EMC-Radiologie 2 (2005) 474–480
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Affections rares du sein Unusual breast lesions L. Lévy *, M. Suissa, J.-F. Chiche, J. Bokobsa Institut de radiologie de Paris, 31, avenue Hoche, 75008 Paris, France
MOTS CLÉS Sein ; Maladies rares du sein ; Affections rares du sein
KEYWORDS Breast; Unusual disease; Unusual breast lesions
Résumé Les affections rares du sein constituent un défi diagnostique. Elles comprennent certaines maladies de système, des tumeurs bénignes, des tumeurs malignes primitives et secondaires. La lymphadénopathie est la manifestation la plus commune des connectivites. La mastopathie diabétique se traduit par une induration, avec à l’échographie, une masse hypoéchogène, atténuante, en imposant pour une tumeur maligne. La fibromatose peut également simuler un cancer primitif (masse dense irrégulière en mammographie, hypoéchogène et atténuante en échographie). La tumeur à cellules géantes se traduit le plus souvent par une masse régulière, hétérogène. Les tumeurs phyllodes touchent la femme jeune ; elles sont caractérisées par une masse de type bénin à croissance rapide. Le carcinome médullaire est important à diagnostiquer en raison de sa prise en charge particulière liée à son meilleur pronostic. Il réalise une masse arrondie ou ovale, de contour régulier. Le diagnostic histologique est difficile. Les lymphomes se manifestent par une ou plusieurs masses bien circonscrites, non calcifiées. Les métastases mammaires produisent des masses régulières, peu denses ou un épaississement cutané diffus. Le radiologue doit se familiariser avec ces aspects afin d’éviter les pièges diagnostiques et permettre une prise en charge précoce et adaptée. © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Abstract Unusual breast lesions are a diagnostic challenge. These lesions include systemic diseases, benign tumours, primary or metastatic malignant tumours. Lymphadenopathy is the most common finding associated to collagen disease. Diabetic mastopathy results in a very hard mass, with US aspect of a hypoechoic mass, attenuating, while imposing for a malignant tumour. The fibromatosis can also simulate a primitive cancer (irregular dense mass in mammography, hypoechoic and attenuating in sonography). The giant cells tumour generally results in a regular, heterogeneous mass. The phyllodes touch the young woman; they are characterized by a benign mass type, round, increasing size rapidly. Medullar carcinoma is important to diagnose because of its best forecast. It carries out a round or oval mass, with regular shapes. The histological diagnosis is difficult. The lymphoma appears as one or more well circumscribed masses, not calcified. Mammary metastases produce regular, not very dense masses or a diffuse cutaneous thickening. The radiologist must familiarize himself with these aspects in order to avoid the traps diagnoses and to allow an early and appropriate management. © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés.
* Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (L. Lévy). 1762-4185/$ - see front matter © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi: 10.1016/j.emcrad.2005.06.002
Affections rares du sein
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Introduction Il est important pour le radiologue de se familiariser avec les aspects de certaines affections rares ou peu communes du sein. Ces lésions comprennent les affections liées à des maladies systémiques (connectivites, vascularites), certaines tumeurs bénignes rares (adénofibrolipome, tumeur phyllode, tumeur desmoïde intramammaire, tumeur à cellules géantes), certaines tumeurs malignes primitives (carcinome médullaire, lymphome, sarcome, carcinome adénoïde kystique) ou secondaires (métastases intramammaires). Dans cet article, nous faisons une revue non exhaustive des affections rares du sein les plus importantes à connaître avec leur aspect mammoéchographique.
Maladies systémiques Les maladies de système atteignent rarement le sein. Certaines ont un aspect caractéristique permettant de les évoquer alors que d’autres peuvent simuler un cancer.
Connectivites Certains aspects sont corrélés à des maladies du collagène. Le plus souvent, on observe des adénopathies volontiers bilatérales (arthrite rhumatoïde, lupus, sclérodermie...).1 D’autres maladies peuvent être en cause dans la lymphadénopathie : granulomatoses, viroses, hémopathies malignes. La dermatopolymyosite, affection auto-immune touchant la femme entre la 5e et la 6e décennie, est responsable au niveau du sein de calcifications dystrophiques extensives, sous-cutanées. Des cas de cancers du sein associés à cette maladie ont été rapportés bien que l’association avec le cancer de l’ovaire soit plus fréquente.
Vascularites Les maladies de Wegener et de Behçet peuvent donner au niveau de la glande mammaire une masse dont l’aspect en mammographie peut en tout point simuler une tumeur maligne primitive : masse dense, aux contours irréguliers, voire spiculés.2
Mastopathie diabétique Elle est plus connue bien que peu fréquente. Elle concerne des patientes atteintes d’un diabète de
Figure 1 Mastopathie diabétique. Échographie. Masse hypoéchogène irrégulière, hétérogène, très contrastée et atténuante.
type I insulinodépendant. Cliniquement, le nodule de mastopathie fibreuse se traduit par une masse très indurée. À l’examen mammographique, on retrouve une masse opaque dense irrégulière ou une asymétrie focale de densité. À l’échographie, la masse est hypoéchogène et atténue fortement le faisceau ultrasonore. Une telle masse impose une vérification histologique confirmant le diagnostic (abondance de tissu fibreux, cellules lymphoïdes, absence de cellules malignes) (Fig. 1).3–5
Hyperparathyroïdie Dans sa forme secondaire, elle peut être responsable de calcifications vasculaires diffuses mais grossières, sous-cutanées, particulièrement chez les patients dialysés.
Granulomatoses Tuberculose On retrouve une masse solide unique volontiers calcifiée, pseudokystique à l’échographie. D’autres formes plus généralisées peuvent s’observer (forme destructive réalisant la mastite tuberculeuse, forme scléreuse, rétractile). L’évolution est émaillée de complications, notamment à type d’ulcération et d’écoulement. Le diagnostic qui repose sur l’histologie (granulome et nécrose spécifique) est suggéré devant le terrain et les manifestations extramammaires de la maladie.6
Sarcoïdose Quelques rares cas ont été rapportés. Il s’agit le plus souvent d’une masse unique peu ou pas calcifiée.7
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Figure 2 Tumeur phyllode. A. Mammographie. Masse ovale dense, à contours réguliers et circonscrits. B. À l’échographie : contenu hétérogène.
Tumeurs bénignes rares
Tumeur phyllode (Fig. 2)
Tumeur desmoïde extra-abdominale (fibromatose du sein)
Le diagnostic est évoqué devant une masse de type bénin, de taille rapidement croissante. En mammographie, on retrouve une masse arrondie, de contour régulier. En échographie, la masse ressemble à un fibroadénome ; l’attention est attirée par une forme volontiers ronde, un contenu plus souvent finement hétérogène avec parfois des microkystes centraux.9
Il s’agit d’une tumeur composée de fibroblastes et de collagène typiquement située le long de la paroi abdominale. Dans le sein, il s’agit d’une masse indurée, responsable d’une rétraction cutanée, parfois adhérente au muscle pectoral. L’exérèse doit être large afin d’éviter les récidives locales. En mammographie, on retrouve une masse opaque spiculée sans calcifications.
Adénomatose juvénile (Fig. 3) Il s’agit d’une ou plus souvent de multiples masses bénignes survenant chez des jeunes filles autour ou
Tumeur à cellules géantes1,8 Elle dérive des cellules de Schwann. Environ 10 % surviennent dans le sein. Il s’agit le plus souvent d’une masse ferme, mobile, indolore, parfois adhérente au plan profond ou à la peau. En mammographie, il s’agit d’une masse dense aux contours variables (réguliers circonscrits ou irréguliers, voire spiculés) ; en échographie, on retrouve une masse contrastée et atténuante. Le traitement conservateur est la règle ; les récidives sont rares et les métastases à distance exceptionnelles.
Hamartome (adénofibrolipome) Il s’agit d’une prolifération bénigne de tissu fibroglandulaire et de tissu graisseux avec création d’une fine capsule périphérique. En mammographie, l’aspect est le plus souvent caractéristique (masse de densité mixte, régulière, encapsulée) ; l’échographie retrouve une masse de type bénin : ronde ou ovale, peu contrastée, avec une échogénicité voisine du tissu normal environnant.
Figure 3 Adénome juvénile. Échographie. Masse de 3,5 cm de type bénin, survenant chez une jeune fille de 14 ans. La composante glandulaire prédominante est responsable de la forte échogénicité.
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Figure 4 Carcinome médullaire. Mammographie (A) et échographie (B). Masse solide ovale, régulière, hypoéchogène et finement hétérogène.
Figure 5 Carcinome mucosécrétant. A. Mammographie. Masse spiculée de petite dimension. B. En échographie : masse hypoéchogène à contours flous et irréguliers avec atténuation postérieure.
478 juste après la puberté. Les masses dont la composante glandulaire est prédominante apparaissent souvent hyperéchogènes en échographie.
Tumeurs malignes rares D’origine mammaire primitive Carcinome médullaire (Fig. 4) Il représente environ 7 % des cancers du sein. La tumeur est souvent de grande taille au moment du diagnostic, les contours sont réguliers et bien circonscrits. L’intérêt de le mettre en évidence tient au fait qu’il présente un meilleur pronostic que les cancers canalaires et lobulaires. Le diagnostic histologique est difficile avec un risque fréquent de surdiagnostic.10 Il nécessite l’examen de la totalité de la pièce. Il met en évidence une prolifération lymphoplasmocytaire. Autres tumeurs malignes d’origine mammaire Sarcome (angiosarcome, fibrosarcome, rhabdomyosarcome...), carcinome mucosécrétant, carcinome adénoïde kystique (Fig. 5,6).
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D’origine secondaire Lymphome (Fig. 7) Le lymphome mammaire primitif représente 0,1 à 0,5 % de toutes les tumeurs malignes du sein. Il s’agit le plus souvent de lymphome à cellules B. Au syndrome tumoral malin à l’examen clinique s’associe au bilan d’imagerie standard une masse sans caractère spécifique, non calcifiée. Le traitement associe radiothérapie et chimiothérapie. La chirurgie, comme pour les autres localisations, n’est pas indiquée.11 Métastases Les métastases mammaires représentent 0,5 à 2 % de toutes les tumeurs malignes du sein. Cliniquement, il n’y a pas de phénomène de rétraction cutanée associé. En mammographie, on retrouve une ou, plus souvent, plusieurs masses aux contours bien circonscrits (« lâcher de ballon ». Il peut rarement s’agir d’une masse unique. Elles peuvent également se manifester par un épaississement cutané focal ou diffus. À l’échographie, les masses sont contrastées, régulières, avec parfois un renforcement postérieur des échos, traduisant la forte cellularité.
Figure 6 Carcinome épidermoïde primitif. Mammographie. Tumeur très rare se présentant ici comme une masse arrondie dense à limites floues avec distorsion tissulaire de contiguïté.
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Figure 7 Lymphome mammaire. Masse ronde et dense en mammographie (A, B), hétérogène en échographie (C).
Les cancers primitifs le plus souvent responsables sont le mélanome, le lymphome non hodgkinien, les tumeurs gastro-intestinales, le cancer ovarien. Chez l’homme, le cancer de la prostate est la cause la plus fréquente des métastases mammaires.12–14
Principales affections rares du sein Maladies de système : • connectivites : lupus, sclérodermie ; • vascularites : Wegener, Behçet, mastopathie diabétique. Granulomatoses : tuberculose, sarcoïdose. Tumeurs bénignes : • tumeur phyllode ; • tumeur à cellules géantes ; • adénofibrolipome. Tumeurs malignes : • primitives : carcinome médullaire, sarcome, carcinosarcome ; • secondaires : métastases, lymphome.
Conclusion Les affections peu communes ou rares du sein doivent être bien connues du radiologue. Une interprétation avisée permet parfois de rattacher à une maladie générale certains aspects (maladie de système). En outre, la reconnaissance de ces pathologies permet une prise en charge spécifique plus rapide et peut éviter la réalisation d’examens complémentaires inutiles. 4.
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