Vers une simplification de la technique de césarienne : suture péritonéale ou non ?

Vers une simplification de la technique de césarienne : suture péritonéale ou non ?

Journal de Gyn´ ecologie Obst´ etrique et Biologie de la Reproduction (2011) 40, 541—548 TRAVAIL ORIGINAL Vers une simplification de la technique de ...

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Journal de Gyn´ ecologie Obst´ etrique et Biologie de la Reproduction (2011) 40, 541—548

TRAVAIL ORIGINAL

Vers une simplification de la technique de césarienne : suture péritonéale ou non ? Towards a simplification of caesarean section technique: Non-closure of peritoneum? M. Malek-Mellouli a,∗, S. Ibrahima a, F. Ben Amara a, K. Néji a, M. Bouchneck b, A. Youssef a, M. Nasr a, B. Zouari c, H. Reziga a a

Service de gynécologie-obstétrique « B », centre de maternité et de néonatologie, Tunis, Tunisie Service d’anesthésie-réanimation, centre de maternité et de néonatologie, Tunis, Tunisie c Département de médecine préventive, faculté de médecine, Tunis, Tunisie b

Rec ¸u le 23 f´ evrier 2011 ; avis du comité de lecture le 23 mai 2011 ; définitivement accepté le 3 juin 2011 Disponible sur Internet le 20 juillet 2011

MOTS CLÉS Césarienne ; Péritoine ; Suture ; Complications



Résumé But. — Évaluer la morbidité postopératoire d’une technique de césarienne sans fermeture du péritoine viscéral et pariétal. Patientes et méthodes. — Nous avons réalisé une étude prospective de cohorte randomisée sur 252 patientes durant une période de quatre mois (du 1er mars au 30 juin 2009). Nous avons étudié la morbidité postopératoire précoce. Résultats. — Parmi les 252 patientes, 137 étaient incluses dans le groupe « avec péritonisation » (AP) et 115 dans le groupe « sans péritonisation » (SP). Les caractéristiques maternelles cliniques et hématologiques étaient comparables dans les deux groupes. La durée d’intervention est réduite de manière statistiquement significative en l’absence de péritonisation (31,1 au lieu de 41,4 minutes ; p < 0,001). La douleur postopératoire est moindre mais non significative entre h0 et h12, cependant elle est significativement plus faible en l’absence de péritonisation à h18, à h24 et h30 (respectivement 2,37 versus 2,81 ; p = 0,030 ; 1,98 versus 2,37 ; p < 0,001 et 1,38 versus 1,72 ; p = 0,018). La reprise du transit est significativement plus rapide dans le groupe (SP) (24,3 versus 24,7 heures ; p < 0,001). En revanche, il n’existe aucune différence significative entre les deux groupes en ce qui concerne les complications postopératoires immédiates. Conclusion. — L’absence de péritonisation viscérale et pariétale raccourcit le temps opératoire et favorise une reprise plus précoce du transit. Elle diminue également la symptomatologie douloureuse. Nous proposons donc de ne pas suturer les péritoines viscéral et pariétal au cours de la césarienne. © 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Auteur correspondant. Boîte postale 110, 2011 Denden, Tunisie. Adresse e-mail : [email protected] (M. Malek-Mellouli).

0368-2315/$ – see front matter © 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.jgyn.2011.06.004

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KEYWORDS Caesarean; Peritoneum; Closure; Complications

M. Malek-Mellouli et al. Summary Objectives. — To assess the postoperative morbidity of a technique for caesarean section without closing the visceral and parietal peritoneum. Patients and methods. — We conducted a prospective cohort study randomized 252 patients over a period of four months (from March 1 to June 30, 2009). We studied the early postoperative morbidity. Results. — Among the 252 patients, 137 were included in the group ‘‘with peritonisation’’ and 115 in the group ‘‘without peritonisation’’. Clinical and hematology maternal characteristics were comparable in both groups. The duration of intervention was reduced significantly in the absence of peritonisation (31.1 instead of 41.4 minutes; P < 0.001). The postoperative pain was less but not significant between h0 and h12, however it is significant at h18, h24and h30 in the absence of peritonisation (respectively 2.37 versus 2.81; P = 0.030; 1.98 versus 2.37; P < 0.001 and 1.38 versus 1.72; P = 0.018). Resumption of transit was significantly faster ‘‘without peritonisation’’ (24.3 versus 24.7 hours; P < 0.001). However, there is no significant difference between the two groups as regards the immediate postoperative complications. Conclusion. — The absence of visceral and parietal peritoneum shortens the operative time and favors an earlier resumption of transit. It also decreases pain symptoms. We therefore recommend not to suture the parietal and visceral peritoneum during cesarean section. © 2011 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Introduction

Patientes et méthodes

Ces dernières décennies, plusieurs améliorations techniques visant à simplifier l’opération césarienne ont été proposées. Une des plus importantes est représentée par la technique de Misgav Ladach décrite par Stark basée sur le principe du geste chirurgical minimal [1]. Elle diffère de celle décrite par Pfannenstiel par la non fermeture des péritoines viscéral et pariétal. En fait le premier auteur qui a proposé la péritonisation viscérale et pariétale en 1926 [2] pensait à une réduction du risque infectieux, à un rétablissement plus anatomiques des différents plans, à une prévention des hernies incisionnelles et à une prévention de la formation des adhérences postopératoires sans pour autant être basée sur des preuves scientifiques formelles. Cependant, les avantages de cette technique restent controversés. En effet plusieurs études cliniques et expérimentales récentes ont montré que la non-fermeture des feuillets péritonéaux limite les complications postopératoires précoces [3—6]. D’autres auteurs n’ont pas mis en évidence de différence statistiquement significative concernant l’incidence des complications postopératoires en fonction de la suture ou non d’un ou des deux feuillets péritonéaux [7,8]. L’objectif de notre étude était d’évaluer la morbidité postopératoire précoce d’une technique de césarienne sans fermeture du péritoine viscéral et pariétal comparé à celle de la technique classique de péritonisation.

Patientes Notre étude a été réalisée dans le service « B » du centre de maternité et de néonatalogie de la Rabta — Tunis entre le 1er mars 2009 et le 30 juin 2009. Le calcul préliminaire de la taille de l’échantillon nécessaire en considérant un risque ␣ = 0,05 et un risque ␤ = 0,10, s’est fondé sur une prévalence des complications postopératoires en cas de péritonisation de 19 % versus 3 % en cas de non-péritonisation selon la littérature [5]. Pour ces valeurs, la taille de l’échantillon nécessaire était comprise entre 78 et 143 par groupe. Nous en avons recruté un total de 252 patientes. Cette étude prospective randomisée a concerné toutes les césariennes programmées ou en urgence pratiquées durant cette période. Nous avons obtenu le consentement du comité d’éthique de notre institution pour la réalisation de cette étude. Le consentement des patientes était écrit. Les critères d’inclusion des patientes sont : un âge maternel supérieur ou égal à 18 ans, un âge gestationnel supérieur ou égal à 37SA, grossesse unique ou multiple, césarienne programmée ou en cours de travail. Les critères de non inclusion de l’étude sont : les fibromes utérins prævia, les troubles de la crase sanguine (HELLP syndrome, thrombopénie, CIVD), une chorioamniotite et le placenta prævia. La randomisation des patientes a été basée sur une liste crée par ordinateur. Pour chaque parturiente,

Vers une simplification de la technique de césarienne : suture péritonéale ou non ? l’opérateur commenc ¸ait la césarienne sans connaître le groupe auquel la patiente appartenait. La panseuse va dévoiler l’appartenance à l’un des deux groupes seulement après la réfection de l’hystérotomie. Ainsi, la patiente était incluse dans l’un des deux groupes : césarienne « avec péritonisation » (AP) et césarienne « sans péritonisation » (SP). Aucune patiente n’a été exclue après la randomisation.

Méthodes et procédures Les césariennes ont été pratiquées par les résidents du service sous la supervision du senior du bloc opératoire. Ces opérateurs pratiquaient régulièrement la méthode dite classique de la césarienne. Pour toutes les parturientes la césarienne était faite par incision de Pfannanstiel avec décollement du plan aponévrotique et ouverture longitudinale du péritoine pariétal. L’hystérotomie était toujours segmentaire transversale après décollement du péritoine viscéral à 2 cm au-dessus du pli vésico-utérin. Dans le groupe « SP » les péritoines n’étaient pas suturés alors qu’on a suturé le péritoine viscéral puis le péritoine pariétal par un surjet simple au fil résorbable polyglactin 2/0 dans le groupe « AP ». L’antiobioprophylaxie était systématique, selon un protocole établi en collaboration avec le service d’anesthésie réanimation et à base d’une céphalosporine de première génération administrée au moment du clampage du cordon. La toilette péritonéale au sérum physiologique après l’hystérorraphie était systématique en cas de liquide amniotique teinté ou méconial. Toutes les patientes bénéficiaient d’une rachianesthésie selon un protocole standardisé établi par le service d’anesthésie-réanimation comprenant : une injection intrathécale d’un mélange de 10 mg de bupivacaine hyperbare 0,5 %, 2,5 ␮g de Sufentanil et de 100 ␮g de morphine. L’analgésie postopératoire était ainsi assurée systématiquement pour toutes les patientes par la morphine intrathécale administrée dès l’induction anesthésique. Les critères de jugement étaient : • la durée de l’intervention ; • les complications postopératoires précoces (infection de la paroi, hématome de la paroi, désunion de la cicatrice, fièvre postopératoire, endométrite, pyélonéphrite, péritonite postopératoire) ; • la reprise du transit dont l’évaluation a été faite par le nombre d’heures pour la reprise des gaz, le recours à des traitements facilitant le transit ; • le besoin en antibiotiques ; • la durée d’hospitalisation ; • évaluation de la douleur postopératoire : cette dernière a été évaluée au cours des 48 premières heures au moyen d’une échelle visuelle analogique (Eva) toutes les deux heures jusqu’à h6 puis toutes les six heures jusqu’à 48 heures après l’intervention. Le recours à une analgésie supplémentaire par du paracétamol et/ou de la morphine en titration intraveineuse a

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été proposé chaque fois où le score EVA était supérieur à 30 : • satisfaction maternelle : juste avant la sortie de la patiente, une évaluation subjective de la satisfaction maternelle a été réalisée, et la patiente a été classée en trois classes : bonne, moyenne ou médiocre ; • le délai de la reprise d’une activité physique habituelle a été obtenu par téléphone, auprès de la patiente, trois à quatre semaines après sa sortie de l’hôpital. Les données ont été saisies et analysées au moyen du logiciel SPSS version 11.5. Nous avons calculé des fréquences simples et des fréquences relatives (pourcentages) pour les variables qualitatives. Nous avons calculé des moyennes et des écarts-types pour les variables quantitatives. Les comparaisons des moyennes entre les deux groupes ont été effectuées au moyen du test t de Student et les comparaisons de pourcentages ont été effectuées par le test de Chi2 de Pearson. Le seuil de signification statistique a été fixé à 0,05.

Résultats Durant la période d’étude, 2046 accouchements ont eu lieu dans notre service. Parmi lesquels 496 ont accouchés par voie haute. Les 252 patientes randomisées se répartissaient en deux groupes. Cent trente-sept césariennes ont été effectuées avec péritonisation (groupe AP) et les 115 autres sans péritonisation (groupe SP) (Fig. 1). Les deux groupes étaient homogènes et superposables par rapport à l’âge, la gestité, la parité, le terme de la grossesse et les indications de la césarienne. Il n’y avait pas de différence statistiquement significative quant à la durée de rupture prématurée des membranes (en heures), la numération formule sanguine, ainsi qu’au nombre de cas de diabète gestationnel ou de pré éclampsie associés (Tableau 1). La durée d’intervention était plus courte de fac ¸on significative en l’absence de péritonisation (31,1 ± 6,0 minutes) qu’AP (41,4 ± 7,8 minutes) p < 0,001. La reprise du transit était significativement plus rapide dans le groupe (SP) (20,3 ± 4,7 heures) que le groupe (AP) (24,7 ± 5,1 heures) p < 0,001. La fièvre postopératoire a été notée chez dix patientes du groupe (AP) : elle était isolée dans huit cas, en rapport avec une endométrite dans un cas et une infection de la paroi dans le dernier cas. Dans le groupe (SP) la fièvre postopératoire a été révélée chez cinq patientes (quatre cas de fièvre isolée et un cas d’infection de la paroi) : la différence entre les deux groupes n’était pas statistiquement significative (p = 0,32). Un cas d’hématome de la paroi est survenu dans le groupe (AP). La différence n’était pas statistiquement significative (Tableau 2). Un syndrome occlusif résolu spontanément est observé dans le groupe (SP) (p = 0,27). Ainsi 20 patientes (14,59 %) ont présenté des complications postopératoires dans le groupe (AP) contre

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M. Malek-Mellouli et al. Parturientes ayant accouché durant la période d’étude N= 2046

Parturientes ayant accouché par voie haute N = 496

Parturientes ayant accouché par voie basse N=1550

CHOIX DES 252 PREMIERES PARTURIENTES PARMI LES 496

RANDOMISATION

CESARIENNE AVEC PERITONISATION N = 137

Complications post opératoires précoces N=20

Figure 1

Complément analgésique N=71

CESARIENNE SANS PERITONISATION N = 115

Complications post opératoires précoces N=10

Complément analgésique N=40

Chart flow décrivant la participation des patientes incluses dans l’étude.

Chart flow reporting the 252 patients’ participation to the prospective cohort study.

Tableau 1 Caractéristiques des patientes dans les groupes avec péritonisation (AP) et sans péritonisation (SP). Patient features in closure (AP) and non-closure of peritoneum (SP) groups. Caractéristiques

AP

SP

p

Âge (années) Gestitéa Paritéa NFS Globules blancsa (éléments/mm3 ) Hémoglobinea (g/dl) Plaquettesa (éléments/mm3 ) Durée de la rupture prématuré des membranesa (heures) Terme de la grossessea (semaines d’aménorrhée) Diabète gestationnelb (%) Prééclampsieb (%) Indications des césariennes Césarienne programméeb (%) Césarienne en urgenceb (%)

32 ± 5,6 2,1 ± 1,2 1,9 ± 1,1

31,9 ± 5,7 2,3 ± 1,3 2±1

0,22 0,17 0,64

12 478 ± 1592 (5,7) 11,8 ± 1,6 217053 ± 575 (36,6) 10,8 ± 9,1 39 ± 1,38 11/137 (8 %) 26/137 (19 %)

10 233 ± 2674,6 11,7 ± 1,7 233200 ± 263747,3 14,4 ± 17,5 39 ± 1,37 8/115 (7 %) 23/115 (20 %)

0,13 0,73 0,48 0,3 0,88 0,62 0,64

63/137 (45,9 %) 74/137 (54,1 %)

60/115 (52,1 %) 55/115 (47,8 %)

0,69 0,55

a b

Variables exprimées en moyenne ± DS. Variables exprimées en %.

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Tableau 2 Complications postopératoires précoces. Early postoperative complications. Groupe AP

Groupe SP

p

Infection de la paroi Hématome de la paroi Fièvre Endométrite Reprise chirurgicale Cystite Syndrome occlusif Constipation

4/137 (2,9 %) 1/137 (0,7 %) 10/137 (7,3 %) 1/137 (0,7 %) 1/137 (0,7 %) 2/137 (1,5 %) 0/137 (0 %) 1/137 (0,7 %)

2/115 (1,7 %) 0/115 (0 %) 5/115 (4,3 %) 0/115 (0 %) 0/115 (0 %) 2/115 (1,7 %) 1/115 (0,9 %) 0/115 (0 %)

0,54 0,35 0,32 0,54 0,35 0,86 0,27 0,36

Total

20/137 (14,6 %)

10/115 (8,7 %)

0,15

Variables exprimées en (%).

dix (8,7 %) dans le groupe (SP) sans être pour autant statistiquement significative (Tableau 2). Aucun cas de péritonite postopératoire ou d’abcès pelvien n’a été noté. Cent onze patientes ont nécessité une analgésie supplémentaire en postopératoire : 71 patientes dans le groupe (AP) (51,82 %) et 40 patientes dans le groupe (SP) (p = 0,59). Quatre patientes uniquement ont nécessité une titration intraveineuse par de la morphine en postopératoire et elles appartiennent au groupe (AP). Les scores moyens d’Eva étaient comparables entre les deux groupes, de h0 à h12. Cependant, de h18 à h30 postopératoire, les scores moyens d’Eva étaient significativement plus bas dans le groupe (SP) (Tableau 3). La satisfaction maternelle était meilleure dans le groupe (SP). De même, la reprise de l’activité physique habituelle était plus rapide dans le groupe (SP). La différence était statistiquement significative (Tableau 4). La durée d’hospitalisation n’était pas modifiée de manière significative entre les deux groupes : 2,3 ± 0,6 j

dans le groupe AP contre 2,2 ± 0,6 j dans le groupe SP (p = 0,42).

Discussion Notre étude a la particularité de comparer la césarienne classique selon la technique décrite par Pfannenstiel à la césarienne faite par la même procédure mais sans suture des feuillets péritonéaux viscéral et pariétal. Nous n’avons pas pu démontrer une diminution de l’incidence des complications postopératoires précoces par la technique SP par rapport à la technique classique. Cependant, l’absence de péritonisation a permis de raccourcir la durée d’intervention, de diminuer la douleur postopératoire entre h18 et h30, de rétablir le transit intestinal plus rapidement, de raccourcir le délai de reprise de l’activité physique habituelle ainsi que l’obtention d’une meilleure satisfaction maternelle.

Tableau 3 Évaluation de la douleur postopératoire (EVA). Assessement of postoperative pain. Eva (heures)

Groupe AP (137)

Groupe SP (115)

p

Eva Eva Eva Eva Eva Eva Eva Eva Eva Eva Eva

0 0,4 1,4 2,7 3,0 2,8 2,4 1,7 1,2 0,6 0,1

0 0,2 1,3 2,3 2,7 2,4 2,0 1,3 1,0 0,2 0,1

— 0,09 0,39 0,14 0,25 0,03 0,02 0,01 0,11 < 0,001 0,92

0 2 4 6 12 18 24 30 36 42 48

Variables exprimées en moyenne ± DS.

± ± ± ± ± ± ± ± ± ±

0,9 1,5 2,4 2,2 1,4 1,4 1,1 1,0 1 0,6

± ± ± ± ± ± ± ± ± ±

0,8 1,6 2,4 2,3 1,7 1,3 1,0 1,0 0,7 0,6

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M. Malek-Mellouli et al.

Tableau 4 Satisfaction maternelle et reprise de l’activité habituelle. Maternal satisfaction and the resumption of usual physical activity. AP

SP

p

54/137 (39,4 %) 83/137 (60,6 %) 20,3 ± 11,2

70/115 (60,9 %) 45/115 (39,1 %) 16,0 ± 10,1

0,004 0,001 < 0,001

a

Satisfaction maternelle Bonne Moyenne + médiocre Reprise de l’activité habituelleb (en jour) a b

Variables exprimées en (%). Variables exprimées en moyenne ± DS.

Bien que notre étude soit randomisée elle comporte certains biais. D’abord les opérateurs étaient nombreux, avec des niveaux de formation différents. De même la nature de cette étude a rendu difficile la réalisation d’un double insu. Enfin, le fait d’avoir administré systématiquement de la morphine intrathécale peut masquer une douleur probablement plus importante dans le groupe AP et cela durant les premières 24 heures postopératoires, puisque cette morphine permet d’assurer une analgésie souvent efficace durant 18 à 24 heures. Plusieurs études retrouvaient une diminution de la durée opératoire en l’absence de péritonisation pariétale et viscérale [4,5,9,10]. Dans notre série, la durée de l’intervention était écourtée de 10,3 minutes avec une différence statistiquement significative entre les deux groupes p < 0,001. En évaluant la morbidité postopératoire précoce plusieurs études ne retrouvaient pas de différence statistiquement significative entre les groupes AP ou SP comme c’est le cas de notre étude. Grundsell et al. [4], en comparant 361 patientes, concluaient que le risque d’endométrite, d’infection du tractus urinaire, ou l’iléus paralytique n’était pas influencé par la suture ou non des deux feuillets péritonéaux. Pietrantoni et al. [11] sur une étude de 248 patientes montraient que la morbidité postopératoire précoce reste inchangé en l’absence de péritonisation pariétale. Nagele et al. [12] retrouvaient que le risque d’endométrite, d’infection de la paroi ainsi que le recours aux stimulants digestifs n’était pas influencé par la suture du péritoine viscéral. D’autres auteurs ne rapportaient pas de différence en termes de morbidité fébrile entre les groupes AP ou SP [8,11,13—15]. L’effet de la non-péritonisation sur la douleur postopératoire a été bien étudiée, des mécanismes physiopathologiques différents ont été avancés. Pour Gaucherand et al. [3] la non-suture du péritoine pariétal évite sa mise en tension. Moreira et al. [10] avanc ¸aient le fait que la nonfermeture des péritoines viscéral et pariétal diminue les phénomènes inflammatoires mais aussi la fibrose et les adhérences responsables de manifestations douloureuses. Pour Rafique et al. [9], la suture péritonéale compromettrait sa pauvre vascularisation puisque le péritoine est un tissu très innervé mais peu vascularisé. L’ischémie serait à l’origine de la douleur postopératoire en cas de péritonisation.

En fait, il y a peu d’études qui ont analysé de fac ¸on spécifique la douleur postopératoire avec un protocole anesthésique standardisé. Chanrachakul et al., [16] sur une étude prospective randomisée en double insu portant sur 60 patientes avec utérus uni cicatriciel, La douleur postopératoire était évaluée par Eva et par la consommation d’antalgiques dans les quatre premiers jours postopératoires (la parturiente étant au repos, lors de la mobilisation au lit et lors de la marche). Il n’était pas retrouvé de différence dans l’expression de la douleur entre les groupes AP ou SP ainsi que pour la consommation de morphine ou d’antalgiques par voie orale. Huchon et al. [5] dans leur étude prospective randomisée portant sur 170 patientes n’avaient pas observé de différence dans l’expression de la douleur entre h12 et h24 ou entre h24 et h48 ainsi que dans le recours à la morphine entre les deux groupes AP ou SP. Rafique et al. [9] ont mené une étude prospective randomisée en double insu portant sur 100 patientes ayant eu une césarienne élective. Le protocole anesthésique et la technique chirurgicale étaient standardisés. Une PCA de morphine était mise en place durant les 24 premières heures postopératoires avec recours aux antalgiques par voie orale durant les quatre premiers jours. La douleur était évaluée par Eva et par échelle verbale. Les scores de la douleur étaient similaires dans les deux groupes mais la consommation d’antalgiques était significativement moins importante dans le groupe « non péritonisation ». D’autres études randomisées notaient également une augmentation de la consommation d’antalgiques dans le groupe péritonisé. Cependant, la technique anesthésique dans les deux premières études n’était pas standardisée [12—14] L’étude randomisée de Iron et al. à propos de 280 patientes ne montrait pas de différence significative en termes d’intensité de la douleur entre les groupes AP ou SP pariétale [8]. Une étude originale a évalué la persistance de la douleur huit mois après la césarienne selon la suture ou non du péritoine pariétal. Après randomisation d’un groupe de 340 césariennes électives, les résultats étaient en faveur d’une incidence significativement plus élevée de la douleur postopératoire précoce et persistante après péritonisation pariétale et qu’un score de la douleur élevée au premier jour prédit la persistance de la douleur à long terme [17]. Iron et al. [8] dans une étude prospective randomisée trouvaient un rétablissement significativement plus rapide

Vers une simplification de la technique de césarienne : suture péritonéale ou non ? du transit en l’absence de péritonisation pariétale. Huchon et al. [5] n’ont pas retrouvé de différence significative quand à la reprise du transit entre les deux groupes. Dans notre étude nous avons retrouvé une reprise du transit significativement plus rapide dans le groupe SP. Rafique et al. [9] en étudiant la satisfaction maternelle après 24 heures par échelle verbale retrouvaient une satisfaction maternelle meilleure dans le groupe SP et ce de manière significative. La durée d’hospitalisation n’était pas modifiée dans la majorité des études [5,8,9,14,15]. Nagele et al. ainsi que Grundsell et al. [4,12] ont mené les études les plus importantes en termes d’effectif et ont conclu à une diminution de la durée d’hospitalisation en l’absence de péritonisation. Concernant la morbidité postopératoire à long terme, Chapman et al. [18] montraient qu’à l’occasion d’une grossesse ultérieure, il n’y avait aucune différence significative en termes d’accouchement par voie basse, de prématurité, d’hémorragie de la délivrance et d’endométrite du post-partum entre deux populations de patientes AP ou SP viscérale lors de la césarienne précédente. Les études les plus récentes concluaient à l’absence de retentissement de la suture péritonéale sur la fertilité ultérieure [7,19,20]. Le risque de survenue des adhérences postopératoires après péritonisation a été soulevé puisqu’en suturant le péritoine, la réaction de fibrinolyse est supprimée avec risque plus important de formation des adhérences [21—23]. L’incidence des adhérences postopératoires a été évaluée par plusieurs études avec des résultats contradictoires. En fait la méthodologie et les critères d’évaluation sont différents avec des effectifs faibles. En l’absence de suture péritonéale, l’incidence des adhérences postopératoires est augmentée pour certains [24—26], diminuée pour d’autres [7,27,28], tandis qu’elle est restée inchangée d’après d’autres études [6,19].

Conclusion Au terme de cette étude, et à la lumière des données de la littérature, il paraît licite d’abandonner la suture du péritoine viscéral et pariétal au cours de l’opération césarienne. En effet l’absence de péritonisation n’augmente pas la morbidité postopératoire précoce tout en permettant de raccourcir la durée d’intervention, de diminuer la douleur postopératoire entre h18 et h30 ainsi que de rétablir le transit intestinal plus précocement.

Déclaration d’intérêts Je soussigné Dr Malek mellouli monia déclare l’absence de conflit d’intérêt.

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