Amélioration par pimecrolimus topique de l’érythrodermie du syndrome de Netherton chez deux sœurs adultes

Amélioration par pimecrolimus topique de l’érythrodermie du syndrome de Netherton chez deux sœurs adultes

Ann Dermatol Venereol 2006;133:68-72 Lettres à la rédaction Amélioration par pimecrolimus topique de l’érythrodermie du syndrome de Netherton chez d...

50KB Sizes 0 Downloads 106 Views

Ann Dermatol Venereol 2006;133:68-72

Lettres à la rédaction

Amélioration par pimecrolimus topique de l’érythrodermie du syndrome de Netherton chez deux sœurs adultes A. HENNO (2), A. CHOFFRAY (1), M. DE LA BRASSINNE (1)

L

e syndrome de Netherton est une maladie autosomique récessive très rare définie par une triade de symptômes : érythrodermie ichtyosiforme congénitale, trichorrhexis invaginata (cheveux de bambou) et atopie [1]. Une liaison génétique a été établie avec le gène SPINK5 (serine protease inhibitor Kazal-type 5) dont le locus se situe sur le chromosome 5q32 et qui code pour un inhibiteur de sérine protéase, LEKTI (lymphoepithelial Kazal-typerelated inhibitor) [2]. LEKTI est normalement exprimé dans les tissus lymphoïdes et épithéliaux et joue un rôle important dans la fonction immunitaire épidermique ainsi que dans celle de la barrière cutanée [1]. Les approches thérapeutiques du syndrome de Netherton varient en fonction de l’âge du malade. En période néonatale, il s’agit surtout de limiter les complications liées aux épisodes de déshydratation hypernatrémique, les infections et les intoxications systémiques. Durant l’enfance et l’âge adulte, on peut proposer aux malades émollients, kératolytiques et corticostéroïdes topiques, ces derniers n’ayant qu’une efficacité modérée sur les poussées et étant à risque d’effets secondaires du fait d’une absorption cutanée accrue. Les rétinoïdes systémiques peuvent déjà être introduits durant l’enfance afin d’améliorer l’hyperkératose, moyennant une surveillance de la tolérance osseuse et hépatique. Le problème de leur utilisation à long terme a été abordé précédemment [3]. Un suivi du développement psychomoteur durant l’enfance et une surveillance psychologique tout au long de la vie sont souvent nécessaires. Le pimecrolimus appartient, comme la ciclosporine et le tacrolimus, à la classe des inhibiteurs de la calcineurine. Il est indiqué en application locale dans le traitement de la dermatite atopique.

Observation Deux sœurs atteintes du syndrome de Netherton étaient respectivement âgées de 32 et 30 ans. Leurs parents n’étaient pas consanguins et elles avaient une sœur aînée de phénotype normal. Nées avec un aspect clinique de « bébé collodion », ces malades avaient eu, toutes deux, de multiples épisodes de déshydratation avec perturbations ioniques durant les premières semaines de vie. À l’érythrodermie

(1) Service de Dermatologie, Centre Hospitalier Universitaire de Liège, Belgique. (2) Fonds National de la Recherche Scientifique, Belgique. Tirés à part : A. HENNO, Service de Dermatologie, CHU B35, Domaine universitaire du Sart-Tilman, 4000 Liège, Belgique. E-mail : [email protected]

desquamative s’étaient progressivement ajoutés des anomalies capillaires comme le « trichorrhexis invaginata », un retard mental et staturo-pondéral ainsi qu’une frilosité, suggérant le diagnostic. Les biopsies cutanées montraient des signes histologiques d’ichtyose lamellaire. En 1984, à l’âge respectif de 11 et 9 ans, elles étaient traitées par des rétinoïdes per os (25 mg d’étrétinate par jour, remplacés par 25 mg d’acitrétine en 1991). Ce traitement permettait d’améliorer la desquamation cutanée mais pas la composante inflammatoire. Le problème de l’érythème était donc entier [3]. À l’âge de 32 ans, l’aînée avait toujours une érythrodermie avec une légère desquamation, une petite taille (148 cm) pouvant résulter du syndrome lui-même ou de la conjugaison de celui-ci et du traitement par rétinoïdes per os ainsi qu’un retard mental. L’évolution de sa jeune sœur était comparable. Un traitement par pimecrolimus topique 1 p. 100 appliqué deux fois par jour sur le visage, les bras et les mains, en complément des rétinoïdes oraux étaient alors débuté. Après quinze jours, on notait une diminution de l’érythrodermie qui devenait plus apparente après quatre semaines. Il semblait y avoir une diminution de la composante inflammatoire que le traitement par rétinoïdes per os n’avait pu atteindre.

Discussion L’activité accrue des sérines protéases dans le syndrome de Netherton pourrait être impliquée dans une augmentation du relargage d’interleukine 1 à partir de sa forme inactive par la couche cornée, conduisant à l’inflammation marquée qui caractérise cette maladie. L’interruption de cette séquence inflammatoire pourrait expliquer les effets bénéfiques des traitements anti-inflammatoires topiques [4]. Une amélioration de l’érythème et de la desquamation cutanée du syndrome de Netherton a déjà été rapportée après application topique de tacrolimus [4, 5]. En plus des complications néonatales sévères, l’amincissement de la couche cornée et la perméabilité accrue de la barrière épidermique entraînent une absorption accrue des traitements topiques appliqués dans cette pathologie. Une étude réalisée chez des enfants atteints a révélé qu’ils avaient un risque élevé d’absorption percutanée du tacrolimus topique à 0,1 p. 100. Les auteurs de cette étude recommandent en conséquence une surveillance des taux sanguins de tacrolimus dans cette indication [4]. Les taux sanguins de pimecrolimus n’ont pu être déterminés chez nos malades car aucun test n’existe à ce jour dans notre institution. Cette molécule aurait cependant, in vitro et 71

Lettres à la rédaction

chez les malades atopiques, un potentiel de résorption systémique inférieur aux dermocorticoïdes et au tacrolimus topique [6]. Une amélioration des manifestations du syndrome de Netherton après traitement par pimecrolimus topique n’a, à notre connaissance, jamais encore été rapportée chez des adultes. Dans les cas présentés, ce traitement a permis d’agir sur la composante inflammatoire et érythrodermique du syndrome, ce qui n’avait pu être réalisé par les rétinoïdes.

Références 1. Mégarbané H, Tomb R, Klein-Tomb L, Mégarbané A. Erythrodermie congénitale desquamative. Ann Dermatol Venereol 2004;131:211-2.

72

Ann Dermatol Venereol 2006;133:68-72

2. Chavanas S, Bodemer C, Rochat A, Hamel-Teillac D, Ali M, Irvine A, et al. Mutations in SPINK 5, encoding a serine protease inhibitor, cause Netherton syndrome. Nat Genet 2000;25:141-2. 3. Groves S, Dezfoulian B, Bonardeaux C, de la Brassinne M. Netherton’s syndrome in two sisters. A ten years experience of therapy with retinoids. J Eur Acad Dermatol Venereol 1995;5:173-6. 4. Allen A, Siegfried E, Silverman R, Williams ML, Elias PM, Szabo SK, et al. Significant absorption of topical tacrolimus in 3 patients with Netherton syndrome. Arch Dermatol 2001;137:747-50. 5. Bens G, Boralevi F, Buzenet C, Taïeb A. Topical treatment of Netherton’s syndrome with tacrolimus ointment without significant systemic absorption. Br J Dermatol 2003;149:224-6. 6. Grassberger M, Steinhoff M, Schneider D, Luger TA. Pimecrolimus – an anti-inflammatory drug targeting the skin. Exp Dermatol 2004;13: 721-30.