Revue de presse Rev Stomatol Chir Maxillofac 2006;107:403-404 ¤ 2006. Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés
Supériorité de la décompression orbitaire des trois parois sur la décompression de deux parois dans l’ophtalmopathie basedowienne Three-wall orbital decompression superiority to 2-wall orbital decompression in thyroid-associated ophthalmopathy Cansiz H, Yilmaz S, Karaman E, Ogreden S, Acioglu E, Sekercioglu N, Pazarli H J Oral Maxillofac Surg 2006;64:763-9. Traduction et résumé de P. Olivi et C. Chossegros C. Chossegros, Service de Stomatologie et Chirurgie Maxillo-faciale, CHU Timone, boulevard Jean Moulin, 13385 Marseille Cedex 5.
L
a Maladie de Basedow correspond à un désordre auto-immun caractérisé par l’association d’une hyperthyroïdie, d’une ophthalmopathie infiltrative (exophtalmie) et d’une dermopathie infiltrative. L’incidence de l’exophtalmie chez les patients présentant une hyperthyroïdie est de 40 à 75 %, mais seulement 2 à 5 % de ces patients ont une atteinte du nerf optique avec diminution de l’acuité visuelle. Cette exophtalmie est liée à une infiltration de la graisse orbitaire et des muscles extraoculaires par des muco-polysaccharides, des cellules inflammatoires et des complexes immuns. Elle est à l’origine de manifestations oculaires qui vont de la simple exposition cornéenne à la perte de vision, en passant par une altération des couleurs ou une diplopie. Le but de cet article a été d’évaluer et de comparer les résultats entre la décompression orbitaire de deux et celle de trois parois chez des patients souffrant de la maladie de Basedow.
Patients et méthodes La série des patients porteurs d’exophtalmie basedowienne et opérés par décompression orbitaire a comporté deux bras, l’un de 12 sujets, soit 18 orbites, opérés avec effondrement de deux
parois (la paroi médiale et la paroi inférieure), l’autre de 7 sujets, soit 8 orbites, soumis en plus à une décompression de la paroi orbitaire latérale. Les indications opératoires étaient une neuropathie optique compressive (1 orbite), des kératites d’exposition (14 orbites) ou des motivations esthétiques (10 orbites) et une orbite pour un prolapsus isolé du globe. Il s’agit d’une étude rétrospective effectuée entre 1995 et 2004. Le degré d’exophtalmie a été évalué par l’utilisation de l’exophtalmomètre de Hertel en préopératoire et en postopératoire à 24 heures, 1 mois, 3 mois, 9 mois.
Technique chirurgicale - Décompression de deux parois orbitaires : L’intervention débutait par l’effondrement de la paroi médiale par voie trans-nasale endoscopique combinée à l’effondrement de la paroi inférieure par voie trans-antrale. Dans l’effondrement de la paroi médiale, une ethmoïdectomie totale fut nécessaire alors que le cornet moyen était conservé ; la lame papyracée était effondrée en prenant soin de conserver une bande osseuse entre la paroi médiale et le plancher orbitaire pour réduire le risque de diplopie. Après l’effondrement complet de la paroi médiale, la péri-
orbite était incisée. Dans l’effondrement de la paroi inférieure, une incision gingivo-buccale était réalisée, suivie d’un décollement sous périosté jusqu’à l’émergence du nerf infra-orbitaire. Après être entré dans le sinus maxillaire, le plancher orbitaire était effondré puis la péri-orbite incisée pour permettre au contenu orbitaire de descendre dans la cavité sinusienne. - Décompression de trois parois orbitaires : Elle associait l’effondrement des deux parois orbitaires sus-citées à une décompression orbitaire de la paroi latérale effectuée par voie latérale transcutanée par une incision canthale externe de 1,5 centimètre de longueur. La paroi orbitaire latérale était ensuite exposée après avoir bien individualisé le tendon canthal externe puis l’ostéotomie inférieure était faite au-dessous de l’arcade zygomatique et l’ostéotomie supérieure était faite au-dessous de la suture fronto-zygomatique. Enfin, une ostéosynthèse par vis était effectuée.
Résultats L’âge moyen des patients ayant subi une double décompression était de 41 ans (24 à 65 ans). L’âge moyen des patients ayant subi une triple décompression était de 35,1 ans (26 à 44 ans). 403
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L’amélioration moyenne à 24 heures après la double décompression était de 0,38 millimètre (0 à 2) et de 6,5 millimètres (0 à 10) après la triple décompression. L’amélioration moyenne à 1 mois après la double décompression était de 2,55 millimètres (1 à 5) et de 6,75 millimètres (5 à 8) après la triple. Après le troisième mois, l’exophtalmie a diminué en moyenne de 4,38 millimètres (3 à 7) avec la double décompression et de 7,75 millimètres (5 à 12) avec la triple. À la fin du neuvième mois, l’exophtalmie a diminué en moyenne de 4,72 millimètres (2 à 9) avec la double décompression et de 7,62 millimètres (5 à 12) avec la triple. Il y avait une différence statistiquement significative dans les améliorations moyennes après la 24e heure, le premier mois, le troisième mois et le neuvième mois entre les groupes ayant subi une double décompression et les autres. Le p était de 0,0003 à la 24e heure ; 0,0001 au premier mois ; 0,0002 au troisième mois et 0,0012 au neuvième mois, ceci
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avec le U test de Mann-Whitney. Cinq patients avaient une diplopie préopératoire qui a régressé chez deux d’entre eux après la triple décompression (mais sans changement chez 1 patient) mais pas chez les deux patients ayant subi la double décompression.
Complications Une seule diplopie de novo a été déplorée chez un patient ayant subi une double décompression orbitaire. Seul un patient a eu une sinusite maxillaire postopératoire, par empiétement du tissu adipeux sur l’ostium maxillaire, qui a été résolu par l’opération de CaldwellLuc.
Discussion Historiquement, la technique chirurgicale la plus populaire utilisée en otorhino-laryngologie était la décompression trans-antrale. Les avantages avec l’approche trans-antrale étaient l’absence de cicatrice externe, une
bonne visualisation et un bon accès à l’apex orbitaire chez les patients présentant une compression optique du nerf. L’inconvénient principal était le risque élevé de diplopie postopératoire chez les patients présentant une fonction visuelle normale avant l’intervention. Plus récemment les chirurgiens ont combiné les avantages de l’approche endoscopique de la paroi médiale à ceux de l’approche trans-antrale du plancher, dans une opération nommée « approche combinée ». Actuellement, la chirurgie orbitaire médiale et latérale des parois pour la décompression symétrique est également employée par beaucoup de chirurgiens. Dans notre étude, une différence significative dans la réduction de l’exophtalmie a été mise en évidence entre la décompression de deux parois et la décompression de trois parois orbitaires et ce sans augmenter le risque opératoire. Bien que nos résultats soient encourageants, une étude avec un plus grand nombre de patients est nécessaire.