À propos du traitement conservateur des épicondylites

À propos du traitement conservateur des épicondylites

© 2006. Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés J. Traumatol. Sport 2006, 23, 257-260 Revue de presse À propos du traitement conservateur des épi...

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© 2006. Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés

J. Traumatol. Sport 2006, 23, 257-260

Revue de presse

À propos du traitement conservateur des épicondylites

Smidt N, Van der Windt D, Assendelft W. Corticosteroid injections, physiotherapy, or wait-andsee policy for lateral epicondylitis: a randomised controlled trial. The Lancet 2002; 359: 657-62

Objectif de l’étude Comparer l’efficacité de la rééducation versus les infiltrations de corticoïdes versus l’évolution spontanée (« Wait-and-see »).

Matériel et Méthode — Étude randomisée. — Critères d’inclusion : épicondylalgies. — Critères d’exclusion : ancienneté des symptômes < 6 semaines ; infiltrations dans les 6 mois précédant l’étude ; épicondylalgies d’origine autre qu’une tendinopathie. — Durée de l’étude : 6 semaines : • groupe « wait and see » (N = 59) : paracetamol ou AINS per os, • groupe infiltration (N = 60) : Triamcinolone acetonide + Lidocaïne, maximum de 3 infiltrations ; injection au point douloureux, • groupe rééducation (N = 64) : 9 séances d’ultrasons + massages transverses profonds + exercices de stretching. — Évaluation à 3, 6, 12, 26, 52 semaines : indice de satisfaction global, douleurs par auto-questionnaire, gêne et force de serrage, douleurs provoquées lors de la palpation de l’épicondyle.

Résultats 27 % ont eu 2 infiltrations, 15 % ont eu 3 infiltrations Prise médicamenteuse durant l’étude : • groupe « wait and see » : 34 %, • groupe infiltration : 16 %, • groupe rééducation : 16 %.

Évolution à l’arrêt des 6 semaines : • groupe « wait and see » : 24 % ont eu recours à d’autres traitements, • groupe infiltration : 63 % ont eu recours à d’autres traitements, • groupe rééducation : 82 % ont eu recours à d’autres traitements. Évaluation à 6 semaines : • groupe « wait and see » : 32 % de succès, • groupe infiltration : 92 % de succès, • groupe rééducation : 47 % de succès. Évaluation à 52 semaines : • groupe « wait and see » : 83 % de succès, • groupe infiltration : 69 % de succès, • groupe rééducation : 91 % de succès.

Discussion Conformément à d’autres études, les corticoïdes semblent supérieurs aux autres traitements à courtterme mais pas à long-terme. Le recours à un taux élevé de prise médicamenteuse adjuvante dans le groupe corticoïde peut être due à une reprise prématurée des activités. Un biais possible : • avant l’étude, les patients ont été interrogés quant à leur préférence de traitement, • tous les patients répondant aux critères d’inclusion n’ont pas été inclus dans l’étude, faute de temps pour les praticiens d’assurer le suivi. Finalement les patients doivent être informés des avantages et inconvénients de chacune des méthodes. Le recours à des infiltrations peut être proposé chez les patients préférant un effet à court terme. Cependant, l’évolution spontanée « wait and see » semble être souvent suffisante. À 6 mois d’évolution, la rééducation montre des résultats légèrement meilleurs par rapport à l’évolution spontanée. Est-ce suffisant pour la proposer ?

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Commentaires de la rédaction : cette étude corrobore les résultats d’autres travaux concernant l’évolution spontanément favorable des épicondylites. On reste surpris quant à l’utilisation d’un corticoïde à effet retard. Struijs A, Kerkhoffs J, Assendelft J. Conservative treatment of lateral epicondylitis. Brace versus physical therapy or a combination of both; a randomized clinical trial. Am J Sports Med 2004; 32: 462-469

Objectif de l’étude Comparer l’efficacité d’un brassard versus un traitement rééducatif classique à court, moyen et long terme dans les épicondylalgies.

Matériel et méthode — Étude randomisée. — 3 groupes thérapeutiques : • rééducation pendant 6 semaines (N = 53) : Ultrasons + massages transverses profonds 1 à 2 fois par semaine + exercices à faire par le patient 4 à 6 fois par jour, 3 séries de 10 répétitions, • port d’un brassard de l’avant-bras toute la journée pendant 6 semaines (N = 63), • combinaison des deux traitements (N = 54) : rééducation + brassard. — Évaluation clinique à 6 semaines et 1 an ; autoquestionnaire d’évaluation à 26 semaines. — Mode d’évaluation : indice de satisfaction du sujet, activités de la vie quotidienne, au serrage, mesure avec un dynamomètre de type Jamar de la force de serrage.

Résultats À court terme : • brassard versus rééducation : moins de douleurs dans les activités de la vie quotidienne avec le port du brassard ; pas de différence sur les mesures chiffrées, • brassard versus traitement combiné : supériorité du traitement combiné concernant l’indice de satisfaction mais pas de différence sur les mesures chiffrées. À 24 semaines : • pas de différence significative entre les 3 groupes. À 1 an : • pas de différence significative entre les 3 groupes.

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Discussion Dans l’étude : effet bénéfique de la rééducation sur la douleur à court terme mais effet supérieur du brassard sur la pratique des activités quotidiennes. Le traitement combiné (rééducation + brassard) n’a pas montré de supériorité par rapport à la rééducation seule mais semble apporté un peu plus de soulagement que le port isolé du brassard. Faut-il y avoir recours compte tenu du surplus de coût provoqué par l’association des deux traitements ? Aucune différence entre les groupes n’a pu être mise en évidence à 26 et 52 semaines. Bisset L, Paungmali A, Vicenzino B. A systematic review and meta-analysis of clinical trials on physical interventions for lateral epicondylalgia. Br J Sports Med 2005; 39: 411-422

Objectif de l’étude Étudier l’efficacité de la rééducation dans les épicondylalgies.

Méthode — Revue systématique de la littérature jusqu’en 2003. — Inclusion des études utilisant la rééducation voire comparant la rééducation versus les infiltrations ou les AINS per os. — Exclusion des études à méthodologie peu fiable. — Exclusion des études utilisant un traitement chirurgical.

Résultats Études sans électrothérapie ou Ondes de choc • Exercice : une seule étude a étudié la qualité du programme de rééducation en comparant un programme de stretching associé à des contractions isométriques versus l’application d’ultrasons associé à des massages transverses profonds avec un meilleur résultat sur les douleurs à 6 semaines pour le groupe stretching. Toutes les autres études ont associé plusieurs modalités thérapeutiques ne permettant pas d’isoler l’efficacité d’une méthode. • Manipulations cervicales ou du coude : on retrouve 3 études montrant une efficacité à court terme sur la douleur mais aucune évaluation n’est

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À PROPOS DU TRAITEMENT CONSERVATEUR DES ÉPICONDYLITES

faite à long terme. Une étude comparant les manipulations du poignet versus des massages transverses profonds associés à des ultrasons et des exercices n’a pas retrouvé de différence entre les deux groupes à 6 semaines. • Orthèse ou taping : aucune conclusion n’a pu être tirée des 3 études ayant étudié ce moyen thérapeutique en raison de mode d’évaluation et de groupe de référence différents. • Acupuncture : 3 études ont comparé l’acupuncture versus placebo et une versus les ultrasons. Il semble que l’acupuncture soit supérieure à un placebo seulement à court terme (2 à 8 semaines). Il n’y a pas de différence entre acupuncture et ultrasons mais d’autres études doivent être faites. Études avec électrothérapie ou Ondes de choc • Laser : 5 études ; les résultats sont contradictoires d’une étude à l’autre à court terme et ne semblent pas montrer de supériorité par rapport à un placebo aussi bien à court qu’à long terme. • Ondes de choc : 2 études versus placebo : aucune différence n’a pu être retrouvé entre les deux groupes, 4 à 6 semaines après la fin du traitement • Ionisation : 4 études ; une seule étude retrouve un effet bénéfique des ionisations, ce qui n’est pas suffisant pour conclure. Deux études n’ont pas montré la supériorité des corticoides en ionisation versus une solution saline • Ultrasons et phonophorèse : 2 études ont comparé les ultrasons versus placebo ; 2 études ont comparé les ultrasons versus d’autres modalités et une étude a étudié l’efficacité de la phonophorèse (ultrasons associé à un gel de corticoides). Au vu des résultats, aucune conclusion n’a pu être tirée quant à l’efficacité ou non des ultrasons. Modalités thérapeutiques combinées Une étude a comparé un programme de massages transverses associé à des exercices et des ultrasons versus des infiltrations versus un groupe contrôle. À 6 mois petit avantage au traitement par massages comparé au traitement par infiltration mais même résultat avec le groupe contrôle.

Discussion Sur 76 études répertoriées, 28 seulement avaient une méthodologie acceptable. Aucune méthode n’a pu prouver une efficacité flagrante à court terme. D’autres études sont nécessaires avec une évaluation à long terme. Commentaires de la rédaction : 36 % seulement des études publiées ont été considérées

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comme fiables ! Comment faire alors pour établir des « current concepts » ? Faes M, Van der Akker B, de Lindt J. Dynamic extensor brace for lateral epicondylitis. Clin Orthop Rel Research 2006; 442: 149-157

Objectif de l’étude Évaluer l’efficacité d’une orthèse dynamique avec rappel en flexion dorsale du poignet, portée pendant 3 mois.

Matériel et méthode — Étude randomisée. — 2 groupes : orthèse (N = 30)/sans orthèse (N = 33). — critères d’inclusion : épicondylalgies rebelles. — critères d’exclusion : ancienneté des symptômes < 6 semaines. — Orthèse : position de repos : le poignet à 30° de flexion dorsale ; force de rappel en extension égale à 3 % de la force maximale de contraction ; port de l’orthèse uniquement la journée ; traitements associés autorisés pendant toute la période de l’étude. — 2 périodes : pendant les trois premiers mois, un groupe orthèse versus un groupe sans orthèse ; pendant les trois mois suivants les groupes sont inversés (le groupe initialement sans orthèse va porter l’orthèse et vice versa). — Évaluation toutes les 6 semaines pendant 24 semaines : EVA, douleurs et force au serrage.

Résultats Les 3 premiers mois : • différence significative pour le groupe orthèse sur l’amélioration de la douleur sur l’EVA, dans les gestes de la vie quotidienne, la gêne lors du serrage. Pas de différence notée sur la force de serrage. Dans le groupe sans orthèse, aucun changement noté sauf une amélioration de la gêne lors du serrage. Pas de différence entre les deux groupes quant à la consommation d’antalgiques (13/14 patients). 7 patients ont été retirés du groupe orthèse en raison de l’incompatibilité du port de celle-ci avec leur activité professionnelle (bloc opératoire, restauration) Les 3 mois suivants : • dans le groupe portant l’orthèse, amélioration de la douleur sur l’EVA, dans les gestes de la vie

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quotidienne, au niveau de la gêne lors du serrage. Pas d’amélioration de la force de serrage. Persistante de l’amélioration dans le groupe ayant quitté l’orthèse. Un cas d’orthèse cassée a été rapporté. À 6 mois : • pas de différence entre les deux groupes.

Discussion Van Elk a montré par un enregistrement EMG qu’une force d’extension appliquée au niveau de la paume de la main réduit l’activité de l’extensor carpi radialis brevis et de l’extenseur digitorum communis durant l’activité de serrage. Aucune publication n’a pu démontrer l’efficacité des orthèses « classiques » sur l’amélioration de la force de serrage et la douleur. Dans l’étude, une amélioration a pu être notée chez les patients portant l’orthèse, quelle que soit l’ancienneté des symptômes (8 semaines-18 ans). Commentaires de la rédaction : le résultat de l’étude semble prometteur bien qu’il faille attendre d’autres travaux comparatifs. Quel est le coût de cette orthèse ? Est-elle facilement réalisable en ville ? Par qui ? Est-elle remboursée ? À suivre… Brosseau L, Casimiro L, Milne S. Deep transverse friction massage for treating tendinitis Cochrane Database of sustematic review 2006 Issue 3

Objectif de l’étude Revue de la littérature sur l’efficacité des massages transverses profonds dans les épicondylalgies et le syndrome de la bandelette ilio-tibiale.

Méthode — Recherche dans plusieurs bases de données. — Critères d’inclusion : études randomisées ou non, étude de cohorte ; aucune limitation concernant la langue de publication, méthodologie correcte.

Résultats Dix neuf études ont été identifiées mais seulement 2 ont été retenues car répondant aux critères de méthodologie.

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Discussion Les massages transverses profonds combinés à d’autres techniques de rééducation n’ont pas montré d’effet bénéfique par comparaison à un groupe contrôle dans le traitement des épicondylalgies et du syndrome de la bandelette ilio-tibiale. Plusieurs biais peuvent être avancées pour expliquer l’absence d’argument en faveur de l’efficacité de cette méthode : population (âge, sexe), caractéristiques de la pathologie (aiguë ou chronique), modalités de réalisation des massages transverses profonds, méthodologie de l’étude (randomisation ou non, taille de l’échantillon, groupe contrôle ou non, modalités d’évaluation).

Conclusion D’autres études plus rigoureuses sont nécessaires pour conclure sur l’efficacité ou non des massages transverses profonds dans le traitement symptomatique des tendinopathies Commentaires de la rédaction : 10 % d’études considérées comme fiables ! Ce chiffre amène plusieurs remarques et/ou questions : • Faut-il l’interpréter comme une qualité, plus que médiocre, selon les normes statistiques, d’un bon nombre de publications ? C’est peut-être le cas pour certaines, mais de la à affirmer que cela concerne 90 % des études laisse perplexe. • Il est clair cependant que le langage, et donc les exigences statistiques, est loin d’être transparent pour bon nombre d’entre nous. Une méthodologie simple, pratique et claire, c’est-à-dire accessible à des cliniciens et non des mathématiciens, serait la bienvenue (en français de préférence !) • De manière plus générale, on peut s’interroger quant à la « traduction statistique » possible ou non de certaines données cliniques. En effet, à l’époque des current concepts, il est parfois surprenant de découvrir dans certaines méta-analyses qu’une thérapeutique utilisée en pratique quotidienne depuis de longue date et apportant un soulagement notable chez certains patients puisse être rejetée par l’analyse statistique. Méthode ou critères d’analyse à revoir ? À suivre…

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