Traitement conservateur des cancers du sein : zonectomie vs oncoplastie. Étude prospective à propos de 99 patientes

Traitement conservateur des cancers du sein : zonectomie vs oncoplastie. Étude prospective à propos de 99 patientes

Annales de chirurgie 131 (2006) 256–261 http://france.elsevier.com/direct/ANNCHI/ Article original Traitement conservateur des cancers du sein : zon...

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Annales de chirurgie 131 (2006) 256–261 http://france.elsevier.com/direct/ANNCHI/

Article original

Traitement conservateur des cancers du sein : zonectomie vs oncoplastie. Étude prospective à propos de 99 patientes Lumpectomy vs oncoplastic surgery for breast-conserving therapy of cancer. A prospective study about 99 patients P.-L. Giacalone a,*, P. Roger b, O. Dubon a, N. El Gareh a, J.-P. Daurés c, F. Laffargue a b

a Service de gynécologie–obstétrique, unité de chirurgie oncologique et mammaire, hôpital Arnaud-de-Villeneuve, 371, rue du Doyen-Gaston-Giraud, 34295 Montpellier cedex 05, France Service d’anatomopathologie, hôpital Lapeyronie, 371, rue du Doyen-Gaston-Giraud, 34295 Montpellier cedex 05, France c Institut universitaire de recherche clinique, 75, rue de la Cardonille, 34295 Montpellier cedex 05, France

Disponible sur internet le 19 janvier 2006

Résumé La chirurgie oncoplastique associe un geste d’exérèse glandulaire à des procédés de mammoplasties, permettant une reconstruction glandulaire immédiate. But du travail. – Cette étude prospective a été réalisée pour comparer la qualité de l’exérèse glandulaire entre les zonectomies classiques et les techniques d’oncoplastie. Matériel et méthodes. – Quarante-deux patientes ont bénéficié d’une chirurgie oncoplastique (groupe oncoplastie) et 57 d’une zonectomie (groupe zonectomie). Nous avons comparé les tailles tumorales histologiques, l’épaisseur des marges histologiques les plus proches, et les surfaces de glande réséquée dans chacun des groupes. Enfin, la fréquence des gestes de chirurgie de rattrapage (réexcision et mastectomie) a été comparée dans chaque groupe. Résultats. – L’exérèse des tumeurs mammaires par techniques d’oncoplastie apporte dans notre étude une plus value oncologique par rapport aux techniques classiques de zonectomie. Elle permet une exérèse plus large des lésions mammaires. Le recours à une mastectomie secondaire est significativement diminué par rapport à la zonectomie classique, argument supplémentaire en faveur de la chirurgie oncoplastique. Conclusions. – Les techniques de chirurgie oncoplastique permettent d’obtenir une exérèse plus large des lésions mammaires que les techniques de zonectomie. La fréquence des réexcisions secondaires et des mastectomies est significativement diminuée. © 2006 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Abstract The integration of oncoplastic techniques with a concomitant contralateral symmetrization procedure is a novel surgical approach that allows wide excisions and prevents breast deformities. Aim of the study. – This prospective study was undertaken to compare the accuracy of breast resection, between standard narrow lumpectomy and oncoplastic surgery. Patients and methods. – Ninety-nine consecutive women undergoing breast cancer resection were enrolled in a prospective study comparing oncoplastic surgery (42 women) and standard lumpectomy (57 women). The size of the glandular resection, the width of the nearest margins, the ratio of clear margins and the need for further surgery were recorded. Results. – The oncoplastic approach resulted in significantly greater glandular resection and wider free histological margins than did standard lumpectomy. The need for re-exicsional surgery was significantly lower in the oncoplastic group than in the lumpectomy group. Furthermore, a trend towards fewer secondary mastectomies was seen for the oncoplastic approach versus standard lumpectomy.

* Auteur

correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (P.-L. Giacalone).

0003-3944/$ - see front matter © 2006 Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.anchir.2005.12.011

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Conclusions. – The use of oncoplastic techniques and concomitant symmetrization of the contralateral breast allows extensive resections for conservative treatment of breast carcinoma achieves accurate tumour resection and reduces the need for further surgery. © 2006 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Cancer du sein ; Zonectomie ; Oncoplastie ; Étude prospective ; Exérèse Keywords : Breast cancer ; Lumpectomy ; Oncoplasty ; Prospective study

La conservation mammaire, associant une exérèse glandulaire in sano et une radiothérapie mammaire adjuvante est le standard des traitements des tumeurs invasives ou intracanalaires de moins de 3 cm de diamètre [1,2]. Cette pratique s’est progressivement étendue aux tumeurs de plus grand diamètre [3]. L’Anaes recommande pour la chirurgie conservatrice une exérèse glandulaire en zones saines, associées à un remodelage glandulaire qui permet d’éviter les séquelles esthétiques, aujourd’hui bien décrites et classifiées [4–6]. L’évolution historique des techniques chirurgicales va ainsi dans le sens d’une exérèse optimale et d’un résultat esthétique le plus satisfaisant possible permettant une amélioration du vécu de la maladie néoplasique. La chirurgie oncoplastique associe un geste d’exérèse glandulaire à des procédés de mammoplasties, permettant une reconstruction glandulaire immédiate [7]. L’oncoplastie a initialement été utilisée dans le traitement conservateur des grosses tumeurs des quadrants inférieurs [5]. Les indications se sont développées pour des tumeurs de plus de 3 cm pour qui un traitement conservateur classique aurait entraîné un préjudice esthétique non acceptable, pour les tumeurs centrales et pour les patientes atteintes d’hypertrophie mammaire [7–12]. Cependant, aucune étude à notre connaissance n’a évalué comparativement la qualité de l’exérèse glandulaire respective de la chirurgie oncoplastique et de la chirurgie d’exérèse classique (recherche Medline, articles anglo-saxons et francophones publiés entre janvier 1966 et décembre 2004). Nous avons entrepris cette étude prospective dans le but de comparer la qualité d’exérèse entre la chirurgie oncoplastique et la chirurgie d’exérèse classique dans le traitement chirurgical primaire des tumeurs mammaires. 1. Patientes et méthodes Cent cinquante-sept patientes ont été prises en charge pour un cancer mammaire entre septembre 2003 et septembre 2004 dans l’unité de chirurgie gynécologique et mammaire du CHU de Montpellier. Quatre-vingt-dix-neuf ont été inclues dans notre étude prospective. Étaient éligible pour cette étude, toutes les patientes atteintes d’un cancer mammaire, et dont la taille des seins et/ou la ptose, permettaient d’envisager indifféremment en première intention un traitement chirurgical classique, ou une chirurgie oncoplastique. Les critères de non-inclusion étaient les tumeurs inflammatoires (quatre patientes), les tumeurs localement avancées pour lesquelles une chimiothérapie néoadjuvante était indiquée (15 patientes), les tumeurs nécessitant une mastectomie d’emblée (20 patientes), les patientes présentant une récidive locale après traitement conservateur (dix

patientes), et les patientes pour lesquelles la morphologie mammaire n’autorisait pas de chirurgie oncoplastique (neuf patientes). Le bilan préopératoire était standardisé et comportait une mammographie, une échographie mammaire et une IRM mammaire. En accord avec notre protocole, toutes les patientes ont bénéficié d’un prélèvement histologique préopératoire de leur tumeur par micro- ou macrobiopsies radioguidées. Les patientes éligibles pour notre étude ont reçu les informations médicales sur leur pathologie mammaire, et les explications claires sur les techniques chirurgicales utilisables : zonectomie ou chirurgie oncoplastique. Le groupe d’allocation était ainsi choisi par chaque patiente. Chaque patiente a bénéficié d’une explication loyale en préopératoire et signée une lettre de consentement éclairé. Quarante-deux patientes ont choisi de bénéficier d’une chirurgie oncoplastique (groupe oncoplastie) et 57 ont préféré une zonectomie (groupe zonectomie). L’exploration axillaire a été réalisée en accord avec notre thésaurus. Les traitements adjuvants ont été proposés après réunion de concertation pluridisciplinaire, en accord avec les protocoles de notre unité. La technique de zonectomie était superposable à celle rapportée dans les recommandations publiées par l’Anaes : « l’incision doit permettre l’exérèse de la lésion sans morcellement, et permettre un remodelage glandulaire esthétique sans distorsion des berges cutanées » [4]. Les patientes étaient opérées en décubitus dorsal, et une exploration axillaire (dissection du ganglion sentinelle ou évidement axillaire) pour les tumeurs invasives. Les exérèses utilisant les techniques d’oncoplasties étaient réalisées par les mêmes chirurgiens formés à la chirurgie oncologique mammaire et à la chirurgie plastique du sein. Le principe était de réaliser une exérèse large sans se soucier du défect glandulaire et de réaliser dans le même temps un remodelage glandulaire et un redrapage cutané offrant un résultat esthétique optimum. Les dessins préopératoires étaient réalisés sur les patientes en position debout. La ligne intermammaire, les sillons sous-mammaires et les axes de seins étaient marqués. Le bord supérieur de la zone de desépidermisation périaréolaire était marqué sur l’axe du sein, à 19–20 cm du creux sus-sternal. Dans tous les cas les patientes ont été opérées en position demi-assises. L’exérèse glandulaire était réalisée dans le but de réséquer la tumeur et une couronne de tissu glandulaire sain d’au moins 10 mm. Le remodelage glandulaire était réalisé par approximation des piliers glandulaires au niveau du site d’exérèse dans le but de combler le défect. Ce rapprochement glandulaire était réalisé, après décollement retroglandulaire prépectoral et sous-cutané, à la demande, pour permettre un rap-

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prochement sans distorsion cutanée et déviation aréolaire. Le sein controlatéral était traité selon la même technique. En fonction de l’origine de la suppléance vasculaire de la plaque aréolomamelonnaire, plusieurs pédicules porte-mamelon ont été utilisés (Tableau 1). Le type de cicatrice utilisé pour assurer une résection cutanée adaptée et un redrapage cutané optimal dépendait de la forme et de la taille des seins ainsi que du degré de ptose. En cas de seins à base étroite et de ptose modérée nous avons choisi une cicatrice périaréolaire pure (Fig. 1) de type round block [13]. En cas de sein ptosé à base large, nécessitant un remodelage glandulaire, une diminution de la base mammaire Tableau 1 Distribution des pédicules porte-mamelons utilisés dans le groupe oncoplastie Type de pédicule Supérieur Central Supéromédial Inférieur et central

Patientes 21 13 7 1

Fig. 1. Illustration de la rançon cicatricielle obtenue à gauche, en utilisant la variante de la technique du Round block. Notez le tracé de la zone de désépidermisation du sein droit qui sera traité en vue de la symétrisation.

et un drapage cutané important, la cicatrice était en T inversé (Fig. 2). Dans notre étude la durée opératoire mesurée correspondait au temps consacré au traitement du sein en cas de zonectomie ou des deux seins en cas d’oncoplastie. Le temps d’exploration axillaire était exclu du calcul de durée. La pièce opératoire était repérée par le chirurgien, et orientée dans l’espace sur un support solide et radiotransparent et adressée en pièce fraîche à l’histologiste. Des radiographies de la pièce opératoire étaient réalisées en cas de tumeurs infracliniques, pour confirmer la qualité de l’exérèse et guider les prélèvements histologiques. L’évaluation de la qualité de l’exérèse a été faite en utilisant la plus grande longueur et la plus grande largeur de la pièce opératoire. L’évaluation histologique des marges d’exérèse a été réalisée de façon standardisée, par le même histologiste, en aveugle du groupe d’allocation. Un encrage des berges était réalisé afin de déterminer avec précision la taille des marges d’exérèse. Après inclusion en paraffine, les caractéristiques histologiques de la tumeur étaient déterminées en accord avec la classification internationale. La taille tumorale histologique correspondait au diamètre tumoral maximal. L’épaisseur des marges tissulaires était mesurée par micrométrie. Des berges d’exérèse étaient considérées comme non saines dans les cas ou l’épaisseur de la marge la plus faible était inférieure à 1 mm. Dans ce cas, après concertation pluridisciplinaire la patiente était informée de la nécessité d’une réintervention conservatrice (pour les marges positives focales de moins de 3 mm de surface) ou radicale dans les autres cas (marges positives sur plus de 3 mm de surface). Les paramètres utilisés pour notre étude ont été saisis de façon prospective dans notre banque de données informatique. L’analyse statistique a été réalisée à l’institut universitaire de recherche clinique (Pr J.P. Daurés) sur logiciel StatView® (StatView 512, Brain Power, Inc. INC., Calabasas, CA) en aveugle du groupe d’allocation des patientes. Le test de Kruskall-Wallis a été utilisé pour la comparaison des valeurs médianes des variables quantitatives. Les variables qualitatives ont été comparées en utilisant le test du χ2 ou le test exact de Fisher quand cela était nécessaire. Le test de Spearman a été utilisé pour analyser la corrélation statistique entre deux variables quantitatives. Le seuil de significativité a été établi pour une valeur de p inférieur à 0,05.

Tableau 2 Caractéristiques préopératoires

Fig. 2. Illustration de la rançon cicatricielle obtenue à gauche, en utilisant une redrapage et une exérèse cutanée sur clamp. Notez le tracé de la zone de désépidermisation du sein droit qui sera traité en vue de la symétrisation.

Patientes Âge IMC Taille Tumorale radiologique (mm) Histologie Cancer canalaire infiltrant Cancer canalaire in situ

Oncoplastie 42 51,4 (10,6) 24,4 (4,5) 15 (5–60)

Zonectomie 57 56,8 (11,2) 24,8 (4,8) 15 (4–60)

30 12

45 12

Résultats exprimés en médiane (extrêmes), ou n. a Mann-Whitney U-test.

p 0,75a 0,91a 0,47a

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2. Résultats

Tableau 4 Comparaison de l’exérèse en fonction des sous types de chirurgie oncoplastique utilisés

Quarante-deux patients ont bénéficié d’une oncoplastie et 57 d’une zonectomie. Le Tableau 2 rapporte leurs caractéristiques démographiques et préopératoires. Vingt-sept patientes du groupe oncoplastie et 29 du groupe zonectomie ont été opérées après repérage radiologique préalable de la tumeur. Le repérage a été réalisé par mammographie (12 et 23 patientes, respectivement), échographie (huit et trois patientes, respectivement) ou IRM (sept et trois patientes, respectivement). Dans le groupe oncoplastie, dix patientes ont été traitées par une technique de mammoplastie en T inversé, et 32 par une voie périaréolaire. La tumeur était localisée dans le quadrant supéroexterne dans 18 cas, le quadrant inféroexterne dans 12 cas, centrale dans cinq cas, et sept fois dans les quadrants inférieurs. La répartition fondée sur la localisation du pédicule vasculaire porte-mamelon est rapportée dans le Tableau 1. Dans le groupe zonectomie, l’exérèse tumorale et glandulaire a été réalisée par une incision directe dans 42 cas et par voie hemiaréolaire dans 15 cas. La durée moyenne d’intervention était plus importante dans le groupe oncoplastie (114 ± 50 minutes), que dans le groupe zonectomie (86 ± 34 minutes) [p = 0,03]. La durée d’hospitalisation médiane était identique dans les deux groupes : quatre jours (2–28) pour le groupe oncoplastie et quatre jours (2–30) pour le groupe zonectomie [p = 0,89]. Le Tableau 3 rapporte les résultats histologiques évaluant la qualité de l’exérèse dans chaque groupe. Pour une taille tumorale comparable, la surface de l’exérèse est supérieure dans le groupe oncoplastie que dans le groupe zonectomie (p < 0,0001). Le test de corrélation de Spearman montre une corrélation significative entre la surface d’exérèse et l’épaisseur minimale des marges (R2 = 0,50 ; p = 0,0002). Une chirurgie secondaire de rattrapage a été réalisée plus souvent dans le groupe zonectomie que dans le groupe oncoplastie (p = 0,03). Douze patientes du groupe zonectomie vs deux patientes du groupe oncoplastie présentaient des marges envahies sur plus de 3 mm de surface et ont bénéficié d’une mastectomie secondaire. Quatre patientes du groupe zonectomie et une du groupe Tableau 3 Résultats postopératoires. Comparatif de la qualité de l’exérèse entre les deux groupes Patientes Taille histologique (mm) Résection glandulaire Longueur (mm) Largeur (mm) Surface (cm2) Marges (mm) Chirurgie secondaire Réexcision Mastectomie

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Oncoplastie 42 15 (1,8–60)

Zonectomie 57 17 (1,6–40)

92,7 (28) 80 (27,7) 79,5 (–46,2) 15 (0–50)

57 (16,8) 54 (15,1) 32,3 (16,3) 2,5 (0–30)

1 2

4 12

Résultats exprimés en médiane (extrêmes), ou n. a Mann-Whitney U-test. b χ2 test.

p 0,75a < 0,0001a < 0,0001a < 0,0001a < 0,0001a 0,03b

Taille tumorale (mm) Résection glandulaire Longueur (mm) Largeur (mm) Marges (mm)

T inversé 9 (4–60)

Périaréolaire 16 (1,8–40)

Zonectomie 17 (1,6–40)

p 0,49a

118 (34) 103 (28) 15 (5–40)

84 (21) 71 (24) 15 (0–50)

57 (16) 54 (15) 2,5 (0–30)

< 0,001a < 0,001a < 0,001a

Résultats exprimés en médiane (extrêmes). a Test de Kruskal-Wallis. Tableau 5 Résumé des comorbidités de patientes et des complications postopératoires précoces Comorbidité Hypertension artérielle Hypercholestérolémie Tabac Diabète sucré Traitement anticoagulant Complications Infection site opératoire Hématome Souffrance cutanée

Oncoplastie

Zonectomie

3 2 5 1 0

11 5 9 3 2

4 1 2

5 2 0

oncoplastie présentaient une invasion focale des marges et ont bénéficié d’une réexcision avec exérèse secondaire in sano. Nous avons évalué la surface d’exérèse et l’épaisseur des marges en fonction de la technique d’oncoplastie utilisée (Tableau 4). L’analyse met en évidence une surface d’exérèse plus large dans les techniques utilisant une cicatrice en T inversé (dix patientes) qu’une cicatrice périaréolaire (32 patientes) (124 ± 56 et 64 ± 32 mm2 respectivement ; p = 0,0008). Cependant, quelle que soit la technique d’oncoplastie utilisée, la surface d’exérèse est supérieure à celle obtenue lorsque la technique d’exérèse est une zonectomie classique (32 ± 16 mm2 ; p < 0,001). L’analyse de l’épaisseur de la marge la plus proche rapporte des résultats en faveur des techniques d’oncoplastie par rapport à la zonectomie classique. L’épaisseur des marges obtenue est la même quelle que soit la technique d’oncoplastie utilisée (p = 0,54). Le terrain médical des patientes et la morbidité postopératoire (dans les 30 jours postopératoire) sont rapportés dans le Tableau 5. La fréquence des complications rencontrées dans chaque groupe est identique. Sept patientes dans chaque groupe ont présenté une complication postopératoire (p = 0,57). 3. Commentaires L’exérèse des tumeurs mammaires par techniques d’oncoplasties apporte dans notre étude une plus value oncologique par rapport aux techniques classiques de zonectomie. Elle permet une exérèse plus large des lésions mammaires, dont l’importance en termes de diminution des risques de récidive locale est démontrée [14,15]. Le recours à une mastectomie secondaire est significativement diminué par rapport à la zonectomie

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classique, argument supplémentaire en faveur de la chirurgie oncoplastique. Enfin, la chirurgie oncoplastique permet d’obtenir une symétrie mammaire postopératoire et une satisfaction de la majorité des patientes. Newman et al. [16] ont rapporté une série rétrospective de 153 réductions mammaires dont 28 étaient associées à l’exérèse d’une tumeur mammaire. Le diamètre tumoral médian était de 15 mm (1 à 50 mm). Les auteurs ont utilisé dans leur étude des incisions en T inversé et rapportent des résultats esthétiques et oncologiques satisfaisants. Dix patientes ont eu des complications postopératoires liées à la technique de mammoplastie, dont deux infections sévères du site opératoire. Enfin, la pratique d’une mastectomie complémentaire a été nécessaire dans deux cas. Spear et al. [17] ont rapporté une série prospective de 11 patientes présentant une hypertrophie mammaire et un cancer mammaire. Toutes les patientes ont bénéficié d’une mastopexie par une technique en T inversé, eu égard au volume des seins opérés. Le diamètre tumoral n’est pas rapporté dans l’étude. Les auteurs rapportent huit cas de complications postopératoires (trois cytostéatonécroses, un hématome, une cicatrisation anormale) et deux cas de dépigmentation aréolaire consécutive à la technique utilisée (greffe libre d’aréole). Aucune patiente n’a nécessité de reprise opératoire pour exérèse incomplète et le taux de satisfaction des patientes était important, comparable a celui obtenu dans les réductions mammaires a visé esthétique pure. Chang et al. [18] ont rapporté une série rétrospective de 37 patientes ayant bénéficié d’une exérèse glandulaire suivie d’une reconstruction par technique de mammoplastie avec cicatrice en T inversé. La taille tumorale variait entre 6 et 52 mm. Deux patientes ont bénéficié d’une mastectomie secondaire. Six patientes ont présenté une cytostéatonécrose postopératoire. La totalité des patientes interrogées (20) ont rapporté un indice de satisfaction élevé et n’ont pas regretté leur choix thérapeutique. L’équipe de l’institut Curie dont l’expérience de la chirurgie oncoplastique est ancienne a rapporté une étude prospective portant sur 101 patientes avec un recul postopératoire moyen de 3,8 ans [19]. Bien que l’un des critères d’inclusion dans l’étude soit une tumeur de grande taille, les auteurs rapportent un diamètre tumoral histologique moyen de 32 mm avec un diamètre minima de 10 mm. Comme pour la totalité des équipes pratiquant de la chirurgie oncoplastique, les patientes de l’institut Curie ont bénéficié de technique de mammoplasties en T inversé. Six patientes ont bénéficié d’une mastectomie complémentaire pour exérèse non in sano. Les résultats cosmétiques ont été jugés non acceptables dans seulement 12 % des cas. Vingt pour cent des patientes ont eu une complication postopératoire. Dans notre travail nous avons voulu évaluer objectivement les performances de l’oncoplastie dans le traitement primaire des tumeurs mammaires. La technique de mammoplastie a été adaptée à la morphologie mammaire, ce qui la démarque des études publiées. Dans 32 cas nous avons utilisé une technique de réduction glandulaire proche de la technique du round block

[13]. Cette approche, quand elle est rendue possible par la morphologie mammaire nous semble intéressante à plusieurs points. Tout d’abord, la voie d’abord obtenue par la désépidermisation permet d’accéder à tous les quadrants du sein, du fait de la surface du champ opératoire ainsi obtenue. Le redrapage cutané qui suit l’exérèse, permet une concentration du tissu glandulaire, qui limite les risques de défect glandulaire inesthétique et améliore l’harmonie du sein. En cas de mastectomie secondaire une cicatrice périaréolaire s’intègre parfaitement dans un fuseau de mastectomie ou dans un tracé de mastectomie conservatrice d’étui cutané sans conservation de la plaque aréolomamelonnaire. Enfin, la bilatéralité des gestes permet d’obtenir une cure de ptose bilatérale source de satisfaction esthétique et fonctionnelle. La chirurgie oncoplastique est donc très comparable aux techniques de réductions mammaires esthétiques. La seule variante est le site de réduction glandulaire qui est, dans l’oncoplastie, choisi en fonction de la localisation tumorale. La méthode la plus rigoureuse pour déterminer les différences entre les deux types de technique chirurgicale aurait été une étude randomisée. Nous avons choisi une pseudorandomisation laissée au choix des patientes, pour lesquelles une zonectomie classique et une oncoplastie étaient indifféremment réalisables. Les caractéristiques des patientes des deux groupes et surtout les paramètres oncologiques préopératoires étaient comparables. Nous poursuivons cette étude par une analyse médicoéconomique dans le but de proposer aux patientes la technique qui permet d’obtenir outre un résultat esthétique de qualité, une qualité d’exérèse glandulaire optimale voire supérieure à celle obtenue par la zonectomie classique, avec un ratio coût/efficacité calculé. 4. Conclusion Les techniques de réductions mammaires utilisées dans la prise en charge des tumeurs de grandes tailles ont permis d’ouvrir la voie à une prise en charge à la fois oncologique et esthétique, de toutes les tumeurs pour lesquelles un traitement conservateur est possible, quelle que soit la taille du sein. Il nous semble intéressant de souligner l’intérêt des techniques de mammoplasties par voie périaréolaires, dont les avantages multiples nous permettent d’envisager leur utilisation fréquente y compris en cas de sein faiblement hypertrophique et/ou ptosé. Afin de suivre le sens de l’histoire, les chirurgiens prenant en charge les tumeurs mammaires doivent s’approprier un large panel de techniques, ou le cas échéant travailler en partenariat avec un chirurgien plasticien. Références [1] Fisher B, Anderson S, Redmond CK. Reanalysis and results after 12 years of follow-up in a randomized clinical trial comparing total mastectomy with lumpectomy with or without irradiation in the treatment of breast cancer. N Engl J Med 1995;333:1456–61. [2] Van Dongen JA, Voogd AC, Fentiman IS, Legrand C, Sylvester RJ, Tong D, et al. Long-term results of a randomized trial comparing breast-conserving therapy with mastectomy: European Organization for

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