Le traitement conservateur dans l’arthrose fémoro-patellaire

Le traitement conservateur dans l’arthrose fémoro-patellaire

© Masson, Paris, 2005 J. Réadapt. Méd., 2005, 25, n° 2, pp. 69-71 MÉMOIRE Le traitement conservateur dans l’arthrose fémoro-patellaire P. FOURNIER ...

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© Masson, Paris, 2005

J. Réadapt. Méd., 2005, 25, n° 2, pp. 69-71

MÉMOIRE

Le traitement conservateur dans l’arthrose fémoro-patellaire P. FOURNIER

(1),

V. PHANER

(1),

A. CONDEMINE

(1),

L. COUDEYRE

(2),

V. GAUTHERON

(1),

P. CALMELS

(1)

(1) CHU Saint-Étienne, service de médecine physique et réadaptation, 42055 Saint-Étienne Cedex 2. (2) Centre de rééducation fonctionnelle Notre-Dame, 4 avenue Joseph-Claussat, 63400 Chamalières.

L’arthrose, tous sites confondus, touche 85 % des sujets âgés et dans 47,3 % des cas sous la forme d’une polyarthrose avec gonarthrose, coxarthrose et atteinte digitale. Son retentissement sur les activités quotidiennes s’explique par les phénomènes douloureux et/ou la gêne fonctionnelle entraînant dans 76,9 % des cas une modification des activités habituelles et dans la population active, une limitation des activités professionnelles dans 64,4 % des cas [12]. L’arthrose fémoro-patellaire, pour certains prédictive d’une gonarthrose fémoro-tibiale, est difficile à traiter chirurgicalement lorsqu’elle est isolée. Les résultats des prothèses fémoro-patellaires, bien qu’encourageants n’étant pas excellents, plusieurs équipes proposent d’emblée une prothétisation totale de genou [15]. La prise en charge médicale de cette localisation arthrosique n’est pas codifiée et s’inspire de celle de la gonarthrose globale et de celle des syndromes fémoropatellaires sur instabilité rotulienne.

PHYSIOPATHOLOGIE L’arthrose fémoro-patellaire se développe souvent sur une rotule anormale, dysplasique et ou dystopique sujette aux subluxations causes d’hyperpression et donc d’arthrose [6]. La physiopathologie n’est cependant pas univoque, et résulte de la conjonction de facteurs intrinsèques (laxité ligamentaire, déséquilibres musculaires, malformations ostéoarticulaires) et de facteurs extrinsèques (hypersollicitations mécaniques) [1]. C’est donc l’ensemble de ces facteurs qu’il faudra prendre en considération pour déterminer un projet thérapeutique sans oublier la gestion des facteurs de risques habituels de la gonarthrose (surcharge pondérale, pathologie métabolique ou rhumatismale, instabilité articulaire, etc.).

TRAITEMENT CONSERVATEUR DE L’ARTHROSE FÉMORO-PATELLAIRE Quel que soit le type d’arthrose, la base du traitement repose sur l’éducation du patient, l’activité physique et Extrait de L’arthrose du genou, Collection de Pathologie Locomotrice et de Médecine Orthopédique N° 51. © Masson, 2004.

l’ergothérapie. À cette base s’ajouteront des mesures non médicamenteuses ou médicamenteuses, le choix thérapeutique appartenant au médecin et au patient. Les objectifs sont : de soulager la douleur, d’améliorer le fonctionnement articulaire, d’améliorer la qualité de vie liée à l’état de santé, d’éviter les effets toxiques de certains traitements, d’éviter la décompensation d’une arthrose controlatérale et latente.

LA RÉÉDUCATION L’intérêt de la rééducation s’appuie : — sur des notions de mécanobiologie du cartilage : de nombreuses études ont montré qu’un signal mécanique, en fonction de sa nature, entraînait une modulation quantitative et qualitative de la matrice extracellulaire par modification du métabolisme du chondrocyte. Les stimulations statiques, prolongées ont un effet catabolique via la production de certains enzymes ou de cytokines pro-inflammatoires (métalloprotéases, IL1 β). À l’inverse une mobilisation passive et continue aurait un effet chondroréparateur, sinon protecteur [11, 14]. Ce rôle bénéfique dépend de la nature de la sollicitation (stress mécanique), de son intensité et de sa durée d’application ; — sur une composante musculaire : d’autres études suggèrent l’intérêt de la rééducation lorsqu’on considère que la faiblesse du quadriceps (études FAST) et la diminution de la proprioception sont des facteurs favorisant une gonarthrose symptomatique[4, 8]. Les techniques de rééducation englobent :

La kinésithérapie Le traitement kinésithérapique n’est pas univoque, il n’existe pas de protocole précis et les programmes proposés sont hétérogènes. Se pose aussi le problème du moment opportun pour débuter cette rééducation (stade précoce ?). Il est important de s’adapter aux caractéristiques pathologiques propres à chaque patient et au tableau clinique qui en découle. Si on considère que l’arthrose fémoro-patellaire se greffe sur un syndrome rotulien, le programme de rééducation se basera sur la prise en charge habituelle de ce dernier en gardant à l’esprit que

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le traitement devra être mené de façon progressive et indolore. Les exercices de musculation du quadriceps sont les plus importants d’autant plus que l’amyotrophie de ce muscle est rapide et sa récupération lente. Cette musculation doit s’adresser spécialement au muscle vaste interne à partir d’un travail statique intermittent en position d’extension maximale ou à partir des quinze derniers degrés de l’extension active. Cependant pour certains auteurs, le travail statique intermittent du vaste interne, faisant appel à des contractions lentes et des séries de longue durée, ne serait pas opportun. Le déficit, portant pour certains sur les fibres rapides, le renforcement devrait au contraire, viser à développer la puissance à partir de contractions brèves, de séries courtes et à différents niveaux de la force maximale. Ce travail spécifique n’est pas absolu et la rééducation devra veiller à rétablir le rapport ischio-jambier/quadriceps, à renforcer les autres muscles stabilisateurs du genou, notamment les rotateurs internes (demi-membraneux, demi-tendineux, droit interne et couturier). La rééducation sera d’abord analytique avant d’être plus globale et plus gestuelle [6]. L’apport d’une évaluation dynamique en particulier isocinétique est souvent rapportée et importante pour l’étude du rapport ischio-jambier/quadriceps et pour déterminer le secteur dans lequel le déficit quadricipital est le plus important, le renforcement devant alors être pratiqué de part et autre de ce secteur avant de s’en rapprocher. Les autres étapes de la kinésithérapie portent sur la correction de facteurs étiologiques dans les différents plans de l’espace [1]. Ainsi, peuvent être proposés : — un renforcement des rotateurs externes de la hanche et des étirements de leurs antagonistes ; un renforcement des éverseurs du pied ; des mobilisations du plan fibreux parapatellaire externe ; des mobilisations en translations et bascule interne de la rotule ; — des mobilisations de l’articulation fémoro-tibiale en rotation interne ; — des techniques de stretching du droit antérieur, du biceps fémoral, du tenseur du fascia- lata et des inverseurs du pied.

La physiothérapie Des techniques de physiothérapie sont souvent utilisées : — cryothérapie : en cas d’épanchement assuré ; — ultrasonothérapie sur les ailerons rotuliens (fréquence, rythme) (8 à 10 minutes en mode pulsé, fréquence de 1 MHz 1 W/cm2) ; — stimulation électrique transcutanée à visée antalgique sur le trajet de la branche rotulienne du nerf saphène interne ; — ionophorèse locale de gels anti-inflammatoires en alternance avec l’ionophorèse de Percutalgine [3].

Les aides techniques L’ergothérapie ne devra pas faire oublier l’utilisation de dispositifs tels qu’une canne utilisée du côté opposé au côté symptomatique, surtout lors d’une phase congestive.

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L’activité physique Il est utile de conseiller une activité physique régulière aux patients souffrant de gonarthrose en évitant les situations pourvoyeuses de douleurs. Bien que ne s’adressant pas de façon spécifique à l’atteinte fémoro-patellaire. Nous donnons à titre informatif l’autoprogramme proposé par O’Reilly et coll . [14] : 1. contractions isométriques du quadriceps en extension complète maintenues 5 secondes (décubitus) ; 2. contractions isotoniques du quadriceps maintenues 5 secondes, en extension partielle (patient assis) ; 3. contractions isotoniques des ischio-jambiers (procubitus) ; 4. contractions isotoniques du quadriceps contre résistance maintenues 5 secondes ; 5. exercices dynamiques de montée et descente d’une marche. Cinq exercices à faire quotidiennement jusqu’à un maximum de 20 répétitions pour chaque membre

Les orthèses et la contention adhésive Les orthèses et la contention adhésive méritent un chapitre à part. L’utilisation de ces dispositifs se base sur l’hypothèse d’un élément d’instabilité participant à la symptomatologie douloureuse. Il existe de nombreuses publications sur l’intérêt de ces dispositifs en complément d’un programme de rééducation permettant surtout un effet antalgique même si le rôle stabilisateur ne paraît pas évident d’après les explorations radiographiques [10]. Il existe de nombreuses configurations d’un tel dispositif qui s’appuie sur les anomalies constatées à l’examen clinique. La contention élastique adhésive a cependant l’inconvénient d’avoir une durée de vie courte en terme de maintien et d’avoir parfois une mauvais tolérance cutanée, ce qui leur fait préférer l’utilisation d’orthèse dite rotulienne munie d’un élément stabilisateur périrotulien appliqué sur la face antérieure du genou par un manchon élastique. En fonction des modèles, cet élément stabilisateur peut être en forme d’anneau ou de sanglage. L’intérêt de ces orthèses est leur utilisation prolongée. En ce qui concerne leur rôle antalgique, elles semblent plus volontiers efficaces en cas de syndrome fémoro-patellaire associé à une instabilité rotulienne mineure [5, 17]. En l’absence d’instabilité, l’efficacité de ces orthèses ne paraît pas supérieure à celle d’une simple contention mais tout au plus peut être pourrait-elle prévenir l’apparition d’un phénomène douloureux antérieur lors d’activité physique intense. En ce qui concerne l’action des dispositifs adhésifs sur la cinématique du genou et l’activité musculaire, certaines études ont des opinions différentes. Pour certaines, le « tapping » entraînerait des modifications électromyographiques dans les muscles vaste-latéral et médial lors d’exercices concentriques et excentriques sur marches d’escaliers [2]. D’autres ne retiennent pas d’action musculaire et objectivent un gain sur d’autres paramètres tels que la vitesse d’exécution et le moment extenseur pour les mêmes activités [13]. Il faut aussi évoquer la possibilité d’un effet placebo même si une étude récente randomisée, réalisée en aveugle sur 87 patients atteints de gonarthrose selon les critères ACR a montré une action antalgique d’un dispositif élastique adhésif par rapport à l’utilisation d’une simple genouillère et en

l’absence de contention [7]. Il faut cependant remarquer que cette étude porte sur des patients atteints de gonarthrose globale sans distinguer un sous-groupe de patients atteints d’arthrose fémoro-patellaire isolée et que le dispositif appliqué n’est pas décrit avec précision. De plus il nous paraît difficile que plusieurs praticiens puissent réaliser exactement la même contention et enfin, un dispositif élastique adhésif laissé en place durant une semaine n’a probablement pas la même efficacité à J1 et J7. Dans notre expérience, en cas de gonalgie, le « tapping » permet une amélioration immédiate des douleurs lorsque la part liée à l’atteinte fémoro-patellaire prédomine. Dans ce contexte, on peut concevoir ces dispositifs comme un test diagnostic. En accord avec certaines études, leur utilisation lors de la phase de rééducation ne nous paraît pas un bénéfice supplémentaire [9]. En cas d’arthrose fémoro-patellaire symptomatique, la contention adhésive nous paraît un préalable à la rééducation afin de stabiliser les lésions arthrosiques en complément des traitements médicamenteux habituels.

ARTHROSE FÉMORO-PATELLAIRE ET TRAITEMENTS MÉDICAMENTEUX À notre connaissance, il n’existe pas d’étude évaluant spécifiquement une thérapeutique médicamenteuse dans l’arthrose fémoro-patellaire isolée. Mais si l’on considère que cette arthrose évolue dans une atteinte plus globale du genou, on se reportera aux nombreuses études correspondantes quant à l’utilisation des AINS, des visco-suppléments et des chondro-modulateurs. L’arthrose fémoro-patellaire dont la symptomatologie clinique n’est pas spécifique, évolue le plus souvent dans une gonarthrose globale dont le traitement fait appel aux mesures médicamenteuses et non médicamenteuses habituelles. Une prise en charge thérapeutique spécifique de l’atteinte fémoro-patellaire sera d’autant plus bénéfique qu’un élément d’instabilité aura été retrouvé avec au premier rang de cette prise en charge, la contention élastique adhésive, à visée antalgique et de mise au repos, le renforcement musculaire du quadriceps et surtout du vaste médial et un assouplissement des structures capsuloligamentaires et ou musculaires perturbant le jeu physiologique de l’articulation fémoro-patellaire.

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