À propos de deux cas d’incarcérations endo-utérines post-curetage aspiratif : diagnostic et prise en charge

À propos de deux cas d’incarcérations endo-utérines post-curetage aspiratif : diagnostic et prise en charge

Journal de Gyn´ ecologie Obst´ etrique et Biologie de la Reproduction (2012) 41, 387—392 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com CAS CLINIQUE...

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Journal de Gyn´ ecologie Obst´ etrique et Biologie de la Reproduction (2012) 41, 387—392

Disponible en ligne sur

www.sciencedirect.com

CAS CLINIQUE

À propos de deux cas d’incarcérations endo-utérines post-curetage aspiratif : diagnostic et prise en charge About two cases of intra-uterine incarceration post-vacuum aspiration: Diagnosis and management H. Cremieu a,∗, C. Rubod a, N. Oukacha a, E. Poncelet b, J.-P. Lucot a a b

Service de gynécologie, université de Lille Nord-de-France, hôpital Jeanne-de-Flandre, CHRU de Lille, 59000 Lille, France Service de radiologie, université de Lille Nord-de-France, hôpital Jeanne-de-Flandre, CHRU de Lille, 59000 Lille, France

Rec ¸u le 11 d´ ecembre 2011 ; avis du comité de lecture le 25 janvier 2012 ; définitivement accepté le 16 f´ evrier 2012 Disponible sur Internet le 17 mai 2012

MOTS CLÉS Incarcération frange sigmoïdienne ; Incarcération tubaire ; Perforation utérine ; Curetage endométrial ; Grossesse arrêtée

KEYWORDS Incarceration sigmoid fringe; Fallopian tube incarceration; Uterine perforation; Vacuum aspiration; Pregnancy termination

Résumé Nous rapportons deux cas d’incarcérations endo-utérines survenues après des curetages aspiratifs. Dans le premier cas, il s’agit d’une incarcération d’une frange sigmoïdienne chez une patiente asymptomatique. Dans le second cas, il s’agit d’une incarcération tubaire dont le diagnostic a été posé lors d’un bilan d’infertilité. L’hystérographie, l’échographie et l’imagerie par résonance magnétique ont permis de confirmer ces diagnostics. Le traitement de ces incarcérations a été chirurgical et réalisé en deux temps par hystéroscopie couplée à une cœlioscopie. Une surveillance par hystérographie et hystéroscopie à trois mois a été proposée pour évaluer les conséquences sur la fertilité ultérieure. © 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Summary We report two cases of endo-uterine incarceration occurred after vacuum aspiration. In the first case, it is a sigmoid fringe incarceration in a patient asymptomatic. In the second case, it is a fallopian incarceration whose diagnosis was made during an infertility evaluation. The hysterography, ultrasound and magnetic resonance imaging have confirmed these diagnoses. The treatment of these incarcerations was surgical and realized in two steps by hysteroscopy combined with laparoscopy. Monitoring by hysterography and hysteroscopy after three months has been proposed to assess the impact on future fertility. © 2012 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Introduction ∗

Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (H. Cremieu).

Le curetage aspiratif est un des gestes les plus réalisés en gynécologie obstétrique, aussi bien dans le cadre d’une grossesse arrêtée, que d’une interruption volon-

0368-2315/$ – see front matter © 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.jgyn.2012.02.002

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Figure 1 Échographie pelvienne endovaginale, coupe transversale, image hyperéchogène (→) traversant le myomètre, au contact des anses digestives dans la région corporéofundique latérale droite (A), vascularisée en mode doppler (B), en faveur d’une incarcération d’une frange sigmoïdienne. Transverse transvaginal ultrasound of the pelvis, arrow showing increased echogenic image transfixing the myometrium, in contact with bowel loops in the right side of the uterus anterior wall (A). Using color Doppler, blood was seen in this structure (B), suggestive of intrauterine incarceration of sigmoid fringe.

taire de grossesse. Le taux de complication est estimé à environ 2 % [1]. Les complications rapportées à court terme sont les perforations utérines, digestives, vésicales et vasculaires. À moyen puis à long terme, les complications rapportées sont l’endométrite, l’infertilité secondaire et le risque de grossesse ectopique, de rupture utérine et de placenta accreta en cas de grossesse ultérieure. L’incidence des perforations utérines lors d’un curetage augmente avec l’âge gestationnel, de 0,9/1000 au premier trimestre à 3/1000 au troisième trimestre [2]. Il n’existe pas de données, à notre connaissance, dans la littérature sur la période du postpartum. Nous rapportons deux cas cliniques de prise en charge de perforation utérine post-curetage compliqués, d’une incarcération de frange sigmoïdienne dans le premier cas, et d’une incarcération de trompe dans le second cas. Nous discuterons du diagnostic et de la prise en charge de ce type de complication.

charge chirurgicale a été proposée après information de la patiente. Une hystéroscopie suivie d’une cœlioscopie ont été réalisées. L’hystéroscopie a retrouvé un aspect de synéchie médiane et épaisse occupant les deux tiers de la cavité (Fig. 3). L’utilisation d’une pointe monopolaire a permis la levée complète de la synéchie. Une frange graisseuse était alors visible confirmant l’hypothèse diagnostique d’incarcération d’une frange sigmoïdienne. Celle-ci s’est rétractée au travers de la cicatrice utérine. La cœlioscopie

Observation 1 Une patiente de 29 ans, deuxième geste primipare, asymptomatique, a consulté pour la réalisation d’un contrôle clinique et échographique pelvien à un mois d’un curetage pour une grossesse arrêtée à 13 semaines d’aménorrhée. Il a été mis en évidence la présence d’une formation tissulaire hyperéchogène traversant le myomètre (Fig. 1). L’imagerie par résonance magnétique (IRM), avec l’utilisation de séquence T1 sans et avec saturation de la graisse (T1 et T1 fat-sat), a permis de préciser la nature graisseuse de cette formation en faveur d’une frange sigmoïdienne (Fig. 2). Le diagnostic retenu a été celui d’une incarcération secondaire à une perforation lors du curetage. Une prise en

Figure 2 IRM pelvienne (séquence T2). Vue sagittale d’une incarcération intra-utérine d’une frange sigmoïdienne (→) traversant le myomètre. Magnetic resonance imaging of the pelvis. Sagital T2-weighted MR, image showed an intrauterine incarceration of sigmoid fringe (→) through the myometrium.

Incarcérations endo-utérines post-curetage aspiratif

389 nouvelle grossesse. Une césarienne a été indiquée en raison du risque de rupture utérine sur une cicatrice corporéale.

Observation 2

Figure 3 Vue hystéroscopique d’une synéchie latérofundique droite (→). Hysteroscopic view of a synechia in the right side of the fundus part of uterine cavity (→).

a montré la présence de cette frange sigmoïdienne adhérente à l’utérus au contact de l’orifice de perforation près de la corne utérine droite (Fig. 4). Elle a été désincarcérée. Compte-tenu du caractère punctiforme de la perforation et de l’absence de saignement, il n’a pas été réalisé de suture, mais a été mis en place un soluté anti-adhérentiel (Adept® ). L’analyse anatomopathologique a confirmé le diagnostic de lambeau de tissu adipeux compatible avec un fragment de frange sigmoïdienne. Les suites opératoires immédiates ont été simples, sans antibiothérapie prophylactique. Une hystérographie a été réalisée trois mois après la désincarcération retrouvant l’absence de fuite par l’orifice de perforation utérine, une perméabilité tubaire bilatérale, mais une suspicion de synéchie cavitaire confirmée par une nouvelle hystéroscopie diagnostique et prise en charge chirurgicalement dans le même temps. Lors du contrôle clinique à six mois, la patiente ne signalait aucune plainte. À 18 mois, la patiente a débuté une

Une patiente de 28 ans, deuxième geste primipare, a consulté pour un bilan d’infertilité. Il s’agissait d’une infertilité secondaire, survenue après la réalisation d’un curetage aspiratif pour une grossesse arrêtée au premier trimestre. L’hystérographie a retrouvé des images assez atypiques évocatrices d’une incarcération de l’extremité pavillonnaire de la trompe droite dans l’utérus (Fig. 5). Une échographie et une IRM ont ensuite été réalisées confirmant cette hypothèse diagnostique, d’incarcération endo-utérine séquellaire du curetage. L’hystéroscopie réalisée dans un premier temps n’a pas révèlé d’anomalie, mais la cœlioscopie a confirmé le diagnostic d’incarcation de l’extrémité pavillonnaire de la trompe droite dans l’utérus (Fig. 6). La trompe droite a pu être libérée en totalité par des mouvements de traction divergence et une dissection prudente au crochet monopolaire. Une fimbrioplastie à minima a été réalisée, permettant d’obtenir une perméabilité tubaire bilatérale. Un test au bleu a été réalisé en fin d’intervention, et a montré l’existence d’une effraction endométriale. Une suture du myomètre a été faite par un point en X (au fil Monocryl 0® ). Un film antiadhérentiel (Seprafilm® ) a été laissé en place en fin d’intervention. Les suites opératoires immédiates ont été simples. Il n’a pas été réalisé d’hystérosalpingographie de contrôle puisque la patiente a débuté une grossesse spontanée trois mois après. La patiente a eu une grossesse sans problème particulier. Cependant, l’échographie du troisième trimestre a montré des lacunes vasculaires pouvant faire suspecter un placenta accreta en regard de la zone cicatricielle de l’incarcération de la trompe. Une IRM a été réalisée confirmant la lacune transplacentaire en situation fundique paramédiane droite faisant suspecter l’existence d’une zone accreta à ce niveau. En raison du risque de rupture utérine sur une cicatrice de perforation utérine récente, il a été décidé de réaliser une césarienne, avant mise en route de travail à 39 semaines d’aménorhée, permettant la naissance d’une fille de 2950 g. La délivrance s’est effectuée normalement après injection de 5 UI de syntocinon. L’inspection du fundus utérin n’a pas retrouvé de séquelles macroscopiques de la perforation (Fig. 7). Par ailleurs, l’examen anatomopathologique du placenta n’a pas mis en évidence d’argument histopathologique en faveur d’un placenta accreta.

Discussion

Figure 4 Vue cœlioscopique de l’incarcération (→) d’une frange sigmoïdienne à la face postérieure de l’utérus au niveau cornual droit. Laparoscopic view of the incarceration (→) of a sigmoid fringe through the right posterior cornual part of the uterus.

Les perforations utérines post-curetages aspiratifs sont souvent méconnues. Le taux de perforation est estimé de 1 à 4/1000 lors des curetages pour grossesse arrêtée [3]. Ce taux est corrélé en particulier à l’expérience du chirurgien (risque cinq fois supérieur de perforation pour un interne versus un senior) [4]. Les autres facteurs de risque de perforation sont l’âge gestationnel précoce (jusqu’à six semaines d’aménorrhée) et le post-partum récent (moins de six mois) [5]. À l’opposé, ni la sténose cervicale, ni l’âge

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Figure 5 Hystérosalpingographie : fuite de produit de contraste fundique, dont le trajet rejoint l’extrémité pavillonnaire droite. Hysterosalpingography: leakage of contrast through the posterior wall of the uterus, whose path joins the infundibulum of the right fallopian tube.

gestationnel avancé ne sont retrouvés comme des facteurs de risque de perforation.[5] Il n’a pas été mis en évidence que la dilatation cervicale préopératoire ni que l’échographie per opératoire permettait une diminution significative de ce risque [6]. La localisation des perforations serait majoritairement au niveau fundique, des cornes utérines, et du mur antérieur [5]. Les perforations utérines ne sont pas toujours symptomatiques même en cas d’incarcération digestive. Les manifestations cliniques sont le plus souvent retardées de cinq à 14 jours après le geste. Certains signes peropératoires doivent faire craindre une perforation telle que l’absence

Figure 6 Vue cœlioscopique du pelvis montrant l’incarcération de la trompe droite au niveau fundique. Laparoscopic view of the pelvis, showed the intrauterine fallopian tube incarceration through the right side posterior wall of the uterus.

de contact de la curette avec le mur postérieur, un bruit anormal [7]. À distance du geste, il faut suspecter la perforation devant des algies pelviennes, des métrorragies, des dyspareunies, des troubles du transit ou une infertilité. Le tableau échographique d’une incarcération digestive ou tubaire est typique : celui d’une structure tubulaire hyperéchogène intra-utérine traversant le myomètre. Pour l’incarcération intestinale à proprement parler, il existe des mouvements de péristaltisme, un contenu hypoou hyperéchogène et parfois un niveau hydroaérique [8,9]. La place de l’IRM n’est pas actuellement définie dans le diagnostic des perforations avec incarcération digestive ou tubaire mais peut être très utile pour préciser la nature des images échographiques endo-utérines. Ainsi nous avions émis dans le premier cas l’hypothèse diagnostique alternative d’une malformation artério veineuse devant l’image

Figure 7

Vue per césarienne du fundus utérin.

View per cesarean of the uterus posterior wall.

Incarcérations endo-utérines post-curetage aspiratif échographique hyperéchogène et transmyométriale. Cependant, cette hypothèse a été réfutée à l’aide du doppler couleur en échographie qui ne montrait pas d’hyper vascularisation, et à l’aide de l’IRM, car la nature graisseuse de l’image a été confirmée par la séquence fat sat. La prise en charge des perforations utérines post curetage aspiratif n’est pas consensuelle, deux attitudes sont possibles : abstentionniste ou interventionniste. L’attitude abstentionniste peut être proposée lorsque l’état hémodynamique reste stable. Une telle approche nécessite une surveillance rapprochée post opératoire et une patiente coopérante ne présentant pas de symptômes inhabituels [10]. D’autres auteurs suggèrent que toute perforation, après un curetage apiratif, doit bénéficier d’une exploration chirurgicale immédiate pour permettre d’analyser la localisation, la taille, l’étendue de la perforation [11]. Celle-ci peut être indiquée également en tenant compte de l’âge de la patiente, et du désir de maternité futur. La cœlioscopie permet d’explorer les organes de voisinage, de quantifier l’abondance des saignements. Lorsque la perforation est minime et ne saigne pas aucun geste n’est nécessaire. Si la perforation est étendue, et hémorragique, responsable d’une déglobulisation ou de signes d’irritation péritonéale, elle peut être gérée sous cœlioscopie par coagulation à la pince bipolaire ou suturée avec un fil à résorption lente [12]. Si la cœlioscopie ne suffit pas, une laparotomie peut être réalisée pour suturer correctement le myomètre perforé. Dans certains cas exceptionnels avec perforation hémorragique, une suture hémostatique de type B Lynch a été rapportée [2]. Lorsque l’on suspecte une perforation endo-utérine avec incarcération digestive ou tubaire, cette fois la prise en charge est toujours chirurgicale. Elle est effectuée en deux temps. L’hystéroscopie dans un premier temps permet de visualiser et de libérer par electrorésection l’incarcération parfois incluse dans une synéchie endo-utérine. La cœlioscopie secondairement confirme le diagnostic et les rapports de l’incarcération. Elle permet de compléter la libération du tissu inclus, par des mouvements de traction divergence, et d’assurer l’hémostase [13]. Les conséquences d’une perforation utérine sont multiples. À moyen terme, il peut survenir une endométrite et un abcès pelvien [14]. La fertilité ultérieure peut être altérée par la formation d’une sténose cervicale, ou d’une synéchie [9,11]. En cas de survenue d’une grossesse, il a été décrit au premier trimestre, un cas d’implantation ectopique de la grossesse par l’orifice de perforation. Cette grossesse était survenue précocement après la perforation [15]. Au troisième trimestre, il existe un risque de rupture utérine due à la présence d’une cicatrice corporéale [16]. Si la patiente désire une nouvelle grossesse, deux examens peuvent être discutés, que nous réalisons dans notre centre : une hystérographie et une hystéroscopie à 3 mois en post opératoire pour s’assurer de la cicatrisation utérine, de l’absence de synéchie et de la perméabilité tubaire. Il n’existe pas de consensus ni sur le choix de la voie d’accouchement, ni sur le terme à atteindre. Il n’y a pas d’études permettant de dire que le risque de rupture utérine est plus important après une incarcération d’une frange graisseuse non septique, diagnostiquée et

391 réparée par suture myométriale, qu’après une perforation simple diagnostiquée non explorée et non suturée. La voie d’accouchement doit être discutée en tenant compte du risque de rupture utérine qui peut survenir au troisième trimestre.

Conclusion La survenue d’une perforation utérine post curetage aspiratif est une complication rare et souvent méconnue. La présence associée d’une incarcération qu’elle soit digestive ou tubaire est exceptionnelle, et il en existe peu de cas publiés dans la littérature. Dans ce cas précis, le traitement proposé peut être effectué par hystéroscopie suivie d’une cœlioscopie permettant de libérer le tissu endoutérin. Il est nécessaire de bien informer la patiente de cette complication, du geste réalisé et de lui fournir un compte rendu détaillé de l’intervention, afin d’être notamment plus vigilent au cours des grossesses ultérieures à un éventuel risque de rupture utérine.

Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.

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