Troubles conversifs, troubles factices, simulations : approche clinique

Troubles conversifs, troubles factices, simulations : approche clinique

Annales Me´dico-Psychologiques 168 (2010) 286–290 Communication Troubles conversifs, troubles factices, simulations : approche clinique Conversion d...

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Annales Me´dico-Psychologiques 168 (2010) 286–290

Communication

Troubles conversifs, troubles factices, simulations : approche clinique Conversion disorders, factitious disorders, malingering: Clinical approach T. Lempe´rie`re 28, rue des Acacias, 75017 Paris, France

Re´sume´ Dans la pratique clinique, on rencontre divers types de proble`mes : (1) l’association fre´quente entre les troubles conversifs et une pathologie organique (e´pilepsie et pseudocrises) ; (2) les troubles factices greffe´s sur une maladie organique (diabe`te, asthme) ; (3) la sursimulation chez un hyste´rique. # 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s. Mots cle´s : Hyste´rie ; Simulation ; Troubles de conversion ; Troubles factices

Abstract Some kinds of problems are encountered in clinical practice: (1) frequent association between conversion disorder and organic pathology (epilepsy and hysterical fits); (2) factitious disorders overloading an organic pathology (diabetes, asthma); (3) malingering overloading conversion disorder. # 2010 Elsevier Masson SAS. All rights reserved. Keywords: Conversion disorders; Factitious disorders; Hysteria; Malingering

Actuellement, c’est un domaine qu’abordent rarement les psychiatres, sinon ceux qui travaillent en psychiatrie de liaison. Pourtant la litte´rature sur le sujet est conside´rable, e´manant de services de me´decine interne ou de certaines spe´cialite´s, la ` la lecture des publications, certaines neurologie notamment. A constatations s’imposent. L’e´volution du savoir et des pratiques me´dicales n’a pas e´te´ sans retentir sur la physionomie des symptoˆmes. Le trouble douloureux supplante progressivement les formes d’expression plus grossie`re a` type d’accidents conversifs. Les interventions chirurgicales inutiles se sont rare´fie´es mais l’accumulation des examens paracliniques va parfois encore au-dela` du raisonnable. Le savoir des malades s’est lui aussi enrichi avec la vulgarisation me´dicale et l’utilisation d’Internet, ce qui peut donner lieu a` des conduites pathologiques tre`s sophistique´es. Le regard des praticiens sur ces pathologies dites fonctionnelles ou psychoge`nes a change´ ou est en voie de changement. Les attitudes ne´gatives, agressivite´, rejet, sont moins ouvertement affiche´es. Beaucoup cherchent a` comprendre la complexite´ des proble`mes de patients maintenant conside´re´s comme de « vrais malades »

dont la de´tresse, l’invalidite´ et la chronicite´ me´ritent autant d’attention que celles de patients pre´sentant une pathologie organique identifie´e [22]. Il faut enfin souligner l’apport des recherches multidisciplinaires faisant appel aux neurosciences, a` l’e´lectrophysiologie, a` l’imagerie ce´re´brale. Elles ont beaucoup apporte´ a` notre connaissance des me´canismes physiopathologiques a` l’œuvre dans certains troubles : accidents conversifs sensitivomoteurs, amne´sies psychoge`nes, voire conduites de simulation [9,19]. Toutefois dans la pratique quotidienne, la clinique garde ses droits. 1. Troubles de conversion Dans le DSM-IV-TR, le trouble de conversion appartient a` la cate´gorie tre`s he´te´roge`ne des troubles somatoformes. Il se manifeste par un ou plusieurs symptoˆmes ou de´ficits touchant la motricite´ volontaire ou les fonctions sensitives ou sensorielles qui ne peuvent s’expliquer par une affection me´dicale ge´ne´rale ou les effets d’une substance. Ces symptoˆmes ou de´ficits ne sont pas produits intentionnellement

0003-4487/$ – see front matter # 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s. doi:10.1016/j.amp.2010.03.003

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ou feints (ce qui les distingue des troubles factices ou de la simulation), entraıˆnent une souffrance ou une alte´ration du fonctionnement social significatives, ne sont pas mieux explique´s par un autre trouble mental (y compris le trouble somatisation). De plus le diagnostic implique (crite`re B) que des facteurs psychologiques soient associe´s au symptoˆme ou au de´ficit (leur survenue ou leur aggravation a e´te´ pre´ce´de´e par des conflits ou d’autres facteurs de stress). On sait que ce crite`re a e´te´ controverse´ a` la fois parce qu’il rompt avec le caracte`re athe´orique des crite`res des DSM et parce qu’il introduit un e´le´ment subjectif d’appre´ciation, source d’erreurs de diagnostic [10]. Il y a aussi des discussions, dans la perspective du futur DSM-V, sur la place du trouble de conversion dans la cate´gorie des troubles somatoformes. Certains auteurs proposent un rapprochement entre troubles de conversion et troubles dissociatifs (comme dans la souscate´gorie F44 de la CIM-10) avec e´ventuellement pour eux une cate´gorie autonome [11,16]. Les de´ficits sensoriels (vision floue, ce´cite´, surdite´) sont assez rares. La plupart des malades pre´sentent une symptomatologie pseudo-neurologique : de´ficit moteur et/ou sensitif, astasie-abasie, crises e´pileptiformes, tremblements, dystonies, aphonie. . . Ils repre´sentent environ 5 % des patients vus en consultation de neurologie [22]. Pour le diagnostic, ce qui prime ce sont les constatations cliniques (inconsistance de la symptomatologie, absence de signe le´sionnels) et la ne´gativite´ des examens paracliniques. D’autres troubles psychiques sont souvent associe´s : troubles de´pressifs (environ 20 % des cas) et surtout pathologies de la personnalite´ (borderline, de´pendante, histrionique, sociopathique) tre`s fre´quentes mais non constantes. Chez environ 30 % des patients, il existe des intrications « hyste´ro-organiques », l’affection neurologique (e´pilepsie, se´quelles de trauma craˆnien, ence´phalopathie) fournissant un mode`le symptomatique aux accidents de conversion ou favorisant leur survenue par des me´canismes que les neurophysiologistes commencent a` e´lucider [5,19]. Outre ces pathologies intrique´es, les troubles moteurs a` type de dystonies ou tremblements, les e´pilepsies du lobe frontal, la scle´rose en plaques, la myasthe´nie, sont des affections parfois prises a` tort pour des manifestations purement conversives. Avec l’ame´lioration des proce´dures diagnostiques, ces erreurs se sont rare´fie´es. On les estime a` 4 % avec un recul de cinq ans [22]. Un des proble`mes les plus e´tudie´s a` l’heure actuelle est celui des pseudocrises d’e´pilepsie d’origine psychoge`ne qui sont souvent des manifestations conversives/dissociatives [6,15,17]. Elles s’observent jusqu’a` 20 % des patients explore´s en centre d’e´pileptologie pour e´pilepsie re´fractaire aux traitements (inte´reˆt de la vide´o-EEG) et s’associent dans environ un tiers des cas a` une e´pilepsie authentique. Lorsque ces pseudocrises psychoge`nes se prolongent, elles peuvent en imposer pour un e´tat de mal et entraıˆner un se´jour en re´animation. Il n’est pas rare que ces manifestations soient re´cidivantes. De telles crises, voire des pseudoe´tats de mal sont parfois retrouve´s dans la biographie de patients pre´sentant un syndrome de Mu¨nchausen. Il s’agirait alors de crises simule´es dans le cadre d’un trouble factice.

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2. Troubles factices Le DSM-IV-TR individualise un trouble factice dont les crite`res sont :  la production ou la feinte intentionnelle de signes ou de symptoˆmes physiques ou psychologiques ;  la motivation du comportement qui est de jouer le roˆle de malade ;  l’absence de motifs exte´rieurs a` ce comportement (par exemple, obtenir de l’argent, fuir une responsabilite´ le´gale, ame´liorer sa situation mate´rielle ou physique comme dans la simulation). Il en spe´cifie trois types selon que pre´domine la symptomatologie physique (on retrouve ici le tableau de la pathomimie individualise´e par Dieulafoy en 1908) ou la symptomatologie psychologique ou que les deux soient associe´es sans pre´dominance de l’une d’entre elles. Le diagnostic de trouble factice est porte´ chez environ 1 % des patients vus en psychiatrie de liaison a` l’hoˆpital ge´ne´ral. Il de´bute en ge´ne´ral entre 15 et 35 ans et s’observe chez la femme dans les trois quarts des cas. Les pre´sentations sont extreˆmement varie´es [7,12,13] :  fie`vres simule´es (manipulations du thermome`tre) ou provoque´es (injection de mate´riel septique) ;  pathomimies cutane´es (bulles, ulce´rations, plaies gangre´neuses) assez fre´quentes car faciles a` re´aliser et s’imposant d’emble´e au regard de l’observateur [3] ;  lymphœde`me d’un doigt ou d’un membre par pose clandestine de garrot ;  he´morragies provoque´es par prise d’anticoagulants ou coupures a` la base de la langue (pseudo-he´moptysies) ;  ane´mies hypochromes autocre´e´es par ponctions veineuses ite´ratives (syndrome de Lasthe´nie de Ferjol de´crit par J. Bernard et al. [2]) ou re´sultant de dons du sang trop rapproche´s ;  pathomimies neurologiques, probablement fre´quentes, souvent non diagnostique´es (pseudocrises, pseudocomas, de´ficit moteur) ;  pathomimies endocrinome´taboliques (hyperthyroı¨dies par ingestion d’extraits thyroı¨diens, hypoglyce´mies par injections d’insuline ou ingestion d’hypoglyce´miants). Bien d’autres varie´te´s peuvent se voir. Insistons surtout sur les pathomimies greffe´es sur une authentique pathologie (diabe`te, e´pilepsie, asthme), le patient manipulant de´libe´re´ment son traitement ou s’exposant a` des facteurs de risque pour provoquer des crises ou des complications. La pathologie psychiatrique factice semble plus rare que les formes d’expression somatique. Elle est probablement sousdiagnostique´e, les psychiatres e´voquant rarement cette e´ventualite´ hors du contexte me´dicole´gal [20]. Classiquement, il s’agit de syndrome de Ganser, de pseudopsychoses (alle´gations d’hallucinations ou d’ide´es de´lirantes), de pseudode´mences. Deux syndromes ont e´te´ repe´re´s plus re´cemment.

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2.1. Syndrome factice d’e´tat de stress post-traumatique Le syndrome factice d’e´tat de stress post-traumatique est bien connu aux E´tats-Unis dans les centres spe´cialise´s dans la prise en charge de ve´te´rans du Vietnam mais s’observe aussi dans d’autres contextes que militaires (accidents du travail ou de la voie publique). L’inte´reˆt ge´ne´ral porte´ a` la victimologie en a probablement favorise´ la survenue. Le diagnostic est difficile : dramatisation de troubles re´els pour eˆtre pris en conside´ration ? Sursimulation sous-tendue au moins en partie par des motivations utilitaires (indemnisations, mise en invalidite´) ? Pure simulation (c’est le cas du ve´te´ran qui c’est jamais alle´ au combat mais qui connaıˆt par cœur le syndrome de re´pe´tition) ? Trouble factice ? Ici, les alle´gations de viol, de tortures, d’accident sont purement fabulatoires mais le pseudo-e´tat de stress post-traumatique (ESPT) n’est qu’un des multiples troubles factices repe´re´s dans la biographie du sujet (syndrome de Mu¨nchausen le plus souvent). 2.2. Deuils factices Les deuils factices [18,21] ou` les patients, qui pre´sentent un tableau d’allure de´pressive, font e´tat du de´ce`s re´cent d’un proche (de´ce`s brutal, circonstances dramatiques), alle´gations qui attirent la compassion des soignants avant qu’elles ne se re´ve`lent purement fabulatoires. Certains patients ont pu suivre une longue psychothe´rapie de deuil mais la plupart des deuils factices s’inscrivent dans la biographie de patients de type Mu¨nchausen. Le diagnostic de trouble factice est a` e´voquer devant l’allure inhabituelle du tableau clinique, la discordance entre la clinique et les examens paracliniques, l’e´volution de´routante des symptoˆmes, l’histoire me´dicale embrouille´e (renseignements inexacts aiguillant sur une fausse piste, parfois multihospitalisations pour des pathologies reste´es impre´cises). La preuve mate´rielle n’est pas toujours obtenue et ne doit pas eˆtre cherche´e a` tout prix, pas plus qu’il ne faut forcer le malade aux aveux. Le comportement pathomimique est presque toujours le fait de sujet affectivement et socialement isole´s. Leur enfance a souvent e´te´ marque´e par des carences ou des se´vices graves (enfants de l’assistance publique [AP], enfants maltraite´s, rejete´s, abuse´s). Adultes, ils n’arrivent pas a` nouer des relations affectives stables. L’e´volution est souvent chronique avec des pousse´es et des re´missions plus ou moins longues. Les complications sont fre´quentes, parfois tre`s graves (septice´mie, gangre`ne, amputation). Des e´pisodes de´pressifs, des conduites suicidaires, l’abus d’alcool ou de tranquillisants s’observent souvent a` un moment de l’e´volution. Le de´ce`s par suicide n’est pas rare. Ce qui spe´cifie le pathomime, c’est sa relation particulie`re avec la maladie et avec les me´decins. La maladie lui sert d’instrument de puissance et de manipulation. « Les me´decins peuvent me soigner, ils ne me gue´riront pas », disait une malade de Corraze [3]. Une de nos malades, fille et sœur d’e´minents me´decins, elle-meˆme infirmie`re, qui se faisait saigner, avait eu une laparotomie exploratrice dans un CHU parisien. Des anne´es plus tard, elle me confiait avec une e´vidente satisfaction :

« C’est quand meˆme inouı¨ que, dans ce service de pointe, personne n’ait re´ussi a` diagnostiquer la vraie raison de mes saignements. » La relation particulie`re du pathomime avec la me´decine date souvent de l’enfance : appartenance a` une famille de me´decin, expe´rience pre´coce de maladie, d’hospitalisation, ou` le personnage du me´decin et le monde de la me´decine ont e´te´ particulie`rement investis. La fre´quente appartenance aux professions parame´dicales a e´te´ signale´e depuis longtemps [2,4]. Le me´decin est la figure centrale du sce´nario pathomimique. Avec lui se rejouent les conflits d’ambivalence, amour/haine, passivite´/activite´, re´pe´tition d’expe´riences infantiles d’agression et de rejet qui peuvent avoir perturbe´ le de´veloppement d’une personnalite´ de toute e´vidence pathologique : de´fenses fragiles, identifications oscillantes (agresseur/agresse´), avidite´ affective et incapacite´ a` la vivre, d’ou` le cycle des demandes massives de soins et des brutales ruptures agressives, tre`s caracte´ristiques de ces patients qui ne savent utiliser que la maladie pour formuler leur de´tresse et leurs angoisses dans une relation sadomasochiste ou` le me´decin risque d’eˆtre trop engage´. Les pulsions masochistes sont inte´gre´es au syste`me de de´fense mais la gravite´ des atteintes corporelles te´moigne, chez certains, de l’intensite´ des forces autodestructrices [3,12]. Le terme de syndrome de Mu¨nchausen, cre´e´ par Asher en 1951 [1], rend compte d’un tableau clinique complexe associant :  une symptomatologie factice inquie´tante et parfois dramatique, reque´rant des soins d’urgence. Les tableaux pre´sente´s sont tre`s varie´s, de´pendant de la culture me´dicale souvent fort e´tendue du patient (pseudope´ritonite, pseudo-infarctus, he´morragies, pseudocomas). Ils entraıˆnent une multiplicite´ d’investigations ;  une mythomanie qui falsifie tout ou une partie de l’histoire du patient : ses ante´ce´dents pathologiques (alle´gations de trauma craˆnien, d’agression re´cente ; mise en avant du diagnostic ante´rieurement porte´ d’une maladie « inte´ressante ») ; sa biographie pre´sente´e sous un jour qui retient l’attention (profession valorisante, relations avantageuses) ou suscite la compassion (drames familiaux, deuils factices) ; son identite´ (utilisation fre´quente d’un pseudonyme). Les sce´narios peuvent changer d’une urgence a` l’autre, souvent ils sont ste´re´otype´s ;  une tendance a` l’errance qui me`ne le patient d’hoˆpital en hoˆpital, de ville en ville, sans travail re´gulier, avec parfois des se´jours en prison. Arrive´ seul a` l’hoˆpital, il n’y rec¸oit ni visite ni courrier. On documente chez certains sujets plus de 100 hospitalisations. En ge´ne´ral, celles-ci sont courtes, quelques jours, voire quelques heures, se terminant brutalement (fugue, sortie contre avis me´dical) souvent a` l’occasion d’un conflit ouvert avec les soignants. Au sein des troubles factices, le syndrome de Mu¨nchausen se singularise par la pre´dominance du sexe masculin, l’importance de la dimension sociopathique (notamment de la de´linquance), la fre´quence des proble`mes d’alcool et/ou de drogues, la mythomanie flamboyante [7].

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Il faut aussi souligner la fre´quence des pre´sentations d’allure psychiatrique. M.-J. Guedj et J. Bessis rele`vent ainsi chez des sans domiciles fixes (SDF) vus en urgence au centre psychiatrique d’orientation et d’accueil (CPOA) de Sainte-Anne la fre´quence des comportements de ce type. Un de leurs patients e´tait venu 126 fois en 20 ans avec un taux d’hospitalisation au sortir de l’urgence de 25 %, sans pour autant que la nonhospitalisation le de´range beaucoup. Les troubles invente´s sont tre`s varie´s : symptoˆmes de troubles bipolaires ou d’ESPT, hallucinations auditives, ide´es ou pulsions irre´sistibles de ` cela s’ajoute une « me´galomanie suicide, de viol, de meurtre. A du malheur » (pertes terribles, drames familiaux, deuils factices). « Le discours adresse´ aux psychiatres en urgence en impose d’abord pour une simulation dont le but e´vident serait d’obtenir une hospitalisation-he´bergement. Pourtant il est moins difficile qu’il n’y paraıˆt, en ajoutant une certaine e´coute a` ce discours, d’en de´vier le but utilitaire initial, laissant apparaıˆtre finalement l’aspect mythomaniaque de reconstruction identitaire » [8]. Un des traits les plus remarquables de cette pathologie est l’absence de demande the´rapeutique et l’habituelle impossibilite´ d’e´tablir une relation suivie. Tout se passe comme si le patient « retrouvait une cohe´rence interne dans l’incohe´rence meˆme de sa conduite ; comme si une sorte d’e´quilibre (la re´solution de l’angoisse ?) e´tait obtenue mais au prix d’un comportement tellement astreignant qu’il ne permet plus aucun investissement » [7]. 3. Simulation Elle figure dans le DSM-IV-TR a` la rubrique des « situations supple´mentaires pouvant faire l’objet d’un examen clinique ». Sa caracte´ristique essentielle est la production intentionnelle de symptoˆmes physiques ou psychologiques inauthentiques ou grossie`rement exage´re´s, motive´s par des incitations exte´rieures (e´viter des obligations militaires, e´viter de travailler, obtenir des compensations financie`res, e´viter des poursuites judiciaires ou obtenir des drogues). Le DSM-IV-TR pre´cise de plus que dans certaines circonstances, la simulation peut repre´senter un comportement adapte´ (le prisonnier de guerre simulant une maladie) et indique qu’en situation me´dicale la simulation doit eˆtre fortement suspecte´e en pre´sence d’une ou de plusieurs manifestations suivantes :  le contexte me´dicole´gal ;  la discordance entre la souffrance ou l’incapacite´ rapporte´e et les re´sultats objectifs de l’examen ;  le manque de coope´ration au cours de l’e´valuation diagnostique et le manque d’observance du traitement prescrit ;  l’existence d’une personnalite´ antisociale. Bien des commentaires sont a` faire [14]. La notion de simulation normale, comportement adapte´, introduit un jugement de valeur sur le comportement. Si tous s’accordent sur le bien-fonde´ de la simulation chez le prisonnier de guerre, que dire de la femme qui exage`re ses symptoˆmes somatiques pour obtenir, avec l’appui plus ou moins tacite de

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son me´decin, un statut de malade lui permettant de s’occuper a` domicile d’un enfant handicape´ ou d’une me`re alzheime´rienne. Le jugement e´thique, la gravite´ de l’enjeu sont questions d’appre´ciations personnelles et de´pendent dans une large mesure du contexte socioculturel [9]. Si l’on se re´fe`re a` « la production intentionnelle des symptoˆmes, on constate que tous les interme´diaires existent entre la conduite de´libe´re´e de l’escroc aux assurances (apre`s avoir souscrit un contrat avantageux, il simule un accident et une invalidite´ conse´cutive) et l’intentionnalite´ inconsciente du trouble de conversion ». L’hyste´rique peut simuler (sursimuler) des symptoˆmes a` l’appui des be´ne´fices secondaires dont il a, au moins partiellement, conscience. Des mode`les familiaux, des mode`les me´dicaux, des facteurs socioculturels peuvent faciliter la survenue de ces conduites de simulation et en structurer la pre´sentation. L’inflation des pseudo-ESPT en est un exemple. On peut rappeler le contexte ou` s’est de´veloppe´e aux E´tats-Unis l’e´pide´mie de Personnalite´ Multiple apre`s son introduction dans le DSM-III : diagnostic acceptable culturellement, plus fascinant pour les the´rapeutes et plus valorisant pour les malades que celui d’hyste´rie ; conceptualisation comme un ESPT chronique re´sultant de se´vices sexuels subis dans l’enfance ; orchestration me´diatique. Le pathomime qui simule n’a pas pleine conscience des significations de sa conduite. Il en perc¸oit d’e´ventuels be´ne´fices secondaires, a` vrai dire de´risoires si l’on conside`re son existence mise´rable et la gravite´ des complications, mais les motivations originelles lui e´chappent. ` travers le vague sentiment qu’il simule ou qu’il joue, il «A garde la conviction qu’il se conduit encore normalement » (Corraze [3]). S’il est de´masque´, il nie farouchement : « Il faudrait que je sois fou pour agir ainsi. » Avouer la simulation, ce serait de´voiler sa fragilite´ psychologique sur laquelle il s’aveugle et qui l’ame`ne a` fuir dans des sce´narios dont il se croit le maıˆtre et ou` il tente de retrouver la cohe´sion de sa personne et l’estime de soi [3]. En matie`re pe´nale, la simulation est ge´ne´ralement celle de troubles mentaux. Lors d’expertises en matie`re civile, on observe surtout des plaintes douloureuses ou des plaintes cognitives (apre`s trauma craˆnien d’intensite´ le´ge`re ou mode´re´e, accidents de travail ou de la voie publique) [14]. Les psychologues ou neuropsychologues ont de´veloppe´ des batteries de tests destine´s a` e´valuer plus objectivement l’authenticite´ des plaintes douloureuses ou des de´ficits cognitifs (congruence ou non de leurs constatations avec celles des cliniciens et celles alle´gue´es par le patient), mais il n’y a pas consensus sur la validite´ des diffe´rentes e´preuves [14,19]. En imagerie ce´re´brale, les modifications du fonctionnement ce´re´bral observe´es lors de troubles de conversion diffe`rent de celles observe´es chez des sujets a` qui on a demande´ de simuler le meˆme de´ficit fonctionnel [9]. Mais ce n’est pas la meˆme chose de simuler sur commande et de simuler volontairement dans un but utilitaire. Bien des proble`mes restent a` re´soudre et, sur un plan pratique, la clinique garde son importance. Conflit d’inte´reˆt Aucun.

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Discussion

Dr J. Birenbaum – Quel est l’e´le´ment de diagnostic diffe´rentiel entre un trouble factice ou une simulation ? Et quelle est son e´ventuelle prise en charge par la Se´curite´ sociale ? Pr J.-F. Allilaire – Eˆtes-vous favorable a` la re´unification des troubles dissociatifs et du trouble conversion qui avaient e´te´ se´pare´s dans les versions des DSM-III et IV et qui semblent devoir eˆtre a` nouveau rassemble´s dans le futur DSM-V ? Seraitce une re´habilitation de l’hyste´rie ? Pr M. Laxenaire – En vous fe´licitant pour cet expose´ exhaustif, je voulais vous demander ce qui avait re´ellement change´ dans les troubles de conversion depuis votre rapport initial. Re´ponse du rapporteur – Au Dr Birenbaum – Dans le trouble factice, la motivation du comportement est de jouer le

roˆle du malade ; le patient n’a pas pleine conscience des significations de sa conduite. Chez le simulateur, la production de symptoˆmes est motive´e par des incitations exte´rieures, financie`res ou judiciaires le plus souvent. Au Pr Allilaire – Il me paraıˆtrait logique de rapprocher les troubles conversifs et les troubles dissociatifs comme dans la CIM-10. Certains proposent de les regrouper dans une cate´gorie a` part, ce qui e´quivaudrait a` re´habiliter l’hyste´rie, mais la majorite´ des experts ne sont pas favorable a` cette option. Au Pr Laxenaire – Les manifestations pseudo-neurologiques restent de beaucoup les plus fre´quentes mais sont moins spectaculaires. On ne voit plus gue`re de camptocormies ou de « gros ventres hyste´riques » assez fre´quents lorsque j’ai de´bute´ mes e´tudes de psychiatrie. Il y a encore des petites e´pide´mies d’hyste´rie.

DOI de l’article original : 10.1016/j.amp.2010.03.003 0003-4487/$ – see front matter # 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s. doi:10.1016/j.amp.2010.03.004