Une technique originale pour traiter une pseudarthrose itérative de l’ulna : le transfert osseux vascularisé de radius

Une technique originale pour traiter une pseudarthrose itérative de l’ulna : le transfert osseux vascularisé de radius

Revue de chirurgie orthopédique et traumatologique (2011) 97S, S89—S92 TRAVAUX DE LA SOCIÉTÉ D’ORTHOPÉDIE ET DE TRAUMATOLOGIE DE L’OUEST. RÉUNION DE ...

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Revue de chirurgie orthopédique et traumatologique (2011) 97S, S89—S92

TRAVAUX DE LA SOCIÉTÉ D’ORTHOPÉDIE ET DE TRAUMATOLOGIE DE L’OUEST. RÉUNION DE LA ROCHELLE, JUIN 2010. NOTE DE TECHNIQUE

Une technique originale pour traiter une pseudarthrose itérative de l’ulna : le transfert osseux vascularisé de radius夽 Radius graft pedicled on the anterior interosseus artery for recurrent ulnar non-union C. Andro a,∗, J. Richou b, P. Schiele a, W. Hu b, D. Le Nen b a b

Hôpital d’instruction des armées Clermont-Tonnerre, rue du Colonel-Fonferrier, CC 41, 29240 Brest cedex 9, France CHU de la Cavale-Blanche, boulevard Tanguy Prigent, 29609 Brest cedex, France

MOTS CLÉS Pseudarthrose itérative ; Ulna ; Transfert osseux vascularisé

Résumé Les pseudarthroses itératives de l’ulna engagent le pronostic fonctionnel et posent des problèmes majeurs de stratégie thérapeutique. Nous rapportons le cas d’une patiente présentant une pseudarthrose itérative de la diaphyse ulnaire, malgré des traitements successifs. Un transfert osseux de radius vascularisé de manière antérograde sur l’artère interosseuse antérieure a permis d’obtenir une consolidation en trois mois, sans séquelle fonctionnelle. Nous proposons pour la première fois une alternative thérapeutique faisant appel à un lambeau interosseux antérieur à pédicule proximal. Cette technique peut être réalisée sous anesthésie locorégionale et ne sacrifie pas d’artère principale à l’avant-bras. En revanche, la taille du greffon ne permet pas de répondre aux pertes de substance segmentaire. Le greffon radial pédiculé sur l’artère interosseuse antérieure est une technique permettant de résoudre astucieusement le problème des pseudarthroses difficiles de l’ulna sans avoir les inconvénients du prélèvement de fibula vascularisée. © 2011 Publi´ e par Elsevier Masson SAS.

Introduction

DOI de l’article original : 10.1016/j.otsr.2011.03.005. Ne pas utiliser, pour citation, la référence franc ¸aise de cet article, mais celle de l’article original paru dans Orthopaedics &Traumatology : Surgery & Research, en utilisant le DOI ci-dessus. ∗ Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (C. Andro). 夽

1877-0517/$ – see front matter © 2011 Publi´ e par Elsevier Masson SAS. doi:10.1016/j.rcot.2011.03.017

La littérature concernant les pseudarthroses isolées de l’ulna est pauvre. Il s’agit d’une complication relativement peu fréquente, d’une part, et sa prise en charge chirurgicale conventionnelle produit de bons résultats, d’autre part [1,2]. En revanche, lorsque la pseudarthrose devient itérative, elle engage le pronostic fonctionnel du patient à long terme

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C. Andro et al.

Figure 2

Figure 1

Pseudarthrose diaphysaire itérative de l’ulna.

et pose des problèmes majeurs de stratégie thérapeutique. À partir d’un cas clinique, nous détaillerons une nouvelle technique faisant appel à un transfert osseux vascularisé de radius pédiculé sur l’artère interosseuse antérieure à flux antérograde.

Cas clinique Nous rapportons le cas d’une patiente de 61 ans, droitière, agricultrice, non-fumeuse, qui présentait une pseudarthrose itérative à vingt-six mois d’une fracture fermée du tiers moyen de la diaphyse de l’ulna droit. Aucune consolidation ne fut obtenue malgré des traitements successifs comprenant : une ostéosynthèse par une plaque en compression, une cure chirurgicale de pseudarthrose par décortication et greffe cortico-spongieuse autologue, suivi d’un traitement par champs électromagnétique pulsé associé à une cure de vitamine D (Fig. 1). Dans ce contexte, nous avons d’abord discuté le transfert de fibula libre, mais celui-ci nous parut trop lourd et disproportionné par rapport à la perte de substance cavitaire. C’est pour cela que nous sommes intervenus par un transfert osseux vascularisé de radius pédiculé sur l’artère interosseuse antérieure à flux antérograde.

Voie d’abord.

des tissus dévascularisés et la reperméabilisation médullaire des extrémités proximale et distale de l’ulna. Le parage aboutit à une perte de substance cavitaire, taillée en forme de sarcophage pour accueillir le greffon. Dans un second temps, nous avons réalisé le prélèvement du greffon radial vascularisé par la branche postérosupérieure de l’artère interosseuse antérieure et de taille adaptée à la perte de substance ulnaire. Le poignet étant en pronation, la voie d’abord fut postérieure sur une ligne rejoignant en proximal la première voie d’abord et en distal le tubercule de Lister. Le long extenseur du pouce a été repéré et écarté en ulnaire et le court extenseur du pouce en radial. La face dorsale du radius fut ainsi exposée et les branches postérieures proximales et distales de l’artère interosseuse antérieure repérées. La membrane interosseuse fut ouverte en proximale sur cinq centimètres. Puis nous avons ligaturé l’anastomose entre la branche postérieure proximale et l’artère interosseuse postérieure. Le greffon cortico-spongieux vascularisé sur la branche postérieure proximale de l’artère interosseuse antérieure fut prélevé à la face dorsale du radius. Il mesurait 8 mm de large sur 2 cm de long. Le pédicule a été libéré de distal en proximal. Le transplant fut passé à travers la membrane interosseuse avec précaution, et encastré dans la perte de substance ulnaire préparée en forme de sarcophage. Il fut dans un premier temps fixé au moyen de deux broches de Kirchner. Une plaque verrouillée sept trous stabilisa l’ensemble du montage. Nous avons fermé en deux plans sur un drain. Le bras fut immobilisé au moyen d’un plâtre brachio-antibrachio-palmaire, coude à 90◦ , et en supination pendant six semaines (Fig. 3 et 4).

Technique chirurgicale L’intervention fut réalisée sous anesthésie locorégionale, sur table à bras et sous garrot pneumatique avec exsanguination modérée. La voie d’abord s’est étendue du tubercule de lister en distal jusqu’à la crête de l’ulna, permettant à la fois l’exposition du foyer de pseudarthrose, le prélèvement du transfert osseux vascularisé et la dissection du pédicule interosseux antérieur (Fig. 2). Dans un premier temps, le foyer de pseudarthrose fut abordé pour réaliser l’ablation de la plaque vissée, l’exérèse

Figure 3 Prélèvement du greffon radial pédiculé sur l’artère interosseuse antérieure.

Pseudarthrose itérative de l’ulna : transfert osseux vascularisé de radius

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Figure 4 Technique de prélèvement du greffon. TOV : transfert osseux vascularisé ; MOI : membrane interosseuse ; CEP : court extenseur du pouce ; LEP : long extenseur du pouce ; Bch post proximale : branche postérieure proximale de l’artère interosseuse antérieure ; Bch post distale : branche postérieure distale de l’artère interosseuse antérieure.

Résultats La consolidation du foyer fut obtenue à trois mois du transfert osseux vascularisé, soit vingt-neuf mois après la fracture. À six mois de la dernière intervention, le résultat fonctionnel était très satisfaisant puisque la patiente ne présentait aucune douleur et les mobilités étaient complètes en flexion extension du poignet et du coude et en prono-supination. La cicatrice était non inflammatoire, non adhérente et relativement discrète. La patiente a repris son activité professionnelle (Fig. 5).

Discussion Les pseudarthroses isolées sans perte de substance de l’ulna sont rares, et répondent bien au traitement chirurgical

Figure 5

Consolidation à trois mois.

Figure 6 Schéma de la vascularisation de l’extrémité distale du radius (vue postérieure d’un poignet droit). Bch post proximale : branche postérieure proximale de l’artère interosseuse antérieure sur laquelle est prélevé le greffon osseux vascularisé ; IOA : artère interosseuse antérieure ; IOP : artère interosseuse postérieure ; Bch post distale : branche postérieure distale de l’artère interosseuse antérieure.

conventionnel de décortication greffe. En revanche, les pseudarthroses itératives résistantes aux techniques traditionnelles posent de véritables problèmes de stratégie thérapeutique. Les transferts osseux vascularisés pédiculés ont trouvé leurs principales indications dans la reconstruction osseuse autour du poignet et de la main [3—8]. L’avantage de ces greffes vascularisées est l’apport d’un tissu ostéogénique vivant à faible résorption permettant une consolidation précoce et une meilleure résistance mécanique. Les transferts pédiculés permettent une greffe en un seul temps, sur le même site opératoire sous anesthésie locorégionale. Les lambeaux interosseux antérieurs ont été décrits par D. Martin et al. en 1989 [6] et W. Hu et al. en 1994 [4,5]. Leur vascularisation repose sur la branche perforante postérieure proximale de l’artère interosseuse antérieure qui traverse la membrane interosseuse huit à douze centimètres au-dessus de l’interligne radiocarpien dans sa variation anatomique la plus fréquente (type 1) (Fig. 6). Il est habituellement utilisé sous sa forme à flux rétrograde pour les pertes de substance autour du poignet et de la main. Hu et al. [5] rapportent déjà dans son article princeps un cas à pédicule direct (flux antérograde) pour une perte de substance d’un tiers distal de l’avant bras. Il évoque également son utilisation pour l’un tiers proximal, à condition de prolonger en amont la dissection de l’artère interosseuse antérieure en sectionnant la membrane interosseuse cinq centimètres en proximal. Les auteurs rapportent pour la première fois un cas d’utilisation de ce lambeau sous sa forme osseuse pure, à pédicule proximal, pour une pseudarthrose d’un tiers supérieur de l’avant bras. Celui-ci nous a permis de résoudre le problème difficile de la pseudarthrose itérative de l’ulna.

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C. Andro et al.

Tableau 1 Avantages et inconvénients du transfert osseux vascularisé de radius pédiculé sur l’artère interosseuse antérieure à flux antérograde. Avantages

Inconvenients

Anesthésie locorégionale

Pseudarthrose non segmentaire Techniquement difficile Cicatrice inesthétique Fracture du site donneur

Site opératoire unique Faible résorption Tissu ostéogénique vivant (participation active au processus biologique de consolidation) Consolidation rapide

Risque théorique de trouble de la prono-supination

Pas de sacrifice d’artère principale Fiable Lambeau composite

Sa consolidation rapide en trois mois et le bon résultat fonctionnel sont concordants avec les résultats d’autres séries décrites dans la littérature pour ce transfert vascularisé mais à flux rétrograde pour les pertes de substance autour de la main. Cependant, ce transfert osseux vascularisé ne permet pas de répondre aux pertes de substances segmentaires étendues. Ses indications résident dans les pertes de substances limitées, cavitaires, bien qu’il puisse être associé à une greffe autologue conventionnelle pour les defects plus importants. La taille du greffon est limitée en largeur en raison du risque de fracture au niveau du site donneur. Dos Remedios et Schoofs [3] rapportent un cas de fracture sur une série de quinze cas, suite à un prélèvement volumineux. La longueur du greffon peut s’étendre de l’épiphyse jusqu’à la partie basse de la diaphyse, en préservant dans ce cas la branche postérieure distale afin d’assurer au maximum la vascularisation du greffon. Ce lambeau peut être également utilisé sous sa forme composite, en particulier dans les pseudarthroses septiques avec cicatrices instables ou fistules ostéo-cutanées. Les autres inconvénients sont la cicatrice inesthétique car elle se situe à la face sociale de l’avant bras, et un risque théorique de trouble de la prono-supination en raison de la traversée de la membrane interosseuse. Par ailleurs ce transfert techniquement difficile, nécessite un entraînement au laboratoire d’anatomie (Tableau 1).

Conclusion La stratégie thérapeutique des pseudarthroses itératives est difficile. Les bons résultats des transferts osseux vascularisés pédiculés pour les reconstructions de la main, nous ont encouragés à utiliser ce greffon radial pédiculé sur l’artère interosseuse antérieure à flux antérograde. Au final, ce dernier nous a permis de résoudre astucieusement le problème posé par une pseudarthrose itérative de l’ulna, sans avoir les inconvénients du prélèvement de fibula vascularisée. Les indications de ce greffon vascularisé correspondent aux chirurgies de reprise de pseudarthrose, après chirurgie conventionnelle, et ce d’autant plus que le délai par rapport au traumatisme initial est long.

Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.

Références [1] Barbieri CH, Mazzer N, Aranda CA, Pinto MM. Use of a bone block graft from the iliac crest with rigid fixation to correct diaphyseal defects of the radius and ulna. J Hand Surg Br 1997;22: 395—401. [2] Ring D, Allende C, Jafarnia K, Allende BT, Jupiter JB. Ununited diaphyseal forearm fractures with segmental defects: plate fixation and autogenous cancellous bone-grafting. J Bone Joint Surg Am 2004;86-A:2440—5. [3] Dos Remedios C, Schoofs M. The anterior interosseous flap in wrist and hand surgery: a series of fifteen cases. Chir Main 2005;24:225—35. [4] Hu W, Martin D, Baudet J. Forum: reconstruction of the traumatic thumb. Reconstruction of the thumb by osteocutaneous flaps of the forearm. Ann Chir Plast Esthet 1993;38: 381—91. [5] Hu W, Martin D, Foucher G, Baudet J. Anterior interosseous flap. Ann Chir Plast Esthet 1994;39:290—300. [6] Martin D, Rivet D, Boileau R, Baudet J. The posterior radial epiphysis free flap: a new donor site. Br J Plast Surg 1989;42:499—506. [7] Pistre V, Reau AF, Pelissier P, Martin D, Baudet J. Vascularized bone pedicle grafts of the hand and wrist: literature review and new donor sites. Chir Main 2001;20: 263—71. [8] Roux JL. Vascularized bone transfers in the wrist and hand. Chir Main 2003;22:173—85.