Syndrome des taches blanches évanescentes et sclérose en plaques

Syndrome des taches blanches évanescentes et sclérose en plaques

Journal français d’ophtalmologie (2011) 34, 252—255 COMMUNICATION DE LA SFO Syndrome des taches blanches évanescentes et sclérose en plaques夽 Multip...

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Journal français d’ophtalmologie (2011) 34, 252—255

COMMUNICATION DE LA SFO

Syndrome des taches blanches évanescentes et sclérose en plaques夽 Multiple evanescent white dot syndrome and multiple sclerosis G. Querques a,∗, A.V. Bux a, R. Forte b, P. Francesco a, I. Cristiana a, N.D. Noci a a

Service d’ophtalmologie, Policlinico Riuniti di Foggia, université de Foggia, Viale Pinto, 1, 71100 Foggia, Italie b Université Federico II, Naples, Italie Rec ¸u le 4 juillet 2008 ; accepté le 26 octobre 2010 Disponible sur Internet le 17 mars 2011

MOTS CLÉS Rétinopathie occulte zonale externe ; Névrite optique ; Syndrome des taches blanches évanescentes ; Sclérose en plaques

KEYWORDS Acute zonal occult outer retinopathy;

夽 ∗

Résumé But. — Décrire un cas de coexistence du syndrome des taches blanches évanescentes et de sclérose en plaques. Méthodes. — Une femme âgée de 30 ans a consulté notre département pour une baisse de vision dans son œil gauche avec photopsies. Résultats. — Le bilan comportait un examen ophtalmologique et neurologique complet, et révéla un syndrome de taches blanches évanescentes associé avec une sclérose en plaques. La patiente a été traitée avec méthylprednisolone intraveineuse (1000 mg par jour) pendant trois jours et suivie par prednisone orale à raison de 1 mg/kg par jour pendant deux semaines. La plupart des symptômes et signes ont régressé dans un délai d’un mois en dépit d’un OCT maculaire encore anormal, probablement dû à des changements atrophiques post-inflammatoires. Conclusion. — Une étiologie commune neuropathologique et inflammatoire pourrait être présente dans la sclérose en plaques et dans le syndrome des taches blanches évanescentes. © 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Summary Purpose. — To describe a patient who fulfilled the criteria for both clinically definite multiple evanescent white dot syndrome (MEWDS) and multiple sclerosis.

Communication orale présentée lors du 114e congrès de la Société franc ¸aise d’ophtalmologie en mai 2008. Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (G. Querques).

0181-5512/$ — see front matter © 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.jfo.2010.11.001

syndrome des taches blanches évanescentes et sclérose en plaques

Multiple evanescent white dot syndrome; Multiple sclerosis; Optic neuritis

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Methods. — We performed a complete ophthalmologic and neurological examination in a 30year-old woman who was referred to our department for blurred vision in her left eye (LE) with photopsia. Results. — Following a complete ophthalmologic examination, the patient was diagnosed with MEWDS and coincident multiple sclerosis. She underwent therapy with intravenous methylprednisolone (1000 mg/day) for three days, followed by oral prednisone (1 mg/kg per day) for 15 days. Most of the symptoms and signs apparently regressed within one month, despite a still abnormal OCT macular scan, probably due to atrophic post-inflammatory changes in the outer and photoreceptor layers (rods and cones). Conclusion. — This report, showing the clinical features of MEWDS associated with multiple sclerosis, strongly suggests common neuropathological and inflammatory mechanisms between MS and white dot syndromes. © 2010 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Introduction Le syndrome des taches blanches évanescentes (MEWDS) est une affection inflammatoire intraoculaire idiopathique rare qui de manière caractéristique se produit chez les femmes entre la seconde et la cinquième décade. L’affection est habituellement unilatérale, caractérisée par le développement de nombreuses taches blanches situées au niveau des photorécepteurs rétiniens ou de l’épithélium pigmentaire rétinien (EPR) [1]. Son étiologie reste actuellement inconnue, même si une cause virale a été suggérée, peut-être avec une réponse auto-immune chez une personne ayant une prédisposition génétique susceptible [2—4]. Il existe des controverses relatives aux aspects importants de l’affection, tels que la nature précise des lésions associées du fond d’œil ou le rapport du désordre avec d’autres maladies rares choriorétiniennes inflammatoires, telles que la choroïdite multifocale et la rétinopathie aiguë occulte zonale externe (AZOOR) [2—6]. La sclérose en plaques (ou sclérose multiple [SM]) est une maladie chronique, inflammatoire, démyélinisante, qui affecte le système nerveux central (CNS). La SM affecte généralement les adultes, âgés entre 20 et 40 ans, et est plus commune chez les femmes que chez les hommes. La SM est classée habituellement comme une maladie auto-immune. L’hypothèse la plus commune serait qu’une infection virale ou qu’une réactivation rétrovirale amorce le système immunitaire prédisposant à une réaction secondaire anormale. Celle-ci se manifesterait par une rupture de la perméabilité de la barrière hématoencéphalique, un œdème inflammatoire périvasculaire, la formation d’un infiltrat lymphoplasmocytaire et macrophagique et conséquente démyélinisation focale. Nous décrivons ci-après une patiente qui présentait une MEWDS associée à une SM.

Rapport du cas Une femme âgée de 30 ans a consulté notre département pour une vision trouble associée à des photopsies au niveau de son œil gauche (OG). Son acuité visuelle (AV) était de 20/20 dans l’œil droit (OD) et de 20/50 dans l’OG. Le fond de l’OD était normal. Au niveau de l’OG,

l’examen du fond d’œil montrait un discret œdème du disque optique avec dépigmentation de l’épithélium pigmentaire rétinien dans la région maculaire (Fig. 1A) et plusieurs lésions d’un gris-blanchâtre éparpillées à travers le fond d’œil. L’angiographie par fluorescéine montrait une diffusion légère du disque optique avec des points fortement hyperfluorescents dans la région maculaire (Fig. 1B et Fig. 1C). L’angiographie au vert d’indocyanine (ICGA) montrait des lésions avec hypofluorescence tardive localisées au pôle postérieur et en mi-périphérie (Fig. 1 D), que nous avons interprétées comme des signes rétiniens inflammatoires décrits dans le cadre des rétinopathies zonales externes. La tomographie par cohérence optique (OCT) (OCT-3, Humphrey-Zeiss, San Leandro, Californie) montrait au niveau maculaire une interruption dans la couche des photorécepteurs. Les potentiels évoqués visuels montraient un allongement du temps de latence centrale. L’électrorétinogramme (ERG) plein champ et multifocal montraient des réponses considérablement réduites dans l’OG. La périmétrie de seuil statique automatisée (Humphrey Visual Field Analyzer, HFA II, Carl Zeiss Meditec) révélait un léger agrandissement de la tache aveugle (Fig. 2A). La micropérimétrie (MP-1, Nidek Technologies, Padova, Italie), avec pattern maculaire 8.0 dB et stratégie de seuil 4-2, révélait des scotomes absolus et relatifs dans la région maculaire, et une fixation centrale et stable (Fig. 2B). En considérant la présence de la granularité fovéale, des points gris-blanchâtres éparpillés à travers le fond d’œil, et des lésions hypofluorescentes dans les temps tardifs de l’ICGA, un diagnostic de MEWDS a été fait. À cause du léger œdème du disque optique, l’examen clinique a été complété par un bilan neurologique complet. L’analyse du liquide cephalorachidien n’a révélé aucun pleocytosis, mais une élévation de l’index IgG et une bande oligoclonale IgG étaient présentes. L’imagerie par résonance magnétique nucléaire (IRM) a montré de nombreuses anomalies de la substance blanche (Fig. 2C), typiques de la sclérose en plaques. La patiente a été traitée avec méthylprednisolone intraveineuse (1000 mg par jour) pendant trois jours et suivie par prednisone orale à raison de 1 mg/kg jour pendant deux semaines. La plupart des symptômes et signes ont régressé dans un délai d’un mois, comme révélés par les

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G. Querques et al.

Figure 1. A.Image du fond d’œil qui montre l’œdème du disque optique avec quelques zones de dépigmentation de l’épithélium pigmentaire rétinien localisées à la macula. B et C. Angiographie par fluorescéine aux temps précoces et tardifs qui montre une diffusion du disque optique avec des zones d’effet fenêtre en région maculaire. D.L’angiographie au verte d’indocyanine aux temps tardifs montre des lésions hypofluorescentes éparpillées au pole postérieur et en moyenne périphérie.

examens neurologiques et ophtalmologiques. La périmétrie de seuil statique automatisée, l’ERG plein champ et multifocal (Fig. 2D et E), et la micropérimétrie (Fig. 2F), montraient une récupération fonctionnelle presque totale, en dépit d’un OCT maculaire encore anormal (Fig. 2G), probablement

dû à des changements post-inflammatoires atrophiques de la couche des photorécepteurs. Six mois plus tard, l’AV était de 20/20, la biomicroscopie montrait un fond d’œil normal, et la micropérimétrie révélait l’absence d’un scotome absolu ou relatif.

Figure 2. A. La périmétrie de seuil statique automatisée montre un agrandissement de la tache aveugle. B. La micropérimétrie révèle des scotomes absolus et relatifs dans la région maculaire et une fixation centrale et stable. C. L’imagerie par résonance magnétique nucléaire montre des nombreuses anomalies de la substance blanche. Après un mois de thérapie stéroïdienne, l’électrorétinogramme plein champ (D) et multifocal (E) et la micropérimétrie (F) montrent une amélioration, en dépit d’une tomographie par cohérence optique maculaire encore anormale, avec interruption dans la couche des photorécepteurs (G).

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Discussion La MEWDS est un désordre intraoculaire idiopathique inflammatoire qui se résout habituellement spontanément. Ici, nous rapportons un cas de MEWDS traité avec thérapie stéroïdienne à cause du diagnostic coïncidant de SM. La plupart des symptômes et signes de sclérose en plaques et MEWDS ont apparemment régressé dans un délai d’un mois après l’administration des corticostéroïdes, comme révélés par l’examen neurologique et par les examens ophtalmologiques qui ont documenté la récupération en dépit d’un OCT maculaire encore anormal. Les images maculaires anormales d’OCT étaient probablement dues à des changements inflammatoires et atrophiques post-inflammatoires dans les couches des photorécepteurs. Dans une étude antérieure avec OCT à ultra-haute résolution (UHR-OCT), Nguyen et al. [7] ont rapporté que l’inflammation des cellules de l’EPR pourrait interrompre de fac ¸on aiguë l’orientation des segments externes des photorécepteurs, en déterminant une atténuation du signal OCT provenant de la jonction des segments internes/externes (IS/OS) des photorécepteurs après le défaut d’alignement des segments externes. Il est possible que l’EPR se soit régénéré après des épisodes successifs d’inflammation choroïdien et/ou d’ischémie, alors que les photorécepteurs n’ont pas cette capacité. À notre connaissance, il n’existe pas d’autres études décrivant l’association entre MEWDS et SM. Notre observation pourrait soit représenter une coïncidence, soit indiquer l’existence de mécanismes neuropathologiques et inflammatoires communs entre la SM et la MEWDS. Hintzen et van Den Born ont été les premiers à décrire un cas de coexistence de sclérose en plaques et AZOOR [8], et plusieurs rapports [9—11] semblent confirmer la supposition initiale de Gass d’une coexistence considérable entre l’AZOOR et la MEDWS.

Conclusion Cette observation suggère fortement l’existence des mécanismes neuropathologiques et inflammatoires communs entre la SM et la MEWDS. Une étude incluant un plus grand

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nombre de patients reste nécessaire afin de confirmer ces résultats.

Conflit d’intérêt Aucun.

Références [1] Jampol LM, Sieving PA, Pugh D, Fishman GA, Gilbert H. Multiple evanescent white dot syndrome. I. Clinical findings. Arch Ophthalmol 1984;102:671—4. [2] Gross NE, Yannuzzi LA, Freund KB, Spaide RF, Amato GP, Sigal R. Multiple evanescent white dot syndrome. Arch Ophthalmol 2006;124:493—500. [3] Chung YM, Yeh TS, Liu JH. Increased serum IgM and IgG in the multiple evanescent white dot syndrome. Am J Ophthalmol 1987;104:187—8. [4] Jampol LM, Becker KG. White spot syndromes of the retina: a hypothesis based on the common genetic hypothesis of autoimmune/inflammatory disease. Am J Ophthalmol 2003;135:376—9. [5] Gass JD. Overlap among acute idiopathic blind spot enlargement syndrome and other conditions. Arch Ophthalmol 2001;119:1729—31. [6] Jampol LM, Wiredu A. MEWDS, MFC, PIC, AMN, AIBSE, and AZOOR: one disease or many? Retina 1995;15:373—8. [7] Nguyen MH, Witkin AJ, Reichel E, Ko TH, Fujimoto JG, Schuman JS, et al. Microstructural abnormalities in MEWDS demonstrated by ultrahigh resolution optical coherence tomography. Retina 2007;27:414—8. [8] Hintzen RQ, van den Born LI. Acute zonal occult outer retinopathy and multiple sclerosis. J Neurol Neurosurg Psychiatry 2006;77:1373—5. [9] Jacobson S, Morales D, Sun X, Feuer WJ, Cideciyan AV, Gass JD, et al. Pattern of retinal dysfunction in acute zonal occult outer retinopathy. Ophthalmol 1995;102:1187—98. [10] Volpe N, Rizzo J, Lessell S. Acute idiopathic blind spot enlargement syndrome: a review of 27 new cases. Arch Ophthalmol 2001;119:59—63. [11] Holz FG, Kim RY, Schwartz SD, Harper CA, Wroblewski J, Arden GB, et al. Acute zonal occult outer retinopathy (AZOOR) associated with multifocal choroidopathy. Eye 1994;8:77—83.