volution favorable, l’enfant sortait le lendemain sous ae´rosols de Bude´sonideW pendant 2 semaines. Il ne pre´sentait plus de dyspne´e mais une le´ge`re dysphonie qui avait disparu 15 j plus tard. La nasofibroscopie re´alise´e, a` ce moment la`, e´tait normale.

3. Discussion Le risque d’inhalation chez l’enfant de´bute a` l’aˆge de 5 mois (pe [()TD$FIG] ´ riode a` laquelle la pre´hension devient possible) et diminue

apre`s 3 ans car la mastication est plus efficace. Le sex-ratio est de 2/1 en faveur des garc¸ons [1]. Diffe´rentes raisons expliquent la fre´quence des inhalations de corps e´trangers par les jeunes enfants [3]. Premie`rement, anatomiquement, ils ne posse`dent pas une dentition comple`te et leur larynx est incomple`tement de´veloppe´. En effet, il sie`ge en position plus haute que chez l’adulte et l’e´piglotte est flaccide ne permettant pas une protection efficace du plan glottique. Deuxie`mement, ils ont tendance a` marcher et a` parler en mangeant, ce qui augmente le risque de fausses routes. En 2005, aux E´tats-Unis, l’inhalation de corps e´trangers repre´sentait la quatrie`me cause de de´ce`s par accident chez l’enfant [3]. En France, a` l’hoˆpital Necker–Enfants-Malades de Paris, sur 618 endoscopies re´alise´es entre 1980 et 1984 pour un syndrome de pe´ne´tration, 335 corps e´trangers ont e´te´ extraits [4]. La nature des corps e´trangers est variable avec, ne´anmoins, une pre´dominance des aliments (44 %). On trouve ensuite : les objets en me´tal (18 %), en plastique (15 %), en papier (15 %), en verre (2 %), en bois (1 %), en textile (1 %) [1]. Le diagnostic est principalement clinique. A` l’interrogatoire, on recherche un syndrome de pe´ne´tration caracte´rise´ par un acce`s de suffocation aigue ¨, brutale et spasmodique, accompagne´ de quintes de toux expulsives et improductives spontane´ment re´solutif [5]. Cette symptomatologie a une dure´e variable de quelques secondes a` plusieurs heures. Les autres signes sont la cyanose, une hypersalivation, une agitation, une dyspne´e ou une dysphonie. Parfois, l’anamne`se et l’examen clinique ne sont pas contributifs, ce qui entraıˆne un retard a` la prise en charge [6] comme dans notre observation ou` l’endoscopie n’avait e´te´ re´alise´e qu’un mois et demi apre`s l’inhalation. Une radiographie standard cervicale et thoracique en inspiration et en expiration n’est re´alise´e que si l’e´tat clinique de l’enfant le permet. Les corps e´trangers radio-opaques et la recherche de certains signes indirects comme un emphyse`me pulmonaire unilate´ral ou une ate´lectasie sont recherche´s sur les cliche´s radiologiques [7]. Une tomodensitome´trie thoracique peut e´galement eˆtre inte´ressante devant une forme clinique douteuse permettant une endoscopie laryngo-trache´obronchique

Figure 1. Vue endoscopique pharyngolarynge´e a` l’optique 08 de 4 mm de diame`tre. A. Corps e´tranger en place entre les 2 plis vocaux. B. Extraction du corps e´tranger (morceau de plastique) a` la pince. C. Examen de la sous-glotte apre`s extraction du corps e´tranger, pre´sence de granulomes sous-glottique. 1. Corps e´tranger. 2. Aryte´noı¨de gauche. 3. Pince a` corps e´tranger. 4. Laryngoscope. 5. Granulome late´rotrache´al gauche.

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virtuelle objectivant parfois une masse intraluminale e´vocatrice du diagnostic [8]. L’absence de syndrome de pe´ne´tration a` l’interrogatoire et la pre´sence d’une dysphonie peuvent parfois orienter vers d’autres causes (comme dans notre observation) : une crise d’asthme (dyspne´e expiratoire ce´dant sous bronchodilatateurs), une laryngite aigue ¨ sous-glottique (toux rauque, voix claire), une papillomatose larynge´e, un angiome sous-glottique [9]. Le traitement de´pend de l’e´tat clinique de l’enfant. En cas d’asphyxie, une manœuvre d’Heimlich [10] doit eˆtre tente´e en urgence (chez le nourrisson manœuvre de Mofenson). Le transfert en urgence vers un centre disposant d’une e´quipe spe´cialise´e et entraıˆne´e a` l’endoscopie des VADS du jeune enfant doit eˆtre re´alise´. Si l’e´tat de l’enfant le permet, il est possible de de´caler de quelques heures l’endoscopie afin de la re´aliser dans les meilleures conditions possibles, en attendant un traitement antibiocorticoı¨de peut eˆtre instaure´ afin de diminuer l’œde`me local. Les complications secondaires a` l’inhalation d’un corps e´tranger peuvent eˆtre graves : de´ce`s (plus de 300/an aux E´tats-Unis), pneumothorax, pneumopathie, ate´lectasie, granulomes trache´aux ou bronchiques, bronchectasie se´quellaire pouvant conduire a` une pneumonectomie [2].

re´aliser une endoscopie des VADS sous anesthe´sie ge´ne´rale au moindre doute.

De´claration d’inte´reˆts Les auteurs de´clarent ne pas avoir de conflits d’inte´reˆts en relation avec cet article.

Re´fe´rences [1]

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4. Conclusion Une pre´sentation clinique atypique peut conduire a` un retard diagnostic avec des conse´quences dramatiques imme´diates (de´ce`s) ou secondaires (bronchectasie ne´cessitant une pneumonectomie). Il est important devant toute symptomatologie respiratoire d’apparition brutale d’e´voquer le diagnostic d’inhalation de corps e´tranger, d’effectuer un interrogatoire minutieux a` la recherche d’un syndrome de pe´ne´tration et de

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[7] [8]

[9] [10]

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