Logic Colloquium '85 Edited by The Paris Logic Group
245
© Elsevier Science Publishers B.V. (North-Holland), 1987
A PROPOS DE GROUPES STABLES Bruno Poizat Universite Pierre et Marie Curie
Et qui f.,a);t f.,..t lu 6le.uJtf., nouvelle.!> que [e. Jt~ve TJtouveJtont dan}., ce Ml lave. c.omme une gJte.ve Le myf.,Uque aliment qui 6eJta);t le.uJt v-igue.uJt
C.B. La grande mode de la fin des annees 60, pour les logiciens de tournure d'esprit quelque peu algebrique, c'etait Ie safari aux groupes, aux anneaux, aux corps, ou aux structures les plus bizarres qui eliminaient les quanteurs, ou bien qui avaient une theorie decidable.
Quand sont app-
arues les classifications fondamentales de la Theorie des Modeles contemporaine:
cat~goricite, stabilite, superstabilite, etc .. , il a fallu aussi
pourchasser ceux qui entraient dans ce cadre: On a vu defiler d'impressionantes theories de r~sultats, qui manifestent bien l'enthousiasme des amoureux de la chose; malheureusement, pour beaucoup d'entre eux, la recette manquait de sophistication:
on sort un
plat congele d'un bouquin d'algebre, on enrobe de sauce logique, et on passe au four
a micro-ondes.
Nos estomacs se lassent vite de mets si peu
epices, et nos esprits sont tourmentes par cette insidieuse question: pourquoi faire cela, pourquoi est-il si necessaire de partir che des groupes stables?
a
la recher-
S'agit-il d'un rapprochement artificiel de deux
notions venues d'horizons etrangers - Ie groupe, la stabilite - n'ayant d'autre interet que de faire Ie bonheur des directeurs de these en mal de sujet? Eh bien non, car on peut pretendre que ces groupes stables interviendront dans (presque?) tout contexte ou la Logique aura un int~ret mathematique, et pas seulement metamathematique; ces deux choses, Ie groupe et ~a
stabilite, ant la meme signification: Les groupes sont
a la
f.,tJtuc.tUlte.
fois les objets les plus typiques, les plus
mysterieux et les plus fascinants de nos mathematiques, et il est inutile d'argumenter longtemps pour convaincre ceux qui ne sont deja convaincus qu'un groupe apporte une structure mathematiquement signifiante. Quant a la stabilite, c'est ce qui permet de domestiquer cette structure: trap de structure, ce n'est plus de la structure, c'est un chaos. J'ajoute que la signification de la stabilite, elle, n'a plus de mystere,
B. Poizat
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et est facilement accessible maintenant qu 'on dispose d 'un bon manuel sur Le sujet. En un mot, chaque fois qu'une structure restera sous notre contrale, elle sera stable, et, si elle n'est pas triviale, on y trouvera un groupe; d'oll l'importance des groupes stables. ablement terroriste, je renvoie
a la
Pour conforter cet argument pass-
construction par Boris Zil'ber d'un
"groupe de liaison" dans une structure aleph-un-categorique non fortement minima Ie [ZIL'BER 1980J, au "groupe de Galois" associe par Ellis Kolchin
a certaines
equations differentielles [KOLCHIN 1973J, [POIZAT 1985, ch.
l8J, et au groupe aasoc Le par Ehud Hrushovski trivial
a un
type regulier non
[HRUSHOVSKI 1986]·
A - STRUCTURES SANS STRUCTURE La structure qui en est Ie plus depourvue (de structure), c'est bien celIe d'un ensemble infini A dans Ie seul langage de
l'egalite~
Si donc
mon introduction n'est pas un del ire pur, on n'y peut definir de groupe infini.
Vous en etes bien persuades, mais comment Ie prouver?
Faisons une premiere tentative. metrie, vous pouvez argumenter ainsi:
Si vous avez des lumieres en geosoit G un tel groupe; il est omega-
categorique, donc d'exposant fini n; mettez sur A une structure de corps K algebriquement clos, de characteristique zero; comme nous Ie verrons, a G devient alors un groupe algebrique; soit G son plus grand sous-groupe a affine connexe; G/G est une variete abelienne, qui est finie car une variete abelienne infinie contient des elements de tout ordre fini premier a, characteristique. Choisissez une representation lineaire de G qui
a la
devient un groupe de matrices; les valeurs propres du "point generique" a de G (qui est Ie type defini par l'ideal premier associe a cette variete) sont
a chercher
parmi les racines nO de l'unite; donc Ie generique reste
generique sur chacune de ses valeurs propres; or l'equation matricielle = 0 definit un ferme de ZarisKi de Ga: si elle est satisfaite
det(X - AI)
g~,eriquement, elle est satisfaite partout, et en particulier par l'iden-
tite; la seule valeur propre possible pour Ie generique est donc 1, et n comme 1 est racine simple du polynome X - 1 Ie generique, et donc tout a a, el~ment de G satisfait X = I, G = I, G est fini! Pendant qu'on y est, on observe qu'en characteristique p un groupe algebrique connexe d'exposant fini est d'exposant pm; il est forme de matrices unipotentes, il est done nilpotent.
247
Groupes Stables
Si vous manquez de lumieres en geometrie, vous cherchez une preuve plus raisonable:
mettez cette fois sur A une structure de chatne; les
chalnesentune propriete que James Schroerl a qualifie de nuet~e [SCHMERL 1977]. et que je prefererais appeler loc~e.
a savoir
l'exis-
tence d'un entier k (pour une chaine k=2) tel que pour tout element a et tout uple fini b Ie type de a sur
b
soit determine par sa restriction
a
moins de k elements de b. Dne structure locale ne permet pas d'interpreter un groupe G infini: soit G un groupe. defini sur une partie definissable de Am/E, ou E est une relation d'equivalence definissable; si G etait infini, on pourrait trouver une suite indiscernable (dans l'ordre) de m-uples al, ...a •... , donnant n des elements distincts bl ••••• b ••••• dans G (ou plus exactement dans une n extension elementaire de G); il existe alors un entier n tel que Ie type du produit. au sens de la loi du groupe. bl .... b
sur {al, .••a soit n} n determine par sa restriction a {al ••••ai_l'ai+l' •••an}; on voit que bl ••. b
ri
est rationnel sur cet ensemble. ce qui est en conflit avec l'indis-
cernabilite de la suite. On peut etre surpris de constater qu'il est plus facile d'enrichir d'abord la structure. et de montrer un resultat plus fort que celui pose par Ie probleme d'origine; c'est que l'egalite, de meme que toute structure stable infinie. n'est pas locale; en effet. dans une structure locale on ne peut trouver de suite infinie totalement indiscernable, comme Ie lecteur Ie verifiera aisement; il verifiera avec une egale facilite qu'une structure locale ne peut avoir la propriete d'independance (voir [POIZAT 1985, ch. 12]).
Pour un raisonement direct. il faut utiliser l'analogue
stable de la localite. c'est-a-dire l'existence d'un entier k tel que pour tous a et b. il existe une partie
c de b d'au plus k elements tel que
tp(a/b) soit l'unique extension non deviante de tp(a/c) (pour la deviation. voir [POlZAT 1985. ch. 15]).
,B - LES EXEMPLES CANONIQDES Afin de ne pas egarer d'avantage un lecteur, ou une lectrice, qui ne serait deja specialiste du sujet. je decris maintenant les principales familIes de groupes connus pour etre stables. Tout d'abord je precise ce que j'entends par "groupe stable": UYl gJtoupe. G de6hU daYL6 UYle. -6.tJw.c.:twte. -6ta.ble.; cela revient a dire, grace au Theoreme de Separation des Parametres [POIZAT 1985. 12.31]. un groupe G.
248
muni d'une structure suppl~mentaire, Ie tout etant stable.
Cette conven-
tion n'est pas Ie produit d'un amour gratuit de la generalite; d'abord, la Theorie des Modeles est impuissante
a distinguer,
dans un cadre general,
ce qui vient de la seule loi de groupe de ce qui necessite un langage plus riche, et je ne connais aucun theoreme de stabilite specifiant la restriction au seul langage des groupes; ensuite, quand bien meme nous etudions un groupe G reduit
a sa
seule loi de groupe, nous voyons apparaltre des
sous-groupes H au des groupes quotients G/H definissables dans G, et ceuxla doivent etre consideres avec toute la structure qui provient de G; enfin, un groupe apparaissant dans un contexte mathematique a de fortes chances de porter une structure supplementaire.
Par exemple, Ie langage
naturel pour etudier les groupes algebriques est celui de la geometrie, celui au on considere tout ce qui est definissable grace au corps de base (qui est algebriquement clos); G est alors une structure aleph-un-categorique; il est cependant vrai que, dans bien des cas, on peut reconstituer toute la geometrie Autre illustration:
a partir
de la seule loi de groupe.
d'apres un theoreme d'Angus Macintyre, amelior~
par Gregory Cherlin, on sait qu'un corps supers table est algebriquement clos; comme les corps algebriquement clos sont Ie paradigme meme de structure om~ga-stable, et meme fortement minimale, on a l'impression que Ie probleme est regIe.
C'est une erreur, car les corps qu'on voit appar-
aftre dans Ie contexte des groupes stables peuvent etremunisd'une structure plus riche; il sera it particulierement important de savoir si un corps de rang de Morley fini est necessairement de rang un; et meme, ce qu'est un corps de rang un, personne ne Ie sait:
il est possible que ce
ne so it rien d'autre qu'un corps (algebriquement clos), dans lequel on aura singularise quelques canstantes, mais persanne n'a reussi
a Ie
mon-
trer. 1 - Les groupes faiblement normaux TOU4
leo
g~oupeo
abet1enb
~ont ~tableo, quand on est dans Ie seul
langage des groupes, naturellement; plus generalement, il en est ainsi des modules, et des groupes abeliens par fini, qui s'interpretent dans un module.
Leurs parties definissables ant meme une structure beaucoup
plus trivialeque ce qu'impose la stabilite:
d'apres Wanda Szmieliev
[SZMIELIEV 1955] et Walter Baur [BAUR 1976], ce sont seulement les combinaisons booleennes (finies~) de classes modulo des sous-groupes definis-
Groupes Stables sables sans parametres.
Ces groupes sont des structures dimensionelles,
chaque type etant D-equivalent sur
0.
249
a
(et en fait:
translate de) un type base
On observa, en lisant [POIZAT 1985, ch. 6J, que l'analyse modele-
theorique des modules se ramene au seul resultat d'algebre suivant, du
a
[NEUMANN 1952J: LEMME DE B. NEUMANN: S'<' G eAt un gJeoupe qu.<. eAt Jeec.ouveJt..t paJt un nomlYte n.£n.<. de c£MlleA modu1.oceJt.:taA..nll de. lleA llOUll-gJeOUpU, :a eAt Jee.e-ouveJt.t paJt
e-illeA d' e.YittLe. illeA doiii [e. gJt.Oupe. eAt d' -<-niUe-e. 6-<-n-<- daM Pour ceux qui connaissent un peu de stabilite:
G.
une theorie Test
dite 6a.<.b£.emenJ.: nuJema£.e (au "one-based") si, pour chaque uple 11 et chaque modele M de T, l'ensemble canonique de definition de tp(~/M) est algebrique sur a; au encore, si A designe l'intersection de M et de la cloture algebrique imaginaire de ~, tp(~/M) ne devie pas sur A; dans une telle theorie, Ie type d'une suite infinie indiscernable est determine par la connaissance de ses deux premiers elements:
Ie premier base Ie type moyen
de la suite (d'oll Ie terme "one-based"), Ie second fixe son type fort. L'interet de cette notion, c'est que toutes les theories omega-categoriques superstables sont faiblement normales, comme Ie montre l'analyse de [CHERLIN, HARRINGTON, LACHLAN 1985J. Anand Pillay a montre qu'un groupe G etait faiblement normal si et seulement si, pour chaque entier n, chaque partie definissable de en eta it combinaison booleenne de classes modulo des sous-groupes de finis sables presque sans parametres (i.e., avec des parametres dans la cloture algebrique imaginaire de 0); plus recemment, Ehud Hrushovski a montre que si n toute partie definissable de chaque G etait combinaison booleenne de classes modulo des sous-groupes definissables de en, avec parametres quelconques, alors C etait stable et faiblement normal; tout cela se trouve dans ce volume, [HRUSHOVSKI, PILLAY 1987J.
Ces groupes sont abeliens par
fini, comme Ie montre Ie resultat suivant, de pure theorie des groupes: THEOREME L'e.Memb£.e. D ={(x,x-
l)
/ x
nombJee. 6'<'n.<. de c£M-6 eA modu1.o deA C eAt abe.£.J..en paJt 6J..n.<.. PREUVE
E
llOU6
G} eAt c.omb.<.na.<.llon boo£.e.enne. d'un
-gJt.OupeA de c
2
-6'<' e.t -6e.u1.eme.n.t -6-<-
Supposons que C ait un sous-groupe abelien H dont les classes -1
-1
anH; posons K = {(x,aix a ) / x E H}: ce sont des sousi i -1 2, groupes de G puisque H est abelien; D est la reunion des (a i ,a i )Ki• soient alH
250
B. Poizat
Supposons maintenant que D soit de la forme indiquee; il s'ecrit comme reunion d'un nombre fini d'ensembles de la forme aK n ,aiK
n •••
i anK ou K •.. K sont d'indice infini dans K. Cela signifie que Ie n n, i, groupe K est contenu, un ensemble petit pres (une reunion finie de clas-
n,
a
ses modulo des sous-groupes d'indice infini) dans un translate de D; K est presque contenu dans (a,b Prenons u
(ax,b
~
-1
)D ~ {(ax,b
-1 -1
x
-1 -1
x
) dans K n (a,b
) / x
-1
E
G}.
)D; pour presque tout v dans
K, v, uv et vu sont dans (a,b-l)D; en effet, ces conditions n'~liminent qu'un nombre fini de classes modulo des sous-groupes d'indice infini de K: d'apres Ie lemme de Neumann de tels v existent bien. Done v = (ay,b encore t ~ xay
-1 -1
y
= ybx;
); uv
(axay,b
~
par symetrie xby
-1 -1 -1 -1
x
by)
~
(at,b
-1 -1
t
); so it
= yax.
u et v etant ainsi fixes, et toujours grace au lemme de Neumann, on peut trouver w dans K tel que w, posant
W ~
(az,b
-1 -1
z
d'autre part xayaz xay
= yax;
done a
~ ~
UW,VW
et uvw soient dans (a,b
), on obtient d'une part xayaz taz
zbt
~
zbxay
= zbybx;
= xazby
~
-1
)D; en
zbxby, et
so it en tout xby
= ybx
~
b et u et v commutent.
Si done u dans K est pris en dehors de quelques classes interdites, Ie groupe K est recouvert par Ie centralisateur de u plus un nombre fini de classes d'indice infini:
d'apres Ie lemme de Neumann, u est central.
K est done recouvert par son centre plus un petit ensemble, et, toujours pour la meme raison, il est commutatif. D est done recouvert par un nombre fini de classes modulo des sous-
2;
groupes abeliens de G
sa premiere projection, qui est G tout entler,
est recouverte par un nombre fini de classes modulo des groupes abeliens; d'apres Ie lemme de Neumann (encore lui:), G est abelien par fini. FIN Tout cela conduit a poser, sans beaucoup de conviction, Ie probleme suivant: PROBLEME 1: S..[ tou;te pMUe de.6..[rU6.6ab.e.e de G e.6t c.omb..c.na...c..60n boo.e.e.enne de c..ta.6.6 e.6 modui.o de.6 .60U.6-g!1.0Upe.6 de.Q.<.rU6.6ab.e.e.6, G e.6t-U 6a..i.b.e.ement noJrJna1.? E.6t-U meme abWen paJt 6in..i.? 2 - Les·groupes algebriques Un groupe algebrique, sur un corps algebriquement clos K, est une 2 variete G avec une loi de groupe qui est un morphisme de G dans G. Les varietes
sont des ensembles dafinissables, et les morphismes entre vari-
etes des applications definissables assez particulieres; mais il est bon
Groupes Stables
251
de savoir des a present que tout groupe definissable dans K est definissablement isomorphe
a un groupealgebrique;
en tout cas ces groupes sont
omega-stables, de rang de Morley fini, puisque K aces proprietes. Un groupe algebrique G a un plus petit sous-groupe definissable d'indice fini, qu'on note GO; c'est la composante connexe de l'identite, pour la topologie de Zariski. II a egalement un plus petit sous-groupe a a normal definissable G tel que Ie groupe quotient G/G so it une variete a complete; GO/G est ce qu'on appelle une "variete abelienne"; sa loi de a groupe est commutative. Au contraire. G est un groupe affine. qui est (geometriquement) isomorphe
a
a
un groupe lineaire, c'est-a-dire un groupe b Enfin G a des sous-groupes mimimaux G tels que Ie quotient a droite (ou a gauche) G/Gb soit une variete complete; ces Gb sont appeles a; "groupes de Borel" de G; ils sont tous conjugues dans G la structure de a G est fortement determinee (au moins dans Ie cas dit reductif, ou il n'y de matrices.
a pas de sous-groupes normaux unipotents) par sa decomposition. dite de Bruhat, en classes doubles modulo un Borel. Si vous ne savez pas ce qu'est une variete, retenez qu'une variete complete est "petite" pour les images (l'image par un morphisme d'une variete complete est complete) mais pas pour les restrictions Cune sousvariete d'une variete complete ne l'est pas necessairement, puisque toute variete s'obtient en recollant des ouverts affines; toutefois un ferme d'une variete complete est complet). L'exemple des groupes algebriques est important, car l'essentiel de notre savoir-faire en la matiere consiste
a etendre
aux groupes stables
des constructions bien connues des geometres. 3 - Les groupes de Mekler Dans [MEKLER 1981] Alan Mekler introduit une facon systematique de deguiser une structure en un groupe.
Cela montre qu'un groupe stable peut
interpreter n'importe quelle structure stable:
il convient de ne pas per-
dre de vue ce fait avant de poser des conjectures trop fortes, comme l'a fait souvent l'auteur de ces lignes. Mekler considere un graphe f defini sur un ensemble { •••• a •.••• }, i et Ie quotient GCf) du groupe nilpotent de classe 2, d'exposant p # 2, libre engendre par les a., divise par les relations "a chaque fois que a
et a
~
sont lies dans Ie graphe.
i
et a
j
commutent"
II montre que si f
j i satisfait quelques conditions simples (il dit alors que
r
est un "nice
252
B. Poizat
graph") il est interpretable dans G(f); toute structure, dans un langage fini, est equivalente
a interpretation
pas tout-a-fait interpretable dans
r
pres a un "nice graph"; G(r) n I est
(nous verrons qu'il y a des raisons
profondes qui empechent cela), mais il a presque les memes proprietes modele-theoriquesque f, et en tout cas meme spectre de stabilite.
Cepen-
dant, ni la categoricite, ni meme la dimensionalite ne sont conservees: de fait, la construction de Mekler augmente la profondeur d'une unite. Afin
d'obtenir sans fatigue une construction de meme portee ideo-
logique que celIe de Mekler, j'introduirai dans la section D de cet article une autre
fa~on,
elle absolument triviale, de deguiser une structure
en groupe, avec cette fois preservation de la profondeur. sera plus, comme dans Ie cas de Mekler, reduit
a la
Le langage ne
loi de groupe, ce qui
n'a aucune espece d'importance dans Ie contexte ou nous nous sommes pIeces. Etroitement apparentes aux groupes de Mekler sont les groupes n-nilpotents libres d'exposant pm, dont la totale transcendance a ete etablie par Andreas Baudisch dans [BAUDISCH 1982]. C - LES GENERIQUES Ce qui a fait Ie bonheur des pionniers de la stabilite algebrique, ce sont les-conditions de chaine sur les sous-groupes definissables: dans un groupe omega-stable, pas de suite infinie decroissante de tels sousgroupes (car il y a decroissance,
a chaque
etape, du rang de Morley ou
du degre de Morley); dans Ie cas superstable, pas de telle suite si chacun est d'indice infini dans Ie precedent (decroissance du rang de Shelah); pas de suite infinie uniformement definissable dans Ie cas stable (propriete de l'ordre).
On
a mis un peu de temps
a decouvrir
Ie fait, moins
trivial, que dans un groupe stable l'intersection d'une famille de sousgroupes uniformement definissables est celIe d'un nombre fini d'entre eux [BALDWIN, SAXL 1976]; pour plus de precisions, je renvoie
a l'introduc-
tion de [POIZAT 1983]. Afin de ne pas donner l'impression (fausse) d'un esprit autrefois brillant, mais marque du poids des ans, je m'abstiens de repeter une fois de plus Ie detail des proprietes des types et formules generiques, qui sont Ie deuxieme ingredient de l'etude des groupes stables: egalement
a cette
introduction.
Je rappelle seulement qu'un ensemble generique est gros:
je renvoie
253
Groupes Stables par definition, une partie definissable A de G est dite
genitique (a
gauche) si un nombre fini de ses translates recouvrent G, G uanA.
a gauche
=
alA u •..
Dans un groupe stable, il se trouve qu'un ensemble est generique si et seulement s'il l'est
a droite,
et que si A' vB est gener-
ique, alors A est generique ou Best generique. II existe done des types qui ne satisfont que des formules g~neri ques:
on les qualifie de
a gauche
sur ses types:
"ge.nVu£que..6".
Faisons agir G par translation
si p est Ie type de x sur G, ap sera Ie type de
ax sur G; comme dans une theorie stable tout type est definissable, on voit facilement que Ie stabilisateur G(p) de p pour cette action est une intersection de groupes definissables; pest generique si et seulement si son stabilisateur est GO, l'intersection de tous les sous-groupes definissables d'indice fini de G; en fait, s'il est suffisament sature, G agit transitivement sur ses types generiques, et il y a exactement un type generique dans chaque classe modulo GO; nous appelons g{n~que
pkincipal
celui qui est dans GO. On dit que G est si G
=
QOnnexe s'il n'a qu'un seul
g~nerique, c'est-a-dire
GO; dans Ie cas d'un groupe algebrique, cela equivaut bien
a la
connexite pour la topologie de Zariski. Dans Ie cas superstable, il se trouve que les generiques sont les types de rang U de Lascar maximum (je veux dire que dans un groupe superstable il y a des types de RU maximum, ce qui n'est pas du tout vrai dans une structure superstable arbitraire, et que ce sont les generiques); ce sont aussi les types de RC de Shelah maximum, ainsi, d'ailleurs, que les types de rang maximum pour toute notion de rang invariante par translation.
Dans une theorie superstable, les generiques se definissent done
sans faire mention de 1a loi de groupe; au contraire, dans Ie cas seulement stable, les generiques peuvent n'etre pas preserves par bijection definissable, si bien qu'on peut obtenir sur Ie meme ensemble deux lois de groupe G et G qui n'ont pas les memes generiques. 2 l Cette plus grande robustesse des generiques dans Ie cas superstable explique pourquoi tant de theoremes demontres pour les groupes superstables restent conjecturels dans Ie cas seulement stable.
Un exemple typ-
ique est ce theoreme de [POIZAT 1983J qui affirme que Ie produit libre de deux groupes G et 1, ou IGI ~
lH!
Hne
peut ~tre superstable que si IGI
=
1, ou
iHI
2.
Dans Ie cas omega-stable, les generiques sont aussi les types de rang de Morley maximum (et aussi ceux de rang de Cantor maximum, bien que
254
B. Poizat
ce rang n'en soit pas un au sens lascarien du terme; GO est alors un groupe definissable (condition de chaine), et leur nombre est l'indice de
GO dans G ; cet indice est donc le degre de Morley de
G, et nom un
minorant de ce degre, comme on pouvait s'y attendre. Nous verrons que c'est principalement dans le cas de rang fini que la structure du groupe se concentre autour de ses generiques. D - CE QUtON SAlT FAIRE 1 - Avant meme que les logiciens n'aient mis le nez dans le sujet, tout etait deja la, dans le fond, dans cet article d'Andre Weil [WElL 1955], ce que ce grand esprit a eu la faiblesse d'ecrire en anglais, ou il montre que pour determiner un groupe algebrique il suffit de se donner un "morceau de groupe", c'est-il-dire une variete avec une loi qui n'est definie, associative et simplifiable que generiquement. Hrushovski a donne une version abstraite de ce theoreme : partant d'un type p complet, dans une theorie stable, avec une fonction f telle que, si a,b,c sont trois realisations de p independantes, (i) a et f(a,b) d'une part, b et f(a,b) d'autre part, sont deux realisations de p independantes (ii) f(a,f(b,c»
= f(f(a,b),c),
il reussit a faire de p le generique d'un
groupe "t ypa-def In I s sabLe" (L, e., la loi de groupe est def in i.ssabIe - ici, au moins generiquement, c'est f - mais l'ensemble sous-jacent de cette loi est infiniment definissable) : 11 montre ensuite ce resultat remarquable que, dans une theorie stable, tout groupe type-definissable est contenu dans un groupe definissable, c'est-a-dire quton peut trouver une partie definissab1e englobant ce groupe ou sa loi f definit encore un groupe. Tou·t recemment, ce meme Hrushovski a mont re comment, dans le cas particulier d'un corps algebriquement clos de caracteristique nu1le, on pouvait mettre une strucutre de variete sur son
groupe qui en fait un
groupe algebrique; c'est en fait une demonstration particulierement nette (pour un logicien!), et purement modele-theorique, du Theoreme de Weil. Donc, un groupe definissable dans la theorie d'un corps algebriquement clos de caracteristique nulle est definissablement isomorphe a un groupe algebrique; c'est Laurentius Van den Dries qui a le premier remarque que ce resultat s'obtenait a partir du Theoreme de Weil, avec un doigt d'elimination d'imaginaires; il a toujours affirme, avec une grande constance, que pour avoir la meme chose en caracteristique p il convient d'ajouter au cocktail un theoreme de Serre.
255
Groupes Stables 2 - La premiere apparition consciente des generiques est dans [CHERLIN,
SHELAH 1980J, ou est montre qu'un corps stable infini est connexe tant additivement que multiplicativement; on en deduit facilement, gr~ce
a un
peu de Theorie de Galois, qu'un corps superstable est algebriquement clos; dans Ie cas omega-stable, cela avait ete prouve par [MACINTYRE 1971J. Les corps separablement clos sont stables, mais on ne sait pas si ce sont les seuls exemples de corps stables; et quand on augmente Ie langage, il reste
a resoudre
stable:
quand vous aurez lu Ie point 5 ci-apres, vous comprendrez com-
de douloureuses questions, meme dans Ie cas omega-
bien il serait interessant de savoir si un corps K, avec un sous-groupe multiplicatif M infini non-trivial, peut etre de rang de Morley fini. 3 - D'apres Cherlin, un groupe supers table infini contient un sous-groupe abelien definissable infini; pour Ie voir, on part d'un centralisateur H infini minimal; si H n'est pas commutatif, tout element non central y a un centralisateur fini; pour des questions de rang, chaque classe de conjugaison non centrale est generique; il n'y en a qu'un nombre fini, et H O
a une composante connexe H
O
(finiment) definissable; H n'a qu'une seule
classe de conjugaison non centrale; or dans un tel groupe, comme l'a observe Joachim Reineke dans [REINEKE 1975J, il Y a des chaines infinies de centralisateurs, ce qui contredit la stabilite. 4 - Toutefois les generiques sont virtuellement presents chez Zil'ber, [ZIL'BER 1977J, qui a eu l'heureuse idee de faire operer Ie groupe sur ses types
de ge'ne'raliser aux groupes de. Jtang de. MolLte.y
Mni un
r~sultat
q~e les geometres enoncent habituellement pour les sous-ensembles definis-
sables connexes, au sens de la topologie de Zariski, d'un groupe algebrique. II dit qu'une partie definissable A de G est ~nde~ompo~abie. (a gauche) si pour tout sous-groupe H de G, ou bien A est contenu dans une seule classe ~ gauche modulo H, ou bien A est reparti en une infinite de classes modulo H; je ne sais si les notions d'indecomposabilite
a gauche
et
a
droite sont equivalentes; grace au lemme de Konig, on voit facilement que tout ensemble definissable se partitionne de maniere unique en un nombre fini de sous-ensembles indecomposables maximaux.
ut de. RM 6ini, e.t .6~ ••• Ai' • • • •• ut une. 6amille. de. palttiu de. G, toutu ~nde~ompMabiu e.t ~haffine. ~onte.nant i.'et&ne.nt ne.utJte. de. G, aloM i.e. gJtoupe. H enge.nd!te pM Void i: enonce du Theoreme de Z11' ber:
S~ G
B. Poizat
256
le6 Ai e6t de6inihhable et connexe; il se met meme sous la forme H = A.
~l
• • • • • A.
~n
(AB designe l'ensemble des produits ab, avec a dans A, b
dans B), si bien qu'un nombre fini de Ai suffisent La demonstration consiste
puis
a definir
a faire
a engendrer
H.
apparaitre Ie generique p de H,
H comme stabilisateur de p.
Comme premiere consequence de ce theoreme, on voit que sont definissables (et connexes:) certains groupes qui ne devraient pas l'etre; par exemple si A est une partie
quelconque. meme non-definissable, de G (qui
est de RM fini), et si H est un sous-groupe definissable connexe
de G,
alors Ie groupe [A,HJ engendre par les commutateurs de A et de H est definissable et connexe, et seul un nombre fini d'elements de A interviennent dans sa definition; G'
= [G,GJ
est aussi definissable, car
[G,GoJ y est d'indice fini. 5
Ce th~oreme a ete utilise par Zil'ber pour faire surgir des
corps dans certains contextes; par exemple:
soient M et A deux groupes
abeliens infinis, M agissant sur A comme groupe d'automorphismes; on suppose que M agit de faJon propre et irreductible sur A, et que cette structure est de rang de Morley fini; alors on peut y definir un produit sur A, qui, avec son addition, en fait un corps K, de sorte que l'action de M apparaisse comme celIe d'un sous-groupe multiplicatif de K. En poursuivant un peu, Zil'ber definit un corps, algebriquement clos bien sur, dans n'importe quel groupe connexe resoluble non nilpotent de rang de Morley fini; on ne sait pas si c'est possible dans Ie cas nilpotent non abelien. Cela mene finalement au theoreme de Ali Nesin [NESIN 198?J, qui affirme qu'un groupe connexe, resoluble, de rang de Morley fini a un derive nilpotent; ce r~sultat est une version abstraite du Theoreme de Lie-Kolchin, qui pourvoie d ' une base triangularisante tout groupe linea ire connexe resoluble; Nesin raisonne par contradiction, en faisant de la geometrie dans un contre-exemple de rang minimum. 6 - Ce Theoreme de Zil'ber met en evidence des correlations entre des proprietes algebriques et des proprietes purement modele-theoriques; par exemple, Zil'ber a montre qu'un groupe simple de rang de Morley fini etait aleph-un-categorique, et meme algebrique, moyennant l'introduction de quelques parametres, sur chacun de ses ensembles definissables infinis; en effet, d'un tel ensemble A on extrait un sous-ensemble indecom-
Groupes Stables
257
posable infini. qu'on translate pour avoir un ensemble B contenant l'element neutre; il existe alors des conjugues B:!. •••• B" de B tels que G '" Bn~
Bl '" On
voit avec la meme facilite qu'un corps de rang de Morley fini est
aleph-un-categorique. Cela conduit
a l'analyse
qu'a faite Daniel Lascar. dans [LASCAR 1985J.
d'un groupe G de rang de Morley fini; il decompose G en une tour {e} '" HO C HI C • • • • C H G de sorte que chaque quotient Hi+/H soit unidin i mensionnel (si vous ne savez pas ce que cela veut dire. voyez [POIZAT 1985. ch. 20J); G est done finidimensionnel. et en particulier elimine les quanteurs infinitaires; cette propriete de dimensionalite est meme tres forte. puisque les dimensions sont isolees les unes des autres par des formules: elle implique l'egalite du rang de Morley et du rang de Lascar (reprendre la demonstration de [POIZAT 1978J). ce qui rassurera les ames sensibles ayant lu les premieres oeuvres de Cherlin. Lascar montre aussi que si deux sous-groupes unidimensionels H et K de G portent des dimensions orthogonales. ils se centralisent l'un l'autre; mais en general il n'est pas possible d'associer
a chaque
dimension de G
un de ses sous-groupes normaux: si G a parexemple deux dimensions. l'une portee par R. l'autre par G/R. on ne peut pas toujours faire remonter la deuxieme dans G; Lascar montre que ce qui fait obstacle a cela, ce sont les sous-groupes abeliens normaux, et qu'on pourra toujours Ie faire si G est semi-simple. c'est-a-dire sans sous-groupe abelien normal infini. et dans ce cas il decompose G. a un noyau fini pres. en un produit de groupes unidimensionnels. i.e •• aleph-un-categoriques.
C'est un analogue
de la d~composition d'un groupe alg~brique connexe semi-simple en produit de groupes simples. II montre egalement que tout groupe G de RM fini a un "gros" sousgroupe abelien A. portant la totalite de ses dimensions:
on ne peut aug-
menter G sans augmenter A. Ce qui fait la beaute de ces theoremes. c'est qu'ils n'ont aucune signification algebrique. puisque. dans Ie cas de la geometrie. tout est aleph-un-categorique~ On peut se demander si la Theorie des Modeles per-
met de demontrer des resultats d'une nature vraiment differente de celIe de ceux de Lascar. 7 - L'etude des groupes superstables est sortie de sa phase artisanale grace
a l'oeuvre
monumentale de Chantal Berline et Daniel Lascar
258
B. Poizat
[BERLINE, LASCAR 1986J.
Comme je l'ai dit, un groupe superstable a un
rang U; on a de meme des types de RU maximum dans l'espace des classes modulo un sous-groupe definissable H, et l'inegalite de Lascar ([POlZAT 1985, ch. 19J) devient dans ce contexte: RU(H)
+ RU(G/H) < RU(G)
<
RU(H)
RU(G/H) ; on voit que, si on
$
se donne Ie developpement de Cantor du RU(G) , cela ne laisse qu'un nombre fini de possibilites pour Ie coefficient de tete du developpement de RU(G/H). II Y a autre chose: C( RU(G) w .n + wa.n; gr~ce
a une
supposons que Ie developpement de RU(G) soit C(
+
+ w
k.~,
et soit p un type de RU
habile manipulation de parametres canoniques Berline et
Lascar mont rent que Ie RU du stabilisateur de pest &gal non pas strictement inferieur.
i_l
a
etant Ie monome wi· n ,
A
de p, et
Cela leur permet de decomposer G en une
tour de sous-groupes normaux {e} Gi/G
a celui
GO c G l
C
••••
C
G = G, Le rang de k
i
Afin de trouver une generalisation adequate du Theoreme de Zil'ber, ils introduisent
la notion d'ensemble a-indecomposable, qui est la sui-
vante: A est a-indecomposable si pour tout sous-groupe H definissable, si a, RU(A/H) < w alors lA/HI = 1. Dans Ie groupe G, ils trouvent egalement un gros sous-groupe abelien, de rang au moins wC(; ils en d~duisent aisement qu'un corps gauche superstable est commutatif (et alg~briquement clos) , ce qui donne une demonstration conceptuelle de ce resultat auparavant demontre par Cherlin. lIs montrent aussi que Ie rang d'un corps superstable est un mon6me wa'n (ils conjecturent que n
= 1),
et qu'il est a-indecomposable, tant addi-
tivement que multiplicativement.
Cette forte propriete de connexite per-
met de montrer que la structure formee d'un corps K, avec un automorphisme non-identique s qui fixe une infinite de points de K, ne peut etre superstable:
en characterique 0, un corps aux differences finies ne peut
etre superstable, alors qu'on a un bel exemple de corps differentiels omega-stables, les differentiellement clos. 8 - Les
g~neriques
n'avaient qu'une existence foe tale lorsque Cher-
lin a entrepris de classer les groupes de petits rang de Morley [CHERLIN 1979J; sa methode repose sur I' observation qu 'un nombre inferieur au moins 2, qu'un nombre inferieur
a2
a3
vaut
vaut au moins 1, que Ie seul nom-
Groupes Stables
259
bre plus petit que 1 est 0, et qu'apres il n'y a plus rien.
II montre,
comme nous l'avons vu en 3 ci-dessus, qu'un groupe connexe de rang 1 est commutatif; qu'un groupe connexe de rang 2 est resoluble, et que si son centre est trivial c'est Ie produit semi-direct du groupe additif d'un corps algebriquement clos K par son groupe multiplicatif; et enfin qu'un groupe connexe de rang 3, non resoluble, et possedant un sous-groupe definissable de rang Z (son "Borel"), est SLZ(K) ou PSLZ(K), pour un K algebriquement clos:
il arrive
a reconstituer
la decomposition de Bruhat du
groupe par une methode ad hoc. Cela lui a donne l'idee que tous les groupes de rang de Morley fini devaient s'obtenir en combinant d'une fafon ou d'une autre les exemples connus, et en particulier
a conjecturer
qu'un groupe simple de rang de
Morley fini etait un groupe algebrique. Cette conjecture a ete prouvee par Simon Thomas [THOMAS 198?J pour un tel groupe localement fini:
il s'agit essentiellement de combinatoire
des groupes finis. Par ailleurs, une analyse parallele
a celIe
de Cherlin a ete faite
par Chantal Berline [BERLINE 1986J pour les groupes de rang de Lascar U, U W wU·Z et w · 3 •
E - LA TOPOLOGIE DE ZARISKI Aucun geometre ne parlerait de generiques sans introduire la topologie de Zariski.
Si K est un corps algebriquement clos, les fermes de
cette topologie sont les ensembles definis par des formules positives, qui sont de la forme Pl(x) = polynomes
a
°
Pk etant des coefficients dans K; un ensemble definissable (les geometres A ••• A
Pn(x) = 0, PI""
disent "constructible") est combinaison booleenne de fermes de Zariski; on a de meme une topologie de Zariski sur chaque variete, qui est obtenue en recollant des varietes affines. Ces fermes, comme tout ensemble definissable, peuvent gtre conside~ res non seulement comme ensemble de points de
x", mais aussi comme ensem-
ble de types en n variables sur K, soit encore comme ensemble d'ideaux premiers de KCiJ; Ie point generique d'une variete irreductible est celui qui n'appartient
a aucun
ferme non-vide.
Quelques proprietes remarquables des ces fermes: (1)
si f(i,a) definit un ferme, il existe une formule g(i,a) equivalente
a f(i,a)
telIe que g(i,b) so it f erme quel que soit
b ;
260 (ii)
la topologie de Zariski est noetherienne:
pas de suite infinie
decroissante de fermes; (iii)
toute application definissable est generiquement un morphisme (du
moins en caracteristique
0); sa restriction a un ouvert non vide conven-
able est continue; (iv)
tout sous-groupe constructible d'un groupe algebrique doit etre
ferme. La topologie de Zariski n'est pas preservee
par bijection construc-
tible (elle l'est seulement generiquement~), mais elle l'est par les isomorphismes constructibles de groupes algebriques, qui sont des morphismes geometriques,
a extraction
de racine po pres; il y a donc une topologie
de Zariski bien determinee attachee
a un
groupe constructible, qui ne peut
etre muni d'une structure de groupe algebrique que d'une seule faron, et, en fait, la demonstration par Rrushovski du Theoreme de Weil consiste
a
montrer que s'il y aune topologie de Zariski T sur un groupe stable G, il y en a une et une seule T', pour laquelle la multiplication est fonction 2 continue de G dans G, et qui agree generiquement avec T. II est remarquable que sous la seule hypothese de stabilite du groupe nous ayons reussi
a
identifier les generiques, c'est-a-dire les ensembles
definissables Zariski-denses; peut-on definir les Zariski-fermes? Observons en premier lieu que nous avons bien une topologie de Zariski dans Ie cas faiblement normal, dont les fermes sont les disjonctions de classes modulo les sous-groupes definissables; dans Ie cas omega-stable, nous avons bien la condition de chaine descendante sur ces fermes, par une application aisee du Lemme de Konig (merci Anand), puisque nous l'avons pour les groupes; dans Ie cas stable, nous n'obtenons bien sur que des conditions locales.
On verifie sans peine la continuite de la multiplica-
tion, grace au caractere abelien par fini du groupe. Mais il n'est pas possible de definir une telle topologie dans Ie cas general, sans introduire de restrictions, comme l'illustre l'exemple trivial que j'ai promis dans la section A, et qu'il est temps de devoiler. Je considere un groupe G 2-abelien elementaire, c'est-a-dire un espace vectoriel sur Ie corps
a deux
elements, et j'ajoute au langage une
partie A infinie de G formee d'elements independents; soient Ao = 0, Al A, A l'ensemble des sommes de n elements distincts pris dans A, •.• n
La theorie de G elimine les quanteurs dans Ie langage comprenant l'addition et les A .
n
=
Groupes Stables
261
Les types sur G en une variable x sont ainsi decrits: on a .d'une part Ie type generique, pour lequel
a+X
n'est dans aucun
An' quel que soit a dans G; pour les autres types, il existe un n minimum et un unique a dans G tel que
a+x
soit dans An'
G est une structure sans mystere, bidimensionelle, de rang de Morley omega; on observe que G n'a pas de sous-groupe H propre infini definissable (si on veut eliminer les groupes finis, on peut prendre un Q-espace vectoriel, c'est-a-dire un groupe divisible sans torsion):
en effet, si
x' et x" sont deux realisations independantes du generique p de H, x'+x" doit avoir Ie meme type, ce qui ne laisse que deux possibilites: generique de G, ou bien p
=
p est Ie
0:
G a bien une topologie de Zariski:
les fermes en sont les combinai-
sons bool~ennespositives de translates des A la condition de chafne descendante),
n
(verifier
a titre
d'exercice
Mais si maintenant nous ajoutons
aA
une structure quelconque, dans un langage L, nous eliminons cette fois les quanteurs par les A~, ensemble des a + , .• + an tels que (al, .. a satisl n) fasse f, ou fest une formule du langage L. A est trivialement interpretable dans G; G ne l'est pas dans A, mais tous les types de G,
a l'exception
du generique, correspondent
a des
trans-
lates de types de n-uples de A, si bien que G et A ont meme spectre de stabLl Lt e ,
Cette construction est tres semblable a, et tout aussi triviale que, eq la construction T de Shelah: cette fois, au lieu d'ajouter un "type 11 l'infini" [POIZAT 1985, ch. l6J de rang U I, nous ajoutons un type generique orthogonal sion
a A;
a tous
les autres (i.e., nous ajoutons une nouvelle dimen-
cette orthogonalite n'empeche pas tout element du groupe d'etre
somme de deux generiques:), qui sera de RU maximum si A est superstable; dans ce cas supers table , ce RU(G) est facile
a determiner:
c'est la borne a w,
superieure des RU des n-types de A, qui est necessairement de la forme d'apres l'inegalite de Lascar. On
voit que Ie generique est peu concerne par la veritable structure
de (G,A), contrairement
a ce
qu'on n'en pourra rien faire:
qui se passe dans Ie cas de rang fini, et G est 2-abelien elementaire, et pour la
merne raison que precedemment, n'a pas de sous-groupes definissables; on ne voit vraiment pas ce qu'on peut en dire de plus: Quant 11 lui trouver une topologie de Zariski, c'est desespere:
il
262
B. Poizat
faudrait distinguer des ferm~s parmi
les Af, n
an
fixe, c'est-a-dire defi-
nir canoniquement une topologie de Zariski sur une structure stable quelconque! On observe qu'on peut deguiser de la meme maniere une structure
a
superstable en un corps de rang w , en utilisant une base de transcendance au lieu d'une base d'espace vectoriel. line construction aussi uniforme ne peut que faire augmenter Ie rang, ne serait-ce que parce que, d'apres Lascar, une structure de rang de Morley fini, mais avec propriete de recouvrement fini, ne peut etre interpretee dans un groupe de rang de Morley fini.
On se pose alors, egalement
sans grande conviction, Ie probleme suivant: PROBLEME 2: TouJ:e .6.tw.e.-tWte. omega au amega-un-c.a..tegoJUque. u.t-eUe in.teJtpltUabfe daY1.6 un glloupe idem? II reste Ie faible espoir de trouver la topologie de Zariski pour un groupe de rang fini, ou meme de trouver quelque chose d'adapte au cas general.
Si jamais ~a existe, ~a serait diablement utile.
Voici un cas
o~ on peut s'en passer:
THEOREME: Si G u.t un glloupe. .6.table., dan.t le. ge.nhuque pltinc.Lpal u.t d' OIldlle 2, G a un .60U.6 -gMupe de.6bU..6.6abfe. d' indice &in.[ qui ut d' expo>
.6an:t
2.
PREUVE
Soient a et b generiques et independants sur G, satisfaisant les
formules de GO; on sait que ab est aussi generique sur G; donc a, b, ab sont d'ordre 2:
a et b commutent.
L'intersection H de G et du centrali-
sateur de a est un sous-groupe definissable de G (par definition de la stabilite); c'en est une partie gen~rique, donc un sous-groupe d'indice fini, contenant GO; comme tout element de GO est produit de deux generiques, GO est contenu dans Ie centre de H, et en fait dans Ie groupe K forme des elements d'ordre 2 de ce centre.
FIN
Je laisse au lecteur l'exercice suivant: 2 satisfait x a, avec a dans G, alors a = 1.
si Ie generique principal Et je lui pose Ie probleme:
PROBLEME 3: Si G u.t .6.table e.t canne.x!::, e:t.6i .6an genhuque .6a.:tU6ai.t n x I, G u.t-il d'exp0.6an.t n? On remarque combien ce probleme est trivial pour un groupe algebrin que ou pour un groupe abelien, puisque dans ce cas l'equation x = 1 definit un ferme de Zariski.
On peut naturellement poser Ie meme probleme
Groupes Stables
263
pour tout systeme d'equations en m variables satisfait generiquement dans m: G est-il satisfait partout? C'est Ie seul probleme de la version originale de cet article qui ait resiste
a l'action
devastatrice de Hrushovski qui, apres y avoir reflechi
quelque temps sans trouver la solution, a declare qu'il etait interessant; Ie suivant lui est intimement lie: PROBLEME 4: Un gJtoupe -6-ta.ble ..in6..i.n-L pw.:t-il n'avoht qu' un nombJte Mtti de c.la.6-6 u de eonjugtLiAOn-6 ? En effet, dans Ie cas de rang fini, cela implique que Ie centralisateur du generique est fini, done que ce generique est d'ordre fini, et on conclut tres rapidement que ce n'est pas possible pour un groupe algebrique (voir Ie debut de la section A).
L'argument de Reineke, qui elimine
la possibilite d'une seule classe (sans compter l'element neutre, naturellement:), et qui est Ie point de depart de l'analyse de Cherlin, est tres different de ce qu'un geometre avancerait pour montrer qu'un groupe connexe de rang un est comrnutatif. Je sais montrer qu'un groupe de rang de Morley fini ne peut avoir seulement deux classes de conjugaison non centrales; la demonstration utilise des choses insensees (il faut savoir qu'un groupe d'exposant 4 ou 6 est localement fini), et je ne la reproduis pas ici. Peut-etre faut-il essayer de repondre d'aborder la conjecture de Cherlin? ambitieuse,
a la
a ces
questions simples avant
C'est une conjecture extremement
mesure de l'ambition secrete de tout logicien, qui est
de montrer un theoreme d'un interet proprement mathematique, comrne celuici qui donnerait une caracterisation si directe
des groupes algebriques.
II n'est pas raisonable de poursuivre l'analyse de Cherlin au-dela du rang 3 (mais la Fortune ne sourit-elle qu'aux gens raisonables?) sans forger auparavant des outils plus precis que l'enclume et Ie marteau par lui utilises. Est-il possible de fabriquer ces outils? elle si motivee?
Et cette conjecture est-
Dans un premier temps, devant l'abondance de resultats
apparemrnent si divers, nous avons cru que ces groupes ressemblaient tellement aux groupes algebriques qu'ils devaient etre des groupes algebriques; mais avec un peu de recul, nous constatons que tout cela est centre sur Ie meme theme, l'existence des generiques, que 9a a Ie gout du Canada Dry, que 9a a la couleur du Canada Dry, mais que ce n'est peut-etre pas du Canada Dry.
264
B. Poizat
En conclusion, je vois mal comment on peut attaquer cette conjecture, so it en vue d'une preuve directe, soit en vue d'une preuve par inspection (on compare les deux listes:), avant de dire, d'une faqon ou d'une autre, ce qu'est une variete complete. REFERENCES [1] [2] [3] [4] [5] [6] [7] [8J [9J [10] [11] [12] [13] [14J [15J [16] [17] [18] [19J [20J [2lJ [22] [23] [24]
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REMERCIEMENTS Many thanks to Jeannine Swanson for her beautiful typing.
Mathematiques, U.E.R., 47 Univ. Pierre et Marie Curie 4, place Jussieu 75230 Paris CEDEX 05 FRANCE