195 Le praticien en anesthésie réanimation © 2007. Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés
rubrique pratique
Analgésie rachidienne et péridurale combinée ou péridurale seule : quelle technique utiliser pour l’analgésie au cours du travail obstétrical ? Peter H. Pan
Correspondance : Peter H. Pan, Department of Anesthesiology, Wake Forest University, School of Medicine, Winston — Salem, North Carolina, 27157 — 1009 USA.
[email protected]
L’
analgésie péridurale est considérée depuis de nombreuses années comme une technique efficace permettant d’obtenir une bonne analgésie au cours du travail obstétrical. Cependant, certains soulignent ses inconvénients, tels que son délai d’action, le bloc moteur excessif, la distribution inadéquate ou asymétrique de l’analgésie et le risque d’hypotension lié au bloc sympathique. L’analgésie rachidienne et péridurale combinée est devenue aux États-Unis, une technique assez utilisée pour l’analgésie obstétricale au cours des 5-10 dernières années. Les partisans de l’analgésie rachidienne et péridurale combinée avancent que cette technique peut pallier les inconvénients de l’analgésie péridurale classique. Au cours des toutes dernières années, les conditions d’utilisation de l’analgésie péridurale, comme de l’analgésie rachidienne et péridurale combinée, ont changé avec l’utilisation de plus faibles doses et de plus faibles concentrations d’anesthésiques locaux et l’adjonction de morphiniques ou d’autres adjuvants. La différence entre les deux techniques pourrait donc être moindre que ce qu’elle était initialement.
Analgésie rachidienne et péridurale combinée : matériel et solutions utilisés (tableau 1) La technique la plus utilisée pour pratiquer l’analgésie rachidienne et péridurale combinée consiste à insérer une aiguille de rachi-
anesthésie de 25-27 gauge à pointe crayon dans une aiguille de péridurale de 17 ou 18 gauge, en prolongeant son trajet au-delà de 12 à 15 mm (technique dite « needle through needle »). Des aiguilles rachidiennes plus courtes ou plus longues peuvent être à l’origine d’échecs de la technique en l’absence de reflux de LCR. La plupart du temps, la rachianesthésie et le repérage de l’espace péridural, puis la mise en place du cathéter, sont effectués sur un sujet en position assise, de façon notamment à observer un reflux de LCR plus franc. D’autres sets d’anesthésie rachidienne et péridurale combinée sont disponibles mais ils sont moins utilisés et ne semblent pas offrir d’avantages particuliers par rapport à ceux de la technique classique. Avec certains sets, on peut insérer l’aiguille rachidienne au travers : – d’une aiguille péridurale percée d’un orifice additionnel à son extrémité ; – d’une aiguille péridurale munie de deux canaux (l’un pour l’aiguille rachidienne, l’autre pour le cathéter péridural) ;
Tableau 1 Agents et doses utilisés pour l’analgésie rachidienne et péridurale combinée. Agent
A
Fentanyl
B
Fentanyl Bupivacaïne
C
Sufentanil
D
Sufentanil Bupivacaïne
E
Dose (moyenne) 15-25 μg
Durée Effets secondaires moyenne (autres que le prurit) (min) 60-90
15-25 μg 1,25-2,5 mg
100-120
3-5 μg
105
3-5 μg 1,25-2,5 mg
150
Sufentanil + Bupivacaïne Adrénaline
+ 200 μg + adrénaline
188
Bloc moteur
F
Sufentanil + Bupivacaïne Clonidine
+ 25-50 μg + Clonidine
205
Sédation, hypotension
G
Sufentanil + Bupivacaïne + Clonidine + Néostigmine
+ 10 μg Néostigmine
205
Sédation, nausées, hypotension
196 Analgésie rachidienne et péridurale combinée ou péridurale seule
– la ponction à deux niveaux séparés de l’espace péridural et de la rachianesthésie. Les principales causes d’échec de la ponction de la dure-mère sont : l’utilisation d’une aiguille rachidienne trop courte, un refoulement sans perforation de la dure-mère par l’extrémité de l’aiguille pointe-crayon, alors que l’orifice de l’aiguille est latéral, la mise en place de l’aiguille péridurale trop latéralement, ce qui conduit à insérer l’aiguille rachidienne latéralement ou tangentiellement dans la dure-mère ou une traversée de la dure-mère deux fois de part en part, la pointe de l’aiguille passant alors à l’extérieur de l’espace intrathécal.
Objectifs des techniques d’analgésie au cours du travail obstétrical Peu de temps après que James Young Simpson ait administré une anesthésie à l’éther à la reine Victoria pour un de ses accouchements en 1847, il écrivait : « il sera nécessaire de préciser les effets de l’anesthésie sur l’utérus et les muscles abdominaux ; son influence, si elle existe, sur l’enfant et si elle favorise la survenue d’hémorragie ou d’autres complications ». Il résumait ainsi la plupart des problèmes qui préoccupaient les obstétriciens, les anesthésistes et les parturientes et formatait pour les nombreuses années à venir le développement de l’analgésie et de l’anesthésie obstétricale. Les techniques d’analgésie obstétricale peuvent être comparées en fonction de trois objectifs qui seront abordés dans cet article : – l’efficacité ; – les effets sur la progression du travail et sur l’expulsion ; – la sécurité et les complications.
Efficacité Collis R. (1) a effectué une étude prospective randomisée sur 197 parturientes pour comparer la technique combinée et l’analgésie péridurale. Dans le groupe analgésie péridurale et rachidienne combinée, les parturientes recevaient 2,5 mg de bupivacaïne par voie intrathécale avec 25 μg de fentanyl, puis l’analgésie était ajustée par voie péridurale avec des bolus de 15 ml de bupivacaïne à 0,1 % et 2 μg de fentanyl par ml. Dans le groupe analgésie péridurale, un premier bolus de 10 ml de bupivacaïne à 0,25 % était administré et les bolus additionnels étaient de 6 à 10 ml de bupivacaïne à 0,25 %. Cette étude a montré que la technique d’analgésie péridurale et rachidienne combinée avait un délai d’action plus court, avec une analgésie complète obtenue en moins de 5 minutes, contre 15-20 minutes dans le groupe péridural. Le degré de satisfaction des parturientes après 20 minutes et le degré global de
satisfaction, étaient plus élevés dans le groupe technique combinée qui donnait lieu à moins de bolus supplémentaires. Le meilleur niveau de satisfaction de ce groupe pouvait s’expliquer en partie par le degré moindre du bloc moteur. Au cours de la deuxième phase du travail, aucune différence entre les groupes n’était notée en ce qui concerne l’intensité de la douleur (mesurée par EVA) et la pression rectale. ■ La péri-rachi combinée raccourcit
le délai d’obtention d’analgésie obstétricale ■ Price et coll. (2) n’ont retrouvé aucune différence entre les deux techniques en ce qui concerne le délai d’action, le degré de satisfaction des parturientes et le score EVA. Cependant, dans cette étude, la première mesure de l’intensité de la douleur n’était pas effectuée avant la 30e minute. De plus, le groupe péridural recevait des concentrations d’anesthésique local inférieures (bupivacaïne à 0,1 %) et de plus fortes doses de fentanyl (75 μg) par rapport à l’étude précédente. De ce fait, la différence entre les deux groupes pouvait s’en trouver réduite. La plupart de études qui ont comparé l’anesthésie rachidienne et péridurale combinée avec la péridurale seule (1, 3-5) ont montré que la technique combinée avait un délai d’action plus court, procurait un degré de satisfaction soit similaire soit meilleur, un bloc moteur comparable ou moins marqué et utilisait moins d’anesthésique local et de bolus additionnels. Une des questions qui vient à l’esprit est de savoir si le gain obtenu sur le délai d’action est réellement une valeur ajoutée du point de vue de la pratique clinique. La réponse semble venir du degré de satisfaction des parturientes. D’Angelo et coll. (6) ont calculé qu’un gain de 7 minutes d’analgésie par cas équivalait à 600 heures par an dans une maternité qui pratiquait 5 000 accouchements par an. Le gain pourrait être encore supérieur si le pourcentage d’échec de mise en place du cathéter péridural observé avec la technique combinée était inférieur, l’analgésie péridurale de meilleure qualité et le nombre de doses additionnelles encore inférieur.
Impact de l’analgésie péridurale sur la progression du travail et l’accouchement Le problème de l’impact de la technique d’analgésie sur la progression du travail et le taux de césarienne est particulièrement pertinent. Trois types d’études s’intéressent à ce sujet :
197 Peter H. Pan
– les études d’impact rapportent les effets des changements de pratique d’anesthésie ou d’analgésie sur le travail ; – les études rétrospectives recherchent une relation entre les interventions anesthésiques et l’évolution du travail ou le mode d’accouchement, avec le risque d’introduire des biais du fait de l’absence de contrôle des paramètres étudiés ; – les essais prospectifs, contrôlés et randomisés effectués en double aveugle, permettent de contrôler les variables confondantes entre les groupes. L’objectif est d’établir une relation de cause à effet entre deux variables d’intérêt. Halpern et coll. (7) ont regroupé 10 essais contrôlés et randomisés (soit 2 369 cas dont 1 183 péridurales et 1 186 analgésies par voie IV ou IM) dans une méta-analyse. Aucune différence n’a été mise en évidence entre les deux groupes en ce qui concerne le taux de césarienne (8,2 % dans le groupe péridural, 5,5 % dans le groupe IV/IM). La durée de la première et de la deuxième phase du travail était augmentée et le taux d’utilisation de forceps était plus élevé dans le groupe péridural, notamment avec de fortes concentrations de l’anesthésique local. Ultérieurement, Leighton et Halpern (8) ont abouti aux mêmes conclusions après une métaanalyse de 14 essais cliniques (incluant ceux de la méta-analyse d’Halpern), regroupant 4 300 patientes qui recevaient une analgésie péridurale ou une analgésie systémique.
Impact de la technique combinée sur la progression du travail et le mode d’accouchement Tsen et coll. (9) ont comparé l’analgésie péridurale et rachidienne combinée (avec en intrathécal 10 μg de sufentanil associé à 2,5 mg de bupivacaïne) et l’analgésie péridurale seule (12 ml de bupivacaïne à 0,25 %), dans une étude prospective et randomisée comprenant deux bras de 50 primipares. La dilatation cervicale était plus rapide dans le groupe technique combinée (2,3 contre 1,3 cm/heure). Dans notre expérience, rapportée au congrès nord-américain d’anesthésie obstétricale (SOAP) en 1996 et 97, la technique combinée (avec du fentanyl en rachianalgésie) raccourcissait la première période du travail et diminuait le nombre d’accouchements au forceps par rapport à l’analgésie péridurale. Plus récemment, Wong et coll. ont effectué une étude prospective randomisée (10) pour comparer le fentanyl en intrathécal suivi d’une analgésie péridurale, avec une analgésie systémique à base d’hydromorphone suivie d’une analgésie péridurale, chez 750 parturientes en travail ou ayant rompu la poche des eaux. La durée du travail n’était pas l’objectif principal de cette étude, mais il est intéressant de noter que le temps écoulé entre le début de l’analgésie et la dilatation complète était significativement moindre dans le groupe qui recevait le fentanyl intrathécal et la péridurale,
par rapport au groupe qui bénéficiait d’une analgésie systémique suivie d’une analgésie péridurale (295 contre 385 minutes). De même, le temps écoulé entre le début de l’analgésie et l’accouchement était inférieur dans le premier groupe. Il n’y avait en revanche pas de différence entre les deux groupes pour le taux de césarienne, qui était l’objectif principal de l’étude (17,8 % vs. 20,7 %). Nageotte et coll. (11), ont comparé péridurale seule et combinée à une rachianalgésie, avec ou sans déambulation, dans une étude randomisée. Le taux d’accouchement par voie basse sans aide instrumentale était plus élevé dans les deux groupes péridural et analgésie rachidienne combinée (avec et sans ambulation) ; aucun des autres paramètres n’était différent entre les trois groupes. La durée du travail n’était pas rapportée dans cette étude. Norris et coll. (12) n’ont retrouvé aucune différence en ce qui concerne les caractéristiques du travail et de l’accouchement entre les parturientes qui recevaient une péridurale seule (n = 1 157) et celles qui avaient une rachianalgésie associée (n = 1 021) quelle que soit la dose utilisée en fonction de la phase du travail.
Comparaison des complications de l’analgésie péridurale et de l’analgésie rachidienne et péridurale combinée — Expérience du Forsyth Medical Center (13) Au Forsyth Medical Center, nous avons effectué une analyse rétrospective des 19 259 accouchements survenus entre 2000 et 2002. Le taux d’analgésie par bloc central était de 75 % (entre 69 et 83 %), réparti en 47 % d’analgésie péridurale et 28 % d’analgésie combinée (sur l’ensemble des accouchements). La dose habituellement administrée par voie intrathécale associait 0,5-1 ml de bupivacaïne à 0,25 % avec 15-20 μg de fentanyl. En péridural, on utilisait le plus fréquemment de la bupivacaïne à 0,11 % avec 2 μg de fentanyl par ml ; 98,8 % des femmes se sont dites satisfaites de l’analgésie mais dans certains cas le cathéter péridural avait dû être remplacé et l’analgésie était inadéquate. Les complications étudiées dans cette étude étaient : l’erreur de mise en place du cathéter soit intraveineux ou intrathécal, la survenue de céphalées post-ponction de la dure-mère, l’analgésie inadéquate, l’échec de l’analgésie lié à un cathéter inopérant malgré un positionnement correct dans l’espace péridural et le taux global d’échec de l’analgésie péridurale (incluant l’impossibilité de mettre en place le cathéter dans l’espace péridural, une analgésie inadéquate, un cathéter intraveineux ou intrathécal). Le tableau 2 permet de comparer les taux de complications entre les deux techniques. Des différences significatives apparaissent entre les deux techniques, avec un taux global d’échec inférieur dans le groupe « péri-rachi » combinée, un moindre taux de cathéter en position intraveineuse,
198 Analgésie rachidienne et péridurale combinée ou péridurale seule
Tableau 2 Complications comparées de l’analgésie péridurale seule et de l’analgésie rachidienne et péridurale combinée — Expérience du Forsyth Medical Center. Analgésie au cours du travail Taux global d’échec % Cathéter IV d’emblée %
Péridurale Rachi-péri Total P (n = 7849) analgésie (n = 12 590) (n = 4 741) 14 10 12 < 0,000001 7
5
6
< 0,0003
Migration IV du cathéter %
0,24
0,25
0,25
NS
Analgésie péridurale inadéquate %
8,4
4,2
6,8
< 0,000001
Remise en place du cathéter péridural %
7,1
3,2
5,6
< 0,000001
Mises en place multiples % Brèche durale/Patch péridural %
1,9
0,65
1,5
< 0,000001
1,4/31
0,8/28
1,2/30
< 0,002
d’analgésie inadéquate liée au cathéter péridural et de remise en place du cathéter péridural (tableau 3). La « péri-rachi » combinée semble donc avoir quelques avantages sur l’analgésie péridurale. Cependant, ces résultats doivent être confirmés prospectivement. Nos résultats sont concordants avec d’autres précédemment publiés (issus d’études rétrospectives la plupart du temps) (12, 14-20).
Tableau 3 Complications comparées — Forsyth Medical Center & autres séries. Taux global d’échec : (10 % péri-rachi, 14 % péridurale) • Eappen et coll. 13 % + 8 % cathéters intravasculaires Cathéters intravasculaires : (5 % péri-rachi, 7 % péridurale) — la moitié simplement retirée de quelques cm • Eappen et coll. 8 % ; • Norris et coll. 6,4 % péri-rachi, 4,4 % péridurale ; • Paech et coll. péridurale 3 % ; • Velde et coll. 3,4 % péri-rachi, 3 % péridurale Brèche durale : (8 % péri-rachi, 1,4 % péridurale) • Eappen et coll. 1 % ; • Paech et coll. péridurale — 6 % ; • van de Velde et coll. 0,62 % péri-rachi, 0,75 % péridurale ; • Norris et coll. 1,7 % péri-rachi, 4,2 % péridurale ; • Norris et coll. 1,3 % péri-rachi, 1,2 % péridurale Replacement du cathéter péridural : (3 % péri-rachi, 7 % péridurale) • Eappen et coll. 8 % péri-rachi, 14 % péridurale • Norris et coll. pas de bloc initialement — 0,2 % péri-rachi, 1,3 % péridurale Césarienne : échec du cathéter péridural in situ : péri-rachi 4 %, péridurale 6 % • Paech et coll. péridurale — 5 % réinsertion du cathéter péridural
Le cathéter péridural mis en place et utilisé initialement pour l’analgésie au cours du travail (cathéter péridural in situ) peut ensuite servir à effectuer l’anesthésie pour césarienne si elle devient nécessaire en cours de travail. Les tableaux 4 et 5 montrent l’incidence des échecs d’utilisation du cathéter péridural dans cette indication et la solution anesthésique employée dans ce cas.
Complications graves Les complications graves sont heureusement rares. Dans notre étude rétrospective, sur une période de 3 ans, nous avons observé 3 cas de blocs anormalement hauts ou d’anesthésie spinale totale nécessitant une intubation de la patiente. Ces accidents n’ont donné lieu à aucune séquelle. – deux rachianesthésies totales sont survenues parmi les 29 cas où la rachianesthésie avait été répétée après qu’une première injection ait échoué ou ait été inefficace, ce qui donne un risque de 7 % de rachianesthésie totale dans ces circonstances ; – une rachianesthésie totale est survenue après une série de 25 rachianesthésies effectuées après un échec de péridurale, ce qui donne un risque de 4 % dans ces circonstances ; – deux rachianesthésies excessivement étendues ou totales ont été observées après qu’une première dose ait été administrée par
Tableau 4 Utilisation des cathéters périduraux pour césarienne. Étude
Pan et coll. (13)
KT péridural in situ utilisé pour césarienne 7,1 %
Eappen et coll. (14)
18 %
Norris et coll. (12)
6 %
Garry et Davies (16)
10,5 %
KT péridural après péri-rachi, utilisé pour césarienne
4 %
Tableau 5 Que se passe-t-il quand un cathéter péridural in situ n’est pas opérationnel pour la césarienne ? Anesthésie pour césarienne Échec du KT péridural pour la césarienne
KT péridural in situ Rachianesthésie pour césarienne élective pour césarienne (n = 1 708) (n = 2 134) 7,1 % 2,7 %
Nouvelle péridurale
1,3 %
0,2 %
Convertir ou transformer en rachianesthésie sélective
1,5 %
1,3 %
Conversion en AG
4,3 %
1,2 %
199 Peter H. Pan
un cathéter péridural qui semblait en place et efficace, dans un des deux cas, il s’agissait d’une utilisation du cathéter pour césarienne après qu’il eut été retiré d’1 cm ; – enfin, on a observé un positionnement sous-arachnoïdien de l’extrémité du cathéter. Ceci souligne l’importance de la titration et de la surveillance vigilante des patientes à chaque nouvelle dose péridurale.
Rôle du cathéter péridural au cours de l’analgésie péri-rachidienne combinée (21) Certaines données suggèrent que le cathéter péridural est plus efficace au cours de la technique de péri-rachi combinée, ce que l’on pourrait en partie expliquer par l’injection intrathécale initiale. Pour certains, la ponction de la dure-mère pourrait augmenter le passage intrathécal des agents injectés par voie péridurale, notamment si l’aiguille de rachianesthésie est de gros calibre ou si de multiples trous ont été effectués dans la dure-mère à l’occasion de plusieurs tentatives de ponction. Cependant, une seule ponction effectuée avec une aiguille de 27 gauge sans injection d’agent analgésique, n’influence en aucune manière les caractéristiques de l’analgésie péridurale.
Anesthésie rachidienne et péridurale combinée avec utilisation d’opiacés en intrathécal et risque de bradycardie fœtale Cohen (22) a rapporté initialement une incidence de 15 % de bradycardies fœtales avec l’injection de 10 μg de sufentanil. Clark (23) a également rapporté une série de bradycardie fœtale en rapport avec une contraction tétanique de l’utérus après injection de fentanyl intrathécal. Il persiste cependant une controverse dans la littérature pour savoir si la rachi-péri combinée majore le risque de bradycardie fœtale, par rapport à la technique traditionnelle de péridurale. Van de Velde (24) a retrouvé 24 % de bradycardies fœtales avec la technique combinée incluant l’administration intrathécale de 7,5 μg de sufentanil, contre 12 % avec la péridurale traditionnelle incluant l’administration de 1,5 μg de sufentanil avec de la bupivacaïne et de l’adrénaline. Nielsen et coll. (25) n’ont pas trouvé de différence dans l’incidence de la bradycardie fœtale entre l’injection intrathécale d’opiacés et l’analgésie péridurale. Mardirosoff et coll. (26) ont repris 24 études incluant 2 020 injections intrathécales d’opiacés et 1 493 péridurales : ils ont calculé un Odds Ratio à 1,8 (IC 95 %, 1,04-3,1) pour l’administration intrathécale d’opiacés vis-à-vis du risque de bradycardie fœtale et aucune augmentation du risque de
césarienne. Wong et coll., dans deux études séparées (27, 28), n’ont pas mis en évidence de différence quant à la survenue de bradycardie fœtale en comparant l’administration intrathécale de différentes doses de sufentanil et de fentanyl. À côté de ces résultats contradictoires, Gaiser et coll. (29) ont étudié les facteurs de risque de bradycardie fœtale après administration intrathécale de fentanyl et de bupivacaïne. Les facteurs identifiés étaient l’absence d’engagement du fœtus et la présence d’un rythme cardiaque fœtal variable, avec des épisodes de décélération avant l’injection intrathécale. Ces résultats restent à confirmer. Heureusement, la bradycardie fœtale, lorsqu’elle survient, est habituellement transitoire et répond bien à l’arrêt de l’ocytocine ou à l’administration de trinitrine ou de terbutaline. Gambling et coll. n’ont retrouvé aucune différence dans le taux de césarienne selon que les parturientes avaient reçu une analgésie péridurale, de la péthidine par voie intraveineuse ou une péri-rachi combinée (30, 31).
Complications infectieuses au cours de la péri-rachi combinée Ce problème reste objet de débat et de controverse et souligne l’importance du monitorage, de l’éducation des patients et du suivi de ces patients. Il existe au moins 9 cas rapportés de méningite bactérienne après péri-rachi continue. Ceci peut être dû soit à une augmentation effective du risque, soit à une augmentation de la vigilance sur ce sujet et donc du nombre de cas publiés. Cette complication reste cependant exceptionnelle. Le tableau 6 donne
Tableau 6 Méningites et abcès périduraux après bloc neuroaxial. • Loo CC, Dahlgren G, Irestedt L. Neurological complications in obstetric regional anaesthesia. IJOA 2000;9:99-124. • Moen V, Dahlgren N, Irestedt L. Severe neurological complications after central neuraxial blockades in Sweden 1990-1999. Anesthesiology 2004;101:950-9. • Auroy Y, Benhamou D, Bargues L, et al. Major complications of regional anesthesia in France: The SOS regional anesthesia hotline service. Anesthesiology 2002;97:1274-80. • Wang LP, Hauerberg J, Schmidt JF. Incidence of spinal epidural abscess after epidural analgesia. Anesthesiology 1999;91:1928-36. • Tommaso OD, Caporuscio A, Tagariello V. Neurological complications following central neuraxial blocks: are there predictive factors? European J of Anaesthesiology 2002;19:705-16. • Lee LA, Posner KL, Domino KB, Caplan RA, Cheney FW. Injuries associated with regional anesthesia in the 1980s and 1990s. Anesthesiology 2004;101:143-52. • Chadwick HS. An analysis of obstetric anesthesia cases from the American Society of Anesthesiologists closed claims project database. IJOA 1996;5:258-63.
200 Analgésie rachidienne et péridurale combinée ou péridurale seule
la liste des études qui ont évalué l’incidence des complications septiques graves après bloc neuroaxial. Une analyse des études ci-dessus laisse penser que le risque de complications septiques après bloc neuroaxial est moindre en obstétrique qu’il ne l’est en pathologie non obstétricale. Le risque est estimé entre 1/50 000 pour la rachianesthésie et 1/100 000 pour la péridurale. Cependant, il faut garder ce risque à l’esprit et prendre des mesures d’asepsie stricte lors de la réalisation du bloc.
Conclusion L’analgésie rachidienne et péridurale combinée est d’installation plus rapide et procure probablement une plus grande satis-
Références 1. 2.
3.
4.
5.
6.
7.
8.
Collis R. Advances in epidural analgesia in labor. Lancet 1995;345:1413-6. Price C, Lafreniere L, Brosnan C, Findley I. Regional analgesia in early active labour: combined spinal epidural vs. epidural. Anaesthesia 1998;53:951-5. Hepner DL, Gaiser RR, Cheek TG, Gutsche BB. Comparison of combined spinal-epidural and low dose epidural for labour analgesia. Can J Anaesth 2000;47:232-6. Dresner M, Bamber J, Calow C, Freeman J, Charlton P. Comparison of low-dose epidural with combined spinal-epidural analgesia for labour. Br J Anaesth 1999;83:756-60. Vernis L, Duale C, Storme B, Mission JP, Rol B, Schoeffler P. Perispinal analgesia for labour followed by patient-controlled infusion with bupivacaine and sufentanil: combined spinalepidural vs. epidural analgesia alone. Eur J Anesth 2004;21:186-92. D’Angelo R, Anderson MT, Philip J, Eisenach JC. Intrathecal sufentanil compared to epidural bupivacaine for labor analgesia. Anesthesiology 1994;80:1209-15. Halpern SH, Leighton BL, Ohlsson A, Barrett JF, Rice A. Effect of epidural vs parenteral opioid analgesia on the progress of labor: a meta-analysis. JAMA 1998;280:2105-10. Leighton BL, Halpern SH The effects of epidural analgesia on labor, maternal, and neonatal
9.
10.
11.
12.
13.
14.
15.
faction aux parturientes par rapport à l’analgésie péridurale classique. La technique combinée provoque moins de bloc moteur que la péridurale mais ceci tient surtout à la dose et à la concentration des anesthésiques locaux et des opiacés administrés. Il n’y a pas de différence dans le taux de césarienne entre la péridurale et la péri-rachi combinée mais, avec cette dernière technique, la dilatation cervicale est plus rapide et il y aurait peut-être une baisse de la durée du travail et du taux de délivrance instrumentale. La réduction des concentrations et des doses lors de l’analgésie péridurale classique pourrait rendre insignifiante cette différence. Selon des études rétrospectives, le taux d’échec de placement du cathéter péridural et les échecs de l’analgésie seraient moindres avec la technique de péri-rachi combinée. Ces résultats méritent d’être validés par des études prospectives.
outcomes: a systematic review. Am J Obstet Gynecol 2002;186:S69-77. Tsen LC, Thue B, Datta S, Segal S. Is combined spinal-epidural analgesia associated with more rapid cervical dilation in nulliparous patients when compared with conventional epidural analgesia? Anesthesiology 1999;91:920-5. Wong CA, Scavone BM, Peaceman AM, et al. The risk of cesarean delivery with neuraxial analgesia given early versus late in labor. New Engl J Med 2005;352:655-65. Nageotte MP, Larson D, Rumney PJ, Sidhu M, Hollenbach K. Epidural analgesia compared with combined spinal-epidural analgesia during labor in nulliparous women. New Engl J Med 1997;337:1715-9. Norris MC, Fogel ST, Conway-Long C. Combined Spinal-Epidural versus Epidural Labor Analgesia. Anesthesiology 2001;95:913-20. Pan PH, Bogard TD, Owen MD. Incidence and characteristics of failures in obstetric neuraxial analgesia and anesthesia: a retrospective analysis of 19,259 deliveries. Int J Obstet Anesth 2004;13:227-33. Eappen S, Blinn A, Segal S. Incidence of epidural catheter replacement in parturients: a retrospective chart review. Int J Obstet Anesth 1998;7:220-5. Paech M. New epidural techniques for labour analgesia: patient-controlled epidural analgesia and combined spinal-epidural analgesia. Baillieres Clin Obstet Gynaecol 1998;12: 377-95.
16. Garrry M, Davies S. Failure of regional blockade for caesarean section. Int J Obstet Anesth 2002;11:9-12. 17. Albright GA, Forster RM. The safety and efficacy of combined spinal and epidural analgesia/ anesthesia (6,002 blocks) in a community hospital. Reg Anesth Pain Med 1999;24:117-25. 18. Norris MC. Are combined spinal-epidural catheters reliable? Int J Obstet Anesth 2000;9:3-6. 19. Norris MC, Grieco WM, Borkowski M, et al. Complications of labor analgesia: epidural versus combined spinal epidural techniques. Anesth Analg 1994;79:529-37. 20. Van de Velde M, Teukens A, Hanssens M, van Assche FA, Vandermeersche E. Post dural puncture headache following combined spinal epidural or epidural anaesthesia in obstetric patients. Anaesth Intens Care 2001;29:595-99. 21. Thomas JA, Pan PH, Harris LC, Owen MD, D’Angelo R. Dural puncture with a 27-gauge Whitacre needle as part of a combined spinalepidural technique does not improve labor epidural catheter function. Anesthesiology 2005;103:1046-51. 22. Cohen SE, Cherry CM, Holbrook RH Jr, elSayed YY, Gibson RN, Jaffe RA. Intrathecal sufentanil for labor analgesia-sensory changes, side effects, and fetal heart rate changes. Anesth Analg 1993;77:1155-60. 23. Clark VT, Smiley RM, Finster M. Uterine hyperactivity after intrathecal injection of fentanyl for analgesia during labor: a cause of fetal bradycardia? Anesthesiology 1994;81:1083.
201 Peter H. Pan
24. Van de Velde M, Teukens A, Hanssens M, Vandermeersch E, Verhaeghe E. Intrathecal sufentanil and fetal heart rate abnormalities: a double-blind, double placebo-controlled trial comparing two forms of combined spinal epidural analgesia with epidural analgesia in labor. Anesth Analg 2004;98: 1153-9. 25. Nielsen PE, Erickson JR, Abouleish EI, Perriatt S, Sheppard C. Fetal heart rate changes after intrathecal sufentanil or epidural bupivacaine for labor analgesia: incidence and clinical significance. Anesth Analg 1996;83:742-6.
26. Mardirosoff C, Dumont L, Boulvain M, Tramer MR. Fetal bradycardia due to intrathecal opioids for labour analgesia: a systematic review. Br J Obstet Gynaecol 2002;109:274-81. 27. Wong CA, Scavone BM, Loffredi M, Wang WY, Peaceman AM, Ganchiff JN. The dose-response of intrathecal sufentanil added to bupivacaine for labor analgesia. Anesthesiology 2000;92:1553-8. 28. Wong CA, Scavone BM, Slavenas JP, et al. Efficacy and side effect profile of varying doses of intrathecal fentanyl added to bupivacaine for labor analgesia. Int J Obstet Anesth 2004;13:19-24.
29. Gaiser RR, McHugh M, Cheek TG, Gutsche BB. Predicting prolonged fetal heart rate deceleration following intrathecal fentanyl/bupivacaine. Int J Obstet Anesth 2005;14:108-11. 30. Gambling DR, Sharma SK, Ramin SM, et al. A randomized study of combined spinal-epidural analgesia versus intravenous meperidine during labor: impact on cesarean delivery rate. Anesthesiology 1998;89:1336-44. 31. Albright GA, Forster RM. Does combined spinal-epidural analgesia with subarachnoid sufentanil increase the incidence of emergency cesarean delivery? Reg Anesth 1997;5: 400-5.