JMV—Journal de Médecine Vasculaire (2017) 42, 244—247
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CAS CLINIQUE
Syndrome de Claude Bernard-Horner révélant un faux anévrisme spontané de l’artère vertébrale Claude Bernard-Horner syndrome revealing spontaneous aneurysm of the vertebral artery M. Zoulati ∗, T. Bakkali , N. Aghoutane , B. Bensaid , Y. Lyazidi , Y. Ouharakat , H. Chtata , M. Taberkant Service de chirurgie vasculaire, hôpital militaire d’instruction Mohammed V, Hay Riad, Rabat, Maroc Rec ¸u le 5 d´ ecembre 2016 ; accepté le 8 avril 2017 Disponible sur Internet le 30 mai 2017
MOTS CLÉS Faux anévrisme spontané ; Syndrome de Claude Bernard-Horner
KEYWORDS Spontaneous false aneurysm; Claude Bernard-Horner syndrome
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Résumé Les faux anévrismes de l’artère vertébrale (FAAV) extracrânienne sont rares en raison du trajet de l’artère au niveau du foramen transversaire. Ils sont souvent secondaires à des traumatismes cervicaux pénétrants, spontanés dans le cadre d’une angiopathie telle que le syndrome d’Ehlers-Danlos, ou être iatrogènes. Nous rapportons le cas d’une femme de 31 ans qui a présenté un syndrome de Claude Bernard-Horner en rapport avec un FAAV spontané. L’angioscanner a confirmé le diagnostic et la patiente a eu une mise à plat du faux anévrisme et ligature de l’artère vertébrale avec une bonne évolution. © 2017 Elsevier Masson SAS. Tous droits r´ eserv´ es. Summary False aneurysms of the extracranial vertebral artery (FAVA) are rare because of the path of the artery at the level of the transverse holes. They can be secondary to penetrating cervical trauma, spontaneous in the course of an angiopathy such as Ehlers-Danlos syndrome, or iatrogenic. We report the case of a 31-year-old woman who presented a syndrome of Claude Bernard-Horner related to a spontaneous FAVA. The angioscanner confirmed the diagnosis and the patient underwent successful surgical treatment of the false aneurysm with ligature of the vertebral artery. Outcome was favorable. © 2017 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.
Auteur correspondant. Adresse e-mail : Dima
[email protected] (M. Zoulati).
http://dx.doi.org/10.1016/j.jdmv.2017.04.005 2542-4513/© 2017 Elsevier Masson SAS. Tous droits r´ eserv´ es.
Faux anévrisme spontané de l’artère vertébrale révélé par un ptosis Les faux anévrismes de l’artère vertébrale extracrânienne sont rares en raison du trajet de l’artère au niveau du foramen transversaire. Ils sont souvent secondaires à des traumatismes cervicaux pénétrants, spontanés dans le cadre d’une angiopathie telle que le syndrome d’Ehlers-Danlos, ou iatrogènes. La compression du nerf sympathique par le faux anévrisme est exceptionnelle, se manifestant par un syndrome de Claude Bernard-Horner qui est caractérisé par la concomitance de quatre signes cliniques : ptosis, myosis, pseudo-énophtalmie ainsi qu’une vasodilatation et une absence de sudation localisée (anhidrose) [1]. Il est consécutif à l’atteinte des fibres du système nerveux sympathique innervant l’œil et/ou l’orbite à un point quelconque de leur trajet. La lésion peut être centrale (dans l’encéphale) ou périphérique (dans un tronc sympathique cervical). Les raisons sont diverses, certaines menacent le pronostic vital (Tableau 1).
Observation Nous rapportons le cas d’une femme âgée de 31 ans, sans antécédents pathologiques notables, notamment pas d’aphtose bipolaire ni de traumatisme cervical ou de notion d’hospitalisation récente, qui consultait pour une masse basi-cervicale gauche augmentant progressivement de volume et devenant de plus en plus douloureuse avec un ptosis gauche depuis une semaine. À l’examen clinique, une masse battante basi-cervicale gauche de 5 cm de diamètre comblait le creux susclaviculaire avec un syndrome de Claude Bernard-Horner homolatéral, l’examen neurologique était sans particularités notamment le réflexe photo moteur est conservé. L’écho doppler des troncs supra-aortiques (TSA) retrouvait une masse basi-cervicale gauche d’écho structure hétérogène mesurant 61/45 mm de diamètre avec en son sein un processus anévrismal artériel sacciforme semblant dépendre de l’artère vertébrale et mesurant (18,7/12,8 mm) de diamètre et dont le collet semblait mesurer 4 mm. L’angioscanner des TSA (Fig. 1) retrouvait un
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aspect hautement évocateur d’un faux anévrisme, prenant naissance à la portion proximale (v1) de l’artère vertébrale, à moins d’un centimètre de la naissance de l’artère sous-clavière, avec effet de masse sur la veine jugulaire en avant qu’elle laminait, l’artère sous-clavière en bas était refoulée harmonieusement et l’angle costo-vertébral était comblé, sans lésion osseuse visualisable ; ce processus mesurait 48 mm de diamètre antéro-postérieur et était étendu sur 68 mm. Le bilan inflammatoire était négatif avec une CRP à 5 mg et une VS à 20. La patiente a eu une mise à plat du faux anévrisme avec évacuation du thrombus ; l’exploration chirurgicale a découvert une brèche déchiquetée de la partie latérale de l’artère vertébrale qui a été ligaturée vu la difficulté de sa réparation. Les suites opératoires étaient simples et le contrôle clinique et échographique à 6 mois et 12 mois était satisfaisant et elle ne présentait plus de douleurs. L’anatomie pathologique retrouvait un remaniement fibreux, une thrombose vasculaire ancienne et l’absence de signe de malignité. Les faux anévrismes de l’artère vertébrale extracrânienne sont rares en raison du trajet de l’artère au niveau du foramen transversaire [3]. Ils sont le plus souvent en rapport avec des traumatismes cervicaux pénétrants, mais ils peuvent être iatrogènes, ou spontanés au cours d’une angiopathie comme le syndrome d’Ehlers-Danlos [4]. Les lésions pénétrantes de l’artère vertébrale intéressent souvent le premier segment (V1) situé entre l’artère sous-clavière et l’apophyse transverse de C7 et le deuxième segment (V2) situé au niveau du foramen transversaire. Les fractures du rachis par flexion peuvent engendrer des lésions du troisième segment (V3) situé entre l’atlas et la dure-mère [4]. Les FAAV peuvent rester asymptomatiques ou se manifester par une masse cervicale pulsatile et douloureuse, parfois un vertige, une ataxie ou une hémorragie sousarachnoïdienne, rarement par des signes de compression des nerfs crâniens ou du plexus brachial [4—6]. Dans notre observation, le faux anévrisme a intéressé le premier segment de l’artère vertébrale et a été responsable d’une compression
Tableau 1 Les différentes étiologies du syndrome de Claude Bernard-Horner (SCBH). Etiologies of Claude Bernard-Horner syndrome. Causes vasculaires
Autres causes
Accidents vasculaires cérébraux Compressions extrinsèques du sympathique cervical comme dans les dissections carotidiennes (formation d’un pseudo-anévrisme) Anévrisme carotidien vrai
Étirement du plexus brachial lors de l’accouchement : paralysie obstétricale du plexus brachial Tumeurs de l’hypothalamus Lésions de la moelle épinière, par exemple une avulsion traumatique des racines C8-T1 ; ou du tronc cérébral : traumatisme, phénomène inflammatoire. . . Algies vasculaires de la face Lésions du bulbe rachidien, par exemple après un choc électrique Cancer localisé sur l’un des lobes supérieurs du poumon : syndrome de Pancoast-Tobias Chez l’enfant, en l’absence de cause traumatique, une tumeur doit être recherchée à titre systématique [2]
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M. Zoulati et al.
Figure 1
Angioscanner objectivant un faux anévrisme du segment V1 de l’artère vertébrale gauche. Angioscan showing the false aneurysm of segment VI of the left vertebral artery.
Faux anévrisme spontané de l’artère vertébrale révélé par un ptosis du nerf sympathique. La compression du nerf sympathique par le faux anévrisme est exceptionnelle, se manifestant par un syndrome de Claude Bernard-Horner. Deux cas ont été rapportés dans la littérature [5]. À l’échographie, les FAAV se présentent comme une masse anéchogène située au contact de l’artère vertébrale ; le Doppler couleur et pulsé montre un flux de type artériel parfois turbulent [4,5]. L’angioscanner permet une meilleure précision des rapports du faux anévrisme avec l’artère par les reconstructions frontales et sagittales. Les FAAV prennent la forme d’une masse juxta-vasculaire ronde ou ovalaire prenant le contraste de fac ¸on intense au temps artériel précoce avec un lavage rapide. Le scanner permet souvent de montrer la communication du faux anévrisme avec l’artère porteuse, ainsi que la thrombose complète ou partielle du FAAV [4]. L’angioIRM après injection de gadolinium en séquence en écho de gradient 3D avec reconstruction multi-planaire en maximum intensity projection (MIP) fournit des images similaires à celle de l’angiographie. Elle montre une formation juxtavasculaire de signal hétérogène ; alors que le rapport exact avec l’artère vertébrale est difficile à mettre en évidence en raison de la différence de signal [4,7]. L’angiographie reste l’examen de référence même si elle est invasive. Elle montre le FAAV comme une image d’addition sur le trajet de l’artère vertébrale. Elle est très intéressante pour montrer la localisation et le rapport exact du faux anévrisme avec l’artère, ainsi que dans les contrôles post-thérapeutiques [4,8]. Le traitement des faux anévrismes traumatiques de l’artère vertébrale extracrânienne est fonction de la symptomatologie clinique, des conditions hémodynamiques et de l’évolution de la lésion. La majorité des auteurs propose un simple traitement par anticoagulants avec une surveillance par angio-IRM à la recherche de modifications morphologiques. Le traitement chirurgical est rarement indiqué et reste particulièrement délicat, c’est pourquoi le traitement endovasculaire est souvent indiqué, particulièrement en cas de contre-indication à une anticoagulation au long cours, en cas de progression du pseudo-anévrisme ou de persistance des symptômes locaux sous traitement médical [9]. Les stents de type Flow-diverters sont une nouvelle génération de stents auto-expansibles avec une couverture de surface métallique élevée qui sont spécifiquement conc ¸us pour la gestion endovasculaire de ce type de pseudo-anévrismes ainsi de certains anévrismes cérébraux [9], D’autres auteurs proposent le sacrifice de l’artère porteuse par ballons ou coïls, après test d’occlusion [7,8].
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Discussion Les faux anévrismes de l’artère vertébrale extracrânienne sont rares. L’imagerie est importante pour le diagnostic positif, topographique et pour le suivi post-thérapeutique car la symptomatologie est pauvre et non spécifique. Le choix du traitement repose soit sur une abstention thérapeutique associée ou non à une anticoagulation au long cours, soit sur la ligature chirurgicale ou les techniques endovasculaires.
Déclaration de liens d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.
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